En 2021, à l’initiative des Entretiens de Valpré, une enquête a été réalisée auprès de managers et dirigeants, sur le thème du courage en entreprise. 150 personnes ont répondu au questionnaire :

  • La moitié des répondants sont des dirigeants et cadres dirigeants, un cinquième sont des managers.
  • Une majorité (56%) appartiennent à des entreprises de moins de 50 salariés.

Cette enquête est complétée d’entretiens qualitatifs menés auprès de dirigeants et coachs de dirigeant.

Quels enseignements peut-on retirer de cette enquête ?

Enseignement #1

Pour la quasi-totalité des répondants (92%) – dirigeants et cadres dirigeants, rappelons-le –, « devoir faire preuve de courage » fait partie de leur quotidien professionnel, le courage étant jugé une vertu « indispensable » pour réussir en entreprise pour 89% des répondants.

L’année au cours de laquelle cette enquête a été réalisée, marquée par l’épidémie de covid-19, les mesures prises par les pouvoirs publics et leur répercussion sur la santé économique des entreprises, n’a sûrement pas été pour rien dans l’importance donnée à la vertu du courage, en des temps incertains qui réclament prise de risque et résilience.

Pourtant, malgré ce climat global d’insécurité, seuls 20% des répondants disent éprouver « très souvent » de la peur dans leur fonction, contre 66% déclarant l’éprouver « de temps en temps ». Le courage serait-il donc l’autre nom de la capacité à surmonter sa peur ? C’est ce que pense en tout cas l’une des dirigeantes interrogées en entretien individuel :

« Le courage sans la peur n’existe pas. La témérité, c’est avoir à vaincre sans peur. On est très courageux quand on a très peur. Comme je suis très peureuse, je dois être très courageuse » (Dirigeante, entreprise de services)

Enseignement #2

La crise actuelle demande un surcroit de courage pour 87% des répondants, et ce, particulièrement pour les managers et les dirigeants. Forçant un bouleversement brutal de la manière dont les employés travaillent, dont les clients se comportent et dont les chaînes d’approvisionnement fonctionnent, la crise exige le renouvellement des modèles d’entreprise, l’adaptation et la résilience, ce qui nécessite du courage, notamment de la part des dirigeants et des managers pour agir afin d’innover et de rechercher différentes alternatives pour réduire les impacts négatifs sur leurs entreprises.

Enseignement #3

Où va-t-on puiser les forces pour faire preuve de courage ? Les 3 principales sources citées sont :

1. Le sens de l’action professionnelle (plébiscité par 45% des répondants) : nourri par l’ambition, la vision ou la raison d’être de l’entreprise, qui donne un plus grand sens au travail au-delà des objectifs économiques, permettant une vision claire de l’importance du rôle de chacun pour la société.

2. Les valeurs et convictions personnelles (plébiscité par 44% des répondants) : la famille, les valeurs personnelles, la foi, les convictions.

« Le courage, c’est aller là où nos convictions nous portent, surtout si elles sont à contre-courant » nous dit l’un des dirigeants interrogés.

« Le courage de tenir bon sur ses valeurs, c’est cela le vrai courage », affirme un autre.

3. Le collectif (plébiscité par 36% des répondants) : œuvrer pour le bien commun de l’entreprise, dans sa dimension sociale : les salariés, les clients. C’est aussi pour eux, et pas seulement pour soi, que l’on mobilise la ressource du courage.

Enseignement #4

Le courage, c’est d’abord pour les dirigeants oser dire, persévérer et donner de l’autonomie. C’est incontestablement une bonne nouvelle, car c’est une attente clairement exprimée par les jeunes générations, attente que l’on constate dans leur goût de plus en plus prononcé pour les petites structures, où elles pensent pouvoir prendre des responsabilités plus rapidement que dans les grandes.

On peut néanmoins avoir une pointe d’étonnement à la lecture de ce résultat car, naïvement, à l’heure des « entreprises libérées » et autres « univers VUCA », on aurait pu penser ce résultat en place depuis un certain temps déjà. Du coup, on en vient à se poser la question : est-ce si réellement le cas ? Cela interroge en tout cas sur l’adéquation des pratiques managériales des quinquagénaires et leurs aînés (rappelons que plus de la moitié de l’échantillon est constituée de répondants de 50 ans et plus) aux attentes des plus jeunes.

La génération des 50 et +, aux commandes des entreprises, a grandi à une époque où, en lieu et place de « l’autonomie » et de « la confiance », c’était plutôt des vertus comme la loyauté, la fidélité, la qualité d’exécution qui étaient recherchées. Mais les temps ont changé, et sans doute qu’une petite « mise à jour » du logiciel managérial ne serait pas superflue pour réduire les écarts générationnels.

Enseignement #5

Lorsque l’on demande aux interviewés quels peuvent être les plus grands freins à l’expression du courage des collaborateurs, on trouve une autre confirmation de l’importance du management, mais aussi de la culture de l’entreprise et des comportements individuelles.

Ces 3 dimensions ressortent très nettement dans les réponses les plus citées :

  • Dimension culturelle : « Ne pas encourager ses collaborateurs à oser »
  • Dimension managériale : « Donner peu de délégation et d’autonomie à ses collaborateurs »
  • Dimension individuelle : « Ne pas défendre son équipe »

Le courage trouve donc à s’exprimer à travers la qualité de ces 3 dimensions ce qui, là encore, peut être considéré comme une bonne nouvelle, car une culture qui encourage à oser, la valorisation de l’autonomie des collaborateurs et la promotion de l’intérêt collectif au détriment de l’intérêt individuel, cela se travaille, cela se développe.

Enseignement #6

92% des dirigeants pensent que leur entreprise encourage le courage, mais ce serait courageux d’aller le vérifier auprès des équipes : seulement 48% des managers et 63% des salariés sont d’accord ! Aurions-nous là un fossé au sein des entreprises, les cadres dirigeants s’illusionnant pour partie sur la façon dont leurs modes de management sont perçus par leurs collaborateurs ? Il ne serait sans doute pas inintéressant d’engager un dialogue sur ce sujet au sein des entreprises.

Enseignement #7

Quand on demande les personnalités qui incarnent le mieux le courage, 4 grands profils ressortent dans les réponses :

  • Dirigeants engagés dans la responsabilité de l’entreprise (33% des réponses) : Emmanuel Faber, Pascal Demurger, Bill Gates
  • Dirigeants qui ont fait preuve de résilience (17% des réponses) : Olivier Ginon, Elon Musk, Ben Smith, Jack Ma, Nicolas Dufourcq, Philippe Brassac, Frédéric Pierucci, Carlos Tavares, Jean-Pierre Farandou
  • Personnes politiques (10% des réponses) : Emmanuel Macron, Angela Merkel, Bernard Tapie, Thierry Breton
  • Pas une personne mais un collectif (10% des réponses) : Hôtels, patrons de PME confrontés à la crise, restaurants, représentants de la fonction RH

Mettre la mission au cœur de l’activité et concrétiser la transformation de l’entreprise par la mission

Le 9 décembre 2021, la Communauté des Entreprises à Mission a invité Hélène N’Diaye, Directrice Générale de Maif Vie, Laurence Peyraut, Secrétaire Générale France de Danone, et David-Emmanuel Vivot, Partner de Kea & Partners, à prendre la parole lors du webinaire « Société à Mission, réussir les 100 jours et au-delà ».

Cela nous a permis de partager le cheminement de Kea depuis mars 2020, date à laquelle nous avons collectivement adopté la qualité de Société à Mission : les bonnes pratiques et actions menées en interne et avec les parties prenantes pour répondre à nos engagements – ainsi que les questions qui se sont posées à nous tout au long de la première année.

Ce webinaire a été l’occasion de publier le rapport du groupe de travail de la Communauté des Entreprises à Mission qui s’est attaché à décrire les 4 grands chantiers d’une entreprise lors de ses 100 premiers jours en tant que Société à Mission.

Nous sommes fiers de partager ce rapport avec vous.

Contexte : un cheminement collectif de la Communauté des Entreprises à Mission pour construire une économie souhaitable

Tout d’abord posons quelques dates clés. Le 20 décembre 2018, la Communauté des Entreprises à Mission [CEM] se crée, en anticipation de la Loi Pacte promulguée le 22 mai 2019 et qui pose les principes de la Société à Mission. Le 2 janvier 2020 le décret d’application de la loi est publié. C’est là que tout commence pour les dirigeants désireux de construire une économie souhaitable.

