Mettre la mission au cœur de l’activité et concrétiser la transformation de l’entreprise par la mission

Le 9 décembre 2021, la Communauté des Entreprises à Mission a invité Hélène N’Diaye, Directrice Générale de Maif Vie, Laurence Peyraut, Secrétaire Générale France de Danone, et David-Emmanuel Vivot, Partner de Kea & Partners, à prendre la parole lors du webinaire « Société à Mission, réussir les 100 jours et au-delà ».

Cela nous a permis de partager le cheminement de Kea depuis mars 2020, date à laquelle nous avons collectivement adopté la qualité de Société à Mission : les bonnes pratiques et actions menées en interne et avec les parties prenantes pour répondre à nos engagements – ainsi que les questions qui se sont posées à nous tout au long de la première année.

Ce webinaire a été l’occasion de publier le rapport du groupe de travail de la Communauté des Entreprises à Mission qui s’est attaché à décrire les 4 grands chantiers d’une entreprise lors de ses 100 premiers jours en tant que Société à Mission.

Nous sommes fiers de partager ce rapport avec vous.

Contexte : un cheminement collectif de la Communauté des Entreprises à Mission pour construire une économie souhaitable

Tout d’abord posons quelques dates clés. Le 20 décembre 2018, la Communauté des Entreprises à Mission [CEM] se crée, en anticipation de la Loi Pacte promulguée le 22 mai 2019 et qui pose les principes de la Société à Mission. Le 2 janvier 2020 le décret d’application de la loi est publié. C’est là que tout commence pour les dirigeants désireux de construire une économie souhaitable.

Au sein de la CEM, que Kea a rejoint dès 2019, un groupe de travail se constitue dans la foulée du décret. Il provoque l’échange entre les dirigeants membres de la Communauté, autour d’une question centrale : une fois les statuts modifiés en accord avec la loi PACTE, comment passer à l’action et transformer les pratiques de l’entreprise ?

Car l’adoption de la qualité de société à mission est le début d’un long processus de transformation. Chaque entreprise est unique ; l’étape de la société à mission arrive à un moment particulier de son histoire. Pour certaines, cela semble s’inscrire dans une forme de continuité ; pour d’autres, cela marque une inflexion, si ce n’est une rupture, dans leur trajectoire. La manière dont l’entreprise a construit sa raison d’être et défini ses objectifs (sa mission) n’est pas non plus sans conséquence sur le déroulement des étapes suivantes. Par exemple, si la mission a été coconstruite en impliquant de nombreux acteurs de l’entreprise et de son écosystème, il est certain que l’appropriation de la mission par le corps social s’en retrouvera complexifiée.

Loin de proposer des « recettes », le groupe de travail a plutôt fait ressortir des questionnements communs et des chantiers à mener relativement génériques, non seulement dans les « 100 premiers jours » mais aussi durant la première année et au-delà.

La synthèse qu’il a réalisée décrit ces principaux chantiers : des actions à mettre en place pour atteindre une situation visée à un an en soulignant les étapes à franchir, les questions à traiter, les difficultés à surmonter et, parfois, quelques bonnes pratiques génériques. Pour chaque chantier, sont identifiées des actions à lancer avec des effets visibles rapidement (quick wins) et d’autres, plus en profondeur, dont les effets seront perçus à plus long terme. Cette synthèse constitue un premier recueil de recommandations ou de bonnes pratiques qu’il conviendra à chacun d’adapter à son contexte.

4 grands chantiers à lancer en parallèle

CHANTIER 1 – Gouverner la mission

Installer une gouvernance spécifique de la mission articulée avec les organes de gouvernance de l’entreprise. Exemples : comité de mission, gouvernance opérationnelle et institutionnelle de la mission, désignation du manager de la mission.

CHANTIER 2 – Aligner stratégie et mission

Rendre la mission opérationnelle en élaborant des plans stratégiques contributifs (raison d’être et objectifs). Exemple : actualisation des plans et feuilles de route stratégiques.

CHANTIER 3 – Engager les parties prenantes

Incarner la mission, mettre en mouvement les parties prenantes internes et externes (en premier lieu les collaborateurs de l’entreprise), favoriser l’appropriation de chacun au service du passage à l’action. Exemple : événement collectif de partage et de dialogue.

CHANTIER 4 – Passer à l’action pour transformer

Identifier les actions emblématiques et de fond à lancer en priorité. Exemple : déclinaison des objectifs statutaires en objectifs opérationnels par service ou business unit.

Ces chantiers ne sont pas exclusifs les uns des autres dans la mesure où les actions à lancer peuvent contribuer à plusieurs d’entre eux, il faut les considérer comme une structure (et non une séquence) permettant de recenser et prioriser les actions utiles.

Bonne lecture !

Le secteur de la Beauté fait face à une période de fortes disruptions, dont l’ampleur et la vitesse ont été accentuées par la crise COVID. C’est d’ores et déjà l’occasion pour certains acteurs, qu’ils soient digital-natives ou impact-natives, de pénétrer le marché de façon accélérée. Le risque pour d’autres d’éroder fortement leurs parts de marché et la désirabilité de leur marque.

Nous identifions six lignes de force qui seront, à nos yeux, les clés de réussite des deux à trois prochaines années et à impulser dès ce début d’année 2022 ! Pour chacune d’entre elles, nous avons interrogé un professionnel du secteur pour croiser nos regards sur les enjeux et les pistes de solutions.

Au sommaire :

#1 Innovation : à quand le beauty big bang ?

Interview de Xavier Joseph, Global Vice President Marketing & Innovation, Beauty+Home, Aptar

#2 S&OP : au-delà des moyennes

Interview de Florent Lafond, CEO GEKA, Head Beauty Business Unit

#3 Vers un secteur beauté-cosmétique « à impact positif » ?

Interview de Sophie Mauras, Directrice Transformation & Data, Yves Rocher

#4 Go-to-market : la théorie du Lego

Interview de Theodora Vanhaecke, WW Sales – Store experience – POS Operations, Apple

#5 M&A : ce qui ne tue pas nous rend plus fort ?

Interview de Camille Kriebitzsch, Partner & Co-Founder, Eutopia

#6 La terre est plate, qu’en est-il des organisations ?

Interview de Fabienne Mauny, Directrice Executive, Dyptique

1er cabinet de conseil européen devenu « société à mission », Kea soutient la diffusion de recherches et d’innovations sur l’économie souhaitable. Son pôle R&D sélectionne les meilleurs contenus pour nourrir une réflexion radicale et ouvrir des chemins de transformation pluriels.

Ce mois-ci : Transition écologique et sociale, l’entreprise peut-elle être radicale ?

« La radicalité – accéder à l’essentiel, remonter à ce qui est premier – est le travail le plus exigeant de l’esprit ». François Jullien

Les dirigeants d’entreprise le savent bien : nous sommes face à des défis majeurs et systémiques qui impliquent une réponse radicale.

Le GIEC est formel : la barre des 1,5° sera vraisemblablement franchie dès 2030 et nous sommes sur la voie du scénario à +3° si nous ne divisons pas par 2 en moins de 10 ans les émissions de GES au niveau mondial. Au moment où le Stockholm Resilience Center révèle le dépassement de la 5e limite planétaire[1] (pollution chimique), l’envolée du prix du cuivre (+50% en un an[2]) laisse penser que l’offre mondiale ne sera pas suffisante pour honorer les scénarios de transition énergétique sur lesquels reposent les stratégies climat nationales, au premier rang desquelles celui de l’énergéticien RTE.

Alors que l’action climatique dépend de la coopération internationale, les manœuvres des Etats pour accéder aux stocks de masques et de vaccins laissent penser que le multilatéralisme est bien fragile lorsqu’il s’agit de gérer collectivement des pénuries au niveau mondial. Coopération qu’il faut aussi défendre à l’échelle nationale, pour coordonner l’action collective tout en préservant les libertés individuelles ! Un collectif existe-t’il encore quand les fractures sociales, générationnelles et économiques se multiplient (gestion de la crise sanitaire, question de l’immigration, défense des minorités…) ? Le climat qui domine pour les entreprises est plutôt celui d’une compétition économique internationale alimentée par des rapports de force à court-terme. Avec l’arrivée des GAFAM, même l’attention du consommateur est un territoire de compétition…[3]

Le défi est là : comment permettre aux bientôt 9 milliards d’humains que nous serons de vivre une vie authentiquement humaine dans un tel faisceau de contrainte ?

Le réflexe naturel pour engager une réponse radicale face à ces défis c’est de prendre position : dénonciation et révolte, vision binaire du monde, solutions simplistes. Le non-débat sur le nucléaire l’illustre bien, chaque camp renvoyant l’autre à son irresponsabilité et à ses idéologies et ne sélectionnant que les arguments cohérents avec sa vision du monde. Cette saine réaction permet de mobiliser les collectifs et de projeter un idéal. Mais elle est incapable de donner des clés de transformation. Or, si la cible à atteindre est claire, la question du comment reste ouverte.

