top of page

L’Omnibus et la transformation stratégique vers plus de durabilité et de responsabilité : continuer ou faire une pause ?

  • Kea & Partners
  • 8 avr.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 avr.


Building

De nombreuses entreprises ont engagé des démarches d’impact, de durabilité et de responsabilité bien avant la mise en œuvre du Green Deal, notamment dans le domaine de la transition énergétique et de la décarbonation. Ces initiatives, initiées en amont des évolutions réglementaires, témoignent d’une volonté intrinsèque de faire évoluer les opérations et les chaînes d’activité face aux risques que la crise climatique et la contrainte sur les ressources font peser sur les modèles d’affaires existants.

Aujourd’hui, avec la proposition Omnibus de la Commission européenne – qui est entrée en phase de discussion entre le Parlement et le Conseil – s’ouvre un débat stratégique majeur. Dans le contexte actuel de ralentissement des obligations de transparence, de reporting et de vigilance, faut-il suspendre ou, au contraire, maintenir les efforts pour développer et mettre en œuvre une stratégie robuste de transformation en responsabilité vers des modèles d’affaires durables ?


Face à ce dilemme, nous invitons les entreprises à conserver leur dynamique et maintenir de façon pérenne :  i) les principes de l’analyse de double matérialité, ii) la considération des impacts sur l’ensemble de la chaîne de valeur, iii) une approche permettant l’implication des parties prenantes internes et externes et enfin iv) la mesure d’une performance globale autour d’une création de valeur plurielle, pas uniquement financière.


Nous vous proposons nos éclairages sur :

·       les impacts réglementaires de la proposition Omnibus ;

·       la stratégie à adopter par les entreprises ;

·       comment l’entreprise peut continuer à se transformer dans ce contexte si particulier et mouvant.

 


1.Les impacts réglementaires de la proposition Omnibus
  

La proposition Omnibus tend, d’une part, à ajuster certains aspects des textes réglementaires existants, et, d’autre part, à introduire un mécanisme de « stop-the-clock » qui permet de décaler le calendrier initial et de reporter la mise en application de dispositions de la CS3D et de la CSRD. 


  • Des ajustements sur le fond des textes réglementaires :

En qui concerne la CS3D – le devoir de vigilance à l’échelle européenne –, des modifications importantes sont envisagées : le champ de vigilance est restreint (« dispense d’un devoir de vigilance systématique au-delà des partenaires commerciaux directs en l’absence d’informations plausibles sur des incidences négatives réelles ou potentielles »), et la mise en œuvre progressive est retardée (en particulier, le report du délai de transposition de juillet 2026 à juillet 2027 qui décalera, par ricochet, la mise en œuvre échelonnée par les entreprises).

Concernant le reporting lié à la taxonomie, la proposition prévoit un caractère optionnel pour la majorité des entreprises et l’introduction d’un seuil de matérialité fixé à 10 % du CA, des OPEX, des CAPEX ou de l’actif total des activités concernées. Des ajustements supplémentaires, tels que la simplification des critères DNSH ou la révision du Green Asset Ratio viennent illustrer l’objectif d’allégement des exigences opérationnelles.

Concernant la CSRD, le champ d’application serait également largement restreint et les ESRS revues (suppression notamment des ERSR sectorielles, simplification des ESRS 1, allègement du nombre de points de données des ESRS thématiques).


  • L’introduction d’un mécanisme de « stop-the-clock » :

L’Omnibus se déploie en deux temps. Dans un premier temps, le « stop-the-clock » offre une pause réglementaire en retardant l’application des directives. Ensuite, un second temps, consacré à la réforme de fond, tend à ajuster en profondeur les exigences afin de tenir compte de la réalité économique et organisationnelle des entreprises. Ce dispositif devrait permettre, en théorie, de recentrer les efforts sur des plans d’action concrets plutôt que sur un reporting exhaustif et parfois trop contraignant.

 

Le règlement SFDR n’est pas touché et le mouvement demeure lancé. Les entreprises financières ont pu constater les bénéfices stratégiques de l’exercice, au-delà de la lourdeur et des contraintes réglementaires. Enfin, la taxonomie reste la seule référence de durabilité crédible dans certains domaines et les effets positifs sont déjà visibles, par exemple, pour les investissements immobiliers.


2.Le choix stratégique face au ralentissement réglementaire
  

Au-delà des ajustements juridiques, la proposition Omnibus interpelle les entreprises sur leur stratégie d’engagement et de transparence en matière de RSE. Le report de certaines obligations pourrait, à première vue, inciter à une suspension des efforts déjà entamés. Toutefois, l’expérience des entreprises pionnières démontre qu’il est pertinent de poursuivre et même de renforcer les initiatives prioritaires malgré ce décalage dans les échéances. Ainsi, l’analyse de double matérialité – outil permettant de recenser à la fois les impacts de l’activité sur le monde et les risques financiers qui résultent de ces impacts ou des transitions à l’œuvre – s’avère être un levier structurant pour la stratégie RSE et au-delà, pour leur stratégie globale.

