Face aux évolutions du monde, la question de la responsabilité se pose à chacun d’entre nous, en tant que citoyen et en tant qu’acteur du monde politique, de l’administration ou de l’entreprise… Pour l’entreprise, c’est au dirigeant de prendre position et de faire des choix forts pour l’avenir.

La responsabilité peut être appréhendée comme à l’origine de l’action ou comme une conséquence. On la conçoit soit comme une réponse satisfaisant au mieux les attentes des parties prenantes, soit en tant qu’élément fondateur et de premier plan de l’entreprise. Elle devient alors un vecteur de singularité et d’innovation, susceptible de générer un avantage compétitif et de permettre à l’entreprise d’être à l’origine des normes qui s’appliqueront à toutes les autres. Quels sont les arbitrages à faire par le dirigeant sur des enjeux parfois antagonistes ? Quels indicateurs de performance mettre en place ?

Pour une entreprise, être acteur de la société, c’est agir sur trois niveaux et prendre en compte un nombre croissant de parties prenantes.

1- Etre en conformité

L’objectif pour l’entreprise à ce niveau est de réduire ses impacts négatifs sur ses parties prenantes. La conformité est une obligation. Elle est principalement régie par la règlementation nationale ou internationale ainsi que par les normes, labels, initiatives et référentiels (dits « softlaws »). Le périmètre de la conformité ne cesse de s’agrandir, ce qui demande d’en brosser une définition et d’en dessiner les contours.

Quels référentiels choisir ? Se place-t-on dans une logique de pure conformité à la réglementation ou souhaite-t-on s’imposer des standards plus élevés (par exemple, l’entreprise Switcher a fait le choix de garantir la traçabilité totale de tous les tee-shirts qu’elle produit) ? Comment gérer les disparités géographiques : un alignement sur le pays le plus exigeant (au risque de diminuer la compétitivité) ou sur le minimum dans chaque pays ou région (au risque d’affaiblir la réputation) ?

Ensuite, il s’agit de s’atteler à la gestion des risques. Quelle est l’organisation adaptée (structure, processus, reporting) pour mettre en œuvre et faire respecter les référentiels retenus ? Comment développer la culture de gestion des risques au sein des équipes ? Comment organiser la veille et la perception des signaux faibles pour anticiper les évolutions de la norme (réglementaire ou sociale) ?

2- Assurer la pérennité de l’activité

Le but ici est d’adapter l’activité de l’entreprise aux évolutions environnementales, sociales et sociétales afin de garantir son existence dans le futur par un impact positif sur ses parties prenantes directes. Le modèle d’entreprise et son adaptation aux évolutions environnementales ou sociétales sont au cœur du sujet. Car ces évolutions sont souvent de nature à remettre en cause les fondements de l’activité.

Par exemple, le passage du moteur à essence au moteur électrique dans l’industrie automobile, la décentralisation de la production pour le secteur de l’énergie, le mouvement vers une production locale respectueuse de l’environnement et de la santé des consommateurs dans l’agroalimentaire… Ces changements résultent principalement de forces externes : l’environnement, les consommateurs, les citoyens, les ONG, les marchés financiers… Ils présentent des caractéristiques qui en rendent la gestion plus difficile. D’abord, ils sont souvent antagonistes vis-à-vis des intérêts économiques à court terme de l’entreprise. Ensuite, ils ne prennent pas corps brutalement mais sont le fruit de processus d’évolution progressive, souvent lents qui nécessitent de faire coexister l’ancien et le nouveau modèle (par exemple, les véhicules hybrides ou électriques se développent mais constituent encore une part très minoritaire du marché, l’élasticité des prix existe mais n’est pas sans limite…).

Enfin, les parties prenantes les plus engagées en matière de RSE œuvrent souvent loin du cœur d’activité de l’entreprise, rendant ces évolutions difficilement palpables pour les équipes. Ainsi seuls 12% des dirigeants estiment que leurs investisseurs attendent un développement des stratégies RSE dans l’entreprise et 34% que plus de salariés devraient prendre des responsabilités dans ce développement afin d’insuffler une « culture RSE ».

Sur le fond, il s’agit de développer de nouveaux modèles métier, qui doivent, au moins temporairement, cohabiter avec les modèles existants, même s’ils sont antagonistes. Concepts, compétences, organisations, partenariats, systèmes de mesure de la performance… il est parfois nécessaire de réinventer totalement le métier pour permettre la transformation de l’offre de l’entreprise.

