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  • [INTERVIEW] Faire de la mission de l'entreprise sa préoccupation #1 : le témoignage de Maif Vie

    Hélène N'Diaye, Directrice Générale Adjointe du Groupe MAIF et Directrice Générale de MAIF VIE, répond aux questions de Claire de Colombel, Directeur, et Yves Pizay, Partner. Q#1 : Vous êtes reconnue comme une dirigeante et une femme engagée. Qu'est-ce qui a provoqué pour vous le "déclic responsable" ? J’ai toujours eu des convictions personnelles en matière d’inclusion et de cohésion sociale. Ma sensibilité écologique est venue un peu plus tard, même si mon grand-père était agriculteur. En revanche, ces convictions se sont invitées plus tard dans le champ professionnel. Tant que j’étais collaboratrice et non dirigeante, je ne me sentais pas vraiment responsable des décisions prises et je n’avais pas connaissance des paradoxes et externalités liés à certaines décisions. Je sentais un équilibre relatif entre les différentes parties prenantes, cela me convenait. Tout a changé il y a quelques années, quand on m’a confié davantage de responsabilités : j’ai eu une meilleure connaissance de l’équation globale, j’ai vu que les intérêts respectifs de l’actionnariat, des clients et des salariés n’étaient pas équilibrés. Je me suis retrouvée en conflit de loyauté par rapport à certaines décisions. J’avais la conviction qu’il fallait changer l’ordre des facteurs : considérer comme seule priorité le critère financier n’était plus possible pour moi. Rejoindre la MAIF a été très naturel. La MAIF était déjà dans un cheminement d’engagements et l’équation se faisait entre dirigeants, salariés, sociétaires et administrateurs. Il y a toujours le critère financier dans l’équation, mais à sa juste place. Aussi, j’ai fait en 2018 le choix qui s’imposait. D’ailleurs, je dirais qu’être société à mission c’est exactement ça : faire prendre conscience des conflits de loyauté potentiels à tous les niveaux de l’entreprise pour que chacun, en conscience, puisse prendre les bonnes décisions sans remonter à l’échelon supérieur. Si ce souci de justesse n’est pas partagé, l’entreprise ne peut pas avoir l’impact espéré. Q#2 : Comment nourrissez-vous vos convictions en matière de responsabilité ? En tant que rédactrice en chef du journal l’Actuariel, je travaille avec des journalistes engagés comme moi. Je prends beaucoup de plaisir à effectuer des recherches approfondies avec eux, sur l’impact économique des transitions, par exemple, en interrogeant des sociologues. En plus de cette implication, je me nourris de ce que je lis et vois. « Il faut trouver l’équation qui nous permettrait d’être suffisamment radicaux pour réveiller les consciences (…) et suffisamment réfléchis (…) pour accompagner le mouvement. ». Q#3 : Comment cela se matérialise-t-il dans votre quotidien ? À titre personnel, je suis prête à faire des choix assez radicaux : je ne prends plus l’avion et je refuse d’acheter des marques dont on sait pertinemment qu’elles ne sont pas très respectables. En tant que dirigeante, je pense que le "best effort" n’est pas suffisant, pas assez volontariste et que l’urgence de la situation fait qu’on ne peut plus s’opposer à la radicalité. Pour autant, je ne suis pas pour la décroissance car, dans le modèle économique actuel, elle mènerait à un contexte social explosif. En fait, tout est question d’équilibres. Il faut trouver l’équation qui nous permettrait d’être suffisamment radicaux pour réveiller les consciences et être à la hauteur des défis, mais suffisamment réfléchis et pédagogiques pour accompagner le mouvement. « La situation fait qu'on ne peut plus s'opposer à la radicalité » Exemple typique : les investissements. On doit évidemment investir massivement dans la transition, mais on ne peut pas pour autant lâcher d’un seul coup tous nos actifs échoués, ceux dont on sait très bien qu’ils n’auront bientôt aucune valeur. Autrement, on provoquerait des faillites, et ça serait probablement pire. Cela dit, je pense que chercher les grands équilibres ne suffit pas non plus. À force de raisonner par dosage et prudence, on ne fait rien. Chacun attend que l’autre fasse le premier pas. Ma conviction, c’est que tant qu’il n’y aura pas un retrait massif des géants de l’économie d’hier, il n’y aura pas de transformation d’ampleur. Q#4 : Justement, vous avez engagé MAIF VIE dans un projet de transformation ambitieux. Pouvez-vous en rappeler les principaux axes ? Ils touchent à l’interne et à l’externe et sont liés aux grandes transitions écologiques et sociales. En interne, il y a tout un travail d’embarquement des équipes et de contribution à tous les échelons de l’entreprise. L’inflexion majeure, c’est de passer des grandes décisions unilatérales à la politique des petits pas collectifs. Cela nécessite de faire pivoter complètement nos modes de travail, la manière dont on conçoit notre métier au quotidien, l’ordre des facteurs qui nous paraît juste dans nos décisions. En matière d’offre d’épargne, nous voulons garantir des placements durables. Prime à la pérennité, à la sécurité dans le temps. Pour cela, côté investissements, nous portons une attention particulière aux actifs qui contribuent à la transition, en privilégiant bien sûr ceux qui servent une vraie stratégie climat. Nous avons une gamme de support d’unités de compte 100% labélisées (ISR, Greenfin, Relance et Finansol) sur nos contrats d’assurance vie. De plus, nos fonds euros sont soit 100% ISR soit dotés du label Finansol. Si vous épargnez à la MAIF, votre épargne sera forcément labélisée. Sur la prévoyance, nous travaillons autour de la sélection médicale, de l'accessibilité, de la mise à disposition de services. « En tant que dirigeant, il ne faut rien lâcher. Vous devez incarner cette mission, en faire une préoccupation quotidienne, prendre chaque jour des décisions stratégiques à l’aune du nouveau statut de votre entreprise. » Q#5 : Cette transformation a été rendue visible avec l'adoption du statut de société à mission. Quel effet cela a-t-il produit ? Je le vois surtout comme une impulsion. Cela a demandé bien sûr du travail en amont, mais le vrai combat se joue au quotidien, avec deux sujets clés : le rôle du dirigeant et la mobilisation du collectif. En tant que dirigeant, il ne faut rien lâcher. Vous devez incarner cette mission, en faire une préoccupation quotidienne, prendre chaque jour des décisions stratégiques à l’aune du nouveau statut de votre entreprise. Ce qui change réellement, ce ne sont pas tant les processus de décision que la pondération et la priorisation des facteurs pour les prendre : le financier n’est ni le seul ni le premier critère à prendre en compte. « L’autre grand défi, c’est d’embarquer le corps social, c’est-à-dire les collaborateurs de MAIF VIE au sens large. Il faut être très humble là-dessus. » L’autre grand défi, c’est d’embarquer le corps social, c’est-à-dire les collaborateurs de MAIF VIE au sens large. Il faut être très humble là-dessus. Autant, je pense qu’il y a une attente réelle de la part de la société en matière d’engagement des entreprises, autant il y a un chantier colossal du côté des collaborateurs. Historiquement, on les a peu habitués à prendre des initiatives et à aller au-delà de ce qu’attendait le patron. Récemment, nous avons proposé aux collaborateurs d’écrire ensemble les nouveaux accords d’organisation du temps de travail. Pour moi, c’est précisément à cela que sert le statut de société à mission : responsabiliser, créer la prise de conscience et d’initiatives à tous les niveaux. En interne, nous avons lancé une démarche "zéro papier inutile et Green IT" afin que 100% des collaborateurs soient touchés par ce changement de pratiques. Nous n’avons pas encore suffisamment déployé la formation sur les sujets de responsabilité, mais nous avons commencé à l’aborder dans des modules de sensibilisation sur le gaspillage. A côté de ces petits pas, le sujet est bien placé au niveau stratégique : le Comité de Direction consacre chaque mois 1h à 1h30 à notre mission. Nous nous appuyons aussi sur nos parties prenantes : communications sur nos nouveaux produits, plus axées sur l’impact que sur les avantages financiers, enquêtes sur les préoccupations du sociétariat qui nous permettent d’appuyer la mobilisation du réseau MAIF pour décliner et amplifier nos initiatives, etc. Je pense qu’on peut faire beaucoup plus, notamment en poussant la granularité pour que chaque équipe opérationnelle trouve des solutions à son niveau. Historiquement, notre sociétariat est nativement plutôt sensible à ces sujets, mais ce n’est pas forcément le cas de notre corps social. Cela soulève beaucoup de questions en matière de ressources humaines. Devons-nous investir davantage en amont dans la marque employeur pour attirer les profils déjà sensibilisés ? Nous avons essayé plusieurs scénarios. Je constate qu’à nouveau, c’est une question de juste équilibre à trouver, dans un contexte d’urgence à agir. D’un côté, on est soucieux d’incarner des principes d’inclusion sociale : tout le monde doit pouvoir travailler chez nous. De l’autre, on est obligé de s’assurer d’un certain alignement du corps social avec notre mission et nos valeurs. Q#6 : Comment se mesure l'engagement du corps social sur tous ces sujets ? J’en ai une perception à travers les enquêtes internes, la nature des sujets qui remontent, la manière dont les dossiers sont portés. Est-ce suffisant ? Sans doute pas. D’autant qu’il peut y avoir des biais cognitifs dans les enquêtes internes. Mais je me méfie beaucoup de l’automatisation de la mesure. Pour moi, il faut surtout veiller à ne pas perdre pied avec les équipes : ne pas se contenter des rencontres formelles avec les représentants, aller sur le terrain, discuter, comprendre leurs questions et leurs préoccupations, pourquoi pas leur offrir des espaces pour qu’ils puissent parler librement et donner leurs avis sur telle ou telle décision. J’estimerai notre transformation réussie le jour où nous aurons pris tous conscience que notre entreprise n’a pas la même place dans la société, que notre métier n’a pas le même rôle qu’auparavant dans la chaîne économique. Q#7 : Pour résumer, cette transformation est-elle comme les autres ? Non. Parce que c’est une transformation complexe dont personne ne connaît la cible a priori. Par exemple, j’ai été interpellée récemment par la question du télétravail. Je voyais à l’origine surtout les vertus au travail à distance : sur le plan écologique avec la réduction des transports, sur le plan social avec le fait de ritualiser des vrais temps en équipe, sûrement plus bénéfiques que les small talks de la machine à café, sur le plan du bien-être personnel aussi, avec la possibilité d’aménager son temps et son équilibre familial… Et puis, j’ai compris que c’était plus complexe que cela. Un sociologue belge nous a notamment alertés sur les risques d’isolement et de repli de la société, avec des gens qui se parlent moins, ont moins de relations entre eux. Dans cette perspective-là, le bureau pouvait être plus qu’un lieu de travail : un vecteur de socialisation. J’ai revu mon jugement : faire du bureau un vrai lieu d’interactions, quitte à supprimer les bureaux individuels, ne pas régir le télétravail par trop de coercitions… Avec le corps social, nous partageons la même ambition, les mêmes objectifs. Pour moi, une société à mission, ce n’est pas "Direction" contre "Salariés" : c’est tout le monde ensemble pour faire fonctionner l'entreprise et construire un modèle social souhaitable, dans lequel le lieu de travail est aussi un lieu de relations et de créativité. « On ne sait à quoi ressemblera le monde dans 10 ans (…). Les modèles de demain ne sont pas encore écrits… » Le télétravail, le dialogue social ne sont que des exemples. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on ne sait pas à quoi ressemblera le monde dans 10 ans, et que, par conséquent, on ne peut pas projeter la MAIF avec certitude. La mission aide certes à donner un cap dans les prises de décision. Mais elle ne dessine pas l’entreprise de demain… Bien sûr, il y a des changements de pratique dans nos métiers. Je constate par exemple qu’on renonce désormais assez facilement à des produits peu recommandables. Mais les modèles de demain ne sont pas encore écrits. Nous avons besoin de bons chercheurs pour cela, capables de mettre en cohérence l’économie avec les dimensions sociales, culturelles, environnementales… Q#8 : Vous êtes optimiste sur vos chances de réussite ? En interne, j’ai la conviction qu’avec le Comité de Direction nous prenons les bonnes orientations. Mais quand j’ouvre un œil sur l’extérieur, par exemple quand je lis les rapports du GIEC, cela me fait froid dans le dos… Dans quelques décennies, la MAIF sera toujours à Niort… mais ce sera un port ! Je pense que l’on n’est pas à l’abri d’un choc mondial, plus important encore que ceux connus récemment. Comme on ne sait pas d’où le coup va venir, il faut s’y préparer de manière holistique, se connecter à des tendances de fond : le réchauffement climatique et l’insuffisance des mesures gouvernementales, les inégalités de revenus devenues intenables… Le risque c’est que face à tous ces facteurs, on en vienne à opter pour le consensus, alors que c’est la pire des décisions ! Il faut au contraire faire des choix précis, ciblés, radicaux, tout en gardant une vision d’ensemble, en observant les tendances de fond, en écoutant les oppositions… Q#9 : Un dernier mot ? Un conseil pour la fin ? Les sujets de transformation responsable sont très inspirants et ils mobilisent beaucoup d’énergie. De mon point de vue, l’adoption du statut de société à mission permet de catalyser cette énergie, de lui donner du sens, de l’impact, de l’inscrire dans une vision plus large que l’entreprise. C’est beaucoup plus intéressant d’exercer son métier ainsi ! Hélène N’DYAYE Yves Pizay Partner Kea & Partners Email I Linkedin Claire de Colombel Directeur Kea & Partners Email I Linkedin