Pour les entreprises, l’enjeu est justement de tenir cette tension entre modèle idéal et passage à l’action. Les exemples ne manquent pas : quelles actions décisives pour mettre la grande distribution sur la voie idéale du zéro déchet, alors que la suppression de tous les emballages et la généralisation de la consigne et du vrac n’est pas faisable dans l’organisation actuelle ? Comment faire basculer le secteur de la construction d’un modèle basé sur la construction neuve et les matériaux carbonés vers la rénovation et les matériaux biosourcés ? Dans son dernier ouvrage, le philosophe et sinologue François Jullien fait de la décoïncidence la méthode de résolution de ces tensions.

Dépasser les postures et les stratégies d’action individuelles

Face aux nouveaux défis, des postures très claires apparaissent, associées à des modes de vie et des stratégies individuelles qui anticipent rationnellement des représentations divergentes de l’avenir.

Ainsi, une première différenciation sépare ceux qui se projettent dans un avenir lumineux (”progrès”) ou sombre (”effondrement”). Le positionnement dans ou en dehors du système affine cette typologique et fait émerger 8 archétypes de postures « agissantes », au niveau individuel ou à l’échelle de l’entreprise, que l’on pourrait caricaturer ainsi (les majorités silencieuses ne sont pas positionnées dans cette matrice) :

  • Confiant dans l’avenir et bien dans le système, le techno-optimiste croit à l’infinie capacité d’innovation de l’humanité et place ses espoirs dans la technologie et le numérique : usines de stockage de Co2 ou de production du viande artificielle, voiture à hydrogène, metavers… Assez proche quoique moins entreprenant, le profil « business as usual » est également confiant en l’avenir et pense que la situation est bien moins pire que ce qu’annoncent les « prophètes de malheur ». Il défend les bienfaits économiques et politiques du système en place : méritocratie, politiques de redistribution, réglementations environnementales…
  • Parfaitement conscient de l’état du monde, l’éco-anxieux nage en pleine dissonance cognitive, dépendant d’un système où il n’a pas les marges d’action pour agir. Epuisé psychologiquement, il négocie au quotidien avec lui-même en consommant un peu mieux, mais culpabilise de ne pas arriver à en faire plus (mobilités douces, engagement citoyen, cuisine fait maison…). Dans sa version plus individualiste, le cynique persévère consciemment dans ce système dont il est un des gagnants. Il a trop à perdre à changer le système et dispose d’une solution de repli en cas de crise généralisée : réseaux d’influence, résidence secondaire, capital financier…
  • Engagé pour transformer le système depuis l’extérieur, le transitionneur s’investit dans le développement de niches alternatives. Travailler moins pour gagner moins mais vivre mieux est son mantra. Il invite chacun à le rejoindre sur la voie radicale d’une sobriété heureuse articulée autour de la permaculture, des logiciels libres, d’une quête spirituelle… Dans un style plus militant, l’indigné dénonce l’égoïsme des puissants, marche et désobéit, ne pouvant rester inactif face à la dégradation sociale qu’il rencontre dans son quotidien professionnel. Souvent issu d’une lignée de militants, c’est un consommateur qui s’engage à haute voix : produits du commerce équitable, bénévolat auprès des sans-papiers, appels au boycott…
  • Enfin, le collapsologue se prépare à l’effondrement qu’il juge inévitable dans une optique de résilience, en s’investissant dans la construction d’écovillages autonomes en alimentation et en énergie, tissés en un réseau d’entraide et de soutien matériel et intellectuel. Le survivaliste en est la version individualiste, sa démarche étant centrée sur sa survie individuelle dans un monde effondré dominé par la loi du plus fort et du mieux préparé.

Il faut bien sur reconnaître la valeur des stratégies d’action individuelles qui découlent de ces postures, chacun faisant de son mieux. Mais elles ne résolvent pas le besoin d’une stratégie collective opératoire. Dans Politique de la décoïncidence[4], François Jullien pointe bien les impasses de ces postures dans leur capacité à entraîner avec efficience une transformation profonde :

  • L’innovation est le nouveau nom du progrès. Moteur essentiel de la création de valeur pour les techno-optimistes et les business-as-usual, elle peut devenir une coquille vide si elle est élevée en fin en soi, et non en moyen, à la manière des SPAC, création hors-sol de l’innovation financière.
  • La dénonciation est l’arme des indignés, des collapsologues, des survivalistes. Elle est louable pour alerter et élever les consciences, mais intervient en aval des situations, alors qu’elles sont déjà effectives. Comme le souligne Gaspard Koenig, une entreprise comme Ben&Jerrys peut se faire le porte-voix de causes qui lui tiennent à cœur, mais ces discours progressistes ne sauraient faire oublier que son business est florissant dans un monde patriarcal…
  • La révolution a le mérite de mobiliser les collectifs autour d’un idéal simple, mais elle doit rassembler largement pour être effective et n’a pas prise sur les interdépendances complexes du monde actuel. Comme le souligne Carlos Tavares, la révolution prévue par l’UE vers la voiture électrique pourrait ainsi être trop brutale en termes d’emploi [5] si elle n’est pas mieux amenée.
  • L’utopie des transitionneurs est un actif très puissant pour mettre en mouvement des collectifs vers des idées radicalement nouvelles. Sans utopie, Wikipédia n’aurait surement pas vu le jour. Cette posture permet de construire, mais pas de transformer ni de déverrouiller. Hors-sol, elle « ne peut construire d’avenir puisqu’elle s’est affranchie du principe de réalité » et reste impuissante dans son « il n’y a qu’à ».

Fort de ce constat, la décoïncidence apparaît la seule voie réellement transformatrice : identifier les fissures à élargir dans le statu quo ambiant, trouver l’interstice entre la marge et le système pour créer du jeu aux seuls endroits où c’est possible et libérer ainsi des ressources non-exploitées. Outil pratique des philosophes qu’il appelle chacun d’entre nous à être, il est applicable autant à la société qu’à l’entreprise.

Décoïncider l’économie en décoïncidant l’entreprise

Pour résoudre le dilemme entre visée de transformation radicale et nécessités économiques de court-terme, les entreprises doivent développer leur capacité à décoïncider du business-as-usual. Trop loin de l’existant, des solutions nouvelles ne pourraient s’y greffer et resteraient à l’état de prototype. Trop hasardeux, un simple « petit pas » ne suffira pas à entraîner un mouvement suffisamment transformateur. En identifiant le bon angle d’attaque, Time for the Planet et la MAIF sont deux bonnes illustrations de cette approche par la décoïncidence.

Deux entreprises décoïncidantes : Time for the Planet et la MAIF.

Time for the planet, un fonds d’investissement dans la tech… en crowdequity.

Créé en 2020 par 6 trentenaires, l’entreprise Time for the Planet est un fonds d’investissement citoyen dont la mission est de lever 1 milliard € pour financer des innovations technologiques apportant des solutions face au dérèglement climatique.

  • Utiliser la fissure de la prise de conscience climatique et les codes de la tech et du crowdfunding pour mobiliser plus de 40 000 actionnaires individuels sans retour sur investissement financier, au même titre les que les 6 co-fondateurs.
  • Ce partage du risque a permis :
    • De lever plusieurs millions d’euros en crowdequity et de promettre un retour sur investissement immatériel aux épargnants, donnant naissance aux premiers communs du secteur intense en capital de la greentech.
    • De lever plusieurs millions d’euros en crowdequity et de promettre un retour sur investissement immatériel aux épargnants, donnant naissance aux premiers communs du secteur intense en capital de la greentech.

– De déployer l’engagement des actionnaires au service du projet : au-delà de la seule participation au vote, Time for the Planet leur propose un rôle opérationnel frugal et puissant en intégrant les codes des mouvements citoyens.

  • Leurs fondamentaux décoïncidants : Non-lucrativité, Open-source, intelligence collective, Transparence, Science, Action

La Maif : faire du besoin de confiance un relais de croissance

La Maif est une société mutuelle d’assurance française dont la création en 1934 était déjà décoïncidante. En cohérence avec son statut de société à mission, elle ouvre la brèche à de nouvelles pratiques dans le secteur, remettant l’attention au cœur de ses valeurs :

  • Reconstruire la confiance des clients dans leur assurance en supprimant les objectifs commerciaux pour les conseillers.

Ce pari a permis de faire évoluer le modèle économique vers une rentabilité basée sur la fidélisation des collaborateurs et le bouche-à-oreille de clients satisfaits.

  • Adopter une raison d’être et le statut d’entreprise à mission pour libérer de l’énergie et légitimer les actions en faveur de toutes les parties prenantes de l’entreprise :
    • Investir dans une autre entreprise décoïncidante de son territoire, la CAMIF
    • Redistribuer aux clients une partie des économies réalisées pendant le confinement en 2020.

