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Une triple équation pour le secteur agro-alimentaire


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Comment conjuguer environnement, pérennité économique et pouvoir d’achat ?


En 2022, les entreprises du secteur agroalimentaire sont sous le coup d’une double contrainte particulièrement complexe à aborder. Elles ont d’un côté un contexte macro-économique extrêmement tendu qui pèse sur leur marge à très court terme (coût des matières premières, du transport, de l’énergie…) et d’un autre, un impératif à plus long terme de lutte pour la préservation de l’environnement et plus globalement de transition alimentaire. Le dilemme se pose pour tous les acteurs de chaine alimentaire, producteurs et distributeurs : peut-on maintenir l’investissement dans les transformations des modèles opérationnels pour réduire leurs impacts environnementaux ? Peut-on mener de front la compétitivité (et ses impératifs de préservation de marge et de pouvoir d’achat) et la responsabilité (et les changements structurels qu’elle sous-tend) ? Faut-il opposer fin du monde et fin du mois ?


Peu de situations ne méritent autant la ritournelle « en même temps » : la transition environnementale ne s’envisage que dans une perspective de pérennité de l’entreprise et sa compétitivité.


Répondre aux évolutions règlementaires et anticiper les contraintes climatiques

Si les entreprises veulent respecter les Stratégies Nationales Bas Carbone (SNBC) et leurs objectifs à moyen (2030) et long terme (2050), il faut agir vite pour engager les transformations d’ampleur requises. A l’échelle d’une entreprise, l’horizon 2030 se prépare dès aujourd’hui. D’ailleurs, plusieurs effets du dérèglement climatique sont déjà prégnants et nécessitent une adaptation immédiate des entreprises : celles situées dans les zones impactées par la sécheresse en 2022 ont été contraintes par les autorités de réduire drastiquement leur consommation d’eau. Elles perçoivent avec acuité l’urgence à réduire leurs impacts sur l’environnement.

Les consommateurs partagent le dilemme des entreprises. Selon une étude de mars 2022 [1], 68 % d’entre eux estimaient que consommer des produits responsables demandaient trop d’efforts au quotidien (il y a fort à parier que cette part se soit largement développée depuis). En même temps, 80 % des Français jugent que les enjeux sociaux et environnementaux devraient être prioritaires pour les entreprises, alors que 75 % sont méfiants à l’encontre de leurs déclarations. Au-delà de s’engager, les entreprises sont invitées à matérialiser leurs engagements.


Les investisseurs financiers et les collaborateurs affichent également leurs intentions sur ces questions : 98 % des investisseurs institutionnels dans le monde considèrent désormais les facteurs non-financiers (contre 60 % en 2016), quand 57 % des collaborateurs souhaitent contribuer aux enjeux de transition de leur entreprise.

Enfin, la règlementation joue un rôle prépondérant dans le passage à l’action, en incitant les entreprises à prendre en compte leur impact environnemental : il est désormais obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés de réaliser un bilan d’émissions de Gaz à Effets de Serre (GES) tous les 4 ans avec un plan de transition associé (Loi Grenelle II 2010) et de de communiquer la part d’activité alignée avec la taxonomie européenne (dès 2023).


Pour toute entreprise en général et plus spécifiquement pour le secteur agroalimentaire, réduire ses impacts environnementaux revêt donc plusieurs défis : réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à ses produits, limiter la pollution liée à ses procédés de fabrication et commercialisation (air-eaux-sols), réduire la consommation des ressources (eau, occupation des sols, énergie, etc.), mieux préserver la biodiversité et respecter le bien-être animal.

Réduire de 68% les émissions de GES de la filière d’ici 2050 avec des leviers sur les scopes 1, 2, 3


L’enjeu de réduction des GES est de taille et les acteurs doivent se mobiliser au plus vite s’ils veulent collectivement être en phase avec la Stratégie Nationale Bas Carbone à 2050 (en lien avec les accords de Paris). A volumes constants, la filière doit se décarboner à hauteur de 28 % d’ici 2030 et 68 % d’ici 2050 [2]. C’est l’ensemble de la chaîne de valeur qui doit se réformer en profondeur, en premier lieu l’amont agricole (intrants, agriculture et énergie liée) et la transformation, premiers contributeurs à l’empreinte environnemental de la filière (respectivement 65 % et 19 %).


Ces nouvelles contraintes ont de quoi donner le tournis aux entreprises du secteur agroalimentaire, notamment aux plus petites qui apparaissent bien moins armées en compétences et en capacité d’investissement pour y consacrer les ressources et le temps nécessaires. Toutefois, il existe des solutions pour réduire substantiellement son impact dès maintenant sans nuire à la pérennité de sa société. Les exemples affluent et les bonnes pratiques se démocratisent.