  • La filière beauté - cosmétiques en pleine transformation : Vers une réinvention des modèles ?

    Le secteur de la Beauté fait face à une période de fortes disruptions, dont l’ampleur et la vitesse ont été accentuées par la crise COVID. C’est d’ores et déjà l’occasion pour certains acteurs, qu’ils soient digital-natives ou impact-natives, de pénétrer le marché de façon accélérée. Le risque pour d’autres d’éroder fortement leurs parts de marché et la désirabilité de leur marque. Nous identifions six lignes de force qui seront, à nos yeux, les clés de réussite des deux à trois prochaines années et à impulser dès ce début d’année 2022 ! Pour chacune d’entre elles, nous avons interrogé un professionnel du secteur pour croiser nos regards sur les enjeux et les pistes de solutions. Au sommaire : #1 Innovation : à quand le beauty big bang ? Interview de Xavier Joseph, Global Vice President Marketing & Innovation, Beauty+Home, Aptar #2 S&OP : au-delà des moyennes Interview de Florent Lafond, CEO GEKA, Head Beauty Business Unit #3 Vers un secteur beauté-cosmétique « à impact positif » ? Interview de Sophie Mauras, Directrice Transformation & Data, Yves Rocher #4 Go-to-market : la théorie du Lego Interview de Theodora Vanhaecke, WW Sales - Store experience - POS Operations, Apple #5 M&A : ce qui ne tue pas nous rend plus fort ? Interview de Camille Kriebitzsch, Partner & Co-Founder, Eutopia #6 La terre est plate, qu’en est-il des organisations ? Interview de Fabienne Mauny, Directrice Executive, Dyptique Bruno Taborin Partner Kea & Partners Email I Linkedin Christine Durroux Partner Kea & Partners Email I Linkedin Clarisse Madeline Manager Kea & Partners Email I Linkedin

  • La Société à Mission : réussir les 100 jours et au-delà

    Mettre la mission au cœur de l’activité et concrétiser la transformation de l’entreprise par la mission Le 9 décembre 2021, la Communauté des Entreprises à Mission a invité Hélène N’Diaye, Directrice Générale de Maif Vie, Laurence Peyraut, Secrétaire Générale France de Danone, et David-Emmanuel Vivot, Partner de Kea & Partners, à prendre la parole lors du webinaire « Société à Mission, réussir les 100 jours et au-delà ». Cela nous a permis de partager le cheminement de Kea depuis mars 2020, date à laquelle nous avons collectivement adopté la qualité de Société à Mission : les bonnes pratiques et actions menées en interne et avec les parties prenantes pour répondre à nos engagements – ainsi que les questions qui se sont posées à nous tout au long de la première année. Ce webinaire a été l’occasion de publier le rapport du groupe de travail de la Communauté des Entreprises à Mission qui s’est attaché à décrire les 4 grands chantiers d’une entreprise lors de ses 100 premiers jours en tant que Société à Mission. Nous sommes fiers de partager ce rapport avec vous. Contexte : un cheminement collectif de la Communauté des Entreprises à Mission pour construire une économie souhaitable Tout d’abord posons quelques dates clés. Le 20 décembre 2018, la Communauté des Entreprises à Mission [CEM] se crée, en anticipation de la Loi Pacte promulguée le 22 mai 2019 et qui pose les principes de la Société à Mission. Le 2 janvier 2020 le décret d’application de la loi est publié. C’est là que tout commence pour les dirigeants désireux de construire une économie souhaitable. Au sein de la CEM, que Kea a rejoint dès 2019, un groupe de travail se constitue dans la foulée du décret. Il provoque l’échange entre les dirigeants membres de la Communauté, autour d’une question centrale : une fois les statuts modifiés en accord avec la loi PACTE, comment passer à l’action et transformer les pratiques de l’entreprise ? Car l’adoption de la qualité de société à mission est le début d’un long processus de transformation. Chaque entreprise est unique ; l’étape de la société à mission arrive à un moment particulier de son histoire. Pour certaines, cela semble s’inscrire dans une forme de continuité ; pour d’autres, cela marque une inflexion, si ce n’est une rupture, dans leur trajectoire. La manière dont l’entreprise a construit sa raison d’être et défini ses objectifs (sa mission) n’est pas non plus sans conséquence sur le déroulement des étapes suivantes. Par exemple, si la mission a été coconstruite en impliquant de nombreux acteurs de l’entreprise et de son écosystème, il est certain que l’appropriation de la mission par le corps social s’en retrouvera complexifiée. Loin de proposer des "recettes", le groupe de travail a plutôt fait ressortir des questionnements communs et des chantiers à mener relativement génériques, non seulement dans les "100 premiers jours" mais aussi durant la première année et au-delà. La synthèse qu’il a réalisée décrit ces principaux chantiers : des actions à mettre en place pour atteindre une situation visée à un an en soulignant les étapes à franchir, les questions à traiter, les difficultés à surmonter et, parfois, quelques bonnes pratiques génériques. Pour chaque chantier, sont identifiées des actions à lancer avec des effets visibles rapidement (quick wins) et d’autres, plus en profondeur, dont les effets seront perçus à plus long terme. Cette synthèse constitue un premier recueil de recommandations ou de bonnes pratiques qu’il conviendra à chacun d’adapter à son contexte. 4 grands chantiers à lancer en parallèle CHANTIER 1 - Gouverner la mission Installer une gouvernance spécifique de la mission articulée avec les organes de gouvernance de l’entreprise. Exemples : comité de mission, gouvernance opérationnelle et institutionnelle de la mission, désignation du manager de la mission. CHANTIER 2 - Aligner stratégie et mission Rendre la mission opérationnelle en élaborant des plans stratégiques contributifs (raison d’être et objectifs). Exemple : actualisation des plans et feuilles de route stratégiques. CHANTIER 3 – Engager les parties prenantes Incarner la mission, mettre en mouvement les parties prenantes internes et externes (en premier lieu les collaborateurs de l’entreprise), favoriser l’appropriation de chacun au service du passage à l’action. Exemple : événement collectif de partage et de dialogue. CHANTIER 4 - Passer à l’action pour transformer Identifier les actions emblématiques et de fond à lancer en priorité. Exemple : déclinaison des objectifs statutaires en objectifs opérationnels par service ou business unit. Ces chantiers ne sont pas exclusifs les uns des autres dans la mesure où les actions à lancer peuvent contribuer à plusieurs d’entre eux, il faut les considérer comme une structure (et non une séquence) permettant de recenser et prioriser les actions utiles. Bonne lecture ! David-Emmanuel Vivot Partner Kea & Partners Email I Linkedin

  • [Enquête] Le courage en entreprise, comment le développer ?