« C’est l’un des avantages du statut d’entreprise à mission. Dès lors que vous élargissez votre objet social et que vous inscrivez votre raison d’être, juridiquement, vous fondez une légitimité à agir en dehors de l’objet social de votre entreprise. Dit autrement, si le dirigeant d’une entreprise cotée agit en faveur de l’environnement ou la société, ses actions ne peuvent être remises en question par un actionnaire pour qui ces dernières ne feraient pas partie du périmètre de l’objet social de l’entreprise. Ça le protège. » Pascal Demurger

Dans cet entretien réalisé pour Kéa en 2021, découvrez comment Hélène Ndiaye, directrice générale adjointe de la MAIF, rend possible l’engagement collectif de ses équipes vers des transformations à la hauteur de sa radicalité.

Quatre stratégies de décoïncidence pour transformer les entreprises vers des modèles durables.

En synthèse, les quatre stratégies de transformation vers des modèles de croissance durable [6] illustrent comment du jeu créé au niveau d’une fissure naît la possibilité d’une réinvention du modèle économique de l’entreprise, que ce soit par l’inoculation d’une nouvelle technologie, l’absorption d’un acteur externe, la création à côté du core business d’une activité visant à le remplacer, ou l’immersion dans un ensemble d’initiatives qui influenceront l’entreprise.

Retrouvez la totalité de notre note de position sur les nouveaux modèles de croissance

En lien avec le thème du mois…

Nos conseils lecture :

Ouvrir un débat pluraliste sur les voies de transformation écologiques avec « L’économie permacirculaire » de Dominique Bourg et Christian Arnsperger

Gare aux amalgames entre questionnement radical et pensée unique. Le questionnement radical seul permet d’agir à la racine des problèmes et de travailler pour un but profondément mobilisateur. Mais dans une visée démocratique, les préférences individuelles et collectives en termes de trajectoires de transformation peuvent et doivent diverger. C’est au sujet du “comment” que le jeu de la politique commence. Parler des faits avec lucidité relève donc de l’éveil des consciences et non du militantisme – c’est ici que nous voulons nous situer, pour contribuer à élever les consciences de citoyens “réflexifs et critiques”, comme l’y invitent Dominique Bourg et Christian Arnsperger dans l’Ecologie intégrale.

> L’écologie intégrale, Pour une société permacirculaire, Christian Arnsperger, Dominique Bourg, PUF, 2017, 198p

La vidéo du mois : Economie bleue, entreprise permacirculaire… et si la nature était décoïncidante ?

En s’inspirant des principes du vivant pour dessiner les contours d’une nouvelle économie, le concept d’économie bleue de Gunter Pauli rejoint celui d’économie permacirculaire. Le vivant est en transformation constante, l’état de stabilité n’y existe pas. Diversité, circularité, rôle des marges, complémentarité, prise en compte du facteur temps… une vraie leçon de décoïncidence ?

> Gunter Pauli présente l’économie bleue en vidéo (13’)

Décoïncider le secteur de l’aide à la personne avec « La société du lien » de Guillaume Desnoës, Clément Saint Olive et Thibault De Saint Blancard.

Dès la création d’Alenvi en 2016, entreprise dont la mission est « d’humaniser l’accompagnement des personnes âgées » Guillaume Desnoës, Clément Saint Olive et Thibault De Saint Blancard se placent dans la perspective d’essaimer les innovations qu’ils vont développer dans leur entreprise au sein du secteur de l’aide à la personne. Dans cet ouvrage limpide et généreux, ils partagent leur vision d’une refonte progressive mais profonde d’un secteur vital et néanmoins en crise.

> La société du lien, Guillaume Desnoës, Clément Saint Olive et Thibault De Saint Blancard, Editions de l’aube, 2021, 108p

Le replay du mois : Le Shift a un plan pour transformer l’économie française

Le 7 février, le Shift Project a présenté le résultat de 2 ans de travail sur un Plan de Transformation de l’Economie française. Un travail unique en France de quantification et de projection des transformations structurelles à mener pour réduire les flux de matières et d’énergie tout en maintenant la qualité de vie des Français. Un ouvrage qui fera date pour objectiver la radicalité des transformations à engager.

Un avant-goût synthétique :

  • Deux horloges tournent et menacent la sureté collective : celle de la réduction des GES d’ici 30 ans et celle de la pénurie des énergies fossiles d’ici 20 ans. Tout va bien, 20 ans c’est justement la durée nécessaire pour organiser la transformation socio-économique d’une filière.
  • Pour le Shift, les ingrédients d’un bon plan sont :
    • Raisonner sur les flux physiques (énergie – matériaux – usages de la terre) et les compétences humaines (temps de formation et de travail)
    • Développer une vision systémique et cohérente et anticiper les concurrences entre secteurs pour utiliser la production électrique et les sols
    • Coordonner les acteurs : les individus qui s’engagent en tant qu’actif, citoyen ou consommateur), les entreprises pour organiser la production et les pouvoirs publics pour impulser et initier
    • Gérer l’incertitude sur la capacité d’adaptation de la biosphère et le rythme de transformation
  • Ainsi, pour chaque secteur économique, 3 axes de transformation sont à impulser de manière cohérente pour atteindre les objectifs :
    • Innover pour développer l’efficacité des opérations
    • Décarboner l’énergie
    • Organiser collectivement la sobriété

    → Retrouvez l’intégralité de la présentation sur ce lien. Egalement sur le site ilnousfautunplan.fr, les rapports, des infographies récapitulatives et des vidéos de présentation secteur par secteur.

    → Se former sur les ordres de grandeur des enjeux climat et énergie pour être mieux armé dans les dîners en ville ? Deux solutions : visionner les 30h de cours de « JMJ » aux Mines, ou lire tranquillement Un monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, la bande dessinée qu’il co-signe avec le dessinateur Christophe Blain et qui s’est hissée sur le podium des 10 BD les plus lues en 2021.

    Notre conseil culture : Rhinocéros de Ionesco au Théâtre de l’Essaïon

    Plongé dans le siècle des totalitarismes, Eugène Ionesco dénonçait en 1959 les mécanismes de diffusion des idéologies totalitaires et la difficulté personnelle de résister aux sirènes de la norme sociale et des solutions définitivement idéales.

    [1] https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html [2] https://www.xerfi.com/blog/Cours-des-metaux-forte-hausse-en-2021_492 [3] https://lejournal.cnrs.fr/articles/lattention-un-bien-precieux

    [4] Politique de la décoïncidence, François Jullien, Editions de l’Herne, 2020, 128p

    [5] https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/carlos-tavares-avec-la-voiture-electrique-la-brutalite-du-changement-cree-un-risque-social-1380080

    [6] Cf. La Transformation socio-digitale, Revue Kea & Partners#23 https://www.kea-partners.com/post/la-transformation-socio-digitale-la-revue-23

    De nombreuses entreprises sont engagées dans des processus de transformation de leurs modes de management et d’organisation pour développer l’autonomie et la participation des salariés, tout en accroissant l’efficacité de l’action collective. L’exigence de réactivité et d’agilité, la bataille pour les talents, les attentes des jeunes générations… tout milite pour un effacement du taylorisme. Toutefois, nombreuses sont celles qui lancent des initiatives, s’illusionnent sur les résultats ou constatent des décalages importants entre le rythme souhaité et l’ancrage de nouveaux comportements, quand elles ne voient pas apparaître de nouveaux dysfonctionnements liés à ces initiatives. Comment auto-évaluer lucidement les avancées et les progrès d’une démarche de transformation vers l’autonomie ?

    Kea et la Chaire FIT2 ont mis au point avec un groupe de travail élargi le radar de l’autonomie, un outil souple et adaptable pour accompagner les entreprises dans leur démarche de progrès.

    Au sommaire :

    #1 Autonomie & Responsabilisation : pourquoi ?

    #2 Des processus de transformation souvent complexes et instables

    #3 Mode de construction du radar de l’autonomie

    #4 Comment mobiliser le radar de l’autonomie ?

    #5 Un outil à adapter aux spécificités de l’entreprise

    #6 Dépasser le caractère réducteur d’une échelle de notation

    #7 Conclusion : un outil plastique

    Un levier pour mobiliser votre entreprise sur les enjeux de responsabilité

    L’entrée en application dès 2023 de la CSRD pourrait changer la donne pour les ETI françaises et européennes. Dès 2024, nous devrons intégrer dans notre reporting des éléments non-financiers tels que l’impact environnemental, l’impact social, la diversité et l’inclusion, le respect des droits de l’homme et l’éthique.