Sur les scopes 1 et 2, les émissions sont directement attribuées aux entreprises, qui ont différents leviers à activer : limiter le gaspillage alimentaire en concevant des formats et des emballages qui préservent les produits ou en optimisant les processus de fabrication, transformation et transport (réduction des pertes et rebuts); réduire les émissions liées à la consommation d’énergie en ayant recours à des énergies renouvelables ou en optimisant les consommations (rénovation énergétique, renouvellement des équipements, sensibilisation des occupants, exploitation plus sobre de l’outil industriel, etc.).


Le scope 3 représente les émissions indirectes, celles qui sont issues d’autres étapes – amont ou aval – de la chaîne de valeur. Représentant bien souvent la majeure partie des émissions d’une entreprise ou d’une marque alimentaire classique qui transforme des matières premières achetées, elles représentent 70 à 80 % des émissions totales. Pour les adresser, il apparaît clé de travailler sur un sourcing plus responsable (local, produits non déforestants, encourager les pratiques agricoles régénératives et respectueuses des sols) ; identifier des matières de substitution (utilisation de matières recyclées, substituts à la protéine animale, etc.) ; mettre en place des packagings responsables (matériaux recyclés ou biosourcés, travail de la fin de vie des produits, optimisation des emballages de transport, etc.).


6 points clés pour la transformation des entreprises agro-alimentaires

La liste est longue et la transformation complexe, car elle mêle les dimensions technique, stratégique et économique, règlementaire et humaine. Comment et par quoi commencer ? Nous relevons plusieurs principes clés à suivre pour réussir cette transformation :

  1. Mesurer les impacts pour avoir une situation initiale fiable et complète, puis modéliser l’impact des leviers comme outil d’aide à la décision.

  2. Embarquer les équipes : toutes les équipes sont actrices de cette transformation, elles doivent donc comprendre les enjeux et basculer dans une action sincère et la plus spontanée possible

  3. Maîtriser le temps court et le temps long :

    1. être clair sur la trajectoire à moyen et long terme ;

    2. passer à l’action rapidement et distinctement : des actions à impact rapide sur les scopes 1 et 2, des actions plus structurelles et concertées sur le scope 3 ;

    3. préparer le défi de l’innovation (LT) avant même d’avoir relevé le défi de l’optimisation (CT). Il faut par exemple mettre en place une veille pour identifier les futurs grands leviers de rupture, associer des ressources ou des partenaires qui portent de nouvelles compétences, etc.

  4. Faire des choix stratégiques forts et évaluer les impacts sur le modèle d’affaire et sur l’organisation actuelle. Encore une fois, la transformation ne soit pas se faire au prix de la pérennité de l’entreprise et les changements majeurs doivent être accompagnés.

  5. Faire bouger les grands processus transverses de l’entreprise qui vont soutenir la transformation responsable : évolution du modèle de performance et de rémunération, attribution des capex, revues stratégiques et budgétaires, etc.

  6. S’engager dans une démarche de transformation avec son écosystème afin de pouvoir agir sur la filière dans son ensemble.

En conclusion, la transformation des modèles opérationnels de l’industrie agroalimentaire, dans le sens d’une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, est inéluctable. Les attentes convergent : régulateur, clients, collaborateurs, institutions financières. L’action des entreprises doit rassembler, tout à la fois et au plus vite, des initiatives visibles à court terme et des actions structurantes à plus long terme. Les entreprises doivent accepter de se mettre en mouvement au plus vite, même si elles ne maitrisent pas pleinement les impacts de leurs actions.


Ce passage à l’action doit se lier à l’activité directe de l’entreprise, c’est-à-dire aux produits eux-mêmes (définition, composition), aux procédés de fabrication, aux modalités de distribution, etc. Les initiatives ne doivent pas se limiter à des à-côtés, certes bénéfiques mais insuffisants, à l’image des travaux sur la mobilité des collaborateurs, sur la consommation énergétique des bâtiments du siège, etc. En d’autres termes, ces transformations peuvent être vues comme une opportunité de faire bouger les lignes des activités des entreprises du secteur agroalimentaire dès 2023.

Transformer les entreprises pour transformer le monde. Chez Kéa & Partners, nous sommes très fiers de contribuer à la transformation de la filière alimentaire.


[1] Etude Audencia “Jobs that make sense”, mars 2022

[2] Projet de Stratégie Nationale Bas-Carbone


Auteurs :


Sandra Bertholom

Partner, Kea & Partners


Mathieu Daude-Lagrave

Partner, Kea & Partners



Margot Auvrèle

Consultante, Kea & Partners


Matthieu Gasc

Manager, Kea & Partners


Gautier Joniot

Directeur, Kea & Partners

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