    En 2021, à l’initiative des Entretiens de Valpré, une enquête a été réalisée auprès de managers et dirigeants, sur le thème du courage en entreprise. 150 personnes ont répondu au questionnaire : La moitié des répondants sont des dirigeants et cadres dirigeants, un cinquième sont des managers. Une majorité (56%) appartiennent à des entreprises de moins de 50 salariés. Cette enquête est complétée d’entretiens qualitatifs menés auprès de dirigeants et coachs de dirigeant. Quels enseignements peut-on retirer de cette enquête ? Enseignement #1 Pour la quasi-totalité des répondants (92%) – dirigeants et cadres dirigeants, rappelons-le –, « devoir faire preuve de courage » fait partie de leur quotidien professionnel, le courage étant jugé une vertu « indispensable » pour réussir en entreprise pour 89% des répondants. L’année au cours de laquelle cette enquête a été réalisée, marquée par l’épidémie de covid-19, les mesures prises par les pouvoirs publics et leur répercussion sur la santé économique des entreprises, n’a sûrement pas été pour rien dans l’importance donnée à la vertu du courage, en des temps incertains qui réclament prise de risque et résilience. Pourtant, malgré ce climat global d’insécurité, seuls 20% des répondants disent éprouver « très souvent » de la peur dans leur fonction, contre 66% déclarant l’éprouver « de temps en temps ». Le courage serait-il donc l’autre nom de la capacité à surmonter sa peur ? C’est ce que pense en tout cas l’une des dirigeantes interrogées en entretien individuel : « Le courage sans la peur n’existe pas. La témérité, c’est avoir à vaincre sans peur. On est très courageux quand on a très peur. Comme je suis très peureuse, je dois être très courageuse » (Dirigeante, entreprise de services) Enseignement #2 La crise actuelle demande un surcroit de courage pour 87% des répondants, et ce, particulièrement pour les managers et les dirigeants. Forçant un bouleversement brutal de la manière dont les employés travaillent, dont les clients se comportent et dont les chaînes d'approvisionnement fonctionnent, la crise exige le renouvellement des modèles d'entreprise, l'adaptation et la résilience, ce qui nécessite du courage, notamment de la part des dirigeants et des managers pour agir afin d'innover et de rechercher différentes alternatives pour réduire les impacts négatifs sur leurs entreprises. Enseignement #3 Où va-t-on puiser les forces pour faire preuve de courage ? Les 3 principales sources citées sont : 1. Le sens de l’action professionnelle (plébiscité par 45% des répondants) : nourri par l'ambition, la vision ou la raison d'être de l'entreprise, qui donne un plus grand sens au travail au-delà des objectifs économiques, permettant une vision claire de l'importance du rôle de chacun pour la société. 2. Les valeurs et convictions personnelles (plébiscité par 44% des répondants) : la famille, les valeurs personnelles, la foi, les convictions. « Le courage, c’est aller là où nos convictions nous portent, surtout si elles sont à contre-courant » nous dit l’un des dirigeants interrogés. « Le courage de tenir bon sur ses valeurs, c’est cela le vrai courage », affirme un autre. 3. Le collectif (plébiscité par 36% des répondants) : œuvrer pour le bien commun de l’entreprise, dans sa dimension sociale : les salariés, les clients. C’est aussi pour eux, et pas seulement pour soi, que l’on mobilise la ressource du courage. Enseignement #4 Le courage, c’est d’abord pour les dirigeants oser dire, persévérer et donner de l’autonomie. C’est incontestablement une bonne nouvelle, car c’est une attente clairement exprimée par les jeunes générations, attente que l’on constate dans leur goût de plus en plus prononcé pour les petites structures, où elles pensent pouvoir prendre des responsabilités plus rapidement que dans les grandes. On peut néanmoins avoir une pointe d’étonnement à la lecture de ce résultat car, naïvement, à l’heure des « entreprises libérées » et autres « univers VUCA », on aurait pu penser ce résultat en place depuis un certain temps déjà. Du coup, on en vient à se poser la question : est-ce si réellement le cas ? Cela interroge en tout cas sur l’adéquation des pratiques managériales des quinquagénaires et leurs aînés (rappelons que plus de la moitié de l’échantillon est constituée de répondants de 50 ans et plus) aux attentes des plus jeunes. La génération des 50 et +, aux commandes des entreprises, a grandi à une époque où, en lieu et place de « l’autonomie » et de « la confiance », c’était plutôt des vertus comme la loyauté, la fidélité, la qualité d’exécution qui étaient recherchées. Mais les temps ont changé, et sans doute qu’une petite « mise à jour » du logiciel managérial ne serait pas superflue pour réduire les écarts générationnels. Enseignement #5 Lorsque l’on demande aux interviewés quels peuvent être les plus grands freins à l’expression du courage des collaborateurs, on trouve une autre confirmation de l’importance du management, mais aussi de la culture de l’entreprise et des comportements individuelles. Ces 3 dimensions ressortent très nettement dans les réponses les plus citées : Dimension culturelle : « Ne pas encourager ses collaborateurs à oser » Dimension managériale : « Donner peu de délégation et d’autonomie à ses collaborateurs » Dimension individuelle : « Ne pas défendre son équipe » Le courage trouve donc à s’exprimer à travers la qualité de ces 3 dimensions ce qui, là encore, peut être considéré comme une bonne nouvelle, car une culture qui encourage à oser, la valorisation de l'autonomie des collaborateurs et la promotion de l'intérêt collectif au détriment de l'intérêt individuel, cela se travaille, cela se développe. Enseignement #6 92% des dirigeants pensent que leur entreprise encourage le courage, mais ce serait courageux d’aller le vérifier auprès des équipes : seulement 48% des managers et 63% des salariés sont d’accord ! Aurions-nous là un fossé au sein des entreprises, les cadres dirigeants s’illusionnant pour partie sur la façon dont leurs modes de management sont perçus par leurs collaborateurs ? Il ne serait sans doute pas inintéressant d’engager un dialogue sur ce sujet au sein des entreprises. Enseignement #7 Quand on demande les personnalités qui incarnent le mieux le courage, 4 grands profils ressortent dans les réponses : Dirigeants engagés dans la responsabilité de l’entreprise (33% des réponses) : Emmanuel Faber, Pascal Demurger, Bill Gates Dirigeants qui ont fait preuve de résilience (17% des réponses) : Olivier Ginon, Elon Musk, Ben Smith, Jack Ma, Nicolas Dufourcq, Philippe Brassac, Frédéric Pierucci, Carlos Tavares, Jean-Pierre Farandou Personnes politiques (10% des réponses) : Emmanuel Macron, Angela Merkel, Bernard Tapie, Thierry Breton Pas une personne mais un collectif (10% des réponses) : Hôtels, patrons de PME confrontés à la crise, restaurants, représentants de la fonction RH Guillaume Bouvier Partner Kea & Partners Email I Linkedin

  • Construire sa filière Data, ou comment préparer l’avenir des banques ?