Au sein de la CEM, que Kea a rejoint dès 2019, un groupe de travail se constitue dans la foulée du décret. Il provoque l’échange entre les dirigeants membres de la Communauté, autour d’une question centrale : une fois les statuts modifiés en accord avec la loi PACTE, comment passer à l’action et transformer les pratiques de l’entreprise ?

Car l’adoption de la qualité de société à mission est le début d’un long processus de transformation. Chaque entreprise est unique ; l’étape de la société à mission arrive à un moment particulier de son histoire. Pour certaines, cela semble s’inscrire dans une forme de continuité ; pour d’autres, cela marque une inflexion, si ce n’est une rupture, dans leur trajectoire. La manière dont l’entreprise a construit sa raison d’être et défini ses objectifs (sa mission) n’est pas non plus sans conséquence sur le déroulement des étapes suivantes. Par exemple, si la mission a été coconstruite en impliquant de nombreux acteurs de l’entreprise et de son écosystème, il est certain que l’appropriation de la mission par le corps social s’en retrouvera complexifiée.

Loin de proposer des « recettes », le groupe de travail a plutôt fait ressortir des questionnements communs et des chantiers à mener relativement génériques, non seulement dans les « 100 premiers jours » mais aussi durant la première année et au-delà.

La synthèse qu’il a réalisée décrit ces principaux chantiers : des actions à mettre en place pour atteindre une situation visée à un an en soulignant les étapes à franchir, les questions à traiter, les difficultés à surmonter et, parfois, quelques bonnes pratiques génériques. Pour chaque chantier, sont identifiées des actions à lancer avec des effets visibles rapidement (quick wins) et d’autres, plus en profondeur, dont les effets seront perçus à plus long terme. Cette synthèse constitue un premier recueil de recommandations ou de bonnes pratiques qu’il conviendra à chacun d’adapter à son contexte.

4 grands chantiers à lancer en parallèle

CHANTIER 1 – Gouverner la mission

Installer une gouvernance spécifique de la mission articulée avec les organes de gouvernance de l’entreprise. Exemples : comité de mission, gouvernance opérationnelle et institutionnelle de la mission, désignation du manager de la mission.

CHANTIER 2 – Aligner stratégie et mission

Rendre la mission opérationnelle en élaborant des plans stratégiques contributifs (raison d’être et objectifs). Exemple : actualisation des plans et feuilles de route stratégiques.

CHANTIER 3 – Engager les parties prenantes

Incarner la mission, mettre en mouvement les parties prenantes internes et externes (en premier lieu les collaborateurs de l’entreprise), favoriser l’appropriation de chacun au service du passage à l’action. Exemple : événement collectif de partage et de dialogue.

CHANTIER 4 – Passer à l’action pour transformer

Identifier les actions emblématiques et de fond à lancer en priorité. Exemple : déclinaison des objectifs statutaires en objectifs opérationnels par service ou business unit.

Ces chantiers ne sont pas exclusifs les uns des autres dans la mesure où les actions à lancer peuvent contribuer à plusieurs d’entre eux, il faut les considérer comme une structure (et non une séquence) permettant de recenser et prioriser les actions utiles.

Bonne lecture !

Le secteur de la Beauté fait face à une période de fortes disruptions, dont l’ampleur et la vitesse ont été accentuées par la crise COVID. C’est d’ores et déjà l’occasion pour certains acteurs, qu’ils soient digital-natives ou impact-natives, de pénétrer le marché de façon accélérée. Le risque pour d’autres d’éroder fortement leurs parts de marché et la désirabilité de leur marque.

Nous identifions six lignes de force qui seront, à nos yeux, les clés de réussite des deux à trois prochaines années et à impulser dès ce début d’année 2022 ! Pour chacune d’entre elles, nous avons interrogé un professionnel du secteur pour croiser nos regards sur les enjeux et les pistes de solutions.

Au sommaire :

#1 Innovation : à quand le beauty big bang ?

Interview de Xavier Joseph, Global Vice President Marketing & Innovation, Beauty+Home, Aptar

#2 S&OP : au-delà des moyennes

Interview de Florent Lafond, CEO GEKA, Head Beauty Business Unit

#3 Vers un secteur beauté-cosmétique « à impact positif » ?

Interview de Sophie Mauras, Directrice Transformation & Data, Yves Rocher

#4 Go-to-market : la théorie du Lego

Interview de Theodora Vanhaecke, WW Sales – Store experience – POS Operations, Apple

#5 M&A : ce qui ne tue pas nous rend plus fort ?

Interview de Camille Kriebitzsch, Partner & Co-Founder, Eutopia

#6 La terre est plate, qu’en est-il des organisations ?

Interview de Fabienne Mauny, Directrice Executive, Dyptique

Hélène N’Diaye, Directrice Générale Adjointe du Groupe MAIF et Directrice Générale de MAIF VIE, répond aux questions de Claire de Colombel, Directeur, et Yves Pizay, Partner.

Q#1 : Vous êtes reconnue comme une dirigeante et une femme engagée. Qu’est-ce qui a provoqué pour vous le « déclic responsable » ?

J’ai toujours eu des convictions personnelles en matière d’inclusion et de cohésion sociale. Ma sensibilité écologique est venue un peu plus tard, même si mon grand-père était agriculteur. En revanche, ces convictions se sont invitées plus tard dans le champ professionnel. Tant que j’étais collaboratrice et non dirigeante, je ne me sentais pas vraiment responsable des décisions prises et je n’avais pas connaissance des paradoxes et externalités liés à certaines décisions. Je sentais un équilibre relatif entre les différentes parties prenantes, cela me convenait.

Tout a changé il y a quelques années, quand on m’a confié davantage de responsabilités : j’ai eu une meilleure connaissance de l’équation globale, j’ai vu que les intérêts respectifs de l’actionnariat, des clients et des salariés n’étaient pas équilibrés. Je me suis retrouvée en conflit de loyauté par rapport à certaines décisions. J’avais la conviction qu’il fallait changer l’ordre des facteurs : considérer comme seule priorité le critère financier n’était plus possible pour moi.

Rejoindre la MAIF a été très naturel. La MAIF était déjà dans un cheminement d’engagements et l’équation se faisait entre dirigeants, salariés, sociétaires et administrateurs. Il y a toujours le critère financier dans l’équation, mais à sa juste place.

Aussi, j’ai fait en 2018 le choix qui s’imposait. D’ailleurs, je dirais qu’être société à mission c’est exactement ça : faire prendre conscience des conflits de loyauté potentiels à tous les niveaux de l’entreprise pour que chacun, en conscience, puisse prendre les bonnes décisions sans remonter à l’échelon supérieur. Si ce souci de justesse n’est pas partagé, l’entreprise ne peut pas avoir l’impact espéré.

Q#2 : Comment nourrissez-vous vos convictions en matière de responsabilité ?

En tant que rédactrice en chef du journal l’Actuariel, je travaille avec des journalistes engagés comme moi. Je prends beaucoup de plaisir à effectuer des recherches approfondies avec eux, sur l’impact économique des transitions, par exemple, en interrogeant des sociologues. En plus de cette implication, je me nourris de ce que je lis et vois.

« Il faut trouver l’équation qui nous permettrait d’être suffisamment radicaux pour réveiller les consciences (…) et suffisamment réfléchis (…) pour accompagner le mouvement. ».

Q#3 : Comment cela se matérialise-t-il dans votre quotidien ?

À titre personnel, je suis prête à faire des choix assez radicaux : je ne prends plus l’avion et je refuse d’acheter des marques dont on sait pertinemment qu’elles ne sont pas très respectables.

En tant que dirigeante, je pense que le « best effort » n’est pas suffisant, pas assez volontariste et que l’urgence de la situation fait qu’on ne peut plus s’opposer à la radicalité. Pour autant, je ne suis pas pour la décroissance car, dans le modèle économique actuel, elle mènerait à un contexte social explosif. En fait, tout est question d’équilibres. Il faut trouver l’équation qui nous permettrait d’être suffisamment radicaux pour réveiller les consciences et être à la hauteur des défis, mais suffisamment réfléchis et pédagogiques pour accompagner le mouvement.