Pour mener cette transition à bien, quatre lignes de force guident l’action :

  • une conviction claire du dirigeant,
  • la recherche d’un équilibre entre un présent qui persiste et un futur à construire,
  • un effort de pédagogie
  • et des indicateurs auxquels se référer pour mesurer les avancées.

3- Contribuer au bien commun

Il s’agit là pour l’entreprise de participer au développement de l’être humain et de lui permettre, compte tenu des évolutions démographiques, environnementales et économiques, de pouvoir vivre le plus harmonieusement possible. Ce niveau est le plus éloigné de son cœur de business et pose des questions inhabituelles, dépassant le plus souvent le cadre de son activité.

L’importance de plus en plus forte d’enjeux de nature à déstabiliser le monde et les sociétés (hausse de la démographie mondiale, dérèglement climatique, baisse de la biodiversité, augmentation de la précarité, vieillissement de la population…) et la difficulté des Etats à les traiter seuls questionnent les entreprises de façon pressante sur leur rôle vis-à-vis de l’intérêt général. Qui plus est les parties prenantes de l’entreprise changent de posture dans ce sens. Les jeunes générations ont tendance à faire de l’intérêt général un choix de vie : sélection de leur employeur, engagement dans le bénévolat, engouement pour les formations spécifiques et pour l’entrepreneuriat social.

En outre, agir pour l’intérêt général, loin d’être incompatible avec le business, procure au contraire un supplément de performance, comme de nombreuses études l’attestent. Ainsi, 66% des consommateurs sont prêts à payer davantage pour des biens ou des services durables (The Sustainability imperative », étude Nielsen, 2015), 64% des consommateurs attendent que les marques contribuent à une société meilleure et 51% des consommateurs disent que, demain, leur fidélité ira à des marques engagées pour un meilleur futur. Ainsi, aux Etats-Unis, les entreprises ayant augmenté de 10% ou plus leur investissement sociétal ont vu leur croissance progresser de 8,3% en moyenne entre 2013 et 2015, alors que la moyenne pour l’ensemble des autres entreprises a été une décroissance de 2,3% (« Giving in numbers », CECP, 2015 et 2016).

La question n’est donc pas pour l’entreprise de contribuer ou non à l’intérêt général, mais bien de savoir comment. Au regard de la complexité actuelle et de la maturité des sociétés, il est évident que la philanthropie (historiquement très développée dans le monde anglo-saxon) ne suffit plus.

Il existe trois facteurs clés de succès pour mener cette transformation de l’entreprise :

  • La stratégie sociétale doit être totalement intégrée dans la stratégie globale et non se concevoir comme un « à côté » de l’activité économique.
  • De ce fait, l’action sociétale doit être gérée non comme une charge mais comme un investissement focalisé sur un petit nombre de projets (afin que chaque projet bénéficie de ressources plus importantes) et dans la durée.
  • Qui dit investissement, dit instrument de mesure. Pour estimer l’impact sociétal des actions engagées, il faut se doter dès leur lancement du référentiel le plus adapté (il en existe de nombreux), choisir les indicateurs clés en prenant en compte la capacité à les suivre et, enfin, piloter ces indicateurs…

En France, de nombreux dispositifs favorisant l’investissement dans l’intérêt général ont été mis en place. En particulier les politiques de défiscalisation permettent aux entreprises de s’engager à moindre coût. Pourtant le niveau d’engagement reste largement en deçà de ce qu’il est dans les pays anglo-saxons où cette tradition est très forte.

Conformité, pérennité et participation au bien commun… chacun de ces niveaux obéit à des logiques de transformation différentes.

Les trois niveaux de responsabilité évoluent très vite et des éléments dits de pérennité deviennent rapidement des éléments de conformité, tandis que des éléments de bien commun deviennent des éléments de pérennité, nécessitant pour l’entreprise de s’adapter, voire d’anticiper.

Trois forces majeures créent une tension positive et poussent les dirigeants et les entreprises à devenir acteurs de la société :

