La révolution des modèles opérationnels est en marche
Les assureurs courent aujourd’hui un grand risque : celui de voir leurs parts de marché grignotées par des acteurs focalisés sur le service, segment d’activité par segment d’activité. La révolution des modèles opérationnels doit être à l’agenda de leurs dirigeants.
En effet, leur métier consiste essentiellement à dédommager financièrement leurs assurés et très peu à les aider à retrouver l’usage du bien sinistré, à son état nominal. Ce faisant, ils ouvrent la porte à nombre d’acteurs à même de répondre à ce besoin d’usage, souvent impérieux, voire vital.
La nécessité de se transformer vers une activité de service touche d’autres secteurs. Ainsi, les constructeurs automobiles tendent à vendre plus des kilomètres parcourus que des véhicules – Le gros de leurs ventes étant désormais réalisé grâce aux flottes d’entreprises et non plus par les particuliers. Ainsi, un fabricant de perceuses devrait vendre plus des trous que du matériel !
C’est un changement de prisme considérable. Cela demande aux assureurs de réviser les fondements de leur métier et d’inventer de nouveaux modèles économiques. C’est passer d’une logique purement technique et financière – éloignée des objets : voiture, habitat, bureaux, entrepôts… – à une logique basée sur l’utilité pour le client. C’est devenir un orchestrateur de services à combiner selon les types d’aléas. La révolution culturelle est d’importance.
Si les compagnies d’assurance ont évidemment conscience de la nécessité de mener cette révolution, elles pensent en avoir le temps. Or il est urgent de se mettre en chemin. En effet, la valeur d’usage devenant première, force est de constater que les assureurs ne sont pas les mieux placés pour répondre aux besoins de leurs clients. Par exemple, les acteurs de la télésurveillance peuvent apporter la solution d’assurance la plus adaptée ; ils sont présents dans la maison, ils la protègent ! Et ils accumulent les données pertinentes pour ajuster leur offre.
Il est donc urgent que les compagnies allouent des ressources à l’innovation, aujourd’hui le parent pauvre de leurs investissements ; en la matière, elles sont au bas des classements d’entreprises[1].
Un laboratoire d’innovation paraît le moyen idéal pour avancer. Cela suppose d’y dédier une équipe qui soit dégagée de la contrainte des processus internes de l’entreprise et que l’expérimentation soit encouragée, en acceptant le test & learn, en donnant le droit à l’erreur. Pour être créatif et performant, ce laboratoire doit pouvoir s’appuyer sur dispositif de veille et de projection [Comment la valeur d’usage se matérialise-t-elle pour le client, par type de sinistre ? Quelles sont les voies de développement les plus probables ?]. Il doit aussi s’entourer d’un écosystème de partenaires ouverts sur des activités aussi différentes que la recherche médicale (apporter la valeur d’usage d’une jambe par un exosquelette, par exemple) ou la construction électrique (nombre d’incendies sont liés à une défaillance électrique).
Ce laboratoire est au cœur du changement de culture de l’entreprise. Il permet d’imaginer d’autres manières d’exercer le métier d’assureur, d’inventer de nouveaux modèles économiques. Et peu importe que l’objectif change en cours de route : le chemin est plus important que l’objectif !
La data science est à organiser également sous le prisme de la valeur d’usage, au service d’une tarification flexible et évolutive, inscrite dans le service apporté au client : analyser le passé pour tarifer le futur mais aussi se projeter dans le futur et ses aléas. Cette tarification nouvelle génération ne se base plus seulement sur la perte financière à date pour l’assuré mais aussi sur l’estimation de sa valeur d’usage. Elle n’est possible qu’à la condition de réaliser des économies d’échelle : favoriser les sinistres importants en volume, négocier les partenariats nécessaires à l’orchestration de services.
Assureurs, prenez les devants. Ne vous laissez pas grignoter par de nouveaux entrants plus forts sur le service et l’orientation-client. Des acteurs ont aujourd’hui la capacité d’apporter les services propres à redonner la valeur d’usage attendue par un assuré. Qui mieux qu’un constructeur automobile peut lui mettre à disposition un véhicule ? Qui mieux qu’une entreprise de télésurveillance peut protéger son habitation ?
En devenant orchestrateurs de services, les compagnies d’assurance ont de belles perspectives devant elles. À condition d’analyser et anticiper les mouvements de marché à l’œuvre et d’entamer résolument leur révolution économique et culturelle.
[1] Most Innovative Companies 2021, BCG, Avril 2021
Du fait de l’urgence climatique et de l’évidence des enjeux environnementaux, la pensée de l’extra-financier a jusqu’à présent été déséquilibrée. Elle s’est focalisée quasi-exclusivement sur la réduction des externalités négatives, dans une vision souvent culpabilisante et punitive des activités humaines. Elle a négligé de fait les externalités positives des entreprises et, a fortiori, leur maximisation. Cela est d’autant plus paradoxal que les unes ne vont pas sans les autres, comme les deux faces de la même pièce.
Pourtant, l’histoire est en marche pour rééquilibrer la pensée et la pratique de l’extra-financier vers une appréhension plus mature et efficace des ressources cachées des entreprises : leurs actifs immatériels, humains, organisationnels et relationnels.
Fait notable : l’Union européenne renforce son leadership sur l’extra-financier. Le 28 février 2021, l’EFRAG [1] a publié un rapport [2] qui présente ses principales recommandations en vue d’élaborer une norme d’information extra-financière au sein de l’Union européenne [3]. Un premier ensemble de normes doit permettre aux entreprises de publier en 2024 un reporting sur l’exercice 2023 conformément à une nouvelle directive. Ce rapport de l’EFRAG fait de la mesure de l’immatériel son 6ème bloc constitutif et pointe du doigt les limites de l’information financière à date. Celle-ci ne reconnaît les éléments immatériels dans les états financiers que lorsqu’ils sont acquis (écart d’acquisition). Bien que l’état de santé des actifs immatériels d’une entreprise explique la meilleure partie des augmentations ou des baisses de sa valeur sur le marché, l’information financière ne reconnaît pas et n’envisage pas de reconnaître les actifs immatériels générés en interne. Une meilleure compréhension de l’impact des actifs immatériels sur la création de valeur financière apparaît donc comme un élément crucial de l’information sur la durabilité.
Pour la première fois, le projet de Directive européenne officialisée le 21 avril 2021 introduit dans ses processus d’établissement des normes la « dimension intangible ». Le mot « intangible » y apparaît 18 fois. L’information sur les actifs immatériels est qualifiée de « sous-déclarée, même si ces actifs représentent la majorité des investissements du secteur privé dans les économies avancées (ex : capital humain, marque, propriété intellectuelle et actifs liés à la R&D) ». « Il est donc nécessaire d’exiger des entreprises qu’elles divulguent des informations sur les actifs immatériels autres que les actifs incorporels reconnus dans le bilan, y compris le capital intellectuel, le capital humain, le développement des compétences, le capital social et relationnel, le capital de réputation ».
Les tentatives d’intégration du financier et de l’extra-financier sont nombreuses (Full Cost Accounting, Sustainability Assessment Model, E-P&L, comptabilité multi-capitaux…) mais ces travaux restent au stade de la recherche, avec des expérimentations rares et non transparentes. A l’inverse, la recherche sur l’immatériel est ouverte et en open source.
Mieux mesurer et activer l’immatériel permet d’appréhender la performance globale des entreprises, c’est-à-dire de faire le lien entre financier et non-financier, de prendre en compte les impacts réciproques entre une organisation et son environnement, de mesurer à la fois les flux et les stocks (la capitalisation des flux passés), de considérer le capital à la fois comme un passif à rembourser et préserver et aussi comme une « chose productive ». Mieux appréhender l’immatériel permet de penser la performance globale non pas seulement comme une question d’indicateurs mais comme une véritable transformation des comportements des acteurs économiques.
[1] European Financial Reporting Advisory Group [2] Proposals for a relevant and dynamic EU sustainability reporting standard-setting
[3] Project Task Force Non-Financial Reporting Standards
Près de 500 chefs d’entreprises, cadres et entrepreneurs sont attendus à Lyon les 19 et 20 novembre prochains lors des très attendus Entretiens de Valpré. Cette année, le thème retenu est celui du courage. L’occasion d’interroger l’une des quatre vertus cardinales dans un contexte de profonde transformation de l’entreprise.
En 1978, Alexandre Soljénitsyne, Nobel de littérature en exil, est invité par l’université de Harvard pour donner un discours aux futurs diplômés. L’événement fait immédiatement scandale : on s’attendait à ce que le rescapé du goulag, l’écrivain dissident, fustige à nouveau le communisme. Au lieu de cela, il s’en prend au modèle occidental en condamnant fermement l’amollissement des consciences que provoquent la froideur juridique et l’obsession du confort [1]. « Le déclin du courage est peut-être ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui », déclare-t-il d’entrée de jeu, à la stupeur de l’auditoire.