    Nous sommes convaincus qu’au-delà de la conformité réglementaire, il s’agit d’une formidable opportunité de mobiliser votre équipe dirigeante autour d’une réflexion essentielle :

    Comment voulez-vous contribuer à l’émergence d’une économie souhaitable ?

    Ce sont des réflexions que nous avons menées aux cotés de nombreuses ETI.

    94,5 % des ETI sont engagées sur les plans social, sociétal et environnemental. Maximisons et valorisons ensemble votre impact !

    Source : 2021, METI, Les ETI, engagées par nature

    Suis-je concerné par l’application de la directive CSRD ?

    Concerné ou intéressé ?

    Télécharger notre point de vue sur la performance globale :


    L’impact de la situation actuelle – inflation, baisse de la croissance, pression des donneurs d’ordre – va se chiffrer en centaines de milliards d’euros en 2022 pour les PME & ETI. Plus les entreprises sont petites, plus ces surcoûts vont les mettre en forte difficulté financière

    Au-delà de la perte de rentabilité à court terme, la conjoncture est critique pour la pérennité des filières et des innovations. Les marges de manœuvre financières, en baisse, vont être mobilisées pour trouver des solutions à la situation actuelle, au détriment des investissements dans le développement des technologies – notamment pour la digitalisation des opérations et la réduction des impacts environnementaux – indispensables pour la pérennité et la compétitivité des filières.

    La situation actuelle créée par ailleurs au sein des filières des mouvements de repli et de sauve-qui-peut. A moyen terme cela sera préjudiciable pour tout le monde. La solidarité et la recherche de solutions communes est la seule voie possible pour passer dans les meilleures conditions la période actuelle. N’attendons pas de compter les pertes pour nous mettre en ordre de marche et prendre chacun notre part de responsabilité :

    • Que les pouvoirs publics veillent au maintien des investissements dans l’outil de production et à la compétitivité de notre industrie
    • Que les donneurs d’ordre adaptent leurs exigences à la situation exceptionnelle actuelle
    • Que les entreprises à tous les niveaux des filières travaillent à leur performance coût.

    En synthèse la situation actuelle, comme les crises précédentes, peut être l’occasion de développer de nouvelles facultés au sein des filières, et ainsi d’en renforcer la compétitivité.

    La coopération n’exclut pas la performance individuelle : 8 leviers à activer pour augmenter la résilience des chaines d’approvisionnement et lutter contre l’inflation

    Kea est partenaire des ETI depuis sa création. Découvrez notre page dédiée aux ETI.

    Concerné ou intéressé ?

    Télécharger notre point de vue détaillé :

    Les CEO des grandes entreprises et des ETI en ont bien conscience : ignorer l’IA, c’est s’exposer au risque d’une décroissance face à des concurrents qui s’emparent déjà de son potentiel. Et clic clac Kodak, l’histoire nous l’a appris : laisser filer le momentum, c’est prendre le risque de disparaître. 

    Derrière leurs allures de progrès technologique, le développement éclair des solutions d’IA et leur popularisation sont l’étincelle d’un changement de paradigme profond qui agite tous nos modèles économiques, sans limite de secteur. Désintermédiation, réduction des barrières à l’entrée, optimisation des chaînes de valeur… les impacts sont multiples, les réactions s’enchaînent.  Et les questions sont nombreuses et légitimes :  coûts, retour sur investissement, fiabilité, cadre juridique… Autant de points d’attention qui peuvent freiner ou paralyser, faute de cap clair.

    Cette zone grise entre lucidité stratégique et dispersion opérationnelle favorise la multiplication d’initiatives sans vision d’ensemble et sans réelle perspective d’industrialisation ni d’impact mesurable.

    Face à cette dynamique, les entreprises s’interrogent : comment concilier impératif d’action et incertitude persistante ?

    Cet article propose une grille de lecture pour dépasser ce flottement et mettre en œuvre une approche cohérente :

    • comprendre pourquoi tant de stratégies IA échouent à passer à l’échelle,
    • puis, prendre le temps de structurer les bons choix en amont pour gagner en clarté, en impact et en vitesse d’exécution.

    Car dans un contexte aussi mouvant, c’est souvent le cadrage initial qui fait la différence entre expérimentation sans lendemain et trajectoire de transformation durable.

    Pourquoi une stratégie IA est souvent mal cadrée ?  

    Nous observons 4 principaux écueils :  

    1. L’attrait irrationnel pour l’IA qui conduit à des investissements mal orientésDans un contexte où l’IA est perçue comme une avancée « à la mode », de nombreuses entreprises lancent des initiatives coûteuses mais peu structurées. Ces dépenses deviennent rapidement des gouffres budgétaires faute d’une approche stratégique claire.  
    2. L’illusion du « quick win » et la multiplication des POCs sans ROI mesurableSi les preuves de concept (POCs) sont souvent présentées comme des moyens rapides de tester l’IA, elles conduisent fréquemment à une simple exploration. Le risque est grand d’accumuler des cas d’usage opportunistes, répondant à des besoins ponctuels sans s’inscrire dans une transformation globale. Résultat : des projets qui ne passent jamais à l’échelle et dont l’impact sur le P&L reste marginal.  
    3. Une approche techno-centrée au détriment de la vision business et data  Trop souvent, l’IA est abordée sous l’angle technologique avant même d’être alignée avec la vision de l’entreprise et sa déclinaison dans la transformation data. Or, sans vision stratégique et socle data robuste, les algorithmes ne peuvent pas produire de résultats fiables et industrialisables.  
    4. Une sous-estimation du potentiel disruptif de l’IAAu-delà d’un simple levier d’optimisation, l’IA redessine profondément les modèles économiques. Elle reconfigure les filières industrielles et servicielles, transforme les interactions entre humains et agents, renforce la cyber-résilience et la fiabilité des informations, tout en favorisant la plateformisation des marchés.  

    Le remède ? Prendre le temps de structurer sa stratégie IA de manière globale, ancrée dans ses priorités business, intégrant l’ensemble de son organisation, et qui s’accompagne d’indicateurs mesurant les impacts sur votre P&L. 

    Comment se doter d’une stratégie IA globale et alignée sur les objectifs business de l’entreprise ?

    Trois étapes clés, menées en quelques mois, permettent de passer de l’exploration à l’industrialisation — en transformant les intentions en leviers concrets de création de valeur durable.

    1ère étape : Acculturer et ouvrir aux potentiels de l’IA  

    Nous l’avons évoqué, l’IA va bien au-delà d’un ensemble de solutions techniques : elle transforme les modes de production, la relation client et même le modèle économique des entreprises. La stratégie doit donc commencer par un travail d’acculturation et de projection

    • Cartographie de la maturité IA : évaluation du niveau d’avancement de l’entreprise dans sa capacité à intégrer l’IA de manière stratégique, opérationnelle et scalable.
    • Exploration des niveaux de maturité : du simple levier d’efficacité opérationnelle à la refonte complète du business model grâce à l’IA.  
    • Immersion dans les innovations à venir : anticipation des évolutions technologiques et de leur impact sur l’entreprise.  

    2ème étape : Analyser l’entreprise et construire des scénarios stratégiques  

    L’IA doit être pensée à l’échelle de l’organisation dans son ensemble. Un diagnostic approfondi des réalisations et des opportunités doit être structuré autour de trois streams :  

    • Les chaînes de valeur ajoutée (relation client, supply chain, production) pour identifier les opportunités d’optimisation et de réinvention.  
    • Les fonctions supports (RH, finance, juridique) afin de détecter les leviers d’efficience et d’automatisation.  
    • L’innovation et les business de demain, en évaluant le potentiel de disruption et les nouvelles sources de revenus possibles.  

    En parallèle, il faut s’attaquer à la modélisation des impacts économiques de l’IA car « ce qui ne se mesure pas n’existe pas » … :  

    • ROI estimé, coûts cachés, gains d’efficience, pour donner une vision claire des bénéfices attendus.  
    • Construction de scénarios d’intégration de l’IA, en fonction du degré de transformation souhaité, du niveau de disruption acceptable et des effets prévus sur le P&L.  

    3ème étape :  Activer : structurer un plan d’action et enclencher le passage à l’échelle  

    À l’issue du diagnostic, la feuille de route opérationnelle et actionnable doit être construite et intégrée :  

    • Une trajectoire IA alignée avec les priorités stratégiques et la transformation data.  
    • Des feuilles de route par stream permettant une mise en œuvre progressive et cohérente.  
    • Un plan de transformation global, garantissant une intégration harmonieuse des initiatives IA dans l’organisation.  
    • La réalisation immédiate de 1 ou 2 cas d’usage concrets, pour démontrer rapidement la valeur et embarquer les équipes.  

    L’ensemble de la démarche aboutit à une feuille de route claire, actionnable et pilotable, avec des impacts mesurables sur le P&L. 

