Réenchanter le travail par le sens : comment la RSE nourrit la fierté d’agir et la performance durable
- MySezame
- il y a 1 heure
- 5 min de lecture

Dans un contexte d’accélération des crises économiques, sociales et sociétales et de tendance au recul sur les politiques RSE, la tentation est grande de reléguer la RSE au second plan alors que le besoin de transformation responsable n’a jamais été aussi pressant. Très mauvais calcul pour notre survie en tant qu’espèce, mais aussi pour l’intérêt propre de l’entreprise. Même à court terme et études scientifiques à l’appui, la RSE est aujourd’hui l’un des rares leviers capables de réinsuffler du sens et de la cohérence collective, de revitaliser l’engagement des équipes, de redonner de l’élan à l’organisation et de renforcer sa résilience. Et ainsi, de contribuer efficacement à répondre au désengagement qui touche près de 20 % des salariés et à attirer et retenir les jeunes talents dans un contexte de vieillissement de la population.
Comment passer d’une RSE « périphérique » à une RSE génératrice de fierté collective et de performance durable ?
Nous vous proposons :
des exemples d’organisation qui ont réaffirmé leur « Pourquoi » et dans lesquelles la RSE est devenue un élément différenciant positif,
des pistes d’actions concrètes pour enclencher cette dynamique dès maintenant.
Réaffirmer un "Pourquoi" mobilisateur
Raviver le “pourquoi” de l’entreprise devient vital. Il ne s’agit pas d’ajouter des objectifs RSE au business, mais de réinterroger la contribution même de notre travail, pour éviter la spirale du cynisme et des "bullshit jobs". Car au fond, une conviction simple s’impose : dans un contexte d’incertitude permanente, les collaborateurs ne cherchent plus seulement à “faire leur part” ou à ajouter un petit vernis RSE qui s’écaille vite, ils ont besoin de retrouver le sens de leur engagement professionnel.
La littérature scientifique suggère qu’une culture organisationnelle valorisant la RSE peut influencer positivement les intentions des candidats externes (Rupp et al., 2013 ; Scott, 2000 ; Strobel et al., 2010 ; VanProoijen et Ellemers, 2015). Par ailleurs, les résultats d’études ont démontré que la RSE peut influencer positivement le niveau d’engagement organisationnel des salariés (Closon et Leys, 2011 ; Nejati et Ghasemi, 2013, rapporté par Cairn.info).
Des entreprises l'ont compris et ont placé la RSE au cœur de leur développement :
Decathlon pense chaque produit en intégrant l’impact environnemental dès la conception, générant 420 M€ de chiffre d’affaires via la réparation et la seconde main. Des équipes internes peuvent se former pour proposer et mettre en place des procédés plus vertueux écologiquement, avec budget accordé. Des plans de biodiversité sont imposés à chaque emplacement commercial et administratif et la question de leur place sociétale est régulièrement abordée.
Saint-Gobain anime des "Clubs RSE" locaux pour co-construire des solutions d’éco-innovation terrain. Ils cherchent à s’entourer et acquérir des acteurs de l’économie circulaire pour mettre ces pratiques au cœur de leur business model.
Ces initiatives ne sont pas des "à-côtés" mais la conséquence d’un changement de paradigme interne, toujours en cours d’évolution et de renforcement. Quand elle n’est plus perçue comme une contrainte administrative, mais comme une source d’énergie et une évidence de bon sens, la RSE devient un élément différenciant positif. À condition de la relier profondément au quotidien des équipes et d’en faire une priorité. Comment en arriver là ?
Quelles actions concrètes pour enclencher cette dynamique ?
Renouer avec une RSE transformatrice demande des choix courageux : transparence, reconnaissance de l’imperfection, et structuration d’une culture “extra-financière”. Voici trois leviers éprouvés pour ancrer durablement cette dynamique.
Faire preuve de transparence radicale
Aucune organisation n’est parfaite. Prétendre le contraire alimente la défiance. Oser reconnaître ses contradictions crée au contraire de la confiance.
Exemples :
Loom, marque textile, qui explique ouvertement les compromis faits sur ses matières premières, refuse et dénonce les "dark patterns", est obligée de mettre en place des listes d’attente produits pour répondre à la demande, sans publicité, sans augmenter sa production.