Puisque les entretiens de Valpré portent cette année sur le thème du courage, il peut être intéressant de se demander ce qui a changé depuis le discours de Harvard. Où en est le courage aujourd’hui ? A quoi ressemble-t-il ? Quels en sont les facteurs limitants ?
Le sujet de l’entreprise « responsable » a le grand mérite de cristalliser toutes ces questions. Après plus de quarante années d’hégémonie d’un système économique fondé sur l’opulence et le court-termisme, on assiste aujourd’hui à une nouvelle mutation du capitalisme. Raison d’être, social business, comptabilité écologique, performance globale, gouvernance partagée : assurément, il faut une certaine dose de courage pour s’emparer de ces sujets en tant que dirigeant d’entreprise. Car cela implique de changer des habitudes solidement ancrées, de s’exposer à la critique, d’avoir suffisamment de recul pour concevoir les référentiels de la nouvelle économie.
Mais, précisément, le courage se satisfait-il de référentiels ? Se contente-t-il d’épouser les tendances ? S’exprime-t-il dans la simple application des normes ? Car autant les dirigeants qui se lancent dans ces réformes sont encore minoritaires, autant la pression des parties prenantes et le durcissement de la réglementation laissent peu de doute sur l’avènement d’un « capitalisme responsable ».
Or l’actualité donne malheureusement chaque jour un aperçu des dangers qui guettent ce grand mouvement. Il y a bien sûr le social et le greenwashing, les faux-semblants, les amalgames pour redorer son image : Bentley qui prétend avoir une usine « neutre en carbone » [2]. Mais il y a aussi le social et le greenbashing, cette culture de la délation qui fait affront à l’esprit critique : la marque Dove boycottée à cause d’une publicité maladroite. Un salarié de Starbucks licencié sur le champ pour une mauvaise plaisanterie. La moralisation que décrivait Philip Roth dans les universités américaines il y a vingt ans [3] s’étend maintenant partout, y compris en entreprise.
Le vrai courage, dans ces conditions, consiste à corriger les défaillances du passé sans tomber dans les facilités d’un avenir idéologisé qui se drape dans de fausses vertus. Ni statu quo donc, ni chasse aux sorcières. Ni cynisme, ni dogmatisme dévot. C’est en d’autres termes le courage de la complexité : il nous faut des dirigeants capables de reconnaître les dérives du capitalisme de prédation tout en alertant sur les dangers du capitalisme de la restauration.
Dans l’un de ses derniers ouvrages, le philosophe François Jullien constate les limites de nos politiques et les incertitudes majeures que traverse actuellement la planète. Mais plutôt que de sermonner du haut de sa chaire, il invite à détricoter les conformismes idéologiques qui nous enlisent, y compris quand il s’agit de penser l’avenir et le progrès [4]. Effectuer un pas de côté, un « écart de pensée », à l’image des scientifiques et artistes parvenus à faire « dé-coïncider » le monde : voilà le courage auquel nous sommes appelés aujourd’hui.
[1] Alexandre Soljénitsyne, Discours de Harvard 1978 (texte publié par Les Belles Lettres en 2014 sous le titre Le déclin du courage) [2]Les usines auto neutres en carbone, ça n’existe pas, Challenges, juin 2021 [3] Philip Roth, La tache, Gallimard, 2002 [4] François Jullien, Politique de la décoïncidence, L’Herne, 2020
Après le succès des deux premières éditions, le Groupe Kea est à nouveau un partenaire de premier plan du Campus de l’Innovation Managériale (CIM), organisé par l’Institut de la Sociodynamique (ISD).
Les 24 heures du CIM
en partenariat cette année avec Les Échos
les 25 et 26 novembre 2021 de midi à midi
Pour suivre l’actualité du programme et accéder à la billetterie :
Cette troisième édition – 100 % digitale – s’avère à nouveau riche en témoignages, contenus et apprentissages. Le Campus en 2021, c’est…
>>> UN PROGRAMME SUR 24 HEURES, DU JEUDI 25 NOVEMBRE MIDI AU VENDREDI MIDI
>>> DES CONFÉRENCES RETRANSMISES EN DIRECT DE PARIS, LYON, HONG KONG ET QUÉBEC
Un plateau exceptionnel de personnalités du monde académique et économique telles que :
Michel-Edouard Leclerc / Laurent Bibard / Myriam El Khomri /
Geneviève Ferone Creuzet / Étienne Klein / Pierre de Villiers /
Florent Menegaux / Charles-Henri Besseyre des Horts / Cécile Arbouille / Mathias Vicherat / Christian Monjou
>>> UNE QUARANTAINE D’ATELIERS EXPÉRIENTIELS, EN DISTANCIEL TELS QUE :
> Future of Work : comment engager vos collaborateurs avec enthousiasme
> Pour en finir avec les biais futuricides qui empêchent de penser le futur
> Art storming : grâce à l’art, faire émerger l’intuition face à des questions complexes
> Hybridons le travail !
> La décision par consentement
> Musique, écoute et raison d’être
Acheter son billet permet de se créer un compte et d’assister à tout ou partie de l’événement, de réserver sa place dans les ateliers et de bénéficier du replay des conférences durant les 15 jours suivant l’événement.
La ligne éditoriale
L’ambition de cette édition est de penser ensemble la transition des organisations, en lien avec la société et leurs écosystèmes, en considérant autant leur réalité future que le chemin à emprunter pour y parvenir. Les ateliers et conférences sont construits autour de 4 grands thèmes. En parallèle, le SPA (la Sociodynamique pour Agir) se déroulera en live continu pour vous sensibiliser et/ou vous former à la sociodynamique.
LE POUVOIR & SON PARTAGE : qui mettre aux manettes pour des organisations responsables ?
> Qu’est-ce que le pouvoir ? Qui le détient vraiment : les dirigeants, les hommes et les femmes du terrain, les partenaires sociaux… ?
> Comment se régulent les jeux de pouvoir ?
> Quel exercice responsable du pouvoir à l’heure de la loi Pacte ?
> Y a-t-il de nouvelles formes de gouvernance en émergence ?
LA CROISSANCE & LA PERFORMANCE : quel développement possible dans un monde fini ?
> Comment mesure-t-on la valeur d’une entreprise aujourd’hui ? Selon son taux de croissance, sa rentabilité, sa performance durable ou sa contribution à la pérennité de ses écosystèmes
> Faut-il repenser la notion même de performance ?
> Le niveau d’engagement des collaborateurs est-il un actif à prendre en compte ?
> En quoi la raison d’être, promue par la loi Pacte, contribue à la performance de nos organisations ?
LE TEMPS & L’ESPACE : quelle liberté de rythme et de lieu à l’heure de l’urgence et de la mondialisation ?
> Comment concilier un horizon responsable de long terme avec des exigences légitimes de performance à court terme ?
> Qu’est-ce que la crise sanitaire va transformer durablement dans nos espaces et temps de travail (conception des lieux de travail, ergonomie, digitalisation des pratiques, horaires et rythmes de travail…) ?
> Comment concilier distance physique et proximité relationnelle, autonomie et contrôle ?
> La technologie accélère les rythmes de travail. Sans temps morts, comment la créativité – qui demande une forme d’oisiveté – peut-elle se développer ?
> Peut-on imaginer des rythmes de travail individuels sans que ce soit au détriment du rythme collectif ?
L’HOMME & LE TRAVAIL : en quoi altérité et liens humains enrichissent-ils le capital social ?
> Serons-nous toujours obligés de travailler demain ? Et, si oui, pourquoi (le sens) et pour quoi faire, avec quelle utilité sociale ?
> Le digital pousse le travail hors les murs de l’entreprise. Dans ce contexte, quelle est la protection du salarié ?
> Est-ce que le travail à distance finira par tuer les derniers collectifs du travail ? Après la fin de la classe ouvrière dans les années 80, la fin des entreprises incarnées au 21ème siècle ?
> Comment se développe l’intelligence artificielle ? Est-ce au bénéfice de l’enrichissement des tâches et des compétences ou de l’appauvrissement de l’emploi ?
> Comment arrêter de se recruter soi-même pour générer une vraie diversité dans les entreprises ?
> Parité femmes / hommes : faut-il imposer les femmes à la tête des entreprises ?
L’ambition
Rassembler des personnalités du monde de l’entreprise, de la recherche ou de la société civile, pour débattre, témoigner et participer à la construction d’un futur désirable pour les organisations.
Le programme invite à sortir des champs managériaux classiques pour repenser le travail et l’entreprise. Cette année encore, il sera fait d’échanges essentiels avec ceux qui, concrètement, inventent les modèles de management de demain.
Kea à la manœuvre de plusieurs grands rendez-vous
Nous coconstruisons le CIM depuis son origine parce que nousavons cofondé l’ISD, en hommage à Jean-Christian Fauvet et parce que la vision de l’Institut fait écho au projet collectif de Kea.
Les différents formats du CIM sont autant d’occasions d’affirmer nos convictions sur ce qui fait la performance des entreprises – la responsabilité, la culture, le sens, un leadership inspirant, le développement de l’autonomie – et notre conception particulière de l’action : la transformation n’est pas l’affaire d’un grand soir, elle se construit pas à pas. À l’image du super héros, Kea & Partners préfère celle du jardinier qui crée les conditions favorables de la performance sans tirer sur les pousses.