    Conclusion

    L’IA n’est plus une option mais un impératif stratégique qui exige une approche construite et intégrée. Au-delà des expérimentations isolées, c’est par une vision globale – ancrée dans les priorités business et soutenue par un socle data robuste – que les entreprises transformeront cette technologie en avantage concurrentiel durable. L’heure n’est plus à l’hésitation mais à la prise de recul pour structurer leur approche : ceux qui sauront articuler acculturation, analyse stratégique et déploiement méthodique créeront une valeur mesurable et pérenne. Dans cette révolution, les leaders seront ceux qui transforment aujourd’hui l’IA en catalyseur d’une nouvelle et profonde dynamique de leur organisation et business model, plutôt qu’en simple vitrine d’innovation.

    Article rédigé par Hélène de Vestele, Directrice MySezame

    Dans un contexte d’accélération des crises économiques, sociales et sociétales et de tendance au recul sur les politiques RSE, la tentation est grande de reléguer la RSE au second plan alors que le besoin de transformation responsable n’a jamais été aussi pressant. Très mauvais calcul pour notre survie en tant qu’espèce, mais aussi pour l’intérêt propre de l’entreprise. Même à court terme et études scientifiques à l’appui, la RSE est aujourd’hui l’un des rares leviers capables de réinsuffler du sens et de la cohérence collective, de revitaliser l’engagement des équipes, de redonner de l’élan à l’organisation et de renforcer sa résilience. Et ainsi, de contribuer efficacement à répondre au désengagement qui touche près de 20 % des salariés et à attirer et retenir les jeunes talents dans un contexte de vieillissement de la population.

    Comment passer d’une RSE « périphérique » à une RSE génératrice de fierté collective et de performance durable ?

     Nous vous proposons :

    • des exemples d’organisation qui ont réaffirmé leur « Pourquoi » et dans lesquelles la RSE est devenue un élément différenciant positif,
    • des pistes d’actions concrètes pour enclencher cette dynamique dès maintenant.
    Réaffirmer un « Pourquoi » mobilisateur

    Raviver le “pourquoi” de l’entreprise devient vital. Il ne s’agit pas d’ajouter des objectifs RSE au business, mais de réinterroger la contribution même de notre travail, pour éviter la spirale du cynisme et des « bullshit jobs ». Car au fond, une conviction simple s’impose : dans un contexte d’incertitude permanente, les collaborateurs ne cherchent plus seulement à “faire leur part” ou à ajouter un petit vernis RSE qui s’écaille vite, ils ont besoin de retrouver le sens de leur engagement professionnel.

    La littérature scientifique suggère qu’une culture organisationnelle valorisant la RSE peut influencer positivement les intentions des candidats externes (Rupp et al., 2013 ; Scott, 2000 ; Strobel et al., 2010 ; VanProoijen et Ellemers, 2015).  Par ailleurs, les résultats d’études ont démontré que la RSE peut influencer positivement le niveau d’engagement organisationnel des salariés (Closon et Leys, 2011 ; Nejati et Ghasemi, 2013, rapporté par Cairn.info).

    Des entreprises l’ont compris et ont placé la RSE au cœur de leur développement :

    • Decathlon pense chaque produit en intégrant l’impact environnemental dès la conception, générant 420 M€ de chiffre d’affaires via la réparation et la seconde main. Des équipes internes peuvent se former pour proposer et mettre en place des procédés plus vertueux écologiquement, avec budget accordé. Des plans de biodiversité sont imposés à chaque emplacement commercial et administratif et la question de leur place sociétale est régulièrement abordée.
    • Saint-Gobain anime des « Clubs RSE » locaux pour co-construire des solutions d’éco-innovation terrain. Ils cherchent à s’entourer et acquérir des acteurs de l’économie circulaire pour mettre ces pratiques au cœur de leur business model.

    Ces initiatives ne sont pas des « à-côtés » mais la conséquence d’un changement de paradigme interne, toujours en cours d’évolution et de renforcement. Quand elle n’est plus perçue comme une contrainte administrative, mais comme une source d’énergie et une évidence de bon sens, la RSE devient un élément différenciant positif. À condition de la relier profondément au quotidien des équipes et d’en faire une priorité. Comment en arriver là ?

    Quelles actions concrètes pour enclencher cette dynamique ?

    Renouer avec une RSE transformatrice demande des choix courageux : transparence, reconnaissance de l’imperfection, et structuration d’une culture “extra-financière”. Voici trois leviers éprouvés pour ancrer durablement cette dynamique.

    1. Faire preuve de transparence radicaleAucune organisation n’est parfaite. Prétendre le contraire alimente la défiance. Oser reconnaître ses contradictions crée au contraire de la confiance.Exemples :
      • Loom, marque textile, qui explique ouvertement les compromis faits sur ses matières premières, refuse et dénonce les « dark patterns », est obligée de mettre en place des listes d’attente produits pour répondre à la demande, sans publicité, sans augmenter sa production.
      • Certaines PME artisanales assument ne pas vouloir croître à tout prix pour préserver leur qualité et leur impact humain. Comme certaines boulangeries de centre-ville, non attirées par le “scalable”, et pouvant verser des salaires confortables.
      • Un acteur du tourisme a réussi à aborder avec transparence le problème de l’impact du transport aérien lors de la formation des collaborateurs, ce qui a créé du réengagement auprès de ses parties prenantes.

    La clé : expliciter honnêtement ses arbitrages, ses progrès, ses échecs — sans greenwashing, ni angélisme. Et surtout présenter sa feuille de route pour s’améliorer, ou avouer qu’on n’a pas de solution satisfaisante à date. Des compromis oui, mais sans compromissions.

    Créer une culture d’entreprise “extra-financière”

     La rentabilité économique est indispensable à la bonne santé de l’entreprise. Mais elle n’est plus la seule constante vitale.

    Concrètement, il s’agit de :

    • évaluer l’impact social, humain et environnemental lors des bilans annuels ;
    • inclure dans les rituels internes (séminaires, événements) des indicateurs extra-financiers ;
    • valoriser la contribution au capital naturel et social autant qu’aux résultats financiers.

    Cela demande un leadership aligné, formé aux enjeux RSE, et capable d’incarner cette nouvelle ambition sans greenwashing. Par exemple, Tony’s Chocolonely, entreprise néerlandaise de chocolat, illustre cette démarche : elle a instauré une structure de gouvernance innovante avec trois « gardiens de mission » indépendants, experts en impact social et durabilité, chargés d’intégrer l’extra-financier au même niveau que le financier. Ces “gardiens” ont pour rôle de garantir que la mission de lutte contre le travail des enfants et le travail illégal reste prioritaire. Ils sont habilités à répondre aux préoccupations des parties prenantes (employés, cultivateurs, partenaires, consommateurs) en dialoguant avec la direction, en publiant des informations ou en lançant des actions juridiques. Ils permettent de rééquilibrer le pouvoir face aux intérêts financiers des actionnaires, notamment en donnant une voix aux écosystèmes et communautés locales concernées par les activités de l’entreprise.

    Installer des temps de respiration réguliers

    Dans le flux opérationnel, le risque est grand de repousser la réflexion RSE aux calendes grecques. Il faut institutionnaliser des respirations collectives :

    • formations internes sur les limites planétaires et l’approche systémique ;
    • fresques sur mesure des enjeux sociaux et environnementaux de l’entreprise ;
    • évènements liés à des temps forts. C’est le cas de la Semaine Européenne du développement Durable (SEDD). Un évènement très suivi par les entreprises et les institutions en Europe, qui a lieu fin septembre -début octobre et qui valorise les actions émanant d’entreprises, de collectivités ou de citoyens.   

    Un client a par exemple institutionnalisé les conférences liées à la RSE à chaque SEDD, les faisant suivre d’une journée d’ateliers pour faire le point sur le bilan environnemental de l’année écoulée et le plan d’action souhaité pour l’année à venir, avec des aller-retours entre sujets opérationnels et stratégiques, interne et externe, experts et salariés. Ces moments permettent de reprendre de la hauteur et de réaligner action et intention en mettant en lumière les initiatives menées au sein de l’entreprise d’une part, et de réengager les parties prenantes d’autre part. Sans cette institutionnalisation, ils risqueraient d’être repoussés.

    Conclusion : la transformation durable commence par redonner du souffle au collectif

    À l’heure où l’engagement ne peut plus être une option, la RSE n’est pas seulement une réponse aux attentes sociétales. Elle est un formidable levier d’alignement, de performance durable et de régénération.

    Mais encore faut-il l’assumer pleinement :

    • en se reconnectant au sens profond du travail ;
    • en acceptant l’imperfection et en osant la transparence ;
    • en structurant une culture et des temps forts alignés avec les défis de notre époque.

    C’est par ces dynamiques, humbles et sincères, combinant radicalité dans l’engagement et pragmatisme, que se forgent aujourd’hui les entreprises durables et désirables de demain.