  • La société : ne pas agir c’est prendre le risque de perdre en compétitivité, en termes d’image, de performance économique, voire de capacité à produire. Mais au-delà de cette gestion du risque, agir permet de créer de la valeur tant économique (diminution des coûts, sécurisation des chaînes de valeur, capacité à justifier un prix plus élevé que les produits concurrents compte tenu d’une valeur perçue plus forte par les clients) qu’en matière de réputation auprès des consommateurs et des salariés qui y sont de plus en plus attachés et en font une condition de leur fidélité et de leur engagement.
  • Le régulateur : toutes les règles fiscales et règlementations ne sont pas actuellement de nature à générer de nouveaux comportements et une responsabilité étendue de l’entreprise. Il est néanmoins plus que probable que le législateur ait le souci croissant de faciliter les évolutions, en favorisant les expérimentations de nouveaux modèles, en édictant des règles à même de susciter des comportements vertueux ou en imposant, en ultime recours, des réglementations pénalisant les acteurs les moins responsables.
  • L’éducation : en cohérence avec les règles historiques du marché, le système éducatif a longtemps formé les acteurs et futurs acteurs de l’entreprise à l’aune de la seule performance économique, mesurée via… des indicateurs économiques. Cela n’est plus le cas et la majorité des cursus présentent des approches de la responsabilité plus larges, avec une vision de la performance plus holistique, dépassant les bornes strictes de l’activité de l’entreprise et intégrant des critères sociaux, environnementaux, qualitatifs et quantitatifs. La nouvelle génération de managers sera donc porteuse de ces principes.

Tribune publiée le 6 décembre 2017 sur le site de Harvard Business Review France

« Entreprise libérée », entreprise « aspirationnelle », autonomie, auto-organisation… Que doivent retenir les dirigeants, cette année, de l’innovation managériale ?

Ils peuvent déjà retenir l’intérêt qu’elle suscite. Plus de 1.500 personnes se sont déplacées, fin novembre, au premier campus consacré au sujet. A Cergy-Pontoise et, de surcroît, un samedi matin ! Sur le fond, nous avons pu vérifier, avec Isaac Getz, que la notion d’entreprise libérée était un thème fédérateur, mais qui recouvrait une grande diversité de pratiques. Leur ligne commune est la prise de conscience du fait que les collaborateurs constituent un actif de l’entreprise et que l’énergie collective est majeure pour la faire évoluer. Que l’entreprise soit « libérée » ou rendue plus « autonome », il s’agit de développement managérial et de développement du collaborateur. Tous les concepts maniés pendant le campus montrent combien l’énergie humaine est au cœur des enjeux de développement de l’entreprise, alors que l’on pouvait considérer que la technologie, la stratégie et d’autres facteurs plus « froids » prédominaient.

Sur le terrain, où en sont les entreprises en termes d’innovation managériale ?

Les grandes entreprises et les ETI ont entamé, depuis dix ans, des réflexions autour du management et du développement managérial. Elles ont travaillé sur des modèles, sur la formation et la responsabilité de leurs managers, sur le déploiement du leadership. Ont-elles investi tout le champ de l’innovation managériale ? Nous voyons bien que cette démarche est un peu plus récente. Beaucoup en sont au stade de l’expérimentation et les démarches ne sont pas suffisamment matures pour établir de bonnes pratiques.

Quelles sont ces expérimentations ?

Des entreprises impulsent un fonctionnement proche du design thinking. Issue de l’environnement produit, cette méthode qui s’appuie sur la capacité d’observation et de modélisation peut-elle s’appliquer dans le champ du management ? D’autres développent des approches de serious games, pour réaliser des mises en situation et créer un rituel d’entraînement, permettant notamment de garantir une bonne conduite en situation de stress. D’autres enfin vont tester des mécanismes de l’entreprise dite libérée. Dans les usines Hervé Thermique, les équipes opérationnelles désignent la personne qu’elles estiment être la plus légitime pour les diriger. Cela peut tomber sur quelqu’un qui n’avait pas envie d’être chef mais dont la posture, l’attitude, les modes de coopération, la capacité à agir et interagir, font qu’aux yeux du collectif, il ou elle est légitime. C’est une innovation, peut-elle pour autant être généralisée ?

L’innovation managériale sert-elle la transformation ?

Si l’on considère que l’un des axes de la transformation est de donner du sens, l’entreprise doit s’appuyer sur les attentes et les besoins des nouvelles générations. Innover en productivité pour produire plus, consommer et faire consommer plus ? Je ne suis pas certain qu’il y aura le marché en face. La responsabilité est aujourd’hui l’un des enjeux de la transformation. Par exemple, le rapport à l’alcool est un élément de la réflexion stratégique des alcooliers que nous accompagnons. Responsabilité et durabilité sont des axes majeurs de la stratégie de Pernod Ricard.