D’ici là, revivez les temps forts des éditions précédentes
Campus de l’innovation managériale 2019
Intervention de Laurent Bibard et Thibaut Cournarie “notre avenir est dans nos biens communs”
Campus de l’innovation 2017
La transformation est le chantier permanent des dirigeants. Les programmes sont ambitieux et se conçoivent au plus haut niveau de l’entreprise. Les plans de communication, sensibilisation, formation et déploiement sont là pour en assurer la réussite.
Mais voilà, sur le terrain, quand il faut concrètement mettre en œuvre la transformation, quand il faut concrètement changer, ça frotte, c’est plus difficile que prévu dans les plans et les jalons se décalent.
Et pourtant, les dirigeants passent un temps fou à expliquer l’ambition, son bien-fondé, à démontrer par A + B que la transformation proposée est la bonne, est bien celle qu’il faut pour l’entreprise. Mais non, même si l’ambition peut être comprise et acceptée, force est de constater que l’intention ne suffit pas.
Alors quoi ? Même si nous en avons envie, nous ne changeons pas ? En fait, l’intention est louable mais insuffisante : il manque sa traduction concrète pour les équipes ? Comment vont-elles (peuvent-elles ?) traduire cette intention en pratique ? En combien de temps les comportements de chacun vont-ils se transformer ? Comment les équipes vont-elles s’y prendre ? par quoi commencer ? et les autres, vont-ils changer ? Si je fais un premier pas, les autres vont-ils suivre ?
Alors comment passer de l’intention à l’action, concrètement !
Pour passer du travail prescrit au travail réel, changer les pratiques et les comportements, il faut faire preuve d’écoute, de plasticité et de confiance. Il s’agit de confronter l’intention stratégique à la vraie vie. C’est un chemin fait de rencontres, d’échanges, de mises en situation, de mises en confiance, de jeux et de rituels. Et cela, à tous les échelons hiérarchiques de l’entreprise, avec la conviction que chacun, à son niveau, est un sachant intelligent.
Clé numéro 1 : pari sur l’intelligence
Prenons l’exemple d’un changement organisationnel. Sur le papier, une organisation cible est explicitée, avec à la clé de nouveaux flux, fonctions, rôles et tâches. En réalité, quand on va à la rencontre de celles et ceux qui vont la mettre en œuvre, une multitude de cas émergent que personne ne pouvait imaginer a priori et ne pouvait prendre en compte dans le schéma cible, faute de temps et de complexité pour se mettre d’accord avec le comité de direction.
Tout d’abord, pour que la démarche soit éclairante et mobilisatrice, tous les acteurs de l’entreprise doivent être traités en adultes conscients et intelligents, sujets et non objets de la transformation à mener. C’est en faisant faire à tous le chemin qu’a pu suivre le comité de direction : analyse du terrain de jeu de l’entreprise, questions posées par la concurrence, l’environnement… qu’ils peuvent construire leurs propres convictions et commencer à se projeter. C’est en créant l’espace et les conditions pour ce cheminement dialectique de chacun et en faisant le pari de l’intelligence de tous qu’un rassemblement mobilisateur devient possible.
Clé numéro 2 : recueil de la réalité
Pour ce faire, le matériau c’est la réalité. En allant à la rencontre des équipes sur le terrain (rencontre et non pas interview et grille de questionnement), en les écoutant, en utilisant nos sens, des cas concrets de mise en application de la nouvelle organisation vont se dessiner : « ah oui, j’ai compris : quand il se passe cela, il faut faire cela ! ».
Ce recueil va permettre de mettre la nouvelle organisation en situation à partir de cas réels, de la modéliser en miniature, de la jouer… pour la rendre concrète et aider chacun à s’y projeter, en utilisant des moments clés qu’ils vivent concrètement. Pour cela, il faut de la plasticité pour s’approprier la réalité des métiers de chacun et savoir la restituer dans un modèle d’organisation clair, simple… et surtout opérationnel.
L’exercice de la fiche de poste qui est distribué à chacun (dont on ne retient que 10%) est alors inversé : plutôt que d’imposer de nouvelles tâches par des « il faut » et « vous devez », c’est un travail de récolte de situations concrètes, au plus près du terrain, afin de les simuler dans des ateliers d’expérimentation non théoriques. Ces ateliers vont alors provoquer des déclics et questionner les comportements et représentations en place pour pouvoir par la suite les bouger.
Par exemple, la représentation du « client roi » pour l’un n’est pas la même pour un autre : Un hôte de caisse peut avoir en tête l’image d’un client voleur par nature qu’il faut surveiller, débusquer – alors que, dans les faits, cela ne représente que 2% des clients et que la relation avec les 98% restants en est faussée.
Clé numéro 3 : le cascading, la durée et la répétition
Une fois l’organisation modélisée en miniature à travers des cas mis en scène en vidéos, en jeux digitaux, en jeux de plateau, en damiers, en cartes à jouer, etc… les équipes disposent d’outils sur-mesure faisant vivre des expériences transformantes.
C’est le comité de direction qui va vivre le premier l’expérience de ce « kit on the job » et ainsi pouvoir valider que c’est bien cela qu’ils veulent. Ensuite chaque membre du comité de direction va animer l’expérience auprès de ses N-1 et ainsi de suite pour engager toute l’entreprise. Ce faisant, les doutes et les peurs sur la mise en œuvre s’expriment, les convictions aussi. Le changement de représentation et de comportement s’amorce.
Les kits on the job sont animés toutes les semaines avec les équipes, dans LEURS rituels (pour éviter d’empiler des tâches dans des agendas déjà chargés). On mise sur la durée et la répétition : si l’attention est portée ainsi toutes les semaines sur la relation client, la relation avec les clients va changer et de même si mon management incarne cette relation client, je vais avoir tendance, par mimétisme à changer ma relation client. Peu à peu de nouvelles pratiques remplacent les anciennes. Il faut répéter un comportement en situation pendant 20 jours pour l’adopter, 6 à 9 mois pour l’ancrer dans sa pratique. Il faut un an pour cranter réellement de nouveaux comportements dans toute l’entreprise.
Clé numéro 4 : bienveillance et dédramatisation
Nous sommes tous interdépendants : on joue et on résout collectivement. L’approche est bienveillante, ludique, dédramatisante : elle encourage à la prise de risque… d’autant plus que dans le cadre du jeu, dans le cadre de la simulation, on ne risque rien !
Pour résumer en quelques mots :
Écouter et comprendre les interrogations des équipes sur le terrain
Récolter des situations réelles à confronter à l’intention stratégique du programme de transformation, via des rencontres, du côte à côte, des focus groupes
Outiller des ateliers d’expérimentation (déclic et changement de pratique)
Animer et faire animer ces ateliers, du comité de direction au chef d’équipe
Ancrer par la répétition et le rituel :
C’est ainsi que l’on rend opérationnelle une transformation complexe et concernant un grand nombre d’acteurs.
Selon la manière dont elles sont menées, les transformations techniques et managériales des usines peuvent réduire les marges d’autonomie des opérateurs et techniciens ou au contraire renforcer leur pouvoir d’agir. Ceci pose la question de leur participation à la définition du contenu et des moyens de leur travail, autrement dit au « design » de leur travail. Comment mettre la technologie la plus avancée au service de la compétence et de la créativité des travailleurs ? Comment engager des processus réflexifs qui développent l’intelligence collective ?
Cette note fait suite au premier ouvrage « Organisation et compétences dans l’usine du futur« , paru en 2019, issu des travaux de la Chaire Futurs de l’industrie et du travail dont Kea est partie prenante. Alors que la première étude investiguait si et comment les technologies dites de l’industrie du futur impactent l’organisation du travail et la gestion des compétences dans les usines, cette seconde étude enrichit les réflexions sur la transformation des usines et des activités de production. Cet ouvrage pose la question du modèle que nous voulons pour les usines et les métiers industriels et donc la question de leur attractivité. Cette question est particulièrement d’actualité dans un contexte d’accélération de la numérisation. Quelle en est la finalité ? Aller un cran plus loin dans la Taylorisation et la définition du travail ou au contraire faire monter en compétences les opérateurs et leur confier plus d’autonomie et de responsabilités ? Opérateur augmenté ou diminué ? In fine, il montre que les entreprises peuvent créer, par l’écoute, l’expérimentation pragmatiste et le soutien managérial, des « bulles de confiance » propres à développer simultanément la qualité du travail et la performance.