    Rares sont les phénomènes pouvant être qualifiés de game changer dans la vie des entreprises. La Data est l’un d’eux. Parce qu’elle amplifie la stratégie, les modèles opérationnels et les métiers, la Data est une opportunité à ne pas manquer dans un monde en pleine transformation numérique. Cette opportunité est clé pour le secteur bancaire dont le modèle de revenu est remis en question. En effet, l’environnement macro-économique reste durablement défavorable avec le maintien d’une politique de taux bas ainsi qu’une pression réglementaire soutenue. Les cartes du jeu concurrentiel sont rebattues : les banques en ligne deviennent des acteurs significatifs (Boursorama compte aujourd’hui plus de 3M de clients et en vise 4,5 M en 2025), le marché des néo-banques continue de se densifier avec des offres expertes notamment à destination de la clientèle professionnelles (un marché de 3,5 M de clients potentiels) et les GAFA gagnent des places notamment sur les offres relatives à la banque au quotidien et aux paiements (l’autorité de la concurrence a lancé, en 2021, une alerte sur le risque de marginalisation, à terme, des banques traditionnelles). Par ailleurs, de nouveaux standards sont à maîtriser pour répondre aux attentes des clients en matière d’expérience : fluide, simple, intégrant le digital avec la capacité à mobiliser les bonnes expertises lors des moments de vie clés. Ces transformations sont de nature et d’ampleur inédites pour le secteur. Mais au-delà des menaces qu’elles représentent, s’y dessine des opportunités dont les banques traditionnelles doivent s’emparer. La Data est l’une d’entre-elles et les banques disposent, d’ores et déjà d’atouts pour en faire un driver de performance pour les dix prochaines années. La Data : une opportunité à portée de main des banquiers Deux piliers stratégiques des banques, l’équilibre client-produit ainsi que le positionnement en tant que tiers de confiance, sont réinventés au moyen des technologies centrées sur la Data. De ce fait, la concurrence des nouveaux acteurs est réelle et engendre, dès à présent, un manque à gagner en termes de PNB sur les activités bancaires les plus rentables (génératrices de commissions). Ces acteurs sont plus agiles : ils sont dégagés du poids du legacy et se sont créés "Data Driven by design". Ainsi, les Fintechs proposent des offres spécialisées et au plus proche des besoins clients (ex : Qonto proposant un outil de gestion pour la clientèle PME et professionnels). Les grands acteurs de la tech / GAFA ont engagé leur diversification et pourraient disrupter le marché (gardons en mémoire l’exemple du site Booking qui a révolutionné la prise de réservation et de facto le business modèle du secteur hôtelier). Enfin, des évolutions technologiques, telles que la blockchain, apportent de nouvelles opportunités, par exemple sur les paiements internationaux, la gestion des garanties et le KYC (Know Your Customer). Cependant, les banques traditionnelles ont des atouts significatifs pour se positionner sur la Data : compétences et expertises des collaborateurs, capacité d’investissement, base de connaissance des clients, historique et volume de données issues des systèmes d’information, positionnement reconnu en tant que tiers de confiance… Le risque porte davantage sur le transfert de valeur et de marge que sur la disparition de ces acteurs historiques. Les banques françaises ont pris le virage de la Data mais présentent des niveaux de maturité différents : #1 Mieux faire ce que l’on fait déjà. Dans la majorité des cas, la Data est utilisée pour développer la connaissance des clients, améliorer l’efficacité opérationnelle et répondre aux enjeux règlementaires. #2 Développer des services en réponse aux besoins des clients, pour conserver, voire capter de nouvelles relations. Certains acteurs recourent à la Data pour améliorer la relation clients. C’est un usage en émergence qui reste un large champ d’opportunités à explorer. En effet, la data offre des capacités nouvelles dans une logique de conseiller augmenté : meilleure connaissance client, meilleur ciblage des offres, services et des segments à adresser, identification de nouveaux territoires de développement. #3 Disrupter, Intermédier et « plateformiser » l’économie. La Data au service de l’ouverture de nouveaux marchés est très peu exploitée et reste pour le moment l’apanage de certaines grandes banques américaines. Pour pleinement exploiter le potentiel de la Data, les banques doivent répondre à un défi de taille : construire un patrimoine de données exploitable. Nous entendons par là, collecter, organiser, structurer, mettre en cohérence et normaliser un nombre conséquent de données provenant de systèmes d’information qui ne communiquent pas forcément entre eux. Cette évolution est complexe car elle est fondamentalement transverse. Elle nécessite de créer de nouvelles filières Data transformant aussi bien le Métier que l’IT. Néanmoins, tirer rapidement parti de la Data est possible en déployant des approches alternatives de type Minimum Viable Product (MVP). Pour rendre ces approches concluantes, les banques doivent adopter un état d’esprit de type startup : pour des usages internes (ex : prospection marketing, clustering …), elles peuvent s’autoriser à traiter des données qui peuvent comporter une marge minimale d’erreur. Bien évidemment, pour les cas d’usage à destination des régulateurs ou des clients, l’exactitude et la certification des données doit rester un prérequis. 6 convictions pour engager la transformation et devenir data-driven #1 La Data est un actif stratégique, de niveau comité de direction La Data est un actif stratégique qui doit être traité comme tel par les comités de direction : il nécessite des investissements, il possède un rendement qu’il faut maximiser en assurant les conditions de sa valorisation. Aujourd’hui, la plupart des cas d’usage Data dans la banque concernent des sujets réglementaires et d’efficacité opérationnelle. C’est un premier pas pour réduire les coûts, voire améliorer la qualité de service mais nous sommes convaincus qu’il faut rapidement se donner des objectifs plus ambitieux : transformer les métiers grâce à la Data, proposer de nouvelles offres aux clients voire renouveler le marché en adoptant des logiques de plateforme de services. #2 Un certain degré d’incertitude sur les données peut être toléré au démarrage Les conditions d’un cas d’usage idéal sont rarement réunies : question bien posée, données normalisées et directement utilisables, disponibilité des métiers… Il faut accepter les compromis sur la qualité des données et l’exactitude de certaines analyses, pourvu que le résultat final ait suffisamment de valeur pour justifier ces choix tactiques, tout en s’assurant qu’ils ne mettent pas en danger l’intégrité du cœur de métier bancaire. L’amélioration, l’industrialisation et la spécification plus fine des analyses peuvent intervenir dans un second temps, en lien avec la montée en puissance d’une filière Data. #3 Les cas d’usage créent rapidement de la valeur et des nouveaux services Aujourd’hui, la plupart des banques ont commencé à prendre conscience de l’importance de la Data et ont déjà lancé leurs premiers cas d’usage. C’est très bien ! Nous sommes convaincus qu’il faut en lancer le plus vite possible sans s’imposer des prérequis inhibants comme construire un datalake (cf. construction du patrimoine de données), normaliser tous les référentiels. Ces cas d’usage ont pour but de créer de nouveaux services : « on ne vend pas ses données, on crée des services ! ». #4 La filière Data est complémentaire aux filières transactionnelles et IT Les banques doivent se doter de filières dédiées pour opérer la stratégie Data, permettre une industrialisation progressive, à travers la construction de briques élémentaires réutilisables, et identifier les nouveaux potentiels de valeur à exploiter. Cette filière Data est organisée autour de trois activités : la construction du socle Data (mise à disposition, collecte et normalisation des données), le développement de modèles d’analyse allant du descriptif au prédictif/prescriptif (business intelligence-BI, algorithmes, IA …) et la mise à disposition des services auprès des clients internes et externes (interfaces de restitution, Self BI …). #5 La transformation des métiers doit être anticipée dès le début Au-delà de la montée en puissance des nouveaux profils Data, il apparait nécessaire d’infuser la Data à tous les autres niveaux de la banque et dans tous les métiers puisque c’est le plus souvent en leur sein que l’on va pouvoir identifier les services à valeur ajoutée rendus possibles par la Data. Cette transformation passe par la diffusion d’une culture Data au sein de l’organisation et à travers les projets. #6 Une démarche responsable est à adopter quant à l’utilisation de la Data Les clients sont de plus en plus sensibles à l’utilisation qui est faite de leurs données (à titre d’exemple, nous pouvons citer l’annonce controversée de Whatsapp sur ses nouvelles conditions générales et le partage des données) avec également un encadrement réglementaire fort (notamment via la RGPD). Quelle doctrine éthique adopter sur les données des clients ? Quels choix quant au traitement et à l’utilisation responsable de la Data ? Quelles contributions à des initiatives sociétales ? Comment partager la valeur avec l’écosystème ? Autant d’enjeux de responsabilité à anticiper et organiser par les banques. Industrialiser la filière Data et tirer le plein potentiel des données grâce à notre approche itérative Imaginer, construire et industrialiser sa filière Data est avant tout une question de dynamique de travail et d’état d’esprit : Cheminer par itération, prouver, apprendre, se remettre rapidement en question, Penser loin et haut : les filières IT et digitales ne sont pas industrialisées en 9 mois, il en sera de même pour la filière Data, Apporter un regard neuf, nourri par l’inspiration stratégique et éclairé par les réussites dans d’autres secteurs d’activité, Travailler le collectif, en infusant la culture Data à tous les étages. La méthode Tourbillon est l’approche que nous avons développée et éprouvée pour assurer la cohérence de la trajectoire d’industrialisation de la Filière Data. 4 champs sont ainsi abordés simultanément, avec une intensité différente selon le niveau de maturité de la banque : La stratégie se construit en se basant sur des preuves pour s’assurer de la pertinence de la trajectoire. Chaque nouveau cycle permet d’accélérer l’appropriation de la Data par l’entreprise… et d’entrer dans une phase de plus en plus opérationnelle. Dès les premiers cycles, les champs avals sont travaillés : > Structuration du socle Data et initialisation du déploiement > Analyse des impacts sur la transformation des modèles et des métiers > Initialisation de la conduite du changement Champ #1 la stratégie, pour mettre la Data au cœur de l’entreprise : Définir le quoi, l’utilité de la démarche Data, Analyser la maturité Data de l’entreprise (organisationnelle, fonctionnelle, technologique), Ajuster le tempo au regard de cette maturité, Mesurer l’effort à fournir (en intégrant la construction du patrimoine de données et la transformation des métiers), Construire la trajectoire, Sanctuariser un budget dédié à la Data. Champ #2 les preuves, pour engager et entretenir la dynamique : Réaliser des MVP pour apporter rapidement de la valeur aux clients ou en interne et répondre aux points de faiblesses identifiés lors des diagnostics, Initialiser la construction du socle Data (travaux de collecte et normalisation à initialiser sur les données prioritaires les plus utilisées), Piloter les efforts à travers des indicateurs de mesure et valoriser les premiers succès. Champ #3 le scale-up, pour élaborer des capacités industrielles : Construire le patrimoine de données, Transformer les modèles opérationnels et les processus, Organiser et piloter la montée en charge de la filière Data, Organiser et déployer la transformation des métiers (Data Academy…). Champ #4 le run, pour la production : Maintien en condition opérationnelle du Socle Data, des moyens et de la gouvernance, Revue périodique des modèles d’analyse et amélioration continue (passade de modèles descriptifs à des modèles prédictifs voire prescriptifs), État de l’art technologique. Damien Chambonnière Partner Kea & Partners Email I Linkedin Romain Aeberhardt Partner Veltys Linkedin Charley Wattinne Directeur Kea & Partners Email I Linkedin

  • Ecosystèmes intégrés : une nouvelle donne pour les entreprises

    L’exercice stratégique des entreprises s’inscrit encore majoritairement dans une logique de rivalité : le marché serait un jeu à somme nulle où la seule finalité consisterait à croître, quitte à ce que cela se fasse aux dépens d’autrui. Archétypes de cette logique : les GAFAM et BATX, qui jouent sur les effets réseaux pour rafler la mise ("winner takes all") au point d’inhiber l’innovation et de fragiliser la croissance économique à long-terme (1). Nous assistons actuellement à une conjonction historique de phénomènes planétaires qui interrogent la prédominance de la logique rivale au profit d’une logique d’alliance. Stagnation séculaire, crise sanitaire, réchauffement climatique, tensions sociales, reconfigurations géopolitique : il s’agit de phénomènes transverses, diffus, durables, aux effets parfois irréversibles, qu’aucun acteur ne peut prétendre résoudre tout seul. De la crise des sous-marins (défense) au consortium des fabricants de cosmétiques (environnement), en passant par le rapprochement de Sekoia, HarfangLab et PradeoHenkel (cybersécurité), l’actualité nous offre chaque jour une preuve supplémentaire de ce basculement. En comprendre les enjeux et les implications en matière de gouvernance va s’avérer critique dans les années qui viennent. Nos travaux en collaboration avec nos clients montrent que les entreprises qui évolueront en vase clos, indépendamment des mutations du monde, sans impliquer leurs parties prenantes dans des projets d’intérêt collectif, ne survivront pas. Ceux qui au contraire seront capables d’hybrider leurs organisations traditionnelles avec des écosystèmes intégrés gagneront en résilience et en performance globale. C'est tout le propos de ce position paper que d'éclairer ce nouveau champ d'action et de coopération pour les entreprises. Au sommaire : Quelles sont les dynamiques de long-terme sur le marché qui remettent en cause la logique dominante de rivalité ? Quels sont les nouveaux modèles d’organisation et de gouvernance qu’une entreprise doit être capable de maîtriser ? Quelles sont les 4 étapes clés pour passer d’une logique rivale "business as usual" à une logique citoyenne "d’écosystème intégré" ? Quels sont les 6 types d’écosystèmes aujourd’hui à l’œuvre ? Quels critères permettent de déterminer le meilleur pour chaque entreprise ? Avec quelles parties prenantes s’associer et quels modes de gouvernance mettre en place pour maximiser la performance et les synergies de son écosystème ? (1) Le pouvoir de la destruction créatrice, Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel, Odile Jacob 2020 Christophe Burtin Partner & Président de Faire! Mieux Email I Linkedin François-Régis de Guenyveau Directeur R&D du pôle Impact & Transformation responsable Email I Linkedin En savoir plus : Découvrir notre modèle en 9 champs pour éclairer les chemins de transformation responsable Position Paper B1 : l'immatériel, chaînon manquant entre financier et extra-financier Position Paper B3 : nouveaux modèles de croissance durable

