S’il existait un trophée des buzzwords en entreprise, l’ « agilité » occuperait une place importante sur le podium depuis quelques années. Mais au-delà de sa popularité, ce concept représente une opportunité unique de redéfinition du succès durable d'une entreprise. Nos clients ayant entrepris et réussi à adopter l’agilité constatent des améliorations très significatives, non seulement en termes de rapidité de mise sur le marché, mais aussi en matière de satisfaction client et d’engagement des collaborateurs.
Cependant, sur le terrain, les agilisations d’organisation sont les transitions parmi les plus complexes que nous sommes amenés à accompagner. Leur dimension systémique – impactant tant les méthodes de travail que les structures, les processus transverses, les périmètres applicatifs ou le rôle des managers – et la profondeur des impacts individuels – il s’agit souvent de désapprendre ce qui a été enseigné depuis bien longtemps dans toutes les grandes écoles du monde – génèrent une grande complexité dans la définition d’une cible et d’un chemin clair.
Il est donc compréhensible que de nombreux dirigeants se sentent incertains et anxieux à l'idée de s'engager dans ce voyage, qu’ils assimilent souvent à un saut dans l’inconnu. L’enjeu est grand, et le dirigeant doit s’assurer que cet investissement aura les résultats attendus en termes de gain de performance, tout en garantissant la sérénité de ses collaborateurs dans ce périple mouvementé.
Nous cherchons ici à donner des clés de lecture sur la façon de se lancer dans cette transformation, et notamment : comment se transformer « vers l’agilité, en agilité ».
1. Considérer l’agilité comme un état d’esprit, pas juste un « framework »
Il existe de nombreux outils se proclamant issus de l’agilité, tant au niveau de chaque équipe (scrum, kanban, lean startup…) qu’au niveau des organisations (spotify model, safe…). A ces outils, viennent s’ajouter les réflexions produit qui sous-tendent à juste titre les efforts d’agilisation. Il est donc facile de se perdre dans ces frameworks. Si ceux-ci sont très utiles dans la mise en place de l’agilité, ils sont loin d’être des recettes magiques qu’il suffit de mettre en place pour garantir un saut de performance. Nous considérons l’agilité d’abord comme un état d’esprit, une nouvelle manière de structurer le travail des équipes et de régir leurs interactions.
Les frameworks agiles ont néanmoins une utilité puisqu’ils fournissent une base pour faire l’expérience de modes de fonctionnement différents. Nous commençons souvent par proposer à nos clients une version « by the book » des modes de fonctionnement et de l’organisation, afin que chacun puisse vivre l’expérience de l’agilité. Cette base sert alors de pivot, autour duquel l’organisation peut trouver son mode de fonctionnement propre, une fois qu’elle a compris la réalité de l’état d’esprit agile.
Il est aussi important de revenir aux fondamentaux de l’agilité, avec les 4 valeurs issues du manifesto. C’est dans ces 4 valeurs que réside l’état d’esprit agile : chaque entreprise doit trouver comment les faire résonner chez elle plutôt que d’appliquer un framework.
2. Adopter l’agilité avec agilité
La nature d’une transformation agile est bien différente de celle d’une transformation classique. Profondément systémique, elle nécessite une transformation de chaque composante du modèle opérationnel (y compris technologique) avec de nombreuses parties prenantes dont le niveau d’adoption est difficile à anticiper. Nous sommes donc face à une situation à la fois complexe et incertaine. Heureusement, c’est exactement face à ce genre de problème que l’agilité montre toute sa puissance. Appliquons donc le manifeste à cette transformation.
« Les individus et les interactions de préférence aux processus et aux outils »
Cette valeur peut être facilement vécue par les collaborateurs à travers la transformation, le management montrant à ses équipes qu’il a confiance en elles et qu’il est prêt à leur laisser de l’autonomie. Par exemple, en laissant chaque équipe libre de choisir son niveau d’ambition, en intégrant la contrainte d’aller aussi loin que possible dans la direction portée par le management tout en intégrant les contraintes de faisabilité intrinsèque à l’équipe. C’est également les laisser arbitrer sur les nombreuses adhérences et conflits de périmètre qui émergeront rapidement entre les équipes, en leur donnant un cadre clair.
C’est ainsi que les managers et leaders de l’organisation commenceront à adopter leur nouvelle posture : celle du servant leadership dans laquelle ils sont dépositaires d’un cadre le plus large possible, inscrit dans la stratégie de l’entreprise, défini a priori, dans lequel les collaborateurs seront libres de faire des choix. Ils prennent également le rôle de créateur et de garant des conditions du succès de leurs collaborateurs, écoutant leurs difficultés, les incitant à les résoudre à leur niveau et escaladant les sujets plus structurels.
« Des solutions opérationnelles, de préférence à une documentation exhaustive »
Il est toujours tentant au début d’une transformation d’écrire une vision précise qui sera ensuite déployée : la cible organisationnelle, c’est-à-dire un « playbook » des modes de fonctionnement et processus visant à régir les interactions. Certains dirigeants se refusent à lancer une transformation avant que tout ceci ne soit formalisé : au-delà de coûter cher et de retarder la transformation, cette approche diminue la capacité des équipes à trouver le mode de fonctionnement optimal et à se rendre compte qu’elles sont maintenant responsables de l’optimisation de leurs propres modes de fonctionnement.