Les auteurs, Marie Laure Cahier et François Pellerin, apportent, à la fois, un éclairage théorique sur les dynamiques de transformation industrielles, ce qui a fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné, et des illustrations, des réalisations concrètes d’industriels en matière de Design du Travail. Et les exemples inspirants ne manquent pas, dans des entreprises de toutes tailles et dans des activités industrielles très différentes ! Chez Kea, cela résonne fortement avec notre mission* car il faut une volonté forte des parties prenantes (dirigeants, collaborateurs, syndicats, experts…) pour éviter les écueils des transformations industrielles passées et faire face aux profondes remises en cause des organisations industrielles que cela suppose : implication des opérateurs ; autonomie, responsabilisation et… confiance ; transformation du rôle du management intermédiaire ; inversement de la logique de travail entre opérationnels directs et fonctions support…
Les dirigeants, directeurs industriels et de production, les responsables des transformations numériques, les experts en excellence opérationnelle et en facteurs humains, les managers d’équipe comme les représentants du personnel et les syndicalistes, trouveront dans cet ouvrage de nombreuses idées pour construire des organisations participatives, pluralistes et ouvertes au changement. Parcourir via SlideShare.
* Entreprendre les transformations pour une économie souhaitable, telle est notre raison d’être. En savoir plus
2001 – 2021 : 20 ans d’innovations qui ont marqué le monde
Dans les pays anglosaxons, le nombre 20 est utilisé pour mesurer l’acuité visuelle (20/20 indiquant une vision normale à 20 pieds, communément utilisé pour vouloir dire « une vision parfaite »). En numérologie, 20 fait référence au changement (cela tombe bien pour un groupe tel que Kea qui est tombé dans la transformation comme Obélix dans la potion magique) et, plus précisément, à l’amélioration. Et 20 dans le Tarot est la vingtième carte du jeu. Elle montre l’étape ultime avant le l’obtention du Graal. Et le Graal, en matière d’innovation, cela signifie faire écho à des utopies. Jetons donc un œil pour vérifier que les innovations lancées depuis 2000 ont contribué à un progrès… for Good.
Après ces années 80 foisonnantes d’énergie, les années 2000 furent les années de prise de conscience d’un besoin de sens derrière l’acte de consommer et de manager des équipes.
Pour l’illustrer, le panorama qui suit va parler d’initiatives plutôt que d’innovations. Car l’innovation est un formidable mot valise dont on se sait plus trop bien ce qu’il recouvre, voire, qui limite aux seuls champs du produit, du service ou de la techno ; alors que le terme initiative embrasse plus largement. Après tout, étymologiquement, ‘’entreprendre’’, c’est bien prendre l’initiative, n’est-ce pas, en rêvant de s’appuyer sur une utopie pour chaque nouvelle initiative. À chaque initiative évoquée, nous vous proposons d’en tirer un enseignement. En effet, comme chacun sait, derrière toute innovation, il y a un effet pervers potentiel (Paul Virilio disait ainsi que lorsqu’on invente le TGV, on invente l’accident à grande vitesse…).
2000, big bang ! Le nouveau siècle démarre fort avec un potentiel bug, craint par tous, qui a tétanisé l’ensemble de la planète… mais qui ne s’est pas produit dans les faits. A contrario, 20 ans après, personne n’a anticipé le covid-19. Moralité : prendre l’initiative, c’est avant tout identifier le champ des (im)possibles pour s’y préparer. C’est le rôle de ce que nous appelons la prospective. Ainsi, qui aurait pensé que le petit libraire on-line Amazon deviendrait une telle incontournable place de marché 20 ans après ? Le coup de génie d’Amazon fut d’avoir saisi le côté addictif (hystérique ?) de l’achat immédiat.
Utopie # 1 : la communication globale. En la matière, indéniablement, le smartphone en est la meilleure incarnation, devenu notre doudou à tous, et particulièrement en 2007 avec l’iPhone et toutes les applis associées du type App Store. Moralité : quand une marque est forte, son champ d’innovation n’est pas cantonné à son métier d’origine mais à sa raison d’être. Et l’innovation permet alors d’étendre le domaine d’une marque. Ce qui signifie impérativement que l’innovation qu’elle lance soit cohérente avec cette raison d’être. En 2000, qui aurait cru qu’Apple – fabricant de machines – étendrait son domaine également dans les services (25% de son CA aujourd’hui) ? Et qui aurait pensé qu’un téléphone, un jour, servirait à prendre des photos et bientôt (allez savoir) à faire le café. Dans le même registre, avec les rouges à lèvres début 2020, Hermès lance son 16eme métier, loin du cuir, métier d’origine.
Utopie # 2 : me myself I. L’explosion des initiatives self-oriented, miroirs de soi-même du type via les réseaux de mise en relation (Instagram, Twitter, LinkedIn… et autres Tik Tok) ont clairement transformé la manière dont les gens se valorisent. For the better ? Faut voir. Moralité : ne jamais oublier que dans les démarches d’innovation dites collectives, c’est avant tout l’intérêt de l’individu qui prime (‘’ai-je envie et à quoi cela va-t-il me servir de m’impliquer ?’’)
Utopie # 3 : les hyperconnectivité et mobilité ATAWAD. La démocratisation de la Wifi (devenue élément socle de la pyramide de Maslow 😊) et du GPS en sont deux exemples. Sans GPS, pas de boussole dans notre vie. Le GPS n’était pas une innovation récente, puisque la techno est apparue dans les années 60, mais sa démocratisation n’intervient véritablement qu’au milieu des années 2000. Moralité : certaines initiatives mettent du temps à se déployer avant d’être une évidence. L’innovation est un marathon, faut-il le rappeler (Nespresso a attendu au moins 10 ans avant de devenir une des marques les plus fortes du groupe Nestlé où peu de gens imaginaient possible de vendre un café en capsule). En matière de time-to-market et d’initiative innovante, citons ici aussi la Logan (lancée en 2004). Personne chez Renault ne pensait possible de concevoir et commercialiser une automobile en 2 fois moins de temps et deux fois moins chère.
Utopie # 4 : la ludification du monde. Ainsi les jeux vidéos, marché colossal sur lequel les géants Microsoft, Sony, Nintendo (et sa Switch lancée en 2017, après sa Wii en 2006) ou encore Ubisoft se battent à qui lancera la nouvelle génération de jeux avant l’autre. Demain, se profile l’arrivée des innovations Metaverse (ie. des univers façon Matrix – né en 1999 – ou Second Life en 2003). YouTube et tous les distributeurs de contenus vidéos type Netflix et Amazon Prime Vidéo s’inscrivent dans ce type d’initiative. Au-delà, c’est toute l’économie de l’abonnement qui est née, et qui nous lie (pour ne pas dire nous ‘’ficelle’’) dans une société où le ludique prime. L’infotaintment à tous les étages s’inscrit aussi dans cette tendance :entre 2000 et 2010, les médias s’ouvrent à de nouveaux modèles : les quotidiens gratuits avec 20 Minutes, les réseaux sociaux avec Facebook et Twitter, la chaîne d’info sur la TNT avec BFMTV et le journalisme payant en ligne avec Mediapart.
Utopie # 5 : la meilleure médecine réside dans l’alimentation. Dans l’alimentaire, les initiatives les plus marquantes depuis vingt ans incarnent indéniablement un retour aux sources : le bio, le local, l’urban farming, avec ses fermes verticales, les produits avec un minimum d’emballage… Moralité : le rôle des marques, demain, ne sera-t-il pas en priorité de se faire paradoxalement oublier, au profit d’un lien direct au producteur ? De l’alimentaire à la santé, il n’y a qu’un pas : en matière de santé, des percées cruciales pour notre avenir ont été réalisées et les 20 ans derrière nous ont été riches sur le plan scientifique : du Boson de Higgs (2017) à la première photo d’un trou noir (2019) en passant par les avancées de la thérapie génique (cf. l’Human Genome Project), les neurosciences, la télémédecine, les biotech…
Utopie # 6 : L’économie circulaire et les nouveaux usages qu’elle entraîne : la seconde main, le recyclage, la réparabilité, les cosmétiques solides (shampoing démaquillants, déodorants…), mais aussi l’imprimante 3D (qui pourrait nous transformer en acteur DIY) ou la fusée réutilisable de SpaceX qui ouvre des portes pour la conquête de l’espace niveau prix et durabilité. Moralité : en 20 ans, la prise de conscience qu’innover c’est bien pour l’humain, mais que cela doit être bien pour la planète aussi en limitant le poids de l’anthropocène s’est exacerbée. On peut citer aussi l’accélération du déploiement des nouvelles mobilités électriques (l’électrochoc Tesla) et, dans un autre registre, l’avènement de la fusion nucléaire sans déchets (au lieu de la fission et en alternative à une autre innovation devenue essentielle mais plus négative pour le climat ou la santé : les gaz/pétrole de schiste, au même titre que les OGM),
Utopie (dystopie ?) # 7 : la traçabilité et le contrôle.Face à la paranoïa qui déploie ses rets, les années 2020 ont également vu naître trois autres innovations : le QR code (comment s’en PASSer désormais ?😎), Google Home (nous contrôlons tout chez nous maintenant) et la reconnaissance faciale (déjà largement déployée en Chine et outil de contrôle social, tel que la saga dystopique Black Mirrors le décrivait). Moralité : l’innovation doit rester démocratique sinon Georges Orwell va sortir de ses gonds.