« La situation fait qu’on ne peut plus s’opposer à la radicalité »

Exemple typique : les investissements. On doit évidemment investir massivement dans la transition, mais on ne peut pas pour autant lâcher d’un seul coup tous nos actifs échoués, ceux dont on sait très bien qu’ils n’auront bientôt aucune valeur. Autrement, on provoquerait des faillites, et ça serait probablement pire.

Cela dit, je pense que chercher les grands équilibres ne suffit pas non plus. À force de raisonner par dosage et prudence, on ne fait rien. Chacun attend que l’autre fasse le premier pas. Ma conviction, c’est que tant qu’il n’y aura pas un retrait massif des géants de l’économie d’hier, il n’y aura pas de transformation d’ampleur.

Q#4 : Justement, vous avez engagé MAIF VIE dans un projet de transformation ambitieux. Pouvez-vous en rappeler les principaux axes ?

Ils touchent à l’interne et à l’externe et sont liés aux grandes transitions écologiques et sociales.

En interne, il y a tout un travail d’embarquement des équipes et de contribution à tous les échelons de l’entreprise. L’inflexion majeure, c’est de passer des grandes décisions unilatérales à la politique des petits pas collectifs. Cela nécessite de faire pivoter complètement nos modes de travail, la manière dont on conçoit notre métier au quotidien, l’ordre des facteurs qui nous paraît juste dans nos décisions.

En matière d’offre d’épargne, nous voulons garantir des placements durables. Prime à la pérennité, à la sécurité dans le temps. Pour cela, côté investissements, nous portons une attention particulière aux actifs qui contribuent à la transition, en privilégiant bien sûr ceux qui servent une vraie stratégie climat. Nous avons une gamme de support d’unités de compte 100% labélisées (ISR, Greenfin, Relance et Finansol) sur nos contrats d’assurance vie. De plus, nos fonds euros sont soit 100% ISR soit dotés du label Finansol. Si vous épargnez à la MAIF, votre épargne sera forcément labélisée. Sur la prévoyance, nous travaillons autour de la sélection médicale, de l’accessibilité, de la mise à disposition de services.

« En tant que dirigeant, il ne faut rien lâcher. Vous devez incarner cette mission, en faire une préoccupation quotidienne, prendre chaque jour des décisions stratégiques à l’aune du nouveau statut de votre entreprise. »

Q#5 : Cette transformation a été rendue visible avec l’adoption du statut de société à mission. Quel effet cela a-t-il produit ?

Je le vois surtout comme une impulsion. Cela a demandé bien sûr du travail en amont, mais le vrai combat se joue au quotidien, avec deux sujets clés : le rôle du dirigeant et la mobilisation du collectif.

En tant que dirigeant, il ne faut rien lâcher. Vous devez incarner cette mission, en faire une préoccupation quotidienne, prendre chaque jour des décisions stratégiques à l’aune du nouveau statut de votre entreprise. Ce qui change réellement, ce ne sont pas tant les processus de décision que la pondération et la priorisation des facteurs pour les prendre : le financier n’est ni le seul ni le premier critère à prendre en compte.

« L’autre grand défi, c’est d’embarquer le corps social, c’est-à-dire les collaborateurs de MAIF VIE au sens large. Il faut être très humble là-dessus. »

L’autre grand défi, c’est d’embarquer le corps social, c’est-à-dire les collaborateurs de MAIF VIE au sens large. Il faut être très humble là-dessus. Autant, je pense qu’il y a une attente réelle de la part de la société en matière d’engagement des entreprises, autant il y a un chantier colossal du côté des collaborateurs. Historiquement, on les a peu habitués à prendre des initiatives et à aller au-delà de ce qu’attendait le patron. Récemment, nous avons proposé aux collaborateurs d’écrire ensemble les nouveaux accords d’organisation du temps de travail. Pour moi, c’est précisément à cela que sert le statut de société à mission : responsabiliser, créer la prise de conscience et d’initiatives à tous les niveaux.

En interne, nous avons lancé une démarche « zéro papier inutile et Green IT » afin que 100% des collaborateurs soient touchés par ce changement de pratiques. Nous n’avons pas encore suffisamment déployé la formation sur les sujets de responsabilité, mais nous avons commencé à l’aborder dans des modules de sensibilisation sur le gaspillage. A côté de ces petits pas, le sujet est bien placé au niveau stratégique : le Comité de Direction consacre chaque mois 1h à 1h30 à notre mission.

Nous nous appuyons aussi sur nos parties prenantes : communications sur nos nouveaux produits, plus axées sur l’impact que sur les avantages financiers, enquêtes sur les préoccupations du sociétariat qui nous permettent d’appuyer la mobilisation du réseau MAIF pour décliner et amplifier nos initiatives, etc.

Je pense qu’on peut faire beaucoup plus, notamment en poussant la granularité pour que chaque équipe opérationnelle trouve des solutions à son niveau. Historiquement, notre sociétariat est nativement plutôt sensible à ces sujets, mais ce n’est pas forcément le cas de notre corps social. Cela soulève beaucoup de questions en matière de ressources humaines. Devons-nous investir davantage en amont dans la marque employeur pour attirer les profils déjà sensibilisés ? Nous avons essayé plusieurs scénarios. Je constate qu’à nouveau, c’est une question de juste équilibre à trouver, dans un contexte d’urgence à agir. D’un côté, on est soucieux d’incarner des principes d’inclusion sociale : tout le monde doit pouvoir travailler chez nous. De l’autre, on est obligé de s’assurer d’un certain alignement du corps social avec notre mission et nos valeurs.

Q#6 : Comment se mesure l’engagement du corps social sur tous ces sujets ?

J’en ai une perception à travers les enquêtes internes, la nature des sujets qui remontent, la manière dont les dossiers sont portés. Est-ce suffisant ? Sans doute pas. D’autant qu’il peut y avoir des biais cognitifs dans les enquêtes internes.

Mais je me méfie beaucoup de l’automatisation de la mesure. Pour moi, il faut surtout veiller à ne pas perdre pied avec les équipes : ne pas se contenter des rencontres formelles avec les représentants, aller sur le terrain, discuter, comprendre leurs questions et leurs préoccupations, pourquoi pas leur offrir des espaces pour qu’ils puissent parler librement et donner leurs avis sur telle ou telle décision. J’estimerai notre transformation réussie le jour où nous aurons pris tous conscience que notre entreprise n’a pas la même place dans la société, que notre métier n’a pas le même rôle qu’auparavant dans la chaîne économique.

Q#7 : Pour résumer, cette transformation est-elle comme les autres ?

Non. Parce que c’est une transformation complexe dont personne ne connaît la cible a priori. Par exemple, j’ai été interpellée récemment par la question du télétravail. Je voyais à l’origine surtout les vertus au travail à distance : sur le plan écologique avec la réduction des transports, sur le plan social avec le fait de ritualiser des vrais temps en équipe, sûrement plus bénéfiques que les small talks de la machine à café, sur le plan du bien-être personnel aussi, avec la possibilité d’aménager son temps et son équilibre familial…

Et puis, j’ai compris que c’était plus complexe que cela. Un sociologue belge nous a notamment alertés sur les risques d’isolement et de repli de la société, avec des gens qui se parlent moins, ont moins de relations entre eux. Dans cette perspective-là, le bureau pouvait être plus qu’un lieu de travail : un vecteur de socialisation. J’ai revu mon jugement : faire du bureau un vrai lieu d’interactions, quitte à supprimer les bureaux individuels, ne pas régir le télétravail par trop de coercitions…

Avec le corps social, nous partageons la même ambition, les mêmes objectifs. Pour moi, une société à mission, ce n’est pas « Direction » contre « Salariés » : c’est tout le monde ensemble pour faire fonctionner l’entreprise et construire un modèle social souhaitable, dans lequel le lieu de travail est aussi un lieu de relations et de créativité.

« On ne sait à quoi ressemblera le monde dans 10 ans (…). Les modèles de demain ne sont pas encore écrits… »

Le télétravail, le dialogue social ne sont que des exemples. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on ne sait pas à quoi ressemblera le monde dans 10 ans, et que, par conséquent, on ne peut pas projeter la MAIF avec certitude. La mission aide certes à donner un cap dans les prises de décision. Mais elle ne dessine pas l’entreprise de demain… Bien sûr, il y a des changements de pratique dans nos métiers. Je constate par exemple qu’on renonce désormais assez facilement à des produits peu recommandables. Mais les modèles de demain ne sont pas encore écrits. Nous avons besoin de bons chercheurs pour cela, capables de mettre en cohérence l’économie avec les dimensions sociales, culturelles, environnementales…

Q#8 : Vous êtes optimiste sur vos chances de réussite ?