    Avec la contribution d’Annabelle Dommel, Responsable de projets (formation & conseil) et développement, RSE, MySezame, Eugénie Duféy (Bonnel), Consultante Nuova Vista et Emmanuel Cibla, Directeur Nuova Vista

    Dans le contexte règlementaire animé de ce début 2025, la question n’est pas de savoir si les organisations doivent s’engager dans des démarches de durabilité, mais comment elles peuvent le faire de manière stratégique et créatrice de valeur.

    Au cœur de cette transformation, l’analyse de double matérialité s’affirme comme une pièce centrale de l’exercice de la CSRD.  Elle permet d’évaluer à la fois l’influence des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance sur la performance financière (outside-in), et l’impact des activités de l’entreprise sur la société et l’environnement (inside-out). 

    Notre conviction : l’analyse de double matérialité, lorsqu’elle est bien menée, constitue un levier puissant pour l’entreprise. Elle permet d’élargir sa réflexion sur la chaîne de valeur, d’évaluer les enjeux de soutenabilité et de résilience à un niveau comparable à ses enjeux financiers, tout en alignant les priorités internes pour nourrir une vision stratégique durable. 

    Pour atteindre les objectifs et réussir la démarche, nous partageons 5 recommandations issues des projets d’accompagnement d’entreprises sur le sujet (développées plus bas) :

    1. aligner la Direction sur les impacts significatifs et les enjeux stratégiques de transformation de l’entreprise ;
    2. impliquer activement la Direction Financière, aux côtés de la Direction RSE, pour ancrer progressivement une approche de performance globale ;
    3. soutenir une dynamique de transformation culturelle auprès de l’ensemble de l’organisation ;
    4. tirer parti de la consultation avec les parties prenantes pour renforcer les liens avec son écosystème ;
    5. être tactique dans le reporting et initier une logique d’amélioration continue.

    Afin d’enrichir la réflexion et illustrer nos recommandations, nous avons également eu le plaisir d’échanger avec Ariane Jacoberger, Directrice RSE chez  Solinest, qui partage avec nous, dans le reste de l’article, les enseignements clés de la démarche de double matérialité entreprise en 2024, en anticipation du reporting  CSRD et avec la volonté de structurer la démarche RSE de Solinest. 

    Être accompagné dans cet exercice est une garantie de pousser les débats plus loin, une opportunité de remise en question grâce au challenge. La présence d’un tiers permet une forme de neutralité et facilite la tâche de celle / celui qui porte ces sujets en interne ; les débats légitiment les positions des personnes qui s’occupent de ces sujets qui ne sont pas toujours au CODIR de leur entreprise.

    1-Aligner la Direction sur les impacts significatifs et les enjeux stratégiques de transformation de l’entreprise.

    Nous recommandons en particulier de :

    • mettre à profit la nécessité de valider la double matérialité au plus haut niveau (comex et conseil d’administration) pour stimuler la prise de conscience, voire un début de bascule

    La double matérialité devient un outil pédagogique structurant, qui objective la démarche et stimule une prise de conscience stratégique. Cet exercice permet de poser les bases d’une transformation managériale. 

    • remettre l’exercice dans le contexte des enjeux de soutenabilité globaux

     Il est utile de repositionner l’exercice dans le contexte des limites planétaires, car la RSE en entreprise manque souvent de prise de hauteur sur les enjeux environnementaux globaux. Une dimension pédagogique renforce la compréhension et la prise de conscience des décideurs.

    • démontrer que les enjeux de durabilité et de responsabilité sont indissociables des perspectives stratégiques de l’entreprise et de la pérennité de son activité

    La double matérialité aide à structurer cette vision en liant création de valeur et la limitation des risques. 

    • se forcer à hiérarchiser clairement les enjeux entre eux pour « choisir ses combats » et distinguer les points saillants à attaquer en priorité (s’engager sur une trajectoire)
    • ne pas s’astreindre avec la Direction à un exercice mécanique de cotation (qui risque d’être rébarbatif !) mais privilégier un format qui suscite les échanges et débats autour de ce qui crée de la valeur et/ou limite les risques pour l’entreprise
    • par exemple, mettre en place des ateliers d’intelligence collective alternant temps de discussions et système de vote pour permettre de se positionner sur chacun des sujets de durabilité ; en visant la responsabilisation des différentes directions sur leur périmètre

    Les ateliers d’intelligence collective permettent de débattre, prioriser et distribuer les responsabilités, en engageant chaque direction dans la mise en œuvre des priorités identifiées. Alterner discussions et votes clarifie les positions et responsabilise les participants sur leurs périmètres respectifs.

    • Pour les sociétés à mission ou à raison d’être, montrer la cohérence entre les exercices : les impacts positifs les plus matériels seront ceux couverts en priorité par la mission ou la raison d’être (webinaire sur le sujet disponible ici
    2-Rendre actrice la Direction Financière, au côté de la Direction RSE, et installer progressivement une logique de performance globale

    Les enjeux ici seront principalement de :

    • faire porter le projet par, idéalement, un binôme Direction Financière & Direction RSE ;
    • dans tous les cas, embarquer dès le démarrage du projet la Direction Financière, son rôle étant clé à double titre : répondre à l’exigence d’analyse de matérialité financière d’une part, installer la traçabilité / l’auditabilité du reporting et le bouclage entre les éventuelles structures juridiques et l’organisation managériale d’autre part ;
    • accepter la progressivité : en année 1, ouvrir la discussion avec la Direction Financière permettra d’identifier les sujets à creuser pour affiner l’analyse dans les années suivantes (en anticipation dans le rétroplanning de l’exercice annuel) ;
    • intégrer progressivement la prise en compte des enjeux de durabilité dans les exercices financiers de l’entreprise, dans les revues de performance intégrées nécessaires au pilotage des plans d’action, mais aussi dans les prises de décisions de business development (projection et aide à la décision).

    Ajouter des critères de durabilité dans les décisions stratégiques, comme l’engagement de nouveaux partenaires, aide à anticiper les conflits potentiels avec la stratégie RSE dès leur sélection et, progressivement, à façonner le portefeuille d’offres de manière cohérente. 

    • mettre en valeur comment les critères de durabilité peuvent servir les préoccupations de la Direction Financière (reporting et attractivité vis-à-vis d’investisseurs ou de financeurs) et faire le lien avec l’exercice de Taxonomie dont l’application est concomitante ou antérieure à la CSRD.

    Les critères de durabilité peuvent devenir un levier pour ouvrir le champ des partenariats, y compris avec des acteurs comme les banques, prêtes à collaborer sur cette base. 

    3- Soutenir une dynamique de transformation culturelle auprès de l’ensemble de l’organisation

    Il s’agira là notamment de :

    • donner du sens à l’exercice CSRD et à l’étape d’analyse de la double matérialité ;
    • communiquer sur la démarche et la dynamique (pas sur la norme) et faire de la pédagogie autour des enjeux de durabilité auprès des métiers cœurs de l’entreprise (production, logistique, achats, commerce, …) ;
    • montrer la cohérence d’ensemble (articulation de l’exercice avec les autres cadres de référence de l’entreprise et les initiatives en cours en matière de durabilité) ;
    • favoriser l’alignement entre les perceptions de ces différents métiers autour de la durabilité (explication des enjeux prioritaires).

    Il faut montrer que l’exercice de la double matérialité et les résultats obtenus composent un système cohérent, où chaque élément (ex. raison d’être, stratégie d’entreprise, dynamique RSE) s’articule de manière congruente, tout en favorisant l’adhésion des différents métiers et en adoptant une logique apprenante, itérative et non linéaire. 

    • assumer une logique apprenante année après année, accepter que le processus de transformation culturelle soit itératif et non linéaire 
    4-Tirer parti de la consultation avec les parties prenantes pour renforcer les liens avec son écosystème

    Nous vous proposons de focaliser votre attention sur les points suivants :

    • saisir l’opportunité de l’exercice pour traiter de la durabilité qui n’est pas le focus des échanges habituels, généralement de nature plus transactionnelle : prise de recul, identification d’enjeux communs et établissement d’un dialogue qui nourrit la relation ;

    C’est un élément de différenciation dans le contact avec nos clients et nos partenaires qui ont apprécié que nous prenions l’initiative sur le sujet, en avance de phase. Cela nous a aussi permis de sortir des échanges purement contractuels, d’identifier des enjeux communs qui donnent une autre nature à notre relation. Cet exercice nous a aussi offert l’opportunité de recueillir une perspective européenne sur l’appréhension du sujet, au-delà du périmètre français.

    Ce qui est vrai pour les clients se vérifie pour les autres parties prenantes : l’exercice permet l’ouverture d’un autre type de dialogue entre la DAF et les banques. En interne, elle a permis à la DRH d’avoir des échanges d’une autre nature avec les collaborateurs.