Utopie # 8 : la plateformisation. Autrement dit, la boîte de Pandore qui nous fait entrer dans un univers visuel sans fin (Netflix, Disney + et leurs séries addictives…) facilite un accès à des services (AirBnB, Über, Doctolib…) ou à de la distribution btob ou btoc (les marketplaces, nées en 2003, ainsi que les services de click & collect et de livraison à domicile). Quelle que soit la taille d’un commerce, l’omnicanalité devient un enjeu de pérennité. Moralité : la fameuse innovation dite de rupture consiste à challenger les soi-disant règles et habitudes pour court-circuiter des systèmes en place : ainsi les cryptomonnaies (qui contournent les règles des systèmes financiers). Le Drive (né en 2004) s’inscrit dans cette tendance aussi. L’Überisation, quant à elle, a généré un effet pervers : l’esclavagisme lié à la traçabilité des non-salariés, soi-disant autonomes mais surtout très dépendants.
Utopie # 9 : l’entreprise, lieu de bien-être ? L’innovation s’est également déployée à l’intérieur des systèmes générant les innovations, pour mieux mobiliser l’intelligence collective et motiver en donnant les clés du futur aux collaborateurs. L’open innovation (née en 2003 à Berkeley), l’holacratie (conçue en 2001), le design thinking ou la Yugaad inno (visant à simplifier au maximum) sont devenues des pratiques renforçant ce que nous appelons la Q.I (qualité d’initiative), favorisant ainsi des comportements d’intrapreneurs. Et accouchant ainsi notamment des ‘’start up nations’’ dans beaucoup de pays. Moralité : à l’instar de l’effet bifidus, la meilleure innovation doit créer un effet en interne avant d’être déployée vers les clients.
Comme vous pouvez le voir, la plupart des innovations qui ont marqué ces 20 dernières années sont en fait assez ambivalentes : d’un côté, l’accès à l’infini des possibles et un « humain augmenté » (le transhumanisme sera sans doute pour la prochaine décennie…) qui se ressource sur ses propres productions. De l’autre, une source de ‘’misère’’ – appauvrissement du contenu réel et de valeur faciale au profit de la masse – l’avènement d’un homme augmenté mais malheureux : qui ne dort ni ne meurt plus, capricieux, jamais satisfait et en distorsion cognitive du fait de cette ‘’massive distraction’’.
Et devant, dans les 20 ans qui viennent, d’ici 2040 ?
Et si le Covid-19 était un formidable agent de transformation innovante ? Gageons que cette pandémie fera germer de nouvelles initiatives. Chez Tilt ideas, nous misons beaucoup sur ce que nous appelons l’Innovation for good. Autrement dit, celle qui place l’humain et la planète au cœur (le fameux HtoH), celle qui revendique ce que les Japonais appellent l’omotenashi (la prise en considération) ou, en d’autres termes, celle qui réenchante vraiment (au sens Weberien du terme), c’est-à-dire celle qui concilie aspect social, économique et politique. Sinon ? Peut-être nous acheminerons-nous vers un ‘’Bug’’ tel que décrit par Enki Bilal…
Digital : demain sera beau
Il y a 20 ans, en l’an 2000, le mésolithique de l’ère digitale !
En 1998, Jean-Paul Giraud, Directeur général de la Fnac était reparti de Seattle rassuré : ce Jeff Bezos sans le sou prétendant créer un nouveau concept pour vendre des livres, avec ses 610 millions de dollars de chiffre d’affaires et autant de pertes, pouvait bien attendre. Amazon pèse aujourd’hui 108,5 milliards de dollars. Jeff Bezos a mis 20 ans pour être l’homme le plus riche du monde là où il fallait plusieurs générations d’héritiers en l’an 2000.
Le Groupe PPR (Fnac, Conforama, la Redoute, le Printemps…) – visionnaire et star du retail – s’est digitalisé à marche forcée… et, 20 ans plus tard, le groupe rebaptisé Kering est devenu un leader mondial… non plus du retail… mais du luxe ! Les marques mondiales « dématérialisées » du luxe ou de l’Internet ont pris le pas sur le marchand, forcément local, bricks and mortar comme on disait en 2000.
Rappelez-vous nos questionnements à l’époque : « Alors demain, au lieu de vendre des produits, on vendra des expériences de consommation, des croisières de rêve, des pèlerinages absolus, dont on aura entendu parler en ligne, vers toujours plus d’immatériel «
En 2000, il restait seulement EXXON comme valeur pétrole dans le TOP 10 des capitalisations mondiales (les 5 premières 10 ans plus tôt), Microsoft et Intel, génération PC (on était passé de 5 Mégahertz au Gigahertz en 20 ans), entraient dans la fête. Aujourd’hui, les 7 premières capitalisations mondiales sont digitales. D’une civilisation à une autre en 20 ans. De 450Mhz à 4,3 Gigahertz de cadence. Mais en 2000 on croyait à la loi de Moore. Aujourd’hui, elle est morte. La course à la miniaturisation des composants se heurte à l’atome. On attend l’ordinateur quantique… ou la décroissance et le variant Gamma ou un autre virus, peut-être informatique. On ne sait pas. Et ça peut changer les stratégies…
Il y a 20 ans, l’Alliance Renault-Nissan sur laquelle le soleil ne se couchait jamais, du Japon aux États-Unis en passant par la vieille Europe, assemblait tranquillement des composants mécaniques venus des quatre coins de la planète : la civilisation de la voiture… et du carbone. En 20 ans, la voiture est devenue un téléphone portable sur roues toujours connecté, du moteur à combustion à l’électrique, et bientôt posséder une voiture sera has been… pour se déplacer à Paris aujourd’hui mieux vaut posséder un portable avec Waze ou Uber pour commander une voiture ou une trottinette. Demain aussi.
Il y a 20 ans, les gens aimaient leur banquier familial, ce type à gros sourcils un peu bedonnant et rassurant. Celui-là même qui nous avait aidés à acheter la maison à crédit sur 20 ans ou à financer les études du petit, la même banque que papa ! Aujourd’hui, les gens détestent les interfaces vocales de leur banque. Plus personne en ligne ! Le Sahel de l’affect. Demain, il n’y aura donc plus de banques. Juste des applis vocales pour prendre un micro-crédit à la consommation ou pour acheter une voiture, qui vérifieront en live votre solvabilité. Quant à acheter une maison, ce sera has been. On changera tous les ans de quartier grâce à une nouvelle appli. Le travail ne se faisant plus qu’à distance.
Il y a 20 ans, j’étais en Silicon Valley, on rêvait éveillés et sans substance ! On créait une nouvelle société New Age hyper coooool. Genre Joachim de Fiore et son Nouvel Age de l’humanité. La Rédemption en ligne. Avec pleins d’amis et d’ami.e.s d’ami.e.s sur le wouaib. Aujourd’hui nos gosses sont harcelés en ligne, Cambridge Analytica a sonné le glas de la politique et votre vie n’est privée que pour votre conjoint, que Google Amazon Instagram ou Facebook connaissent mieux que vous. Peut-être que demain on pourrait inventer un digital avec un visage plus humain. Qui intègre et protège. Inclusif et plus fraternel.l.e.
En 20 ans, la logistique mondiale s’est complètement digitalisée de la salade à l’assiette, les centrales d’achat locales sont aussi devenues des plateformes mondiales digitalisées boostées par les IA. La planète a été englobée (on dit aussi globalisée) par des réseaux toujours plus rapides. Les GAFA sont devenus des États mondiaux, à qui il ne reste plus qu’à battre monnaie, lever l’impôt ou faire la guerre. La guerre, elle, ne se fait plus sur le champ de bataille mais avec des drones commandés à des milliers de kilomètres de là. Vers toujours plus d’échanges planétaires immatériels à la surface d’une planète englobée de données liquides.
Mais maintenant, en même temps que ce mouvement de mondialisation boosté par la data et la mobilité (rappelez-vous les cabines téléphoniques et les téléphones gris en 2000), nous allons vivre un mouvement de relocalisation, de défense de l’intime, des communautés et des liens sociaux toujours plus fragiles. Et le digital en sera le support. Le global c’est le local sans les murs. Le Covid, premier avatar du crash écologique, va ramener l’intime, le foyer, la tribu au centre. Via le digital.
En 20 ans, qu’avons-nous fait de nos rêves ?
Et si on inventait pour demain un digital plus humain ?
20 ans qu’on essaie chez Kea-Euclyd.
Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer
Parfois, ça marche !
Responsabilité : la grande transformation
DieselGate, procès France Télécom, condamnation des géants technologiques, boycott des marques jugées trop polluantes, nouvelles réglementations… « L’eau monte » dans les entreprises et le phénomène est parfois si rapide qu’il peut sembler nouveau. En réalité, la responsabilité a toujours été le grand moteur de l’entreprise. Chaque phase du capitalisme a donné lieu à une nouvelle critique, donc une nouvelle injonction responsable, forçant les organisations à se réinventer. Ce qui est nouveau depuis 20 ans, c’est la nature de la responsabilité et la vitesse de la transformation des entreprises. D’une logique de conformité aux lois, nous sommes passés à une contribution aux biens communs qui doit se refléter désormais au cœur de l’activité.