En interne, j’ai la conviction qu’avec le Comité de Direction nous prenons les bonnes orientations. Mais quand j’ouvre un œil sur l’extérieur, par exemple quand je lis les rapports du GIEC, cela me fait froid dans le dos… Dans quelques décennies, la MAIF sera toujours à Niort… mais ce sera un port !

Je pense que l’on n’est pas à l’abri d’un choc mondial, plus important encore que ceux connus récemment. Comme on ne sait pas d’où le coup va venir, il faut s’y préparer de manière holistique, se connecter à des tendances de fond : le réchauffement climatique et l’insuffisance des mesures gouvernementales, les inégalités de revenus devenues intenables… Le risque c’est que face à tous ces facteurs, on en vienne à opter pour le consensus, alors que c’est la pire des décisions ! Il faut au contraire faire des choix précis, ciblés, radicaux, tout en gardant une vision d’ensemble, en observant les tendances de fond, en écoutant les oppositions…

Q#9 : Un dernier mot ? Un conseil pour la fin ?

Les sujets de transformation responsable sont très inspirants et ils mobilisent beaucoup d’énergie. De mon point de vue, l’adoption du statut de société à mission permet de catalyser cette énergie, de lui donner du sens, de l’impact, de l’inscrire dans une vision plus large que l’entreprise. C’est beaucoup plus intéressant d’exercer son métier ainsi !

Hélène N’DYAYE

1er cabinet de conseil européen devenu « société à mission », Kea soutient la diffusion de recherches et d’innovations sur l’économie souhaitable. Son pôle R&D sélectionne les meilleurs contenus pour nourrir une réflexion radicale et ouvrir des chemins de transformation pluriels.

Ce mois-ci : Transition écologique et sociale, l’entreprise peut-elle être radicale ?

« La radicalité – accéder à l’essentiel, remonter à ce qui est premier – est le travail le plus exigeant de l’esprit ». François Jullien

Les dirigeants d’entreprise le savent bien : nous sommes face à des défis majeurs et systémiques qui impliquent une réponse radicale.

Le GIEC est formel : la barre des 1,5° sera vraisemblablement franchie dès 2030 et nous sommes sur la voie du scénario à +3° si nous ne divisons pas par 2 en moins de 10 ans les émissions de GES au niveau mondial. Au moment où le Stockholm Resilience Center révèle le dépassement de la 5e limite planétaire[1] (pollution chimique), l’envolée du prix du cuivre (+50% en un an[2]) laisse penser que l’offre mondiale ne sera pas suffisante pour honorer les scénarios de transition énergétique sur lesquels reposent les stratégies climat nationales, au premier rang desquelles celui de l’énergéticien RTE.

Alors que l’action climatique dépend de la coopération internationale, les manœuvres des Etats pour accéder aux stocks de masques et de vaccins laissent penser que le multilatéralisme est bien fragile lorsqu’il s’agit de gérer collectivement des pénuries au niveau mondial. Coopération qu’il faut aussi défendre à l’échelle nationale, pour coordonner l’action collective tout en préservant les libertés individuelles ! Un collectif existe-t’il encore quand les fractures sociales, générationnelles et économiques se multiplient (gestion de la crise sanitaire, question de l’immigration, défense des minorités…) ? Le climat qui domine pour les entreprises est plutôt celui d’une compétition économique internationale alimentée par des rapports de force à court-terme. Avec l’arrivée des GAFAM, même l’attention du consommateur est un territoire de compétition…[3]

Le défi est là : comment permettre aux bientôt 9 milliards d’humains que nous serons de vivre une vie authentiquement humaine dans un tel faisceau de contrainte ?

Le réflexe naturel pour engager une réponse radicale face à ces défis c’est de prendre position : dénonciation et révolte, vision binaire du monde, solutions simplistes. Le non-débat sur le nucléaire l’illustre bien, chaque camp renvoyant l’autre à son irresponsabilité et à ses idéologies et ne sélectionnant que les arguments cohérents avec sa vision du monde. Cette saine réaction permet de mobiliser les collectifs et de projeter un idéal. Mais elle est incapable de donner des clés de transformation. Or, si la cible à atteindre est claire, la question du comment reste ouverte.

Pour les entreprises, l’enjeu est justement de tenir cette tension entre modèle idéal et passage à l’action. Les exemples ne manquent pas : quelles actions décisives pour mettre la grande distribution sur la voie idéale du zéro déchet, alors que la suppression de tous les emballages et la généralisation de la consigne et du vrac n’est pas faisable dans l’organisation actuelle ? Comment faire basculer le secteur de la construction d’un modèle basé sur la construction neuve et les matériaux carbonés vers la rénovation et les matériaux biosourcés ? Dans son dernier ouvrage, le philosophe et sinologue François Jullien fait de la décoïncidence la méthode de résolution de ces tensions.

Dépasser les postures et les stratégies d’action individuelles

Face aux nouveaux défis, des postures très claires apparaissent, associées à des modes de vie et des stratégies individuelles qui anticipent rationnellement des représentations divergentes de l’avenir.

Ainsi, une première différenciation sépare ceux qui se projettent dans un avenir lumineux (”progrès”) ou sombre (”effondrement”). Le positionnement dans ou en dehors du système affine cette typologique et fait émerger 8 archétypes de postures « agissantes », au niveau individuel ou à l’échelle de l’entreprise, que l’on pourrait caricaturer ainsi (les majorités silencieuses ne sont pas positionnées dans cette matrice) :

  • Confiant dans l’avenir et bien dans le système, le techno-optimiste croit à l’infinie capacité d’innovation de l’humanité et place ses espoirs dans la technologie et le numérique : usines de stockage de Co2 ou de production du viande artificielle, voiture à hydrogène, metavers… Assez proche quoique moins entreprenant, le profil « business as usual » est également confiant en l’avenir et pense que la situation est bien moins pire que ce qu’annoncent les « prophètes de malheur ». Il défend les bienfaits économiques et politiques du système en place : méritocratie, politiques de redistribution, réglementations environnementales…
  • Parfaitement conscient de l’état du monde, l’éco-anxieux nage en pleine dissonance cognitive, dépendant d’un système où il n’a pas les marges d’action pour agir. Epuisé psychologiquement, il négocie au quotidien avec lui-même en consommant un peu mieux, mais culpabilise de ne pas arriver à en faire plus (mobilités douces, engagement citoyen, cuisine fait maison…). Dans sa version plus individualiste, le cynique persévère consciemment dans ce système dont il est un des gagnants. Il a trop à perdre à changer le système et dispose d’une solution de repli en cas de crise généralisée : réseaux d’influence, résidence secondaire, capital financier…
  • Engagé pour transformer le système depuis l’extérieur, le transitionneur s’investit dans le développement de niches alternatives. Travailler moins pour gagner moins mais vivre mieux est son mantra. Il invite chacun à le rejoindre sur la voie radicale d’une sobriété heureuse articulée autour de la permaculture, des logiciels libres, d’une quête spirituelle… Dans un style plus militant, l’indigné dénonce l’égoïsme des puissants, marche et désobéit, ne pouvant rester inactif face à la dégradation sociale qu’il rencontre dans son quotidien professionnel. Souvent issu d’une lignée de militants, c’est un consommateur qui s’engage à haute voix : produits du commerce équitable, bénévolat auprès des sans-papiers, appels au boycott…
  • Enfin, le collapsologue se prépare à l’effondrement qu’il juge inévitable dans une optique de résilience, en s’investissant dans la construction d’écovillages autonomes en alimentation et en énergie, tissés en un réseau d’entraide et de soutien matériel et intellectuel. Le survivaliste en est la version individualiste, sa démarche étant centrée sur sa survie individuelle dans un monde effondré dominé par la loi du plus fort et du mieux préparé.