Certaines PME artisanales assument ne pas vouloir croître à tout prix pour préserver leur qualité et leur impact humain. Comme certaines boulangeries de centre-ville, non attirées par le “scalable”, et pouvant verser des salaires confortables.
Un acteur du tourisme a réussi à aborder avec transparence le problème de l'impact du transport aérien lors de la formation des collaborateurs, ce qui a créé du réengagement auprès de ses parties prenantes.
La clé : expliciter honnêtement ses arbitrages, ses progrès, ses échecs — sans greenwashing, ni angélisme. Et surtout présenter sa feuille de route pour s’améliorer, ou avouer qu’on n’a pas de solution satisfaisante à date. Des compromis oui, mais sans compromissions.
Créer une culture d’entreprise “extra-financière”
La rentabilité économique est indispensable à la bonne santé de l’entreprise. Mais elle n’est plus la seule constante vitale.
Concrètement, il s’agit de :
évaluer l'impact social, humain et environnemental lors des bilans annuels ;
inclure dans les rituels internes (séminaires, événements) des indicateurs extra-financiers ;
valoriser la contribution au capital naturel et social autant qu'aux résultats financiers.
Cela demande un leadership aligné, formé aux enjeux RSE, et capable d'incarner cette nouvelle ambition sans greenwashing. Par exemple, Tony’s Chocolonely, entreprise néerlandaise de chocolat, illustre cette démarche : elle a instauré une structure de gouvernance innovante avec trois « gardiens de mission » indépendants, experts en impact social et durabilité, chargés d’intégrer l’extra-financier au même niveau que le financier. Ces “gardiens” ont pour rôle de garantir que la mission de lutte contre le travail des enfants et le travail illégal reste prioritaire. Ils sont habilités à répondre aux préoccupations des parties prenantes (employés, cultivateurs, partenaires, consommateurs) en dialoguant avec la direction, en publiant des informations ou en lançant des actions juridiques. Ils permettent de rééquilibrer le pouvoir face aux intérêts financiers des actionnaires, notamment en donnant une voix aux écosystèmes et communautés locales concernées par les activités de l’entreprise.
Installer des temps de respiration réguliers
Dans le flux opérationnel, le risque est grand de repousser la réflexion RSE aux calendes grecques. Il faut institutionnaliser des respirations collectives :
formations internes sur les limites planétaires et l’approche systémique ;
fresques sur mesure des enjeux sociaux et environnementaux de l’entreprise ;
évènements liés à des temps forts. C’est le cas de la Semaine Européenne du développement Durable (SEDD). Un évènement très suivi par les entreprises et les institutions en Europe, qui a lieu fin septembre -début octobre et qui valorise les actions émanant d’entreprises, de collectivités ou de citoyens.
Un client a par exemple institutionnalisé les conférences liées à la RSE à chaque SEDD, les faisant suivre d’une journée d’ateliers pour faire le point sur le bilan environnemental de l’année écoulée et le plan d’action souhaité pour l’année à venir, avec des aller-retours entre sujets opérationnels et stratégiques, interne et externe, experts et salariés. Ces moments permettent de reprendre de la hauteur et de réaligner action et intention en mettant en lumière les initiatives menées au sein de l’entreprise d’une part, et de réengager les parties prenantes d’autre part. Sans cette institutionnalisation, ils risqueraient d'être repoussés.
Conclusion : la transformation durable commence par redonner du souffle au collectif
À l’heure où l'engagement ne peut plus être une option, la RSE n'est pas seulement une réponse aux attentes sociétales. Elle est un formidable levier d’alignement, de performance durable et de régénération.
Mais encore faut-il l’assumer pleinement :
en se reconnectant au sens profond du travail ;
en acceptant l’imperfection et en osant la transparence ;
en structurant une culture et des temps forts alignés avec les défis de notre époque.
C’est par ces dynamiques, humbles et sincères, combinant radicalité dans l’engagement et pragmatisme, que se forgent aujourd’hui les entreprises durables et désirables de demain.
Auteur :

Hélène de Vestele
Directrice, MySezame