Entreprise & responsabilité : 2 siècles d’amour et de haine
19ème : pendant que Dickens explore les bas-fonds du Londres ouvrier, von Mohl plaide en faveur de comités ouvriers dans les usines. Première responsabilité incarnée par les lois sociales : préserver la santé physique des travailleurs.
Début 20ème : Ford exporte le travail à la chaîne et Charlie Chaplin se laisse avaler par les rouages de notre folie mécaniste. Deuxième responsabilité, que l’entreprise n’endossera qu’à moitié étant donné l’urgence de la guerre : assurer l’employabilité du travailleur face à l’hubris technique.
Trente Glorieuses : opulence, croissance, matérialisme. L’Occident devient le théâtre de l’érotisation du shopping. La critique s’exprime dans le rapport Meadows, dans les courants New Age, sur les pelouses de Berkeley envahies par une herbe d’une autre espèce ou encore dans le tube de John Lennon, Lucy in the Sky with Diamonds, aux initiales plus que suggestives. Troisième responsabilité, que l’entreprise peine encore à endosser : régénérer la Terre dont nous détruisons impunément les ressources.
Fin 20ème : mouvement, vitesse, changement permanent. Pendant que Gordon Gekko palpe ses millions à Wall Street, Patrick Bateman ne trouve plus de sens à son travail et verse dans la psychopathologie. C’est le début des bullshit jobs et des burn out. Quatrième responsabilité : veiller à la santé mentale des travailleurs.
Et ces dernières années ? Changement de cap ?
Nous assistons à une conjonction inédite de toutes les responsabilités et de toutes les critiques, attisées par les crises de 2001, 2008 et 2020. Décarbonation, inclusion, autonomie, épanouissement, contribution à la société : jamais le capitalisme ne s’est vu attaqué sur tant de fronts à la fois ; jamais les dirigeants d’entreprise ne se sont sentis aussi engagés à jouer collectif. Nous passons de la pulsion à la vertu, de la croissance à la contribution, du paradigme de la conquête à celui de la responsabilité, avec tous les espoirs et les dangers que représente un tel basculement.
Kea a été fondé il y a 20 ans avec l’ambition d’accompagner les dirigeants dans cette transformation de longue haleine. Sa raison d’être a toujours été de construire une troisième voie entre le statu quo et l’activisme. Ni laisser-faire donc, ni mythe du grand soir : l’optimisme de combat, pour reprendre Philippe Aghion [1], résume notre ambition. Le goût de la responsabilité, oui, mais sans renoncer à l’action et la liberté d’entreprendre.
2001 – 2021 : Le marché se transforme vers plus de responsabilité, Kea aussi
2001 : pendant qu’Enron fait faillite et que la bulle Internet éclate, donnant tort à la stratégie court-termiste des investisseurs, Kea naît avec l’idée d’un partnership très ouvert pour garantir le partage de la valeur créée et la transmission du capital des plus anciens aux plus jeunes.
2004 : l’Occident est en panne de croissance, l’Insee multiplie des rapports alarmistes. Chacun se creuse la tête pour trouver de nouvelles sources de valeur. Dans la Revue de Kea n°2, Michel Bon fait de la responsabilisation et de la construction d’un projet commun la clé des stratégies de croissance de demain.
2009 : France Télécom est frappée par une vague de suicides dans le cadre de son plan de transformation. Quelques années plus tard, elle sera la première entreprise du CAC 40 à être condamnée pour harcèlement moral. Dans la Revue de Kea n°12, Jean-Christian Fauvet partage les trésors de la sociodynamique, qui vise à rendre les hommes et les femmes acteurs de la transformation de leur entreprise. Jean-René Fourtou retrace de son côté ce que cette discipline responsable lui a apporté chez Bossard puis Vivendi, tandis que le philosophe François Jullien explore les vertus des transformations silencieuses comme façons de concevoir la stratégie.
2011 : la COP-17 débouche sur la « Décision de Durban », qui reconnaît que tous les pays doivent faire face de manière urgente à la menace grave et potentiellement irréversible des changements climatiques. En parallèle, nous menons le débat avec Michel-Edouard Leclerc et Franck Riboud sur le développement durable et son implication dans l’exercice stratégique des dirigeants, sans langue de bois, devant un parterre de 200 personnes du monde économique.
2014 : la loi Économie sociale et solidaire est votée à l’Assemblée. Elle vise à reconnaître et valoriser ce mode économique spécifique et à provoquer un choc coopératif partout en France. Le Groupe Kea s’inscrit dans cette dynamique en s’associant à la création de Co Conseil, une coopérative de conseil à but non lucratif, sous l’impulsion de Syntec Conseil et en partenariat avec 3 autres cabinets fondateurs.
2018 : soucieux d’incarner nos valeurs dans tous les pays où nous intervenons, nous souhaitons renforcer notre engagement sociétal en Afrique et en Asie. L’accès aux soins, dans un contexte d’explosion démographique, nous apparaît comme prioritaire. Dans cette optique, Kea noue un partenariat stratégique avec Tech Care For All : une start-up de l’économie sociale & solidaire qui commercialise des solutions d’e-santé et en assure le déploiement en s’appuyant sur des réseaux d’entrepreneurs locaux ainsi que sur de grands bailleurs de fonds présents en Afrique et en Inde.
2019 : Facebook et Cambridge Analytica, procès Uber, Amazon assigné en justice par Bercy… Les plateformes sont dans le collimateur. Le think and do tank Entreprises et Progrès [2] nous demande d’animer un cercle de réflexion sur le sujet. Un livre blanc s’en fait l’écho : tout en reconnaissant l’ultra performance de ces modèles économiques, il pose la question centrale du partage de la valeur. Irresponsables, les plateformes ? Pas forcément si l’on se dote d’institutions de régulation adaptées.
2020 : la loi Pacte est promulguée : l’ambition est de faire des entreprises le premier levier de la transformation économique du pays. Kea devient le 1er cabinet européen de conseil en stratégie à adopter la qualité de « Société à Mission ». À la fin de l’année, 88 entreprises ont elles aussi franchi le pas en France ; elles sont une centaine en février 2021 et le mouvement s’amplifie au fil des mois.
Dans la Revue n°24, nous donnons la parole à des dirigeants et philosophe sur leur conception de la transformation en et vers la responsabilité, en contrepoint des grandes lignes de notre démarche.
2021 : B Corp constitue une communauté de quelque 3000 entreprises engagées dans la transformation responsable de l’Économie. Kea la rejoint officiellement en mars.
Côté clients, nous apportons un modèle de référence pour transformer leur entreprise pas à pas et contribuer à un monde économique à impact positif. Nous sommes également partie prenante du do tank « Faire! Mieux » qui a pour vocation d’engager la transformation positive du secteur alimentaire sous forme de coalitions de projets.
Le monde d’après ? Ou l’après Covid ?
Bien malin celui qui peut le prédire, mais certaines tendances se dessinent.
Le périmètre de la responsabilité va continuer de s’étendre. Car, au-delà de sa dimension réglementaire et normative, elle devient un avantage compétitif pour l’Europe, un projet de civilisation. Entre le « capitalisme transnational de plateforme » (Etats-Unis) et le « capitalisme à forte impulsion étatique » (Chine) [3], l’Europe va tenter de construire un « capitalisme démocratique », au service des citoyens, fondé sur la recherche du bien-être, l’éducation, la santé, la culture.
Le défi, bien que globalement plébiscité par la population, est, cela dit, loin d’être relevé. L’Europe peine à le réaliser et à s’imposer en dehors de ses frontières : non seulement elle dépend de l’outillage technologique des deux autres capitalismes, mais elle manque considérablement de coordination politique.
Deux facteurs pourront maximiser ses chances de réussite. D’une part, des institutions capables d’organiser efficacement cette transition à l’échelle européenne, c’est-à-dire de créer les plateformes de partage adéquates, de valoriser les entreprises exemplaires, de sanctionner les resquilleurs. D’autre part, des dirigeants tenaces. Capables de traduire les enjeux RSE dans toutes les composantes clés de leur entreprise. D’éviter le blues des collapsologues et l’utopisme des candides. Et de tenir le cap contre les railleurs… La critique est aisée mais l’art est difficile !
[1]Le Pouvoir de la destruction créatrice, Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel, Odile Jacob, 2020 [2] Entreprise et progrès, association née il y a 50 ans réunissant les dirigeants sensibles à la création de valeurs et pas seulement de la valeur actionnariale. Kea est l’un des membres du comité exécutif. [3] Robert Boyer, Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie, La Découverte, 2020
Business model : la nature au chevet du management
2OO1 : certains annoncent déjà que demain ne sera plus jamais comme avant
15 jours avant le lancement de Kea, nous travaillons avec excitation quand les tours de New York tombent et avec elles une partie de l’économie nourrie aux stéroïdes : les start-ups s’écroulent, les grands projets portés par la technologie sont arrêtés, les faillites de grands groupes – tel Enron – s’accumulent et mettent à mal la réputation des cabinets d’audit, obligés alors de se séparer de leur branche conseil pour ne pas être juge et partie.