Il est néanmoins nécessaire d’être clair sur une vision qui guidera l’action. Celle-ci repose sur des principes forts – souvent liés dans l’agilité à l’autonomie des collaborateurs, la focalisation des équipes, l’orientation client, l’importance de l’apprentissage… – qui constituent un cadre permettant à chaque équipe de trouver son mode de fonctionnement et aux dirigeants de faire évoluer progressivement les structures et processus.
Ainsi, nous constatons que l’expérimentation et l’apprentissage, orientés par une vision claire, permettent de faire émerger des modes de fonctionnement cohérents, efficaces, et adoptés par les équipes.
« La collaboration avec les clients, de préférence aux négociations contractuelles »
Les clients de cette transformation, ce sont les collaborateurs de l’entreprise. La négociation contractuelle d’une transformation serait un contrat tacite : « mets en place l’agilité décrite dans le document ci-joint ». Pour réussir l’agilisation, il est essentiel d’ouvrir un dialogue sur les modes de fonctionnement. Les collaborateurs vont ainsi pouvoir exprimer leurs difficultés, remonter les obstacles qu’ils ressentent au quotidien… et c’est là que la collaboration entre les managers portant la transformation et leurs équipes prend tout son sens. Il s’agit de trouver, ensemble, la meilleure des solutions.
Nous recommandons à nos clients de proposer à leurs équipes l’appui de coachs agiles dans cette transformation. Ce sont eux qui vont aider les collaborateurs à sortir de la logique contractuelle « top down » préexistante pour rentrer dans cette collaboration avec l’institution. Ils aideront d’ailleurs tout autant les managers à entrer dans cette dynamique d’ouverture.
Enfin, c’est cette communauté de coachs qui garantira que les pratiques des équipes sont à la fois suffisamment adaptées à chaque situation et suffisamment cohérentes entre elles pour permettre davantage de performance pour l’équipe et l’organisation.
« La réponse au changement, de préférence au respect d’un plan »
Cette valeur est probablement l’une des plus intéressante. Elle nous invite d’abord à une logique de petit pas : concevoir la transformation comme une somme de petites transformations successives, permettant ainsi de réorienter au fur et à mesure que nous apprenons pour mieux atteindre la vision. Une transformation agile est ainsi beaucoup plus sereine quand elle se fait équipe par équipe, et processus par processus plutôt qu’une bonne fois pour toute.
Ensuite, elle permet de choisir les bons moments et de saisir les opportunités qui se présentent. Ainsi, transformer une équipe vers l’agilité au milieu d’un projet critique est dangereux : autant attendre le lancement d’un nouveau projet ou produit. Nous insistons également sur le fait de former les équipes au bon moment : rien de pire que de proposer une formation agile aux équipes trop tôt. Au pire, celles-ci penseront qu’elles peuvent devenir agiles en autonomie sans support d’un coach, au risque de mal se transformer et de penser que l’agilité n’est pas pour eux. Au mieux, elles auront oublié une grande partie de leur formation lorsqu’elles commenceront leur agilisation quelques mois plus tard. Dans tous les cas, cela génère plus de frustration que de patienter.
Cela a néanmoins un défaut : il faut accepter que, pendant quelques temps, deux mondes coexisteront. De notre expérience, il s’agit ici d’un moindre mal.
3. Se rappeler que l’agilité n’est qu’un moyen
Nos clients nous contactent souvent en nous disant « J’ai envie de devenir agile », phrase qui représente deux dangers.
Premièrement, cette phrase confond moyen et finalité. Si l’agilité est attirante pour les dirigeants et les collaborateurs par ses nombreuses promesses, elle doit être mise au service d’une création de valeur explicite pour leur entreprise, en cohérence avec leur stratégie.
Ensuite, l’agilité n’est pas un absolu. Il n’y a pas des entreprises agiles d’un côté et des entreprises non-agiles de l’autre. Nous incitons ainsi nos clients à changer leur discours vers « devenir plus agile qu’hier ».
Ces deux notions nous amènent à considérer la notion de mesure de la transformation, qui peut être de deux natures :
Une mesure de la valeur générée par la transformation, que nous aimons considérer à la fois au niveau de l’organisation (satisfaction client supérieure, engagement des collaborateurs…) et au niveau de chaque équipe en fonction de la valeur qu’elles ont eux-mêmes définie et qui sera donc spécifique à chaque entité
Une mesure de l’avancement de l’agilité, pour laquelle nous avons construit un outil de mesure de l’état d’esprit agile à travers l’organisation, dans une approche culturelle de l’agilité
Quand vous demanderez à vos équipes de mettre la valeur au cœur de leurs réflexions, ces deux boussoles vous permettront également d’arbitrer sur vos priorités et d’adapter vos moyens de transformation avec exemplarité.
Dans un monde en perpétuelle mutation, devenir toujours plus agile est essentiel. En tant que dirigeants, développer l’agilité transcende l'implémentation de nouveaux outils, en incarnant une transformation profonde de la culture organisationnelle, axée sur la collaboration et l'innovation. Il s'agit d'un voyage continu d'apprentissage et d'adaptation, une invitation à repenser la manière dont nous travaillons et à valoriser les interactions humaines. En intégrant l'agilité dans votre stratégie organisationnelle, non seulement vous positionnez votre entreprise pour des gains de performance significatifs, mais vous forgez également une entité résiliente, prête à naviguer avec succès dans les complexités du marché moderne, tout en cultivant un environnement dans lequel l'innovation peut s'épanouir.
Auteur :
Etienne Denis
Directeur Kéa
Herbert Faure
Partner Kéa
David-Emmanuel Vivot
Partner Kéa
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