Les neurosciences et le transhumanisme commencent à percer dans le monde de l’entreprise…

La question est de savoir si l’on réfléchit aux possibilités de capacités augmentées à la manière d’un auteur de science-fiction et ou de façon plus pragmatique. Mettre des moteurs d’intelligence artificielle au service de chargés de clientèle pour leur permettre d’être plus efficaces, d’avoir une meilleure connaissance des clients et de proposer à ces derniers des réponses et des services adaptés, ne pose pas de problème. Si je devais souligner un point auprès des entreprises, ce serait de vérifier que l’ensemble des innovations sont appréciées sous un angle responsable. La responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise est un garde-fou. Les questions de gouvernance, d’éthique et de management doivent tourner autour.

Tribune publiée le 27 décembre 2017 par LesEchos.fr

Quel modèle peut rendre une entreprise capable d’anticiper et de s’adapter en permanence ?

Volatilité, incertitude, complexité, ambiguïté et accélération, voici désormais les cinq forces qui composent, décomposent, recomposent le terrain de jeu des entreprises.

Comment jouer avec ces forces ? Quel est donc le modèle qui rend une entreprise capable d’anticiper, s’adapter, se réorganiser en permanence et réajuster son activité ? Les entreprises dites « legacy » ont de nombreux atouts dans leur manche : des valeurs, un projet, des moyens stratégiques, des organisations efficaces, des marques, des managers performants… Elles ont de beaux jours à vivre. À une condition : acquérir la capacité de bouger vite.

Dans le numéro 22 de La Revue de Kea, nous décrivons un modèle d’entreprise adaptative, ouverte sur son environnement et son écosystème : l’entreprise alerte. Synthèse de plus quinze ans d’innovation, il apporte aux dirigeants une grille de lecture et des méthodes, il donne des clés pour anticiper, faire bouger les lignes, augmenter la capacité d’adaptation, d’autonomie et d’engagement des équipes tout en assurant une zone de permanence qui ancre et rassure dans un univers devenu anxiogène.

Au sommaire :

Articles et points de vue

  • Vivre plutôt que survivre par Olivier Mouton, Senior Partner, Kea & Partners et François-Régis de Guenyveau, Consultant, Kea & Partners
  • Les clés du succès dans un monde VUCA par Jean Staune, philosophe et essayiste
  • Un modèle pour vivre : l’Entreprise Alerte par Stéphanie Nadjarian, Senior Partner, Kea & Partners

Interviews de dirigeants

  • Jean-Dominique Senard, Président du groupe Michelin : La responsabilisation en réponse à la complexité
  • Alain Dinin, Président-Directeur général de Nexity : Penser l’entreprise comme une personne
  • Stéphane Dedeyan, ex Directeur général délégué de Generali France : Susciter l’urgence de changer malgré l’apparente stabilité

« La responsabilisation est un levier puissant qui demande à être explicité. D’abord ce n’est pas forcément naturel, tout le monde n’est pas prêt à l’accepter ou à la mettre en œuvre. Il y a une transformation culturelle à opérer »

Jean-Dominique Senard

« Une rencontre a énormément compté pour moi (…), j’étais allé assister à une conférence sur le jeu de go donnée par un certain Jean-Christian Fauvet. Cet événement a transformé ma manière d’envisager le monde et la stratégie d’entreprise. Depuis, en effet, je ne travaille que sur les périphéries, sur les « potentiels de situation » comme vous dites, là où les autres ne sont pas encore allés. Je crois que cela explique en grande partie le succès de Nexity »

Alain Dinin

A découvrir : Tous les numéros de La Revue

Y aura-t-il des directions de la stratégie à l’horizon 2020 ?

Ce livre blanc est le fruit du travail de réflexion collective du « Quart d’Heure d’Avance » Stratégie, un cercle lancé par Kea à l’automne 2016 et qui a rassemblé une quinzaine de praticiens de l’entreprise, occupant ou ayant occupé des fonctions de direction de la stratégie dans différents secteurs.

Inspiré par les dernières tendances et en s’appuyant sur des cas concrets, le cercle « Quart d’Heure d’Avance » s’est donné comme mission, pendant près d’un an, d’imaginer les évolutions de la fonction de Stratège dont l’exercice du métier est en pleine mutation et de répondre à la question « y aura-t-il des directions de la stratégie à horizon 2025 » ?

Inspiré par les dernières tendances et en s’appuyant sur des cas concrets, le cercle « Quart d’Heure d’Avance » s’est donné comme mission, pendant près d’un an, d’imaginer les évolutions de la fonction de Stratège dont l’exercice du métier est en pleine mutation et de répondre à la question « y aura-t-il des directions de la stratégie à horizon 2025 » ?