Le mot Transformation prend à l’époque son essor alors qu’il est employé ad nauseam aujourd’hui ; c’est notre baseline et notre conviction originelle que la réussite viendra désormais de l’alignement entre stratégie et culture, qu’il faut donner de l’élan aux hommes pour garantir de « l’élan aux chiffres », que la transformation commence le premier jour et devient une discipline stratégique et non un sujet de gestion du changement, quand tout est déjà ficelé et décidé.
Dès 2002, les affaires reprennent ; la mondialisation passe à la vitesse supérieure et reconfigure les chaînes de valeur. Avec la spécialisation à la maille des continents, la conception, le design, le sourcing, la production et la distribution se retrouvent géographiquement dispersés. Ces transformations changent le modèle d’entreprise : l’organisation matricielle se déploie à grande échelle pour à la fois conquérir les géographies rapidement et conserver à travers des BU mondiales le cœur de savoir-faire. La démographie des grands groupes évolue aussi, avec la disparition de beaucoup de cols bleus, l’outsourcing de métiers à faible valeur ajoutée et l’apparition de processus parfois bureaucratiques pour assurer le command & control au niveau mondial. La culture d’entreprise se transforme : « globish« , fonctionnement en réseau, explosion du transport aérien par la migration continue des cadres !
Notre intuition se vérifie : l’alignement entre stratégie et culture s’avère essentiel, la qualité de l’organisation devient un atout majeur… mais des impasses demeurent.
Il y a 20 ans, les organisations se transforment… et se ressemblent. Dans cet océan de mimétisme, de belles histoires singulières émergent et font référence en France.
Les distributeurs indépendants, basés sur le modèle coopératif, prennent le pas sur les entreprises succursalistes cotées ou non : l’organisation et la culture deviennent ici des atouts concurrentiels distinctifs ; l’approche par le terrain, la proximité avec les territoires, la capacité à sentir les aspirations des clients et à décider au bon niveau sont clés. L’investissement, concentré sur le territoire domestique, leur permet de construire aussi des outils logistiques et technologiques puissants à l’égal de leurs compétiteurs. Les germes d’un changement de damier sont déjà là et nous sommes fiers d’en avoir accompagné deux d’entre eux.
Il y a 20 ans, le 2 septembre 2002, lors du 4ème Sommet de la Terre à Johannesburg, Jacques Chirac prononce cette phrase désormais célèbre :« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Le sujet climat est alors absent de la boussole de (presque) toutes les entreprises.
20 ans plus tard, la Covid change le discours, peut-être demain la donne. On annonce que demain ne sera jamais plus comme avant: place au localisme, à la régionalisation des chaînes de valeur, à la souveraineté industrielle, à la décarbonation tous azimuts ! Waouh, la prise de conscience monte chez les dirigeants pour transformer leur entreprise en responsabilité et vers la responsabilité.
La conduite des transformations évolue à l’image des « trois sœurs », une technique agricole adaptative et résiliente : celle-ci mixte trois cultures traditionnelles et complémentaires : la courge, le maïs et le haricot. Chacune d’entre elles œuvre en synergie avec l’autre : le maïs, vigoureux et élancé, pour servir de cadre et de tuteur bienveillant aux autres plantes ; la courge, pour éliminer les doublons et créer les conditions de la croissance ; le haricot, fort en azote, pour donner de l’énergie et accélérer la croissance… Bref, un retour à la nature pour le management !
En miroir, trois transitions sont maintenant à l’agenda du dirigeant et vont s’entrechoquer : transition numérique, transition énergétique, transition démographique ; de cette dernière, on n’entend encore peu parler. Or la démographie, à l’inverse du climat, est la chose la plus prévisible : l’âge moyen des travailleurs va augmenter, le jeune collaborateur sera une denrée rare ; la question des organisations permettant de jouer dynamique intergénérationnelle et évolution des compétences va se poser, à rebours de plein de réflexes ancrés ces 20 dernières années…
La transformation profonde et responsable, c’est d’abord beaucoup d’humilité, une vision, du temps, de l’obstination, de l’agilité dans la trajectoire, du pouvoir d’agir donné aux collaborateurs, pour remettre en cause les idées reçues. Bref, la transformation reste un art et nous donne chez Kea une raison d’être pour 20 années de plus !
L’exercice stratégique des entreprises s’inscrit encore majoritairement dans une logique de rivalité : le marché serait un jeu à somme nulle où la seule finalité consisterait à croître, quitte à ce que cela se fasse aux dépens d’autrui. Archétypes de cette logique : les GAFAM et BATX, qui jouent sur les effets réseaux pour rafler la mise (« winner takes all ») au point d’inhiber l’innovation et de fragiliser la croissance économique à long-terme (1).
Nous assistons actuellement à une conjonction historique de phénomènes planétaires qui interrogent la prédominance de la logique rivale au profit d’une logique d’alliance. Stagnation séculaire, crise sanitaire, réchauffement climatique, tensions sociales, reconfigurations géopolitique : il s’agit de phénomènes transverses, diffus, durables, aux effets parfois irréversibles, qu’aucun acteur ne peut prétendre résoudre tout seul. De la crise des sous-marins (défense) au consortium des fabricants de cosmétiques (environnement), en passant par le rapprochement de Sekoia, HarfangLab et PradeoHenkel (cybersécurité), l’actualité nous offre chaque jour une preuve supplémentaire de ce basculement. En comprendre les enjeux et les implications en matière de gouvernance va s’avérer critique dans les années qui viennent. Nos travaux en collaboration avec nos clients montrent que les entreprises qui évolueront en vase clos, indépendamment des mutations du monde, sans impliquer leurs parties prenantes dans des projets d’intérêt collectif, ne survivront pas. Ceux qui au contraire seront capables d’hybrider leurs organisations traditionnelles avec des écosystèmes intégrés gagneront en résilience et en performance globale.
C’est tout le propos de ce position paper que d’éclairer ce nouveau champ d’action et de coopération pour les entreprises.
Au sommaire :
Quelles sont les dynamiques de long-terme sur le marché qui remettent en cause la logique dominante de rivalité ? Quels sont les nouveaux modèles d’organisation et de gouvernance qu’une entreprise doit être capable de maîtriser ?
Quelles sont les 4 étapes clés pour passer d’une logique rivale « business as usual« à une logique citoyenne « d’écosystème intégré » ?
Quels sont les 6 types d’écosystèmes aujourd’hui à l’œuvre ? Quels critères permettent de déterminer le meilleur pour chaque entreprise ?
Avec quelles parties prenantes s’associer et quels modes de gouvernance mettre en place pour maximiser la performance et les synergies de son écosystème ?
(1) Le pouvoir de la destruction créatrice, Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel, Odile Jacob 2020
Rares sont les phénomènes pouvant être qualifiés de game changer dans la vie des entreprises. La Data est l’un d’eux. Parce qu’elle amplifie la stratégie, les modèles opérationnels et les métiers, la Data est une opportunité à ne pas manquer dans un monde en pleine transformation numérique.
Cette opportunité est clé pour le secteur bancaire dont le modèle de revenu est remis en question. En effet, l’environnement macro-économique reste durablement défavorable avec le maintien d’une politique de taux bas ainsi qu’une pression réglementaire soutenue. Les cartes du jeu concurrentiel sont rebattues : les banques en ligne deviennent des acteurs significatifs (Boursorama compte aujourd’hui plus de 3M de clients et en vise 4,5 M en 2025), le marché des néo-banques continue de se densifier avec des offres expertes notamment à destination de la clientèle professionnelles (un marché de 3,5 M de clients potentiels) et les GAFA gagnent des places notamment sur les offres relatives à la banque au quotidien et aux paiements (l’autorité de la concurrence a lancé, en 2021, une alerte sur le risque de marginalisation, à terme, des banques traditionnelles). Par ailleurs, de nouveaux standards sont à maîtriser pour répondre aux attentes des clients en matière d’expérience : fluide, simple, intégrant le digital avec la capacité à mobiliser les bonnes expertises lors des moments de vie clés.
Ces transformations sont de nature et d’ampleur inédites pour le secteur. Mais au-delà des menaces qu’elles représentent, s’y dessine des opportunités dont les banques traditionnelles doivent s’emparer. La Data est l’une d’entre-elles et les banques disposent, d’ores et déjà d’atouts pour en faire un driver de performance pour les dix prochaines années.