Il faut bien sur reconnaître la valeur des stratégies d’action individuelles qui découlent de ces postures, chacun faisant de son mieux. Mais elles ne résolvent pas le besoin d’une stratégie collective opératoire. Dans Politique de la décoïncidence[4], François Jullien pointe bien les impasses de ces postures dans leur capacité à entraîner avec efficience une transformation profonde :

  • L’innovation est le nouveau nom du progrès. Moteur essentiel de la création de valeur pour les techno-optimistes et les business-as-usual, elle peut devenir une coquille vide si elle est élevée en fin en soi, et non en moyen, à la manière des SPAC, création hors-sol de l’innovation financière.
  • La dénonciation est l’arme des indignés, des collapsologues, des survivalistes. Elle est louable pour alerter et élever les consciences, mais intervient en aval des situations, alors qu’elles sont déjà effectives. Comme le souligne Gaspard Koenig, une entreprise comme Ben&Jerrys peut se faire le porte-voix de causes qui lui tiennent à cœur, mais ces discours progressistes ne sauraient faire oublier que son business est florissant dans un monde patriarcal…
  • La révolution a le mérite de mobiliser les collectifs autour d’un idéal simple, mais elle doit rassembler largement pour être effective et n’a pas prise sur les interdépendances complexes du monde actuel. Comme le souligne Carlos Tavares, la révolution prévue par l’UE vers la voiture électrique pourrait ainsi être trop brutale en termes d’emploi [5] si elle n’est pas mieux amenée.
  • L’utopie des transitionneurs est un actif très puissant pour mettre en mouvement des collectifs vers des idées radicalement nouvelles. Sans utopie, Wikipédia n’aurait surement pas vu le jour. Cette posture permet de construire, mais pas de transformer ni de déverrouiller. Hors-sol, elle « ne peut construire d’avenir puisqu’elle s’est affranchie du principe de réalité » et reste impuissante dans son « il n’y a qu’à ».

Fort de ce constat, la décoïncidence apparaît la seule voie réellement transformatrice : identifier les fissures à élargir dans le statu quo ambiant, trouver l’interstice entre la marge et le système pour créer du jeu aux seuls endroits où c’est possible et libérer ainsi des ressources non-exploitées. Outil pratique des philosophes qu’il appelle chacun d’entre nous à être, il est applicable autant à la société qu’à l’entreprise.

Décoïncider l’économie en décoïncidant l’entreprise

Pour résoudre le dilemme entre visée de transformation radicale et nécessités économiques de court-terme, les entreprises doivent développer leur capacité à décoïncider du business-as-usual. Trop loin de l’existant, des solutions nouvelles ne pourraient s’y greffer et resteraient à l’état de prototype. Trop hasardeux, un simple « petit pas » ne suffira pas à entraîner un mouvement suffisamment transformateur. En identifiant le bon angle d’attaque, Time for the Planet et la MAIF sont deux bonnes illustrations de cette approche par la décoïncidence.

Deux entreprises décoïncidantes : Time for the Planet et la MAIF.

Time for the planet, un fonds d’investissement dans la tech… en crowdequity.

Créé en 2020 par 6 trentenaires, l’entreprise Time for the Planet est un fonds d’investissement citoyen dont la mission est de lever 1 milliard € pour financer des innovations technologiques apportant des solutions face au dérèglement climatique.

  • Utiliser la fissure de la prise de conscience climatique et les codes de la tech et du crowdfunding pour mobiliser plus de 40 000 actionnaires individuels sans retour sur investissement financier, au même titre les que les 6 co-fondateurs.
  • Ce partage du risque a permis :
    • De lever plusieurs millions d’euros en crowdequity et de promettre un retour sur investissement immatériel aux épargnants, donnant naissance aux premiers communs du secteur intense en capital de la greentech.
    • De lever plusieurs millions d’euros en crowdequity et de promettre un retour sur investissement immatériel aux épargnants, donnant naissance aux premiers communs du secteur intense en capital de la greentech.

– De déployer l’engagement des actionnaires au service du projet : au-delà de la seule participation au vote, Time for the Planet leur propose un rôle opérationnel frugal et puissant en intégrant les codes des mouvements citoyens.

  • Leurs fondamentaux décoïncidants : Non-lucrativité, Open-source, intelligence collective, Transparence, Science, Action

La Maif : faire du besoin de confiance un relais de croissance

La Maif est une société mutuelle d’assurance française dont la création en 1934 était déjà décoïncidante. En cohérence avec son statut de société à mission, elle ouvre la brèche à de nouvelles pratiques dans le secteur, remettant l’attention au cœur de ses valeurs :

  • Reconstruire la confiance des clients dans leur assurance en supprimant les objectifs commerciaux pour les conseillers.

Ce pari a permis de faire évoluer le modèle économique vers une rentabilité basée sur la fidélisation des collaborateurs et le bouche-à-oreille de clients satisfaits.

  • Adopter une raison d’être et le statut d’entreprise à mission pour libérer de l’énergie et légitimer les actions en faveur de toutes les parties prenantes de l’entreprise :
    • Investir dans une autre entreprise décoïncidante de son territoire, la CAMIF
    • Redistribuer aux clients une partie des économies réalisées pendant le confinement en 2020.

« C’est l’un des avantages du statut d’entreprise à mission. Dès lors que vous élargissez votre objet social et que vous inscrivez votre raison d’être, juridiquement, vous fondez une légitimité à agir en dehors de l’objet social de votre entreprise. Dit autrement, si le dirigeant d’une entreprise cotée agit en faveur de l’environnement ou la société, ses actions ne peuvent être remises en question par un actionnaire pour qui ces dernières ne feraient pas partie du périmètre de l’objet social de l’entreprise. Ça le protège. » Pascal Demurger

Dans cet entretien réalisé pour Kéa en 2021, découvrez comment Hélène Ndiaye, directrice générale adjointe de la MAIF, rend possible l’engagement collectif de ses équipes vers des transformations à la hauteur de sa radicalité.

Quatre stratégies de décoïncidence pour transformer les entreprises vers des modèles durables.

En synthèse, les quatre stratégies de transformation vers des modèles de croissance durable [6] illustrent comment du jeu créé au niveau d’une fissure naît la possibilité d’une réinvention du modèle économique de l’entreprise, que ce soit par l’inoculation d’une nouvelle technologie, l’absorption d’un acteur externe, la création à côté du core business d’une activité visant à le remplacer, ou l’immersion dans un ensemble d’initiatives qui influenceront l’entreprise.

Retrouvez la totalité de notre note de position sur les nouveaux modèles de croissance

En lien avec le thème du mois…

Nos conseils lecture :

Ouvrir un débat pluraliste sur les voies de transformation écologiques avec « L’économie permacirculaire » de Dominique Bourg et Christian Arnsperger

Gare aux amalgames entre questionnement radical et pensée unique. Le questionnement radical seul permet d’agir à la racine des problèmes et de travailler pour un but profondément mobilisateur. Mais dans une visée démocratique, les préférences individuelles et collectives en termes de trajectoires de transformation peuvent et doivent diverger. C’est au sujet du “comment” que le jeu de la politique commence. Parler des faits avec lucidité relève donc de l’éveil des consciences et non du militantisme – c’est ici que nous voulons nous situer, pour contribuer à élever les consciences de citoyens “réflexifs et critiques”, comme l’y invitent Dominique Bourg et Christian Arnsperger dans l’Ecologie intégrale.

> L’écologie intégrale, Pour une société permacirculaire, Christian Arnsperger, Dominique Bourg, PUF, 2017, 198p

La vidéo du mois : Economie bleue, entreprise permacirculaire… et si la nature était décoïncidante ?

En s’inspirant des principes du vivant pour dessiner les contours d’une nouvelle économie, le concept d’économie bleue de Gunter Pauli rejoint celui d’économie permacirculaire. Le vivant est en transformation constante, l’état de stabilité n’y existe pas. Diversité, circularité, rôle des marges, complémentarité, prise en compte du facteur temps… une vraie leçon de décoïncidence ?

> Gunter Pauli présente l’économie bleue en vidéo (13’)

Décoïncider le secteur de l’aide à la personne avec « La société du lien » de Guillaume Desnoës, Clément Saint Olive et Thibault De Saint Blancard.

Dès la création d’Alenvi en 2016, entreprise dont la mission est « d’humaniser l’accompagnement des personnes âgées » Guillaume Desnoës, Clément Saint Olive et Thibault De Saint Blancard se placent dans la perspective d’essaimer les innovations qu’ils vont développer dans leur entreprise au sein du secteur de l’aide à la personne. Dans cet ouvrage limpide et généreux, ils partagent leur vision d’une refonte progressive mais profonde d’un secteur vital et néanmoins en crise.