Pour aller plus loin sur le sujet, nous vous suggérons la lecture d’un article des Echos qui s’en fait l’écho.

Au sommaire :

#1 : Halte à la myopie stratégique : du bon usage de la prospective

  • Définir sa ligne d’horizon
  • Assumer le « Choix du Roi ou de la Reine »
  • Adopter une posture prospective
  • Modeler son futur avant de le subir

#2 : L’entreprise plateforme, la nouvelle opportunité du stratège

  • Identifier et écouter ses écosystèmes
  • Se définir une stratégie d’action
  • Devenir une entreprise plateforme

#3 : Le stratège, le financier et l’opérationnel : une valse à trois temps

  • La stratégie comme chef d’orchestre
  • Le plan et le modèle, deux partitions complémentaires
  • Le portefeuille des projets stratégiques toujours au cœur du métier

#4 : Le métier de stratège à l’épreuve de la mondialisation

  • Qu’est-ce que la « meilleure » stratégie ? Désirabilité, faisabilité et angles morts
  • La convergence stratégique soumise au «stress-test » des écarts culturels
  • La direction des ressources humaines, un allié incontournable à l’international

#5 : Incarnations et réincarnations de la stratégie

  • Jouer des archétypes stratégiques
  • Expérimenter de nouvelles formes du métier
  • Stratégie et transformation : faux débat, vrais amis

Conclusion : Les clés de la réinvention

Les membres du QHA Stratégie ayant contribué à cette publication :

Frédéric AUGIER, Directeur du Digital, NEXITY Kamil BEFFA, Executive Vice President Controlling, Strategy and Clusters, Europe, NEXANS Frédéric CHEVALIER, Directeur Général des Opérations, Europe, Moyen-Orient et Afrique, LAGARDÈRE TRAVEL RETAIL Rodolphe DURAND, Professeur de Stratégie et Politique d’Entreprise, HEC Paris Pierre-Etienne FRANC, Vice President Advanced Business & Technologies, AIR LIQUIDE Etienne HIMPENS, Directeur de la Stratégie, POCHET Caroline JEANTEUR, Directrice de l’Innovation Stratégique, UBISOFT Edouard MOULLE, Directeur Business Development de la Branche Services-Courrier-Colis, GROUPE LA POSTE Agnès PANNIER-RUNACHER, Directrice Générale Déléguée, COMPAGNIE DES ALPES Franck PIVERT, Directeur Stratégie et Direct B2C et Solutions Digitales, ALLIANZ WORLDWIDE PARTNERS Alain RESPLANDY-BERNARD, Directeur Général Délégué, PMU Muriel ROQUEJEOFFRE, Présidente de la FINANCIÈRE MTE, Group Chief Financial Officer de TRIGO jusqu’en février 2017

Innovating @innovation est le fil conducteur du premier TEDxDantonSt, dont Kea & Partners et Tilt ideas sont les heureux sponsors. Et pour l’occasion, l’AMPLI – espace de cocréation du Groupe Kea – s’est transformé en scène de théâtre…

Au fil du temps, les TED Talks sont devenus synonymes d’innovation et d’inspiration, de multidisciplinarité et de partage. Cette matinée a été pensée dans cet esprit avec 8 personnalités, 8 histoires et autant d’inspirations : enseignants chercheurs, lab leaders, dirigeants d’incubateurs, psys… pour parler création, leadership, incubation dans la ville, hacking & technologies, frugalité, psychologie et bien plus encore.

Avec une ambition affichée : renouveler le discours sur l’innovation, au-delà des recettes toutes faites et imaginer de nouvelles voies, au-delà des sentiers battus voire rebattus ! Chacun ayant des idées, des regards qui valent la peine d’être partagés. Du grain à moudre, qui germera – si ce n’est pas là, tout de suite, maintenant – demain ou après-demain en venant percuter d’autres idées.

La « curation » d’un TED passe par le choix des speakers et des talks. Découvrez la genèse et le fil rouge de cette matinée par Christine Durroux, curator.

Are you ready for ideas? Retrouvez les talks des 8 speakers :

Le leadership de l’innovation

Caroline Jeanteur Comment innover dans une organisation qui est elle-même un leader mondial des industries créatives et une pépite française ? Quel positionnement, quel style, quelles approches, quel parcours personnel, quel leadership au fond ? Autant de questions que Caroline Jeanteur se propose d’explorer.