 

Deux entreprises nous ont démontré la pertinence de maintenir la dynamique lancée :

  • un fonds d’investissement, bien que bénéficiant du report réglementaire, engagé dans une démarche CSRD en 2024 a choisi de poursuivre ses travaux en exigeant de ses participations majoritaires de réaliser leur propre analyse de double matérialité. Ce cas, qui n’est nullement isolé, démontre que l’exercice d’évaluation permet non seulement de répondre aux exigences d’une future réglementation, mais également de renforcer le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes (internes et externes) et d’identifier les priorités stratégiques. L’objectif est double : alimenter un processus collectif de transformation en engageant le top management, la direction financière et les responsables RSE dans une même dynamique tout en structurant la réponse réglementaire ;

  • un acteur de la formation et de l'information de santé, engagé dans un passage à la qualité d'entreprise à mission, conserve dans son approche, malgré sa désormais inéligibilité à la CSRD (suite au rehaussement des seuils), les principes d'une analyse en double matérialité. Cet exercice doit lui permettre de poser les bases robustes de sa démarche RSE mais aussi de placer l'expression de sa raison d'être, en responsabilité, dans le contexte de la nécessaire soutenabilité de son modèle d'affaires (c’est à dire la contribution au progrès médical doit s'accompagner d'une considération de l'empreinte environnementale et sociale des opérations au service de cette mission). 


3.Transformer l’entreprise en période d’incertitude réglementaire 

Face à l’incertitude inhérente aux débats et aux critiques autour de la proposition Omnibus, les entreprises doivent faire un choix en conscience, au-delà de la simple conformité.

L’exemple de la loi française de vigilance de 2017, qui est maintenue, et les exigences croissantes de certains donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs fournisseurs, illustrent bien que les entreprises doivent poursuivre leur transformation sans attendre une clarification définitive des règles.

De plus, le délai peut être mis à profit pour sécuriser l’embarquement des équipes et des dirigeants, et pour prendre de la hauteur.

Enfin, l’implication des parties prenantes joue un rôle central : le dialogue avec les financeurs, assureurs, clients et fournisseurs permet de hiérarchiser les priorités et de consolider les coalitions dans les écosystèmes, nécessaires pour sécuriser les bascules progressives des modèles d’affaires.

 

La réflexion doit donc continuer, intégrée à la stratégie globale, en considérant l’ensemble de la chaîne de valeur et en s’appuyant sur l’implication simultanée des directions financières, juridiques, RSE, mais aussi achats, innovation et opérationnelles.

Il s’agit pour la gouvernance institutionnelle et exécutive de choisir ses combats stratégiques et de profiter de la simplification du reporting pour se concentrer sur les priorités essentielles et les mettre en œuvre grâce à des politiques et des actions de transformation concrètes.

 

Une approche qui combine rigueur réglementaire et ambition stratégique conduit à la mise en place d’un modèle de performance globale alliant performance économique et contributions aux biens communs.

 

Conclusion
  

En dépit des reports et des ajustements qu’elle instaure, la proposition Omnibus ne doit pas être perçue comme une invitation à relâcher les efforts en matière de durabilité et de responsabilité. Au contraire, elle offre aux entreprises l’opportunité d’ajuster et de renforcer leur stratégie en s’appuyant sur l’analyse de double matérialité, la considération des impacts à l’échelle de leur chaîne de valeur, et une collaboration étroite avec l’ensemble de leurs parties prenantes.

Dans un contexte d’incertitude où les débats institutionnels se poursuivent, il est essentiel de garder à l’esprit que l’engagement pour une transformation durable constitue un investissement stratégique. A cet égard, certains acteurs choisissent utilement d’adopter la qualité de Société à Mission (créée par la Loi Pacte), saisissant l’opportunité de fixer un cap clair pour l’entreprise et ses parties prenantes et s’équipant d’une boussole explicite et durable dans ces temps incertains et volatils.

Plutôt que de lever le crayon, nous recommandons de continuer à structurer et prioriser les actions, en privilégiant la mise en place de plans d’action concrets qui contribueront à bâtir une performance globale, à la fois résiliente et responsable. Cette approche, technique et stratégique, permet de concilier les exigences normatives avec les véritables enjeux actuels de transformation de l’entreprise.


Auteurs


 avec Laure Rosenblieh, avocate, Hogan-Lowells



Yoram Bosc-Haddad

Senior Partner Kéa



Emmanuel Cibla

Directeur Nuova Vista



Annabelle Dommel

Manager MySezame


Comentários


bottom of page