> La société du lien, Guillaume Desnoës, Clément Saint Olive et Thibault De Saint Blancard, Editions de l’aube, 2021, 108p

Le replay du mois : Le Shift a un plan pour transformer l’économie française

Le 7 février, le Shift Project a présenté le résultat de 2 ans de travail sur un Plan de Transformation de l’Economie française. Un travail unique en France de quantification et de projection des transformations structurelles à mener pour réduire les flux de matières et d’énergie tout en maintenant la qualité de vie des Français. Un ouvrage qui fera date pour objectiver la radicalité des transformations à engager.

Un avant-goût synthétique :

  • Deux horloges tournent et menacent la sureté collective : celle de la réduction des GES d’ici 30 ans et celle de la pénurie des énergies fossiles d’ici 20 ans. Tout va bien, 20 ans c’est justement la durée nécessaire pour organiser la transformation socio-économique d’une filière.
  • Pour le Shift, les ingrédients d’un bon plan sont :
    • Raisonner sur les flux physiques (énergie – matériaux – usages de la terre) et les compétences humaines (temps de formation et de travail)
    • Développer une vision systémique et cohérente et anticiper les concurrences entre secteurs pour utiliser la production électrique et les sols
    • Coordonner les acteurs : les individus qui s’engagent en tant qu’actif, citoyen ou consommateur), les entreprises pour organiser la production et les pouvoirs publics pour impulser et initier
    • Gérer l’incertitude sur la capacité d’adaptation de la biosphère et le rythme de transformation
  • Ainsi, pour chaque secteur économique, 3 axes de transformation sont à impulser de manière cohérente pour atteindre les objectifs :
    • Innover pour développer l’efficacité des opérations
    • Décarboner l’énergie
    • Organiser collectivement la sobriété

    → Retrouvez l’intégralité de la présentation sur ce lien. Egalement sur le site ilnousfautunplan.fr, les rapports, des infographies récapitulatives et des vidéos de présentation secteur par secteur.

    → Se former sur les ordres de grandeur des enjeux climat et énergie pour être mieux armé dans les dîners en ville ? Deux solutions : visionner les 30h de cours de « JMJ » aux Mines, ou lire tranquillement Un monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, la bande dessinée qu’il co-signe avec le dessinateur Christophe Blain et qui s’est hissée sur le podium des 10 BD les plus lues en 2021.

    Notre conseil culture : Rhinocéros de Ionesco au Théâtre de l’Essaïon

    Plongé dans le siècle des totalitarismes, Eugène Ionesco dénonçait en 1959 les mécanismes de diffusion des idéologies totalitaires et la difficulté personnelle de résister aux sirènes de la norme sociale et des solutions définitivement idéales.

    [1] https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html [2] https://www.xerfi.com/blog/Cours-des-metaux-forte-hausse-en-2021_492 [3] https://lejournal.cnrs.fr/articles/lattention-un-bien-precieux

    [4] Politique de la décoïncidence, François Jullien, Editions de l’Herne, 2020, 128p

    [5] https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/carlos-tavares-avec-la-voiture-electrique-la-brutalite-du-changement-cree-un-risque-social-1380080

    [6] Cf. La Transformation socio-digitale, Revue Kea & Partners#23 https://www.kea-partners.com/post/la-transformation-socio-digitale-la-revue-23

    De nombreuses entreprises sont engagées dans des processus de transformation de leurs modes de management et d’organisation pour développer l’autonomie et la participation des salariés, tout en accroissant l’efficacité de l’action collective. L’exigence de réactivité et d’agilité, la bataille pour les talents, les attentes des jeunes générations… tout milite pour un effacement du taylorisme. Toutefois, nombreuses sont celles qui lancent des initiatives, s’illusionnent sur les résultats ou constatent des décalages importants entre le rythme souhaité et l’ancrage de nouveaux comportements, quand elles ne voient pas apparaître de nouveaux dysfonctionnements liés à ces initiatives. Comment auto-évaluer lucidement les avancées et les progrès d’une démarche de transformation vers l’autonomie ?

    Kea et la Chaire FIT2 ont mis au point avec un groupe de travail élargi le radar de l’autonomie, un outil souple et adaptable pour accompagner les entreprises dans leur démarche de progrès.

    Au sommaire :

    #1 // Autonomie & Responsabilisation : pourquoi ?

    #2 // Des processus de transformation souvent complexes et instables

    #3 // Mode de construction du radar de l’autonomie

    #4 // Comment mobiliser le radar de l’autonomie ?

    #5 // Un outil à adapter aux spécificités de l’entreprise

    #6 // Dépasser le caractère réducteur d’une échelle de notation

    #7 // Conclusion : un outil plastique

    Retrouvez le décryptage d’Yves Pizay sur l’avenir des plateformes de santé.

    Le 1er mars 2022, les groupes Malakoff Humanis, VyV et PROBTP ont annoncé entrer en négociation exclusive avec Cegedim Santé, en vue d’une prise de participation à hauteur de 18% dans le capital de cet acteur de la e-santé. Un investissement rendu possible du fait de leurs niveaux de solvabilité et leur taille sur le marché de la santé.

    Cette annonce peut tout d’abord surprendre au regard des acteurs impliqués : il s’agit d’une association inédite entre un GPS interprofessionnel, un GPS professionnel et une UMG, regroupant entre autres une mutuelle individuelle professionnelle et une mutuelle centrée dans le collectif interprofessionnel.

    Elle peut aussi surprendre par sa nature puisqu’il s’agit d’un investissement dans un acteur technologique historique, à l’opposé des licornes promues depuis plusieurs années dans les médias. Ce faisant, les trois groupes positionnent la technologie comme une arme stratégique. C’est un signal fort.

    Cette annonce est une réponse stratégique à deux menaces structurelles du secteur

    #01 – Une réponse au scénario « Grande Sécu »

    En réalisant un investissement dans le « parcours de soins » au sens large, le quatuor indique clairement aux partisans de la Grande Sécu que l’avenir des Complémentaires Santé ne sera pas uniquement celui d’un assureur payeur aveugle, ni celui d’une OPA par les pouvoirs publics. Il prend date pour contribuer à l’optimisation de notre Protection Sociale en élargissant le terrain de jeu. Une option également défendue par la FNMF et qui fait sens.

    #02 – Une réponse à la plateformisation engagée par DoctoLib

    Selon nous, en mettant en commun leurs moyens, les nouveaux partenaires pourront se positionner comme une alternative indirecte à DoctoLib, qui ne cache pas ses ambitions d’uberisation de la santé.

    Ils ont raison d’agir : la théorie économique prévoit qu’une seule plateforme biface sera prédominante par marché ou activité, laissant peu de place à la concurrence[1]. Est-il stratégiquement possible de dépendre durablement d’un acteur privé dans la Protection Sociale ? Le quatuor propose une alternative en faisant un pas de côté.

    Il va donc y avoir un match entre plateformes dans la santé.

    DoctoLib a clairement un coup d’avance et sort renforcée de la crise sanitaire. Pour autant, le quatuor dispose d’une masse critique et de moyens. Les trois complémentaires pèsent 26% du marché de la santé complémentaire, en individuel et en collectif, pour un CA cumulé de plus de 10.3 Md€[2]. Le quatuor met en commun des assets conséquents en termes de professionnels de la santé et de nouveaux établissements de santé, créant de fait un carrefour opérationnel, un point de rencontre concret entre professionnels et financeurs de la Santé. Les pouvoirs publics pourraient aussi être plus à l’aise en s’appuyant sur une plateforme paritaire et mutualiste, une nouvelle traduction de la longue histoire de la Protection Sociale à la Française.

    Le match n’est donc pas joué. Rien n’empêche que d’autres acteurs ne se décident à perturber la situation actuelle. Sans oublier que le prochain quinquennat pourrait être celui des partisans de la « Grande Sécu ».

    Plusieurs questions stratégiques se posent pour les Complémentaires Santé :

    • Si l’avenir des Complémentaires Santé se joue en partie sur le parcours de soins et les plateformes, faut-il rejoindre ce quatuor ? Dans ce cas, est-il envisageable d’élargir la gouvernance établie par le quatuor ?
    • Au contraire, faut-il miser sur DoctoLib, la rejoindre et dans quelles conditions de partage de la valeur et de la gouvernance ?
    • Existe-t-il une troisième voie, par exemple celle de la neutralité au travers d’un double partenariat ?
    • Quelle sera in fine la position des pouvoirs publics ? Celle des corps intermédiaires dynamiques ou des licornes ?