Le pouvoir créateur de la parole

Antoine Mahy Quel est le véritable pouvoir de la parole ? Les mots ont-ils à eux seuls le pouvoir de changer le monde ? C’est ce dont nous parle Antoine Mahy, apprenti écrivain, en nous laissant percevoir l’infini pouvoir des mots. En lui-même, ce talk est en quelque sorte une mise en abyme de cette matinée, qui constitue déjà en soi un temps d’innovation !

Du fonctionnel à l’expérientiel

Théo Lainé Quel est le point commun entre un chauffeur de VTC qui propose une bouteille d’eau à ses clients et un supermarché qui devient un lieu de vie ? L’expérience utilisateur ! L’expérientiel façonne notre société et transfigure notre manière de concevoir de nouveaux produits et services. Théo Lainé nous explique comment en faire une force pour transformer nos entreprises…

La création dans l’organisation

Thomas Paris Slasher avant l’heure, Thomas Paris, cherche depuis longtemps à comprendre les mécanismes de la création. Il nous parle ici de la figure du créateur au travers de l’exemple de Bernard Loiseau, chef étoilé et iconique du Relais du même nom en Côte d’Or. Mais après la disparition de celui-ci, comment continuer d’innover ?

Innover ou se donner le droit de vivre

Florence Lautrédou

La «curation» passe par le choix des «pièces», celle-ci est certainement la plus intimiste et la plus psychologique aussi. Innover n’est pas une activité intellectuelle issue de nos capacités néo-corticales de créativité et d’imagination, c‘est une pulsion. La pulsion d’innovation est viscérale, irrépressible et souvent indispensable à la survie. C’est une pulsion de vie ou de mort. Est que qu’innover n’est au fond pas simplement une question de survie ?

Stimuler l’imagination : la (perma)culture de l’innovation

Delphine Desgurse Quel est le lien entre permaculture et innovation ? Delphine Desgurse, corporate hacker telle qu’elle se définit, compare le métier de Directeur de l’Innovation à celui d’un agriculteur en zone agricole intensive. En filant cette métaphore, elle nous livre les clés de l’innovation au sein des organisations : se nourrir des différences et donner les moyens nécessaires aux hommes du terrain pour s’entraider et transformer l’entreprise.

Intelligences multiculturelles

Jean-Christophe Simon Comment un sofa peut-il donner lieu à l’échange dans un contexte de choc multiculturel ? A travers l’exemple vécu de la longue collaboration cross culturelle des Français et des Japonais dans les labs allemands de la joint-venture entre Essilor et Nikon, Jean-Christophe Simon nous dévoile les ingrédients pour naviguer et innover dans un monde complexe.

Pourquoi les villes sont les meilleurs endroits où vivre

Albane Godard Comment minimiser notre impact sur la planète sans entraver notre bien-être ? Pour Albane Godard, la solution se trouve dans la densité et la réinvention urbaine. Cette révélation, elle l’a eue au cours d’un voyage d’un an et demi en Asie. Cette épopée entre les bouillonnantes mégalopoles asiatiques et les désertiques steppes mongoles, constitue une source intarissable d’inspiration pour elle.

Envie d’en savoir plus sur le TEDxDantonStr ou de contacter les organisateurs ? www.tedxdantonst.com

TED pour Technology, Entertainment & Design. Ces conférences ont été créées en 1984 en Californie par Richard Saul Wurman qui voyait l’avenir converger vers ces 3 domaines. Le but ? Diffuser des idées qui le méritent (« ideas worth spreading »), auprès du plus large public et « changer le monde » au travers de courtes conférences filmées.

Aéronautique : la maturité des fournisseurs progresse mais reste insuffisante

Montée en cadences, impact de la concurrence mondiale, transformation numérique… autant de facteurs qui bousculent les acteurs de l’aéronautique européen. Dans ce contexte et sous le patronage du GIFAS et du BDLI, Kea & Partners a mené avec h&z, son partenaire allemand, une étude sur la compétitivité des fournisseurs aéronautiques Français et Allemands.

Après les éditions 2012 et 2013, ils ont analysé le niveau de maturité de 140 acteurs représentatifs de l’industrie aéronautique française et allemande sur la base de 29 critères de compétitivité relatifs à l’accès aux marchés et aux clients, à l’offre de produits et de services, aux processus supports et aux compétences et – nouveauté 2018 – à la transformation numérique. Ils ont ensuite comparé ce niveau de maturité aux attentes des donneurs d’ordres.