La Data : une opportunité à portée de main des banquiers
Deux piliers stratégiques des banques, l’équilibre client-produit ainsi que le positionnement en tant que tiers de confiance, sont réinventés au moyen des technologies centrées sur la Data. De ce fait, la concurrence des nouveaux acteurs est réelle et engendre, dès à présent, un manque à gagner en termes de PNB sur les activités bancaires les plus rentables (génératrices de commissions). Ces acteurs sont plus agiles : ils sont dégagés du poids du legacy et se sont créés « Data Driven by design ». Ainsi, les Fintechs proposent des offres spécialisées et au plus proche des besoins clients (ex : Qonto proposant un outil de gestion pour la clientèle PME et professionnels). Les grands acteurs de la tech / GAFA ont engagé leur diversification et pourraient disrupter le marché (gardons en mémoire l’exemple du site Booking qui a révolutionné la prise de réservation et de facto le business modèle du secteur hôtelier). Enfin, des évolutions technologiques, telles que la blockchain, apportent de nouvelles opportunités, par exemple sur les paiements internationaux, la gestion des garanties et le KYC (Know Your Customer).
Cependant, les banques traditionnelles ont des atouts significatifs pour se positionner sur la Data : compétences et expertises des collaborateurs, capacité d’investissement, base de connaissance des clients, historique et volume de données issues des systèmes d’information, positionnement reconnu en tant que tiers de confiance… Le risque porte davantage sur le transfert de valeur et de marge que sur la disparition de ces acteurs historiques.
Les banques françaises ont pris le virage de la Data mais présentent des niveaux de maturité différents :
#1Mieux faire ce que l’on fait déjà. Dans la majorité des cas, la Data est utilisée pour développer la connaissance des clients, améliorer l’efficacité opérationnelle et répondre aux enjeux règlementaires.
#2 Développer des services en réponse aux besoins des clients, pour conserver, voire capter de nouvelles relations. Certains acteurs recourent à la Data pour améliorer la relation clients. C’est un usage en émergence qui reste un large champ d’opportunités à explorer. En effet, la data offre des capacités nouvelles dans une logique de conseiller augmenté : meilleure connaissance client, meilleur ciblage des offres, services et des segments à adresser, identification de nouveaux territoires de développement.
#3 Disrupter, Intermédier et « plateformiser » l’économie. La Data au service de l’ouverture de nouveaux marchés est très peu exploitée et reste pour le moment l’apanage de certaines grandes banques américaines.
Pour pleinement exploiter le potentiel de la Data, les banques doivent répondre à un défi de taille : construire un patrimoine de données exploitable. Nous entendons par là, collecter, organiser, structurer, mettre en cohérence et normaliser un nombre conséquent de données provenant de systèmes d’information qui ne communiquent pas forcément entre eux. Cette évolution est complexe car elle est fondamentalement transverse. Elle nécessite de créer de nouvelles filières Data transformant aussi bien le Métier que l’IT.
Néanmoins, tirer rapidement parti de la Data est possible en déployant des approches alternatives de type Minimum Viable Product (MVP). Pour rendre ces approches concluantes, les banques doivent adopter un état d’esprit de type startup : pour des usages internes (ex : prospection marketing, clustering …), elles peuvent s’autoriser à traiter des données qui peuvent comporter une marge minimale d’erreur. Bien évidemment, pour les cas d’usage à destination des régulateurs ou des clients, l’exactitude et la certification des données doit rester un prérequis.
6 convictions pour engager la transformation et devenir data-driven
#1 La Data est un actif stratégique, de niveau comité de direction
La Data est un actif stratégique qui doit être traité comme tel par les comités de direction : il nécessite des investissements, il possède un rendement qu’il faut maximiser en assurant les conditions de sa valorisation.
Aujourd’hui, la plupart des cas d’usage Data dans la banque concernent des sujets réglementaires et d’efficacité opérationnelle. C’est un premier pas pour réduire les coûts, voire améliorer la qualité de service mais nous sommes convaincus qu’il faut rapidement se donner des objectifs plus ambitieux : transformer les métiers grâce à la Data, proposer de nouvelles offres aux clients voire renouveler le marché en adoptant des logiques de plateforme de services.
#2 Un certain degré d’incertitude sur les données peut être toléré au démarrage
Les conditions d’un cas d’usage idéal sont rarement réunies : question bien posée, données normalisées et directement utilisables, disponibilité des métiers… Il faut accepter les compromis sur la qualité des données et l’exactitude de certaines analyses, pourvu que le résultat final ait suffisamment de valeur pour justifier ces choix tactiques, tout en s’assurant qu’ils ne mettent pas en danger l’intégrité du cœur de métier bancaire. L’amélioration, l’industrialisation et la spécification plus fine des analyses peuvent intervenir dans un second temps, en lien avec la montée en puissance d’une filière Data.
#3 Les cas d’usage créent rapidement de la valeur et des nouveaux services
Aujourd’hui, la plupart des banques ont commencé à prendre conscience de l’importance de la Data et ont déjà lancé leurs premiers cas d’usage. C’est très bien ! Nous sommes convaincus qu’il faut en lancer le plus vite possible sans s’imposer des prérequis inhibants comme construire un datalake (cf. construction du patrimoine de données), normaliser tous les référentiels. Ces cas d’usage ont pour but de créer de nouveaux services : « on ne vend pas ses données, on crée des services ! ».
#4 La filière Data est complémentaire aux filières transactionnelles et IT
Les banques doivent se doter de filières dédiées pour opérer la stratégie Data, permettre une industrialisation progressive, à travers la construction de briques élémentaires réutilisables, et identifier les nouveaux potentiels de valeur à exploiter. Cette filière Data est organisée autour de trois activités : la construction du socle Data (mise à disposition, collecte et normalisation des données), le développement de modèles d’analyse allant du descriptif au prédictif/prescriptif (business intelligence-BI, algorithmes, IA …) et la mise à disposition des services auprès des clients internes et externes (interfaces de restitution, Self BI …).
#5 La transformation des métiers doit être anticipée dès le début
Au-delà de la montée en puissance des nouveaux profils Data, il apparait nécessaire d’infuser la Data à tous les autres niveaux de la banque et dans tous les métiers puisque c’est le plus souvent en leur sein que l’on va pouvoir identifier les services à valeur ajoutée rendus possibles par la Data. Cette transformation passe par la diffusion d’une culture Data au sein de l’organisation et à travers les projets.
#6 Une démarche responsable est à adopter quant à l’utilisation de la Data
Les clients sont de plus en plus sensibles à l’utilisation qui est faite de leurs données (à titre d’exemple, nous pouvons citer l’annonce controversée de Whatsapp sur ses nouvelles conditions générales et le partage des données) avec également un encadrement réglementaire fort (notamment via la RGPD). Quelle doctrine éthique adopter sur les données des clients ? Quels choix quant au traitement et à l’utilisation responsable de la Data ? Quelles contributions à des initiatives sociétales ? Comment partager la valeur avec l’écosystème ? Autant d’enjeux de responsabilité à anticiper et organiser par les banques.
Industrialiser la filière Data et tirer le plein potentiel des données grâce à notre approche itérative
Imaginer, construire et industrialiser sa filière Data est avant tout une question de dynamique de travail et d’état d’esprit :
Cheminer par itération, prouver, apprendre, se remettre rapidement en question,
Penser loin et haut : les filières IT et digitales ne sont pas industrialisées en 9 mois, il en sera de même pour la filière Data,
Apporter un regard neuf, nourri par l’inspiration stratégique et éclairé par les réussites dans d’autres secteurs d’activité,
Travailler le collectif, en infusant la culture Data à tous les étages.
La méthode Tourbillon est l’approche que nous avons développée et éprouvée pour assurer la cohérence de la trajectoire d’industrialisation de la Filière Data.
4 champs sont ainsi abordés simultanément, avec une intensité différente selon le niveau de maturité de la banque :
La stratégie se construit en se basant sur des preuves pour s’assurer de la pertinence de la trajectoire.Chaque nouveau cycle permet d’accélérer l’appropriation de la Data par l’entreprise… et d’entrer dans une phase de plus en plus opérationnelle. Dès les premiers cycles, les champs avals sont travaillés :> Structuration du socle Data et initialisation du déploiement> Analyse des impacts sur la transformation des modèles et des métiers> Initialisation de la conduite du changement
Champ #1 la stratégie, pour mettre la Data au cœur de l’entreprise :
Définir le quoi, l’utilité de la démarche Data,
Analyser la maturité Data de l’entreprise (organisationnelle, fonctionnelle, technologique),
Ajuster le tempo au regard de cette maturité,
Mesurer l’effort à fournir (en intégrant la construction du patrimoine de données et la transformation des métiers),
Construire la trajectoire,
Sanctuariser un budget dédié à la Data.
Champ #2 les preuves, pour engager et entretenir la dynamique :
Réaliser des MVP pour apporter rapidement de la valeur aux clients ou en interne et répondre aux points de faiblesses identifiés lors des diagnostics,
Initialiser la construction du socle Data (travaux de collecte et normalisation à initialiser sur les données prioritaires les plus utilisées),
Piloter les efforts à travers des indicateurs de mesure et valoriser les premiers succès.
Champ #3 le scale-up, pour élaborer des capacités industrielles :
Construire le patrimoine de données,
Transformer les modèles opérationnels et les processus,
Organiser et piloter la montée en charge de la filière Data,
Organiser et déployer la transformation des métiers (Data Academy…).
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