    • faire s’exprimer les interviewés sur leurs attentes vis-à-vis de l’entreprise dans la prise en compte des enjeux de durabilité, ce qui permettra d’orienter les politiques et plans d’action (attentes partenaires, clients et financeurs en particulier), et à l’inverse, exprimer ses propres attentes envers les parties prenantes (notamment fournisseurs) pour les faire progresser et identifier des potentielles actions communes ;
    • adapter les formats (entretiens individuels qualitatifs, ateliers groupés, questionnaires, …)  en fonction des sujets à creuser, des profils des interlocuteurs, et des synergies à créer ;
    • en amont des entretiens et ateliers, privilégier un échange fluide et intelligible en « personnalisant » les réponses possibles en fonction des questions posées et de l’angle de vue des parties prenantes, sans termes trop « techniques » ;
    • proposer une session courte de sensibilisation préalable aux entretiens et ateliers pour expliquer le cadre de l’exercice et les attendus, et faire de la pédagogie sur les enjeux de durabilité ;
    • saisir l’opportunité de l’exercice pour élargir les échanges et créer de nouvelles dynamiques au sein de l’entreprise et avec les parties prenantes externes.
    5-Être tactique dans le reporting et initier une logique d’amélioration continue

    Sur ce volet nous vous invitons à :

    • tout au long de l’exercice, ne pas se laisser guider par la « crainte » du reporting : ne pas perdre de vue que l’utilité de la matérialité est avant tout de hiérarchiser les enjeux de durabilité !
    • saisir l’opportunité de créer de l’efficience dans la collecte de données, au bénéfice des nombreuses attentes de reporting exprimées par ailleurs ;

    L’exercice peut être vu comme une opportunité de collecte et de structuration de la donnée (cela améliore les process en interne car pose un cadre !) et de partage d’informations. Cela nous sera utile pour répondre aux diverses attentes de reporting exprimées par des acteurs comme BCorp et EcoVadis. 

    • engager une démarche intellectuellement honnête et authentique dans la restitution (par exemple, être transparents sur les lacunes qu’il reste à combler) ;
    • élaborer des plans d’actions tournés vers l’impact, qui donnent du sens à l’ensemble de la démarche ;
    • construire le reporting à la hauteur des plans d’actions que l’entreprise est décidée à engager et dont elle veut prouver l’avancement et l’impact ;

    Le fait de pouvoir justifier de ne pas tout faire la première année en fait un exercice intelligent. 

    • ne pas s’épuiser dans l’élaboration du rapport de durabilité, mais le considérer comme un état des lieux transparent de la prise en compte des enjeux et des prochaines étapes pour s’améliorer.

    Face aux soubresauts du moment, les entreprises doivent garder le cap et poursuivre leur engagement dans leurs plans de durabilité, dans leur propre intérêt. En gardant en ligne de mire les bénéfices tangibles qu’offre l’exercice de préparation à la CSRD : structuration des données pour une performance plurielle, approfondissement des relations avec les parties prenantes, infusion culturelle des enjeux de durabilité dans le contexte des limites planétaires et intégration des enjeux durables au cœur des décisions stratégiques. 

    C’est dans cette approche itérative et apprenante que réside la richesse de la démarche. En acceptant ses imperfections initiales (qui seront corrigées), les entreprises se donnent les moyens de construire une trajectoire ambitieuse, porteuse de sens, et tournée vers un avenir souhaitable.

    Article co-rédigé avec Emmanuel Cibla, Directeur Nuova Vista et Annabelle Dommel, Manager MySEzame

    De nombreuses entreprises ont engagé des démarches d’impact, de durabilité et de responsabilité bien avant la mise en œuvre du Green Deal, notamment dans le domaine de la transition énergétique et de la décarbonation. Ces initiatives, initiées en amont des évolutions réglementaires, témoignent d’une volonté intrinsèque de faire évoluer les opérations et les chaînes d’activité face aux risques que la crise climatique et la contrainte sur les ressources font peser sur les modèles d’affaires existants.

    Aujourd’hui, avec la proposition Omnibus de la Commission européenne – qui est entrée en phase de discussion entre le Parlement et le Conseil – s’ouvre un débat stratégique majeur. Dans le contexte actuel de ralentissement des obligations de transparence, de reporting et de vigilance, faut-il suspendre ou, au contraire, maintenir les efforts pour développer et mettre en œuvre une stratégie robuste de transformation en responsabilité vers des modèles d’affaires durables ?

    Face à ce dilemme, nous invitons les entreprises à conserver leur dynamique et maintenir de façon pérenne :  i) les principes de l’analyse de double matérialité, ii) la considération des impacts sur l’ensemble de la chaîne de valeur, iii) une approche permettant l’implication des parties prenantes internes et externes et enfin iv) la mesure d’une performance globale autour d’une création de valeur plurielle, pas uniquement financière.

    Nous vous proposons nos éclairages sur :

    • les impacts réglementaires de la proposition Omnibus ;
    • la stratégie à adopter par les entreprises ;
    • comment l’entreprise peut continuer à se transformer dans ce contexte si particulier et mouvant.

    1. Les impacts réglementaires de la proposition Omnibus

    La proposition Omnibus tend, d’une part, à ajuster certains aspects des textes réglementaires existants, et, d’autre part, à introduire un mécanisme de « stop-the-clock » qui permet de décaler le calendrier initial et de reporter la mise en application de dispositions de la CS3D et de la CSRD. 

    • Des ajustements sur le fond des textes réglementaires :

    En qui concerne la CS3D – le devoir de vigilance à l’échelle européenne –, des modifications importantes sont envisagées : le champ de vigilance est restreint (« dispense d’un devoir de vigilance systématique au-delà des partenaires commerciaux directs en l’absence d’informations plausibles sur des incidences négatives réelles ou potentielles »), et la mise en œuvre progressive est retardée (en particulier, le report du délai de transposition de juillet 2026 à juillet 2027 qui décalera, par ricochet, la mise en œuvre échelonnée par les entreprises).

    Concernant le reporting lié à la taxonomie, la proposition prévoit un caractère optionnel pour la majorité des entreprises et l’introduction d’un seuil de matérialité fixé à 10 % du CA, des OPEX, des CAPEX ou de l’actif total des activités concernées. Des ajustements supplémentaires, tels que la simplification des critères DNSH ou la révision du Green Asset Ratio viennent illustrer l’objectif d’allégement des exigences opérationnelles.

    Concernant la CSRD, le champ d’application serait également largement restreint et les ESRS revues (suppression notamment des ERSR sectorielles, simplification des ESRS 1, allègement du nombre de points de données des ESRS thématiques).

    • L’introduction d’un mécanisme de « stop-the-clock » :

    L’Omnibus se déploie en deux temps. Dans un premier temps, le « stop-the-clock » offre une pause réglementaire en retardant l’application des directives. Ensuite, un second temps, consacré à la réforme de fond, tend à ajuster en profondeur les exigences afin de tenir compte de la réalité économique et organisationnelle des entreprises. Ce dispositif devrait permettre, en théorie, de recentrer les efforts sur des plans d’action concrets plutôt que sur un reporting exhaustif et parfois trop contraignant.

    Le règlement SFDR n’est pas touché et le mouvement demeure lancé. Les entreprises financières ont pu constater les bénéfices stratégiques de l’exercice, au-delà de la lourdeur et des contraintes réglementaires. Enfin, la taxonomie reste la seule référence de durabilité crédible dans certains domaines et les effets positifs sont déjà visibles, par exemple, pour les investissements immobiliers.

    2. Le choix stratégique face au ralentissement réglementaire

    Au-delà des ajustements juridiques, la proposition Omnibus interpelle les entreprises sur leur stratégie d’engagement et de transparence en matière de RSE. Le report de certaines obligations pourrait, à première vue, inciter à une suspension des efforts déjà entamés. Toutefois, l’expérience des entreprises pionnières démontre qu’il est pertinent de poursuivre et même de renforcer les initiatives prioritaires malgré ce décalage dans les échéances. Ainsi, l’analyse de double matérialité – outil permettant de recenser à la fois les impacts de l’activité sur le monde et les risques financiers qui résultent de ces impacts ou des transitions à l’œuvre – s’avère être un levier structurant pour la stratégie RSE et au-delà, pour leur stratégie globale.