Parmi les grands enseignements de cette édition :

  • En 2018, les fournisseurs répondent en moyenne à 65% aux attentes des donneurs d’ordres (OEM et Tier-1) et leur niveau de maturité est en progression
  • Le niveau de maturité des fournisseurs français et allemands est comparable ; les Allemands étant néanmoins légèrement plus matures sur les sujets de développement international, les Français sur la diversification de leur portefeuille clients
  • 10% des investissements annuels sont consacrés au digital
  • 50% des entreprises ont actuellement un niveau de maturité qui met à risque leur compétitivité, dans le cadre des remises en concurrence sur les programmes existants, et, à plus long terme sur les nouveaux programmes

L’étymologie du mot « management » est riche d’indications puisqu’il est un lointain descendant de « main », symbole de l’autorité et de la puissance (la main de justice, la main de fer dans un gant de velours…). Dans la même famille, on trouve « manier » (mener à son gré), « manœuvrer » (agir par une tactique habile), « manège » (comportement habile mais trompeur pour arriver à ses fins)… Tenants de la sociodynamique et des travaux de Jean-Christian Fauvet, nous définissons le manager comme celle ou celui qui (ré)concilie deux logiques antagonistes : les impératifs de l’Institution (tels que la survie, le développement, les exigences de rentabilité…) et les aspirations du corps social (sécurité, rétribution, reconnaissance, épanouissement…).

Ainsi, la compréhension du rôle qu’a le management dans l’entreprise pose la question de la place des hommes dans la performance de l’entreprise. Nous avons évidemment la conviction que cette place est essentielle ; que chacun, du grand patron au plus modeste salarié, contribue par son implication personnelle et par sa capacité d’initiative à la performance globale ; que beaucoup se joue sur le terrain, dans la relation quotidienne avec le client ou au contact du produit ; bref, que « miser » sur l’homme est une opération rentable.

Le nécessaire et légitime investissement engagé dans les outils, les systèmes, les méthodes et les processus ne doit pas occulter celui consenti sur les Hommes, leurs compétences et leur mobilisation. En effet, si les projets qui se construisent sans la prise en compte du facteur humain ont l’avantage de pouvoir faire ressentir leurs effets économiques rapidement, nombre d’études (ex. Human Capital Index) évaluent d’une manière objective la « qualité » du management par les hommes et mettent en évidence une corrélation positive entre cette qualité et la performance économique.

Ceux et celles qui en sont les plus convaincus aspirent donc à un management fort pour conduire un projet de changement, expliquer aux équipes la transformation engagée et le « pourquoi / comment » de la stratégie qui en découle, gérer les relations sociales, accompagner les équipes et chacun de leur membre…

Ainsi, le manager doit être :

  • Porteur de sens : il s’approprie la vision, comprend son environnement, assimile la stratégie, met en perspective les différentes initiatives, explicite les implications locales, porte le sens et le fait partager à ses équipes
  • Acteur de la performance : il assume des objectifs ambitieux, organise les tâches, actionne les bons leviers, prend les décisions en temps utile, détecte et corrige les dysfonctionnements, gère efficacement ses priorités, sait alerter et demander du soutien
  • Noueur de liens : il développe son réseau de partenaires internes / externes, construit avec eux une coopération mutuellement profitable, établit des relations constructives hors hiérarchie, est en prise sur le dehors
  • Animateur d’équipe : il crée une dynamique collective de performance, mobilise les énergies, impulse le changement, porte les projets, a un comportement exemplaire, développe le progrès continu, valorise les succès, gère les tensions et résout les conflits
  • Communicateur : il est un « vecteur actif » de la communication institutionnelle, assure un tri dans la masse d’information, relaie les messages en les adaptant à son public, s’assure de leur compréhension, est à l’écoute du terrain et remonte les informations utiles
  • Eleveur de talents : il fait grandir ses collaborateurs, développe les talents, donne confiance, crée du vide, met en déséquilibre dynamique, détecte les points d’amélioration, aide chacun à progresser et à trouver son parcours dans l’entreprise
  • Expert Métier : quand il doit maîtriser les connaissances et les savoir-faire techniques de son domaine, les transmettre à ses collaborateurs pour lesquels il est un recours et un appui, faire évoluer les pratiques, d’innover…

Bref, le manager c’est la PANACEE, c’est-à-dire celui que l’on croit capable de guérir tous les maux, de répondre à tous les besoins, de résoudre quasi miraculeusement tous les problèmes (cf. Trésor de la Langue Française). S’il n’existe pas, les démarches managériales permettent d’y tendre.

Il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier…

Envie d’approfondir ces sujets ?