  • 20 ans... de changement de business model

    Business model : la nature au chevet du management 2OO1 : certains annoncent déjà que demain ne sera plus jamais comme avant 15 jours avant le lancement de Kea, nous travaillons avec excitation quand les tours de New York tombent et avec elles une partie de l’économie nourrie aux stéroïdes : les start-ups s’écroulent, les grands projets portés par la technologie sont arrêtés, les faillites de grands groupes - tel Enron - s’accumulent et mettent à mal la réputation des cabinets d’audit, obligés alors de se séparer de leur branche conseil pour ne pas être juge et partie. Le mot Transformation prend à l’époque son essor alors qu’il est employé ad nauseam aujourd’hui ; c’est notre baseline et notre conviction originelle que la réussite viendra désormais de l’alignement entre stratégie et culture, qu’il faut donner de l’élan aux hommes pour garantir de "l’élan aux chiffres", que la transformation commence le premier jour et devient une discipline stratégique et non un sujet de gestion du changement, quand tout est déjà ficelé et décidé. Dès 2002, les affaires reprennent ; la mondialisation passe à la vitesse supérieure et reconfigure les chaînes de valeur. Avec la spécialisation à la maille des continents, la conception, le design, le sourcing, la production et la distribution se retrouvent géographiquement dispersés. Ces transformations changent le modèle d’entreprise : l’organisation matricielle se déploie à grande échelle pour à la fois conquérir les géographies rapidement et conserver à travers des BU mondiales le cœur de savoir-faire. La démographie des grands groupes évolue aussi, avec la disparition de beaucoup de cols bleus, l’outsourcing de métiers à faible valeur ajoutée et l’apparition de processus parfois bureaucratiques pour assurer le command & control au niveau mondial. La culture d’entreprise se transforme : "globish", fonctionnement en réseau, explosion du transport aérien par la migration continue des cadres ! Notre intuition se vérifie : l’alignement entre stratégie et culture s’avère essentiel, la qualité de l’organisation devient un atout majeur… mais des impasses demeurent. Il y a 20 ans, les organisations se transforment… et se ressemblent. Dans cet océan de mimétisme, de belles histoires singulières émergent et font référence en France. Les distributeurs indépendants, basés sur le modèle coopératif, prennent le pas sur les entreprises succursalistes cotées ou non : l’organisation et la culture deviennent ici des atouts concurrentiels distinctifs ; l’approche par le terrain, la proximité avec les territoires, la capacité à sentir les aspirations des clients et à décider au bon niveau sont clés. L’investissement, concentré sur le territoire domestique, leur permet de construire aussi des outils logistiques et technologiques puissants à l’égal de leurs compétiteurs. Les germes d’un changement de damier sont déjà là et nous sommes fiers d’en avoir accompagné deux d’entre eux. Il y a 20 ans, le 2 septembre 2002, lors du 4ème Sommet de la Terre à Johannesburg, Jacques Chirac prononce cette phrase désormais célèbre :"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs". Le sujet climat est alors absent de la boussole de (presque) toutes les entreprises. 20 ans plus tard, la Covid change le discours, peut-être demain la donne. On annonce que demain ne sera jamais plus comme avant : place au localisme, à la régionalisation des chaînes de valeur, à la souveraineté industrielle, à la décarbonation tous azimuts ! Waouh, la prise de conscience monte chez les dirigeants pour transformer leur entreprise en responsabilité et vers la responsabilité. La conduite des transformations évolue à l’image des "trois sœurs", une technique agricole adaptative et résiliente : celle-ci mixte trois cultures traditionnelles et complémentaires : la courge, le maïs et le haricot. Chacune d’entre elles œuvre en synergie avec l’autre : le maïs, vigoureux et élancé, pour servir de cadre et de tuteur bienveillant aux autres plantes ; la courge, pour éliminer les doublons et créer les conditions de la croissance ; le haricot, fort en azote, pour donner de l’énergie et accélérer la croissance… Bref, un retour à la nature pour le management ! En miroir, trois transitions sont maintenant à l’agenda du dirigeant et vont s’entrechoquer : transition numérique, transition énergétique, transition démographique ; de cette dernière, on n’entend encore peu parler. Or la démographie, à l’inverse du climat, est la chose la plus prévisible : l’âge moyen des travailleurs va augmenter, le jeune collaborateur sera une denrée rare ; la question des organisations permettant de jouer dynamique intergénérationnelle et évolution des compétences va se poser, à rebours de plein de réflexes ancrés ces 20 dernières années... La transformation profonde et responsable, c’est d’abord beaucoup d’humilité, une vision, du temps, de l’obstination, de l’agilité dans la trajectoire, du pouvoir d’agir donné aux collaborateurs, pour remettre en cause les idées reçues. Bref, la transformation reste un art et nous donne chez Kea une raison d’être pour 20 années de plus ! Hervé Baculard Partner Email I Linkedin À lire également : 20 ans de transformation… digitale 20 ans de transformation... responsable 20 ans d'innovation #Kea20ans

  • 20 ans... de transformation responsable

    Responsabilité : la grande transformation DieselGate, procès France Télécom, condamnation des géants technologiques, boycott des marques jugées trop polluantes, nouvelles réglementations… "L’eau monte" dans les entreprises et le phénomène est parfois si rapide qu’il peut sembler nouveau. En réalité, la responsabilité a toujours été le grand moteur de l’entreprise. Chaque phase du capitalisme a donné lieu à une nouvelle critique, donc une nouvelle injonction responsable, forçant les organisations à se réinventer. Ce qui est nouveau depuis 20 ans, c’est la nature de la responsabilité et la vitesse de la transformation des entreprises. D’une logique de conformité aux lois, nous sommes passés à une contribution aux biens communs qui doit se refléter désormais au cœur de l’activité. Entreprise & responsabilité : 2 siècles d'amour et de haine 19ème : pendant que Dickens explore les bas-fonds du Londres ouvrier, von Mohl plaide en faveur de comités ouvriers dans les usines. Première responsabilité incarnée par les lois sociales : préserver la santé physique des travailleurs. Début 20ème : Ford exporte le travail à la chaîne et Charlie Chaplin se laisse avaler par les rouages de notre folie mécaniste. Deuxième responsabilité, que l’entreprise n’endossera qu’à moitié étant donné l’urgence de la guerre : assurer l’employabilité du travailleur face à l’hubris technique. Trente Glorieuses : opulence, croissance, matérialisme. L’Occident devient le théâtre de l’érotisation du shopping. La critique s’exprime dans le rapport Meadows, dans les courants New Age, sur les pelouses de Berkeley envahies par une herbe d’une autre espèce ou encore dans le tube de John Lennon, Lucy in the Sky with Diamonds, aux initiales plus que suggestives. Troisième responsabilité, que l’entreprise peine encore à endosser : régénérer la Terre dont nous détruisons impunément les ressources. Fin 20ème : mouvement, vitesse, changement permanent. Pendant que Gordon Gekko palpe ses millions à Wall Street, Patrick Bateman ne trouve plus de sens à son travail et verse dans la psychopathologie. C’est le début des bullshit jobs et des burn out. Quatrième responsabilité : veiller à la santé mentale des travailleurs. Et ces dernières années ? Changement de cap ? Nous assistons à une conjonction inédite de toutes les responsabilités et de toutes les critiques, attisées par les crises de 2001, 2008 et 2020. Décarbonation, inclusion, autonomie, épanouissement, contribution à la société : jamais le capitalisme ne s’est vu attaqué sur tant de fronts à la fois ; jamais les dirigeants d’entreprise ne se sont sentis aussi engagés à jouer collectif. Nous passons de la pulsion à la vertu, de la croissance à la contribution, du paradigme de la conquête à celui de la responsabilité, avec tous les espoirs et les dangers que représente un tel basculement. Kea a été fondé il y a 20 ans avec l’ambition d’accompagner les dirigeants dans cette transformation de longue haleine. Sa raison d’être a toujours été de construire une troisième voie entre le statu quo et l’activisme. Ni laisser-faire donc, ni mythe du grand soir : l’optimisme de combat, pour reprendre Philippe Aghion [1], résume notre ambition. Le goût de la responsabilité, oui, mais sans renoncer à l’action et la liberté d’entreprendre. 2001 - 2021 : Le marché se transforme vers plus de responsabilité, Kea aussi 2001 : pendant qu’Enron fait faillite et que la bulle Internet éclate, donnant tort à la stratégie court-termiste des investisseurs, Kea naît avec l’idée d’un partnership très ouvert pour garantir le partage de la valeur créée et la transmission du capital des plus anciens aux plus jeunes. 2004 : l’Occident est en panne de croissance, l’Insee multiplie des rapports alarmistes. Chacun se creuse la tête pour trouver de nouvelles sources de valeur. Dans la Revue de Kea n°2, Michel Bon fait de la responsabilisation et de la construction d’un projet commun la clé des stratégies de croissance de demain. 2009 : France Télécom est frappée par une vague de suicides dans le cadre de son plan de transformation. Quelques années plus tard, elle sera la première entreprise du CAC 40 à être condamnée pour harcèlement moral. Dans la Revue de Kea n°12, Jean-Christian Fauvet partage les trésors de la sociodynamique, qui vise à rendre les hommes et les femmes acteurs de la transformation de leur entreprise. Jean-René Fourtou retrace de son côté ce que cette discipline responsable lui a apporté chez Bossard puis Vivendi, tandis que le philosophe François Jullien explore les vertus des transformations silencieuses comme façons de concevoir la stratégie. 2011 : la COP-17 débouche sur la "Décision de Durban", qui reconnaît que tous les pays doivent faire face de manière urgente à la menace grave et potentiellement irréversible des changements climatiques. En parallèle, nous menons le débat avec Michel-Edouard Leclerc et Franck Riboud sur le développement durable et son implication dans l’exercice stratégique des dirigeants, sans langue de bois, devant un parterre de 200 personnes du monde économique. 2014 : la loi Économie sociale et solidaire est votée à l’Assemblée. Elle vise à reconnaître et valoriser ce mode économique spécifique et à provoquer un choc coopératif partout en France. Le Groupe Kea s’inscrit dans cette dynamique en s’associant à la création de Co Conseil, une coopérative de conseil à but non lucratif, sous l’impulsion de Syntec Conseil et en partenariat avec 3 autres cabinets fondateurs. 2018 : soucieux d’incarner nos valeurs dans tous les pays où nous intervenons, nous souhaitons renforcer notre engagement sociétal en Afrique et en Asie. L’accès aux soins, dans un contexte d’explosion démographique, nous apparaît comme prioritaire. Dans cette optique, Kea noue un partenariat stratégique avec Tech Care For All : une start-up de l'économie sociale & solidaire qui commercialise des solutions d’e-santé et en assure le déploiement en s’appuyant sur des réseaux d’entrepreneurs locaux ainsi que sur de grands bailleurs de fonds présents en Afrique et en Inde. 2019 : Facebook et Cambridge Analytica, procès Uber, Amazon assigné en justice par Bercy… Les plateformes sont dans le collimateur. Le think and do tank Entreprises et Progrès [2] nous demande d’animer un cercle de réflexion sur le sujet. Un livre blanc s’en fait l’écho : tout en reconnaissant l’ultra performance de ces modèles économiques, il pose la question centrale du partage de la valeur. Irresponsables, les plateformes ? Pas forcément si l’on se dote d’institutions de régulation adaptées. 2020 : la loi Pacte est promulguée : l’ambition est de faire des entreprises le premier levier de la transformation économique du pays. Kea devient le 1er cabinet européen de conseil en stratégie à adopter la qualité de "Société à Mission". À la fin de l’année, 88 entreprises ont elles aussi franchi le pas en France ; elles sont une centaine en février 2021 et le mouvement s’amplifie au fil des mois. Dans la Revue n°24, nous donnons la parole à des dirigeants et philosophe sur leur conception de la transformation en et vers la responsabilité, en contrepoint des grandes lignes de notre démarche. 2021 : B Corp constitue une communauté de quelque 3000 entreprises engagées dans la transformation responsable de l’Économie. Kea la rejoint officiellement en mars. Côté clients, nous apportons un modèle de référence pour transformer leur entreprise pas à pas et contribuer à un monde économique à impact positif. Nous sommes également partie prenante du do tank "Faire! Mieux" qui a pour vocation d’engager la transformation positive du secteur alimentaire sous forme de coalitions de projets. Le monde d'après ? Ou l'après Covid ? Bien malin celui qui peut le prédire, mais certaines tendances se dessinent. Le périmètre de la responsabilité va continuer de s’étendre. Car, au-delà de sa dimension réglementaire et normative, elle devient un avantage compétitif pour l’Europe, un projet de civilisation. Entre le "capitalisme transnational de plateforme" (Etats-Unis) et le "capitalisme à forte impulsion étatique" (Chine) [3], l’Europe va tenter de construire un "capitalisme démocratique", au service des citoyens, fondé sur la recherche du bien-être, l’éducation, la santé, la culture. Le défi, bien que globalement plébiscité par la population, est, cela dit, loin d’être relevé. L’Europe peine à le réaliser et à s’imposer en dehors de ses frontières : non seulement elle dépend de l’outillage technologique des deux autres capitalismes, mais elle manque considérablement de coordination politique. Deux facteurs pourront maximiser ses chances de réussite. D’une part, des institutions capables d’organiser efficacement cette transition à l’échelle européenne, c’est-à-dire de créer les plateformes de partage adéquates, de valoriser les entreprises exemplaires, de sanctionner les resquilleurs. D’autre part, des dirigeants tenaces. Capables de traduire les enjeux RSE dans toutes les composantes clés de leur entreprise. D’éviter le blues des collapsologues et l’utopisme des candides. Et de tenir le cap contre les railleurs… La critique est aisée mais l’art est difficile ! [1] Le Pouvoir de la destruction créatrice, Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel, Odile Jacob, 2020 [2] Entreprise et progrès, association née il y a 50 ans réunissant les dirigeants sensibles à la création de valeurs et pas seulement de la valeur actionnariale. Kea est l’un des membres du comité exécutif. [3] Robert Boyer, Les capitalismes à l'épreuve de la pandémie, La Découverte, 2020 François-Régis de Guenyveau Responsable R&D du pôle Impact & Transformation responsable Email I Linkedin À lire également : 20 ans de transformation… des business models 20 ans de transformation… digitale 20 ans d'innovation #Kea20ans