    Deux entreprises nous ont démontré la pertinence de maintenir la dynamique lancée :

    • un fonds d’investissement, bien que bénéficiant du report réglementaire, engagé dans une démarche CSRD en 2024 a choisi de poursuivre ses travaux en exigeant de ses participations majoritaires de réaliser leur propre analyse de double matérialité. Ce cas, qui n’est nullement isolé, démontre que l’exercice d’évaluation permet non seulement de répondre aux exigences d’une future réglementation, mais également de renforcer le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes (internes et externes) et d’identifier les priorités stratégiques. L’objectif est double : alimenter un processus collectif de transformation en engageant le top management, la direction financière et les responsables RSE dans une même dynamique tout en structurant la réponse réglementaire ;
    • un acteur de la formation et de l’information de santé, engagé dans un passage à la qualité d’entreprise à mission, conserve dans son approche, malgré sa désormais inéligibilité à la CSRD (suite au rehaussement des seuils), les principes d’une analyse en double matérialité. Cet exercice doit lui permettre de poser les bases robustes de sa démarche RSE mais aussi de placer l’expression de sa raison d’être, en responsabilité, dans le contexte de la nécessaire soutenabilité de son modèle d’affaires (c’est à dire la contribution au progrès médical doit s’accompagner d’une considération de l’empreinte environnementale et sociale des opérations au service de cette mission). 

    3. Transformer l’entreprise en période d’incertitude réglementaire 

    Face à l’incertitude inhérente aux débats et aux critiques autour de la proposition Omnibus, les entreprises doivent faire un choix en conscience, au-delà de la simple conformité.

    L’exemple de la loi française de vigilance de 2017, qui est maintenue, et les exigences croissantes de certains donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs fournisseurs, illustrent bien que les entreprises doivent poursuivre leur transformation sans attendre une clarification définitive des règles.

    De plus, le délai peut être mis à profit pour sécuriser l’embarquement des équipes et des dirigeants, et pour prendre de la hauteur.

    Enfin, l’implication des parties prenantes joue un rôle central : le dialogue avec les financeurs, assureurs, clients et fournisseurs permet de hiérarchiser les priorités et de consolider les coalitions dans les écosystèmes, nécessaires pour sécuriser les bascules progressives des modèles d’affaires.

    La réflexion doit donc continuer, intégrée à la stratégie globale, en considérant l’ensemble de la chaîne de valeur et en s’appuyant sur l’implication simultanée des directions financières, juridiques, RSE, mais aussi achats, innovation et opérationnelles.

    Il s’agit pour la gouvernance institutionnelle et exécutive de choisir ses combats stratégiques et de profiter de la simplification du reporting pour se concentrer sur les priorités essentielles et les mettre en œuvre grâce à des politiques et des actions de transformation concrètes.

    Une approche qui combine rigueur réglementaire et ambition stratégique conduit à la mise en place d’un modèle de performance globale alliant performance économique et contributions aux biens communs.

     Conclusion

    En dépit des reports et des ajustements qu’elle instaure, la proposition Omnibus ne doit pas être perçue comme une invitation à relâcher les efforts en matière de durabilité et de responsabilité. Au contraire, elle offre aux entreprises l’opportunité d’ajuster et de renforcer leur stratégie en s’appuyant sur l’analyse de double matérialité, la considération des impacts à l’échelle de leur chaîne de valeur, et une collaboration étroite avec l’ensemble de leurs parties prenantes.

    Dans un contexte d’incertitude où les débats institutionnels se poursuivent, il est essentiel de garder à l’esprit que l’engagement pour une transformation durable constitue un investissement stratégique. A cet égard, certains acteurs choisissent utilement d’adopter la qualité de Société à Mission (créée par la Loi Pacte), saisissant l’opportunité de fixer un cap clair pour l’entreprise et ses parties prenantes et s’équipant d’une boussole explicite et durable dans ces temps incertains et volatils.

    Plutôt que de lever le crayon, nous recommandons de continuer à structurer et prioriser les actions, en privilégiant la mise en place de plans d’action concrets qui contribueront à bâtir une performance globale, à la fois résiliente et responsable. Cette approche, technique et stratégique, permet de concilier les exigences normatives avec les véritables enjeux actuels de transformation de l’entreprise.

    La filière du bâtiment et de l’ingénierie ne fait pas figure d’exception au rang des secteurs transformés par le digital, avec des business models amenés à se reconfigurer fortement. Après un certain retard à l’allumage, elle est aujourd’hui en pleine transformation numérique (en témoignent la multiplication du nombre de start-ups de la « ConstrucTech » et les impulsions du gouvernement autour du plan BIM 2022). Si ce retard, qui s’explique notamment par les caractéristiques intrinsèques au secteur (fragmentation des acteurs, spécificités nationales fortes, durée du cycle de vie des bâtiments et infrastructures) rend difficile la qualification à la fois de l’ampleur de la disruption à venir et des modèles gagnants de cette transformation, une certitude émerge à ce stade : il est urgent pour les acteurs de la filière d’inclure le digital dans les process et les offres pour rester dans le jeu. Néanmoins, par analogie à d’autres secteurs fortement digitalisés, on peut penser que l’optimisation des process et modes de fonctionnement n’est qu’une première étape. D’autres niveaux d’impacts existent, plus importants, à la fois sur les offres, les métiers, les organisations, … et peuvent aller jusqu’à l’émergence de nouveaux territoires de valeur, voire même jusqu’à l’apparition de nouveaux business models en rupture avec ceux existants.

    Pour éclairer la dynamique à l’œuvre, Kea Ylios a interviewé une vingtaine de professionnels issus de toute la filière afin d’éclairer ce sujet d’enjeu majeur. Notre rapport constitue la synthèse de nos enseignements.

    4 niveaux de transformation digitale pour la filière BTP

    Les innovations, nouveaux produits, nouvelles offres, nouvelles technologies observées dans d’autres industries et en particulier les industries du tourisme, des médias ou des télécommunications nous permettent d’identifier 4 niveaux d’impacts de la transformation digitale (détails dans notre rapport) :

    Une nouvelle donne stratégique pour le BTP, qui démarre sa digitalisation

    Tous les maillons de la filière sont structurellement impactés : fonds d’investissement, architectes / ingénieries, constructeurs, domotique, nouveaux entrants, exploitants.

    D’ailleurs, pour une large majorité des acteurs, le niveau 1 (optimisation des processus par la digitalisation) est déjà largement engagé (adoption du BIM chez les cabinets d’architectes, d’ingénieries ou chez les constructeurs / outils digitaux de suivi de chantier, mise en place d’objectifs connectés, capteurs et exploitation des données par les exploitants et concessionnaires). Toutefois, le pilotage des opérations ou la maintenance prédictive sont des usages spécifiques qu’il reste à fortement déployer. Les premiers ROI traduisent des économies de coûts qui devraient inciter la filière à poursuivre la dynamique.

    La digitalisation de la filière passe aussi par une transformation des interfaces entre acteurs de la chaîne de valeur, y compris avec les clients et utilisateurs (niveau 2). Les approches collaboratives intra-filière se développent : les jumeaux numériques sont au cœur des interactions, le co-développement de services aux infrastructures se renforce au service d’une meilleure expérience pour l’utilisateur final (e.g. sur les parcours passagers des aéroports et gares, ou encore sur les premières briques des smart cities), allant parfois jusqu’à de nouveaux partenariats (co-entreprise, …).

    Cette collaboration n’échappe pas aux utilisateurs finaux qui remontent très en amont sur la chaîne de valeur. En particulier, la réalité virtuelle ou augmentée (e.g. salles immersives) permet une implication de la fin de la chaîne dès le lancement du projet, permettant une meilleure compréhension des besoins et attentes, et là encore un meilleur ROI (temps et coûts).

    Enfin, le rapport met en évidence l’émergence de nouveaux territoires de création de valeur (niveaux 3 et 4), mais qui restent à conquérir largement : mesure et amélioration de la performance énergétique, plateformisation (e.g. pour le recyclage et l’économie circulaire), amélioration de l’expérience utilisateur (e.g. smart building ou infrastructures), gestion de la data par les villes et collectivités via une nécessaire massification des datas pour de nouveaux services digitaux aux citoyens.

    Des questions et enjeux identifiés avec les professionnels de la filière

    Compte tenu du positionnement actuel et de la projection que nous anticipons de la filière, plusieurs enjeux et questions se posent pour les acteurs.

    Elles sont détaillées dans notre rapport :

    • Comment digitaliser un secteur se basant sur un temps long alors que le digital est « instantané » ?
    • Quelle re-répartition des rôles, quelle légitimité, quelle collaboration sur tout le cycle de vie du bâtiment et des infrastructures dans une filière digitalisée ?
    • Quelle stratégie data, et quel business models associés, pour la filière de la construction / BTP (normalisation, interopérabilité, …) ?
    • Quel business model d’engagement peut apparaitre dans un monde où les usagers ont un comportement non-prévisible ?
    • Quel business model pour une offre de Batiment As A Service, comment qualifier la valeur d’usage associée ?
    • Quelle stratégie make or buy, sur les compétences digitales, et quels partenariats entre les acteurs historiques (non capables de personnaliser des solutions) et les startups (non capables d’industrialiser leurs solutions) ?

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