    Une chose est sûre, le monde de la complémentaire santé est en train d’écrire une nouvelle page de sa longue histoire.

    [1] Dans d’autres secteurs, quelques plateformes peuvent co-exister, formant un oligopole (ex : AirBnB / Abritel)

    [2] Base classement Santé collective et individuelle 2020 – Argus de l’Assurance ; pour un marché de la santé estimé en 2020 à 39 Md€ (cotisations perçues)

    Analyse critique du capitalisme, plaidoyer pour une économie européenne assumant ses ressources culturelles

    Depuis une dizaine d’années, nous assistons à une remise en cause profonde du capitalisme actionnarial et les dirigeants d’entreprise sont de plus en plus nombreux à tester d’autres voies : gouvernance partagée, modèles économiques à impact social, chaîne de valeur décarbonée, autonomie des équipes… L’esprit de responsabilité gagne du terrain, en Europe notamment où les entreprises se démarquent des modèles américains ou chinois.

    Dans le livre « L’entreprise face à sa responsabilité », nous poursuivons un double objectif. D’une part, nous démontrons que l’entreprise est devenue l’épicentre des mutations du monde et que relever nos défis socio-écologiques passe par une réforme de sa gouvernance. D’autre part, nous proposons des clés de lecture des transformations du capitalisme à l’œuvre, sans moralisation et avec sens critique.

    Analyse et critique de l’entreprise moderne

    Après un retour aux origines et l’analyse des dynamiques que sont la mondialisation, le capitalisme, le libéralisme et la révolution industrielle, nous distinguons quatre esprits caractérisant l’entreprise moderne :

    • L’esprit de conquête : une soif de territoires à coloniser et à exploiter, concrétisée par la naissance de l’industrie pétrolière et du chemin de fer au 19ème siècle, par le pouvoir pris par la technologie et la data de nos jours.
    • L’esprit de rationalité : c’est l’organisation scientifique des activités, qui va de pair avec l’esprit de conquête.
    • L’esprit d’opulence : c’est la société de consommation amorcée par la naissance des grands magasins à la fin du 19ème siècle et entretenue par le marketing, grand champion dans l’art de susciter les désirs
    • L’esprit de mouvement, enfin, marqué par l’hyper-compétition, un capitalisme liquide et mouvant, la dictature du court-terme

    Le capitalisme est un objet de critique et ce n’est pas nouveau. Il sait s’y adapter. Cependant, les transitions écologiques, sociales et sociétales que nous vivons mettent l’entreprise à l’épreuve. Pour survivre, elle doit se réinventer et faire émerger l’esprit de responsabilité – un nouvel imaginaire socio-culturel à traduire dans son fonctionnement opérationnel, sa gouvernance, son modèle économique, son management.

    L’entreprise responsable : nouveaux modes de pensée

    En une vingtaine d’années, la responsabilité s’est imposée partout : rapports RSE, lois environnementales, attentes des consommateurs, normes et certifications… Cependant, que veut dire « être responsable » pour une entreprise ?

    La responsabilité a quelque chose à voir avec la réparation et la sanction au regard d’un fait passé. Mais c’est une notion en extension, à la fois dans le temps [on n’est plus seulement responsable des actions passées mais aussi de la préparation de l’avenir pour les générations futures] et dans l’espace [on est responsable vis-à-vis d’autrui, du voisin connu jusqu’à l’humanité anonyme et à la planète]. Cela nous confronte à un problème de mesure et de périmètre et à quatre écueils :

    • La fixité : la question ne peut se réduire à un ensemble de référentiels, de normes et d’indicateurs figés
    • Le flou : qu’est-ce que la responsabilité signifie pour un collectif d’individus ? Pour Gaspard Koenig, « une entreprise en tant qu’entité juridique dépourvue de souffrance comme de conscience ne semble pas qualifiée » (cf. La Revue de Kea n°24, ‘’Être responsable de soi-même avant de s’engager pour tout le monde »)
    • La fausse vertu : la responsabilité n’est pas une course à la dévotion
    • L’immobilisme que peut susciter le vent de dénonciation systématique et qui paralyse

    Selon nous, la responsabilité d’une entreprise est fonction de l’impact de sa dynamique d’innovation collective sur la société. Autrement dit, si son activité affecte un territoire, des salariés, une commune, des fournisseurs, des actionnaires, des clients, des générations futures, alors sa responsabilité se traduira par sa capacité à rendre compte à chacun d’eux. Ainsi définie, la responsabilité implique quatre inflexions stratégiques de la part des dirigeants (Cf. La Revue de Kea n°24 – « Responsabilité, du discours à la contribution », Kea & Partners) :

    • Prise de conscience
    • Partage du pouvoir
    • Articulation des temps
    • Préservation du commun

    L’entreprise responsable : nouveaux modes d’action

    Comment l’esprit de responsabilité s’incarne-t-il concrètement dans les composantes clés d’une entreprise ? Gouvernance, modèles économiques, management : c’est sur ces trois grands champs que nous proposons d’éclairer la question, en nous déplaçant du cœur de l’organisation vers ses parties prenantes.

    En matière de gouvernance, la loi Pacte constitue une avancée remarquable. Elle incite les dirigeants à doter leur entreprise d’une raison d’être contributive, c’est-à-dire ayant un impact mesurable et positif pour la société et l’environnement. Cela suppose des engagements formulés dans les statuts et une transformation de la gouvernance pour en assurer la concrétisation. Le partage du pouvoir est une autre marque de l’esprit de responsabilité qui se développe aujourd’hui et qui change les rapports de force entre l’entreprise et ses parties prenantes : actionnaires, salariés en premier lieu. Les écosystèmes intégrés poussent cette logique un cran plus loin, dépassant la logique de rivalité entre acteurs d’une filière à une logique altruiste de préservation et développement du bien commun. Car aucun acteur ne peut affronter seul et contre tous l’ensemble des phénomènes planétaires que nous vivons aujourd’hui.

    Modèle économique : c’est le cœur du réacteur. Se mettre en chemin sur la responsabilité passe nécessairement par une réflexion sur la mesure de la performance, le système de production et les sources de génération de valeur. Que mesure-ton et pourquoi ? Comment prendre en compte les actifs immatériels et le temps long ? Comment transformer les opérations pour que leur impact soit positif ? Quels modèles de croissance durables inventer ?

    Enfin, le sujet du management s’impose : pas de transformation responsable de l’entreprise sans transformation personnelle de ceux qui la composent. Leadership responsable, autonomie des collaborateurs et épanouissement au travail, culture écologique et sociale constituent les trois axes d’innovation dans le domaine.

    Au-delà d’une prise de conscience sur la nécessité de refonder l’entreprise, c’est en définitive à une autre conception du temps et du collectif que le livre « l’entreprise face à sa responsabilité » invite. Sans tomber dans les slogans faciles, la moralisation ou la notation. Une nouvelle vision du progrès émerge, mais avec lui émergent aussi de nouveaux travers qu’il s’agit de traquer.

    Accélérer le développement des offres de services digitaux dans l’industrie

    Le monde BtoB adopte progressivement les codes du digital BtoC

    La digitalisation percute les entreprises industrielles sur l’ensemble de leurs composantes, en particulier les offres de produits et services. Au-delà de l’utilisation des technologies digitales et data pour améliorer ou transformer les modèles opérationnels, l’enrichissement ou la création de nouveaux produits et services constitue un enjeu stratégique.

    Le développement des services digitaux, démarré avec les « pure players » du digital et les industries BtoC, s’étend rapidement dans les marchés BtoB avec des modèles proches de ceux du BtoC : paiement à l’usage, accès via des plateformes d’agrégation, recherche d’une expérience utilisateurs singulière, …

    Dans certains secteurs, c’est un sujet vital. Les fournisseurs d’équipements aéronautiques qui ne seront pas performants dans les services d’anticipation des dysfonctionnements de leurs équipements seront challengés sur les marchés attractifs de la maintenance. De même, ceux qui ne se seront pas positionnés sur les plateformes technologiques leaders rencontreront des difficultés pour accéder à ces mêmes marchés.