  • 20 ans... d'innovation... et d'utopie

    Le futur a (toujours !) de l'avenir 2001 - 2021 : 20 ans d’innovations qui ont marqué le monde Dans les pays anglosaxons, le nombre 20 est utilisé pour mesurer l'acuité visuelle (20/20 indiquant une vision normale à 20 pieds, communément utilisé pour vouloir dire "une vision parfaite"). En numérologie, 20 fait référence au changement (cela tombe bien pour un groupe tel que Kea qui est tombé dans la transformation comme Obélix dans la potion magique) et, plus précisément, à l’amélioration. Et 20 dans le Tarot est la vingtième carte du jeu. Elle montre l’étape ultime avant le l’obtention du Graal. Et le Graal, en matière d’innovation, cela signifie faire écho à des utopies. Jetons donc un œil pour vérifier que les innovations lancées depuis 2000 ont contribué à un progrès… for Good. Après ces années 80 foisonnantes d’énergie, les années 2000 furent les années de prise de conscience d’un besoin de sens derrière l’acte de consommer et de manager des équipes. Pour l’illustrer, le panorama qui suit va parler d’initiatives plutôt que d’innovations. Car l’innovation est un formidable mot valise dont on se sait plus trop bien ce qu’il recouvre, voire, qui limite aux seuls champs du produit, du service ou de la techno ; alors que le terme initiative embrasse plus largement. Après tout, étymologiquement, ‘’entreprendre’’, c’est bien prendre l’initiative, n’est-ce pas, en rêvant de s’appuyer sur une utopie pour chaque nouvelle initiative. À chaque initiative évoquée, nous vous proposons d’en tirer un enseignement. En effet, comme chacun sait, derrière toute innovation, il y a un effet pervers potentiel (Paul Virilio disait ainsi que lorsqu’on invente le TGV, on invente l’accident à grande vitesse…). 2000, big bang ! Le nouveau siècle démarre fort avec un potentiel bug, craint par tous, qui a tétanisé l’ensemble de la planète… mais qui ne s’est pas produit dans les faits. A contrario, 20 ans après, personne n’a anticipé le covid-19. Moralité : prendre l’initiative, c’est avant tout identifier le champ des (im)possibles pour s’y préparer. C’est le rôle de ce que nous appelons la prospective. Ainsi, qui aurait pensé que le petit libraire on-line Amazon deviendrait une telle incontournable place de marché 20 ans après ? Le coup de génie d’Amazon fut d'avoir saisi le côté addictif (hystérique ?) de l'achat immédiat. Utopie # 1 : la communication globale. En la matière, indéniablement, le smartphone en est la meilleure incarnation, devenu notre doudou à tous, et particulièrement en 2007 avec l’iPhone et toutes les applis associées du type App Store. Moralité : quand une marque est forte, son champ d’innovation n’est pas cantonné à son métier d’origine mais à sa raison d’être. Et l’innovation permet alors d’étendre le domaine d’une marque. Ce qui signifie impérativement que l’innovation qu’elle lance soit cohérente avec cette raison d’être. En 2000, qui aurait cru qu’Apple – fabricant de machines – étendrait son domaine également dans les services (25% de son CA aujourd’hui) ? Et qui aurait pensé qu’un téléphone, un jour, servirait à prendre des photos et bientôt (allez savoir) à faire le café. Dans le même registre, avec les rouges à lèvres début 2020, Hermès lance son 16eme métier, loin du cuir, métier d’origine. Utopie # 2 : me myself I. L’explosion des initiatives self-oriented, miroirs de soi-même du type via les réseaux de mise en relation (Instagram, Twitter, LinkedIn... et autres Tik Tok) ont clairement transformé la manière dont les gens se valorisent. For the better ? Faut voir. Moralité : ne jamais oublier que dans les démarches d’innovation dites collectives, c’est avant tout l’intérêt de l’individu qui prime (‘’ai-je envie et à quoi cela va-t-il me servir de m’impliquer ?’’) Utopie # 3 : les hyperconnectivité et mobilité ATAWAD. La démocratisation de la Wifi (devenue élément socle de la pyramide de Maslow 😊) et du GPS en sont deux exemples. Sans GPS, pas de boussole dans notre vie. Le GPS n’était pas une innovation récente, puisque la techno est apparue dans les années 60, mais sa démocratisation n’intervient véritablement qu’au milieu des années 2000. Moralité : certaines initiatives mettent du temps à se déployer avant d’être une évidence. L’innovation est un marathon, faut-il le rappeler (Nespresso a attendu au moins 10 ans avant de devenir une des marques les plus fortes du groupe Nestlé où peu de gens imaginaient possible de vendre un café en capsule). En matière de time-to-market et d’initiative innovante, citons ici aussi la Logan (lancée en 2004). Personne chez Renault ne pensait possible de concevoir et commercialiser une automobile en 2 fois moins de temps et deux fois moins chère. Utopie # 4 : la ludification du monde. Ainsi les jeux vidéos, marché colossal sur lequel les géants Microsoft, Sony, Nintendo (et sa Switch lancée en 2017, après sa Wii en 2006) ou encore Ubisoft se battent à qui lancera la nouvelle génération de jeux avant l’autre. Demain, se profile l’arrivée des innovations Metaverse (ie. des univers façon Matrix – né en 1999 – ou Second Life en 2003). YouTube et tous les distributeurs de contenus vidéos type Netflix et Amazon Prime Vidéo s’inscrivent dans ce type d’initiative. Au-delà, c’est toute l’économie de l’abonnement qui est née, et qui nous lie (pour ne pas dire nous ‘’ficelle’’) dans une société où le ludique prime. L’infotaintment à tous les étages s’inscrit aussi dans cette tendance : entre 2000 et 2010, les médias s'ouvrent à de nouveaux modèles : les quotidiens gratuits avec 20 Minutes, les réseaux sociaux avec Facebook et Twitter, la chaîne d'info sur la TNT avec BFMTV et le journalisme payant en ligne avec Mediapart. Utopie # 5 : la meilleure médecine réside dans l’alimentation. Dans l’alimentaire, les initiatives les plus marquantes depuis vingt ans incarnent indéniablement un retour aux sources : le bio, le local, l’urban farming, avec ses fermes verticales, les produits avec un minimum d’emballage… Moralité : le rôle des marques, demain, ne sera-t-il pas en priorité de se faire paradoxalement oublier, au profit d’un lien direct au producteur ? De l’alimentaire à la santé, il n’y a qu’un pas : en matière de santé, des percées cruciales pour notre avenir ont été réalisées et les 20 ans derrière nous ont été riches sur le plan scientifique : du Boson de Higgs (2017) à la première photo d'un trou noir (2019) en passant par les avancées de la thérapie génique (cf. l’Human Genome Project), les neurosciences, la télémédecine, les biotech… Utopie # 6 : L’économie circulaire et les nouveaux usages qu’elle entraîne : la seconde main, le recyclage, la réparabilité, les cosmétiques solides (shampoing démaquillants, déodorants…), mais aussi l’imprimante 3D (qui pourrait nous transformer en acteur DIY) ou la fusée réutilisable de SpaceX qui ouvre des portes pour la conquête de l'espace niveau prix et durabilité. Moralité : en 20 ans, la prise de conscience qu’innover c’est bien pour l’humain, mais que cela doit être bien pour la planète aussi en limitant le poids de l’anthropocène s’est exacerbée. On peut citer aussi l’accélération du déploiement des nouvelles mobilités électriques (l’électrochoc Tesla) et, dans un autre registre, l’avènement de la fusion nucléaire sans déchets (au lieu de la fission et en alternative à une autre innovation devenue essentielle mais plus négative pour le climat ou la santé : les gaz/pétrole de schiste, au même titre que les OGM), Utopie (dystopie ?) # 7 : la traçabilité et le contrôle. Face à la paranoïa qui déploie ses rets, les années 2020 ont également vu naître trois autres innovations : le QR code (comment s’en PASSer désormais ?😎), Google Home (nous contrôlons tout chez nous maintenant) et la reconnaissance faciale (déjà largement déployée en Chine et outil de contrôle social, tel que la saga dystopique Black Mirrors le décrivait). Moralité : l’innovation doit rester démocratique sinon Georges Orwell va sortir de ses gonds. Utopie # 8 : la plateformisation. Autrement dit, la boîte de Pandore qui nous fait entrer dans un univers visuel sans fin (Netflix, Disney + et leurs séries addictives…) facilite un accès à des services (AirBnB, Über, Doctolib…) ou à de la distribution btob ou btoc (les marketplaces, nées en 2003, ainsi que les services de click & collect et de livraison à domicile). Quelle que soit la taille d'un commerce, l'omnicanalité devient un enjeu de pérennité. Moralité : la fameuse innovation dite de rupture consiste à challenger les soi-disant règles et habitudes pour court-circuiter des systèmes en place : ainsi les cryptomonnaies (qui contournent les règles des systèmes financiers). Le Drive (né en 2004) s’inscrit dans cette tendance aussi. L’Überisation, quant à elle, a généré un effet pervers : l’esclavagisme lié à la traçabilité des non-salariés, soi-disant autonomes mais surtout très dépendants. Utopie # 9 : l’entreprise, lieu de bien-être ? L’innovation s’est également déployée à l’intérieur des systèmes générant les innovations, pour mieux mobiliser l’intelligence collective et motiver en donnant les clés du futur aux collaborateurs. L’open innovation (née en 2003 à Berkeley), l’holacratie (conçue en 2001), le design thinking ou la Yugaad inno (visant à simplifier au maximum) sont devenues des pratiques renforçant ce que nous appelons la Q.I (qualité d’initiative), favorisant ainsi des comportements d’intrapreneurs. Et accouchant ainsi notamment des ‘’start up nations’’ dans beaucoup de pays. Moralité : à l’instar de l’effet bifidus, la meilleure innovation doit créer un effet en interne avant d’être déployée vers les clients. Comme vous pouvez le voir, la plupart des innovations qui ont marqué ces 20 dernières années sont en fait assez ambivalentes : d’un côté, l’accès à l’infini des possibles et un "humain augmenté" (le transhumanisme sera sans doute pour la prochaine décennie…) qui se ressource sur ses propres productions. De l’autre, une source de ‘’misère’’ – appauvrissement du contenu réel et de valeur faciale au profit de la masse – l’avènement d’un homme augmenté mais malheureux : qui ne dort ni ne meurt plus, capricieux, jamais satisfait et en distorsion cognitive du fait de cette ‘’massive distraction’’. Et devant, dans les 20 ans qui viennent, d’ici 2040 ? Et si le Covid-19 était un formidable agent de transformation innovante ? Gageons que cette pandémie fera germer de nouvelles initiatives. Chez Tilt ideas, nous misons beaucoup sur ce que nous appelons l’Innovation for good. Autrement dit, celle qui place l’humain et la planète au cœur (le fameux HtoH), celle qui revendique ce que les Japonais appellent l’omotenashi (la prise en considération) ou, en d’autres termes, celle qui réenchante vraiment (au sens Weberien du terme), c’est-à-dire celle qui concilie aspect social, économique et politique. Sinon ? Peut-être nous acheminerons-nous vers un ‘’Bug’’ tel que décrit par Enki Bilal… Brice Auckenthaler Partner & Co-fondateur de Tilt ideas, le trublion de l'innovation du Groupe Kea Email I Linkedin À lire également : 20 ans de transformation… des business models 20 ans de transformation... responsable 20 ans de transformation… digitale #Kea20ans