    Tous les secteurs industriels sont en mouvement pour concevoir les solutions et les modèles d’affaires associés : aérien, ferroviaire, automobile, infrastructures, équipements, bien d’équipement, biens de consommation, construction, ….

    Un défi pour lequel les industriels BtoB ne manquent pas d’atouts

    S’engager dans cette voie est un défi et soulève de nombreuses interrogations légitimes : capacité à concilier les activités de l’entreprise et ces nouvelles activités, à réaliser les investissements nécessaires sans perspective marché tangible, à générer des revenus, à accéder aux compétences, …. Mais les industriels disposent aussi d’atouts uniques : expertise technique produits & services, accès aux données de leurs équipements, accès aux clients, lien avec les activités de service, notoriété, …

    Pour être en mesure de saisir les opportunités et être acteur de la transformation des marchés à venir, il est essentiel de se mettre en mouvement sans attendre.

    Définir une ambition et un cheminement

    Compte tenu des nombreuses incertitudes sur les configurations de marché, définir une stratégie de développement de services analytiques, dans la plupart des secteurs, ressemble à la navigation par temps de brouillard et sans GPS. La priorité est de rester éveillé et prêt à tout. C’est donc un défi pour les dirigeants d’analyser la dynamique (douleurs & frictions des marchés, attentes des clients, enjeux économiques, offres possibles, …) de développement du digital sur leurs marchés. Mais sur cette base, ils pourront définir une cible et un cheminement adaptés à leur entreprise, au bon niveau d’ambition, et connectés aux savoir-faire de l’entreprise. C’est essentiel pour mettre en mouvement leur entreprise.

    Mettre en place un modèle opérationnel adapté

    En première approche, l’entreprise dispose des ressources et compétences pour développer une activité de services digitaux de qualité, des ingénieurs compétents, des développeurs de logiciels talentueux, des commerciaux ambitieux, des départements marketing innovants, … . Dans la réalité, les compétences ne sont pas toutes présentes, les organisations ne sont pas adaptées, les méthodes de développement ne sont pas les bonnes au regard des attentes du marché. Concevoir, promouvoir, vendre, produire et livrer les services analytiques requièrent un modèle opérationnel spécifique. La mise en place d’entités dédiées n’est pas nécessaire (voire pas souhaitable), mais la mise en place progressive des compétences, organisations et méthodes spécifiques est indispensable.

    De même, la capacité à remettre en question les configurations de marché historiques et à imaginer des partenariats innovants, notamment avec des concurrents ou des sociétés technologiques, permet d’accélérer et de sécuriser plus rapidement des positions stratégiques.

    Développer un état d’esprit plateforme

    Un jour ou l’autre, l’entreprise sera incitée, avec plus ou moins d’insistance de la part de ses clients et partenaires, à rejoindre les plateformes techniques qui simplifieront l’élaboration et l’utilisation des services analytiques. Il s’agit de dispositifs nouveaux en matière de relations commerciales et contractuelles, d’acteurs, de business modèles, de répartition des marges … . Les risques sont avérés et potentiellement critiques, et il est à ce sujet intéressant de garder en tête les expériences en la matière dans le BtoC.

    Adopter un état d’esprit plateforme permet d’anticiper les scénarios de structuration des plateformes sur les marchés, de décoder les stratégies de ces plateformes, d’identifier les effets de réseau croisés dans le cas des plateformes multifaces et de préparer dans les meilleures conditions son arrimage.

    S’engager dans l’action sans attendre

    Sauter tout de suite dans la piscine ou attendre une éclaircie ? Dans le domaine du digital, la vitesse est essentielle et les retards ne se comblent que rarement et coûtent cher. Il est donc urgent d’agir, avec détermination et de façon progressive pour prendre un risque financier adapté aux moyens de l’entreprise, et, toujours très prudemment en ce qui concerne la gestion et le partage des données et de la propriété intellectuelle.

    L’interdiction de destruction des stocks de produits non-périssables : une loi qui change la donne

    En imposant la non-destruction des stocks de produits non-périssables, la loi anti-gaspillage du 1er janvier 2022 place la refonte des modèles marchands et l’optimisation des stocks résiduels au cœur des préoccupations des marques et enseignes.

    Si ces dernières ont apporté des premiers éléments de réponse via des solutions de consommation circulaire, elles devront s’attaquer à l’origine même du problème -la surproduction- pour répondre pleinement aux enjeux écologiques, logistiques et financiers portés par les stocks résiduels.

    Au-delà de l’application de la loi, c’est une véritable transformation en profondeur des modèles qui attend les acteurs de la filière pour répondre au triptyque :

    Quel produit ? Quand ? Et où ?

    La donnée pour objectiver, calibrer et mieux acheter

    Pour répondre à cette équation, la donnée est essentielle. En objectivant les intuitions des équipes terrain, les modèles statistiques permettent la transition d’un modèle centré sur les volumes à une nouvelle équation de création de valeur, et se traduisent par une meilleure maîtrise de la structuration de l’offre avec des achats calibrés sur la demande. Ils offrent également des outils pour « mieux acheter » et sortir de la logique d’achat au minimum de quantité pour une logique d’achat au potentiel.

    Applicable à tous les acteurs du secteur, la transformation du modèle marchandise par la donnée implique également une transformation des pratiques métiers des équipes Offre, Gestion, Achats « amplifiées » par la data. L’expérience nous montre qu’une transformation culturelle des équipes est essentielle.

    Découvrez nos convictions et notre approche d’optimisation des stocks résiduels Kea – Veltys

    La santé au travail serait devenue la 3ème difficulté rencontrée par les salariés en 2021 [1]. Depuis deux ans, de nombreux discours soulignent la montée des risques psychosociaux engendrée par le télétravail déployé à grande échelle pendant la pandémie [2]. Ces propos appellent des précisions. Tout d’abord, le télétravail n’affecte pas que la santé mentale, il a aussi des effets sur la santé physique. Ensuite, il est nécessaire de distinguer une pratique normale, alternée et choisie du télétravail, de celle que nous avons vécue dans l’urgence et parfois à temps plein, à l’occasion de la crise sanitaire. Une approche par la santé permet d’en analyser les principaux impacts et de souligner les points à surveiller dans la perspective d’un télétravail normalisé, dans le cadre du modèle hybride.

    Elle soulève également l’épineuse question de ce qui relève de la responsabilité de l’entreprise en matière de préservation de la santé au travail et de ce qui incombe au salarié.

    Kea et la Chaire FIT2 vous proposent un décryptage.

    Au sommaire :

    #1 // Les risques psychosociaux

    Surtravail et hyper-connexion

    Isolement et solitude

    Les catégories de salariés les plus fragilisées par le télétravail

    #2 // Les risques physiques

    L’ergonomie des postes de travail

    La sédentarité

    1. Responsage, 8e baromètre sur les vulnérabilités des salariés. In Capital, 17 février 2022.

    https://www.capital.fr/votre-carriere/le-lourd-impact-du-teletravail-sur-la-sante-des-salaries-1428740

    2. Voir encore la toute récente enquête Empreinte humaine / Opinion Way selon laquelle 36 % des télétravailleurs seraient en burn-out contre 34 % des salariés en général.

    https://www.capital.fr/votre-carriere/avec-le-teletravail-le-nombre-de-burn-out-explose-1431274

    Un levier pour mobiliser votre entreprise sur les enjeux de responsabilité

    L’entrée en application dès 2023 de la CSRD pourrait changer la donne pour les ETI françaises et européennes. Dès 2024, nous devrons intégrer dans notre reporting des éléments non-financiers tels que l’impact environnemental, l’impact social, la diversité et l’inclusion, le respect des droits de l’homme et l’éthique.

    Nous sommes convaincus qu’au-delà de la conformité réglementaire, il s’agit d’une formidable opportunité de mobiliser votre équipe dirigeante autour d’une réflexion essentielle :

    Comment voulez-vous contribuer à l’émergence d’une économie souhaitable ?

    Ce sont des réflexions que nous avons menées aux cotés de nombreuses ETI.

    94,5% des ETI sont engagées sur les plans social, sociétal et environnemental. Maximisons et valorisons ensemble votre impact !

    Source : 2021, METI, Les ETI, engagées par nature

    Suis-je concerné par l’application de la directive CSRD ?

    Concerné ou intéressé ?

    Télécharger notre point de vue sur la performance globale :

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