  • 20 ans... de transformation numérique

    Digital : demain sera beau Il y a 20 ans, en l’an 2000, le mésolithique de l’ère digitale ! En 1998, Jean-Paul Giraud, Directeur général de la Fnac était reparti de Seattle rassuré : ce Jeff Bezos sans le sou prétendant créer un nouveau concept pour vendre des livres, avec ses 610 millions de dollars de chiffre d’affaires et autant de pertes, pouvait bien attendre. Amazon pèse aujourd’hui 108,5 milliards de dollars. Jeff Bezos a mis 20 ans pour être l’homme le plus riche du monde là où il fallait plusieurs générations d’héritiers en l’an 2000. Le Groupe PPR (Fnac, Conforama, la Redoute, le Printemps…) – visionnaire et star du retail – s’est digitalisé à marche forcée… et, 20 ans plus tard, le groupe rebaptisé Kering est devenu un leader mondial… non plus du retail… mais du luxe ! Les marques mondiales "dématérialisées" du luxe ou de l’Internet ont pris le pas sur le marchand, forcément local, bricks and mortar comme on disait en 2000. Rappelez-vous nos questionnements à l’époque : "Alors demain, au lieu de vendre des produits, on vendra des expériences de consommation, des croisières de rêve, des pèlerinages absolus, dont on aura entendu parler en ligne, vers toujours plus d’immatériel " En 2000, il restait seulement EXXON comme valeur pétrole dans le TOP 10 des capitalisations mondiales (les 5 premières 10 ans plus tôt), Microsoft et Intel, génération PC (on était passé de 5 Mégahertz au Gigahertz en 20 ans), entraient dans la fête. Aujourd’hui, les 7 premières capitalisations mondiales sont digitales. D’une civilisation à une autre en 20 ans. De 450Mhz à 4,3 Gigahertz de cadence. Mais en 2000 on croyait à la loi de Moore. Aujourd’hui, elle est morte. La course à la miniaturisation des composants se heurte à l'atome. On attend l’ordinateur quantique… ou la décroissance et le variant Gamma ou un autre virus, peut-être informatique. On ne sait pas. Et ça peut changer les stratégies… Il y a 20 ans, l’Alliance Renault-Nissan sur laquelle le soleil ne se couchait jamais, du Japon aux États-Unis en passant par la vieille Europe, assemblait tranquillement des composants mécaniques venus des quatre coins de la planète : la civilisation de la voiture… et du carbone. En 20 ans, la voiture est devenue un téléphone portable sur roues toujours connecté, du moteur à combustion à l’électrique, et bientôt posséder une voiture sera has been… pour se déplacer à Paris aujourd’hui mieux vaut posséder un portable avec Waze ou Uber pour commander une voiture ou une trottinette. Demain aussi. Il y a 20 ans, les gens aimaient leur banquier familial, ce type à gros sourcils un peu bedonnant et rassurant. Celui-là même qui nous avait aidés à acheter la maison à crédit sur 20 ans ou à financer les études du petit, la même banque que papa ! Aujourd’hui, les gens détestent les interfaces vocales de leur banque. Plus personne en ligne ! Le Sahel de l’affect. Demain, il n’y aura donc plus de banques. Juste des applis vocales pour prendre un micro-crédit à la consommation ou pour acheter une voiture, qui vérifieront en live votre solvabilité. Quant à acheter une maison, ce sera has been. On changera tous les ans de quartier grâce à une nouvelle appli. Le travail ne se faisant plus qu’à distance. Il y a 20 ans, j’étais en Silicon Valley, on rêvait éveillés et sans substance ! On créait une nouvelle société New Age hyper coooool. Genre Joachim de Fiore et son Nouvel Age de l’humanité. La Rédemption en ligne. Avec pleins d’amis et d’ami.e.s d’ami.e.s sur le wouaib. Aujourd’hui nos gosses sont harcelés en ligne, Cambridge Analytica a sonné le glas de la politique et votre vie n’est privée que pour votre conjoint, que Google Amazon Instagram ou Facebook connaissent mieux que vous. Peut-être que demain on pourrait inventer un digital avec un visage plus humain. Qui intègre et protège. Inclusif et plus fraternel.l.e. En 20 ans, la logistique mondiale s’est complètement digitalisée de la salade à l’assiette, les centrales d’achat locales sont aussi devenues des plateformes mondiales digitalisées boostées par les IA. La planète a été englobée (on dit aussi globalisée) par des réseaux toujours plus rapides. Les GAFA sont devenus des États mondiaux, à qui il ne reste plus qu’à battre monnaie, lever l’impôt ou faire la guerre. La guerre, elle, ne se fait plus sur le champ de bataille mais avec des drones commandés à des milliers de kilomètres de là. Vers toujours plus d’échanges planétaires immatériels à la surface d’une planète englobée de données liquides. Mais maintenant, en même temps que ce mouvement de mondialisation boosté par la data et la mobilité (rappelez-vous les cabines téléphoniques et les téléphones gris en 2000), nous allons vivre un mouvement de relocalisation, de défense de l’intime, des communautés et des liens sociaux toujours plus fragiles. Et le digital en sera le support. Le global c’est le local sans les murs. Le Covid, premier avatar du crash écologique, va ramener l’intime, le foyer, la tribu au centre. Via le digital. En 20 ans, qu’avons-nous fait de nos rêves ? Et si on inventait pour demain un digital plus humain ? 20 ans qu’on essaie chez Kea-Euclyd. Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer Parfois, ça marche ! Didier Long Partner & Co-fondateur de Kea-Euclyd, la practice digitale du Groupe Kea Email I Linkedin À lire également : La Revue 23, la transformation socio-digitale 20 ans de transformation… des business models 20 ans de transformation... responsable 20 ans d'innovation #Kea20ans

  • Le design du travail en action : Transformation des usines et implication des travailleurs

    Selon la manière dont elles sont menées, les transformations techniques et managériales des usines peuvent réduire les marges d’autonomie des opérateurs et techniciens ou au contraire renforcer leur pouvoir d’agir. Ceci pose la question de leur participation à la définition du contenu et des moyens de leur travail, autrement dit au "design" de leur travail. Comment mettre la technologie la plus avancée au service de la compétence et de la créativité des travailleurs ? Comment engager des processus réflexifs qui développent l’intelligence collective ? Cette note fait suite au premier ouvrage "Organisation et compétences dans l’usine du futur", paru en 2019, issu des travaux de la Chaire Futurs de l’industrie et du travail dont Kea est partie prenante. Alors que la première étude investiguait si et comment les technologies dites de l’industrie du futur impactent l’organisation du travail et la gestion des compétences dans les usines, cette seconde étude enrichit les réflexions sur la transformation des usines et des activités de production. Cet ouvrage pose la question du modèle que nous voulons pour les usines et les métiers industriels et donc la question de leur attractivité. Cette question est particulièrement d'actualité dans un contexte d'accélération de la numérisation. Quelle en est la finalité ? Aller un cran plus loin dans la Taylorisation et la définition du travail ou au contraire faire monter en compétences les opérateurs et leur confier plus d'autonomie et de responsabilités ? Opérateur augmenté ou diminué ? In fine, il montre que les entreprises peuvent créer, par l’écoute, l’expérimentation pragmatiste et le soutien managérial, des "bulles de confiance" propres à développer simultanément la qualité du travail et la performance. Les auteurs, Marie Laure Cahier et François Pellerin, apportent, à la fois, un éclairage théorique sur les dynamiques de transformation industrielles, ce qui a fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné, et des illustrations, des réalisations concrètes d'industriels en matière de Design du Travail. Et les exemples inspirants ne manquent pas, dans des entreprises de toutes tailles et dans des activités industrielles très différentes ! Chez Kea, cela résonne fortement avec notre mission* car il faut une volonté forte des parties prenantes (dirigeants, collaborateurs, syndicats, experts…) pour éviter les écueils des transformations industrielles passées et faire face aux profondes remises en cause des organisations industrielles que cela suppose : implication des opérateurs ; autonomie, responsabilisation et... confiance ; transformation du rôle du management intermédiaire ; inversement de la logique de travail entre opérationnels directs et fonctions support… Les dirigeants, directeurs industriels et de production, les responsables des transformations numériques, les experts en excellence opérationnelle et en facteurs humains, les managers d’équipe comme les représentants du personnel et les syndicalistes, trouveront dans cet ouvrage de nombreuses idées pour construire des organisations participatives, pluralistes et ouvertes au changement. Parcourir via SlideShare. * Entreprendre les transformations pour une économie souhaitable, telle est notre raison d'être. En savoir plus Découvrir tous nos réseaux et think tanks

  • Réussir un vaste programme de transformation… jusqu’au dernier kilomètre

    La transformation est le chantier permanent des dirigeants. Les programmes sont ambitieux et se conçoivent au plus haut niveau de l’entreprise. Les plans de communication, sensibilisation, formation et déploiement sont là pour en assurer la réussite. Mais voilà, sur le terrain, quand il faut concrètement mettre en œuvre la transformation, quand il faut concrètement changer, ça frotte, c’est plus difficile que prévu dans les plans et les jalons se décalent. Et pourtant, les dirigeants passent un temps fou à expliquer l’ambition, son bien-fondé, à démontrer par A + B que la transformation proposée est la bonne, est bien celle qu’il faut pour l’entreprise. Mais non, même si l’ambition peut être comprise et acceptée, force est de constater que l’intention ne suffit pas. Alors quoi ? Même si nous en avons envie, nous ne changeons pas ? En fait, l’intention est louable mais insuffisante : il manque sa traduction concrète pour les équipes ? Comment vont-elles (peuvent-elles ?) traduire cette intention en pratique ? En combien de temps les comportements de chacun vont-ils se transformer ? Comment les équipes vont-elles s’y prendre ? par quoi commencer ? et les autres, vont-ils changer ? Si je fais un premier pas, les autres vont-ils suivre ? Alors comment passer de l’intention à l’action, concrètement ! Pour passer du travail prescrit au travail réel, changer les pratiques et les comportements, il faut faire preuve d’écoute, de plasticité et de confiance. Il s’agit de confronter l’intention stratégique à la vraie vie. C’est un chemin fait de rencontres, d’échanges, de mises en situation, de mises en confiance, de jeux et de rituels. Et cela, à tous les échelons hiérarchiques de l’entreprise, avec la conviction que chacun, à son niveau, est un sachant intelligent. Clé numéro 1 : pari sur l’intelligence Prenons l’exemple d’un changement organisationnel. Sur le papier, une organisation cible est explicitée, avec à la clé de nouveaux flux, fonctions, rôles et tâches. En réalité, quand on va à la rencontre de celles et ceux qui vont la mettre en œuvre, une multitude de cas émergent que personne ne pouvait imaginer a priori et ne pouvait prendre en compte dans le schéma cible, faute de temps et de complexité pour se mettre d’accord avec le comité de direction. Tout d’abord, pour que la démarche soit éclairante et mobilisatrice, tous les acteurs de l’entreprise doivent être traités en adultes conscients et intelligents, sujets et non objets de la transformation à mener. C’est en faisant faire à tous le chemin qu’a pu suivre le comité de direction : analyse du terrain de jeu de l’entreprise, questions posées par la concurrence, l’environnement… qu’ils peuvent construire leurs propres convictions et commencer à se projeter. C’est en créant l’espace et les conditions pour ce cheminement dialectique de chacun et en faisant le pari de l’intelligence de tous qu’un rassemblement mobilisateur devient possible. Clé numéro 2 : recueil de la réalité Pour ce faire, le matériau c’est la réalité. En allant à la rencontre des équipes sur le terrain (rencontre et non pas interview et grille de questionnement), en les écoutant, en utilisant nos sens, des cas concrets de mise en application de la nouvelle organisation vont se dessiner : "ah oui, j’ai compris : quand il se passe cela, il faut faire cela !". Ce recueil va permettre de mettre la nouvelle organisation en situation à partir de cas réels, de la modéliser en miniature, de la jouer… pour la rendre concrète et aider chacun à s’y projeter, en utilisant des moments clés qu’ils vivent concrètement. Pour cela, il faut de la plasticité pour s’approprier la réalité des métiers de chacun et savoir la restituer dans un modèle d’organisation clair, simple… et surtout opérationnel. L’exercice de la fiche de poste qui est distribué à chacun (dont on ne retient que 10%) est alors inversé : plutôt que d’imposer de nouvelles tâches par des "il faut" et "vous devez", c’est un travail de récolte de situations concrètes, au plus près du terrain, afin de les simuler dans des ateliers d’expérimentation non théoriques. Ces ateliers vont alors provoquer des déclics et questionner les comportements et représentations en place pour pouvoir par la suite les bouger. Par exemple, la représentation du "client roi" pour l’un n’est pas la même pour un autre : Un hôte de caisse peut avoir en tête l’image d’un client voleur par nature qu’il faut surveiller, débusquer – alors que, dans les faits, cela ne représente que 2% des clients et que la relation avec les 98% restants en est faussée. Clé numéro 3 : le cascading, la durée et la répétition Une fois l’organisation modélisée en miniature à travers des cas mis en scène en vidéos, en jeux digitaux, en jeux de plateau, en damiers, en cartes à jouer, etc… les équipes disposent d’outils sur-mesure faisant vivre des expériences transformantes. C’est le comité de direction qui va vivre le premier l’expérience de ce "kit on the job" et ainsi pouvoir valider que c’est bien cela qu’ils veulent. Ensuite chaque membre du comité de direction va animer l’expérience auprès de ses N-1 et ainsi de suite pour engager toute l’entreprise. Ce faisant, les doutes et les peurs sur la mise en œuvre s’expriment, les convictions aussi. Le changement de représentation et de comportement s’amorce. Les kits on the job sont animés toutes les semaines avec les équipes, dans LEURS rituels (pour éviter d’empiler des tâches dans des agendas déjà chargés). On mise sur la durée et la répétition : si l’attention est portée ainsi toutes les semaines sur la relation client, la relation avec les clients va changer et de même si mon management incarne cette relation client, je vais avoir tendance, par mimétisme à changer ma relation client. Peu à peu de nouvelles pratiques remplacent les anciennes. Il faut répéter un comportement en situation pendant 20 jours pour l’adopter, 6 à 9 mois pour l’ancrer dans sa pratique. Il faut un an pour cranter réellement de nouveaux comportements dans toute l’entreprise. Clé numéro 4 : bienveillance et dédramatisation Nous sommes tous interdépendants : on joue et on résout collectivement. L’approche est bienveillante, ludique, dédramatisante : elle encourage à la prise de risque… d’autant plus que dans le cadre du jeu, dans le cadre de la simulation, on ne risque rien ! Pour résumer en quelques mots : Écouter et comprendre les interrogations des équipes sur le terrain Récolter des situations réelles à confronter à l’intention stratégique du programme de transformation, via des rencontres, du côte à côte, des focus groupes Outiller des ateliers d’expérimentation (déclic et changement de pratique) Animer et faire animer ces ateliers, du comité de direction au chef d’équipe Ancrer par la répétition et le rituel : C’est ainsi que l’on rend opérationnelle une transformation complexe et concernant un grand nombre d’acteurs. Corinne Patarin Partner & Fondatrice d'Arkos Email I Linkedin

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