Le temps est sans doute l’un des premiers terrains de jeu des dirigeants comme des hommes politiques. Pourquoi et quand est-il urgent d’agir ? Quand est-il urgent d’attendre ? Comment tirer parti des avantages du temps court et du temps long ? Comment trouver un équilibre dans cette oscillation permanente ?

Dans le monde des affaires, cette oscillation est utile à la transformation des organisations. Elle est même nécessaire, dans un monde VUCA, devenu tout à la fois volatile, incertain, complexe et ambigu. En cela, les entreprises, dans la prise en compte du temps dans leurs prises de décision et leurs plans de transformation, sont indéniablement une source d’inspiration pour la sphère politique. Et notamment à l’aune d’un Gouvernement qui voit dans ses rangs un grand nombre d’acteurs issus du monde civil et de l’entreprise…

Combiner temps court et temps long pour susciter de l’engagement

Il n’y a pas un temps mais des temps de transformation, qui ne se managent pas de la même façon.

Le temps court fait souvent l’objet d’un procès d’intention : l’action à court-terme est souvent qualifiée d’opportuniste, considérée comme un sucre rapide plus profitable au dirigeant ou à l’homme politique qu’au bien commun. Il est pourtant nécessaire quand il s’agit de gérer une crise ou de faire face à l’imprévu. Il est nécessaire aussi pour insuffler de l’énergie et initier le mouvement d’une transformation d’ampleur. Le temps court est celui des transformations visibles, incarnées, mobilisatrices, pour traiter de l’événement, du communicable, des programmes d’action.

Le temps long est difficile à entendre dans une époque marquée par le désir d’immédiateté. C’est pourtant lui qui permet d’installer les conditions favorables au changement. C’est lui qui permet de fédérer une communauté d’individus, que ce soit des élus, des actionnaires, des salariés, des fournisseurs, des clients… autour d’un avenir commun et de donner sens à l’action. Le temps long est celui des transformations silencieuses pour changer les structures, modifier les modèles de gouvernance, développer de nouveaux modes de management, mettre en place les conditions de l’autonomie des équipes, etc.

La performance d’une entreprise ne résulte d’aucun d’eux pris séparément, mais de leur habile combinaison. Cela suppose d’adopter une stratégie d’empreinte légère : plutôt que de fixer un idéal difficile à atteindre, mettre l’organisation en mouvement pas à pas, de manière modulable, avec les bonnes ressources au bon moment.

Complexité et facteur humain : au-delà du temps, les 2 autres piliers de la transformation

Le temps est une dimension clé de toute transformation opérée de manière responsable, qu’elle concerne une entreprise ou une institution publique. Ce n’est pas la seule, car elle est à traiter selon la complexité de l’activité et en lien avec les hommes et les femmes qui la portent.

Plutôt que redouter la complexité, Il s’agit de l’accepter et de composer avec elle. C’est, par exemple, s’attacher à concilier les bénéfices des nouvelles technologies (en termes de rentabilité, de performance) et les enjeux éthiques sous-tendus. Il est donc nécessaire de prendre le temps d’installer le dialogue avec les parties prenantes (élus, actionnaires, salariés, fournisseurs, consommateurs, citoyens) afin prendre en compte leurs attentes et faire s’exprimer les incertitudes et les risques associés à tel ou tel projet technologique.

Transformer en prenant en compte les hommes et les femmes qui composent l’organisation, c’est considérer les individus non plus seulement comme des ressources mais comme des agents du changement, au cœur de la création de valeur et qu’il s’agit d’engager dans l’action. C’est donner du sens à leur action en mettant en perspective l’activité économique de l’entreprise dans sa vocation sociale. C’est leur donner les moyens d’inventer les modes de fonctionnement qui servent cette activité et cette vocation.

En résumé, transformer les organisations en prenant en compte leur diversité, les personnes qui les composent et la dimension du temps, c’est apporter une réponse complexe et responsable à un monde qui est lui-même de plus en plus complexe, interconnecté et changeant.

De ces trois composantes, se dégage un nouveau paradigme pour l’entreprise. Par une transformation responsable, elle affirme son rôle hors les murs : prenant de plus en plus part à la construction de la Cité. Tout en recherchant ses intérêts particuliers, elle les intègre dans un projet plus vaste. L’enjeu collectif des prochaines années – pour les entreprises, les citoyens, les gouvernements – sera sûrement de s’entendre sur ce que nous appelons « le bien commun ».

Tribune publiée par LesEchos.fr le 5 février 2018

Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), actuellement en phase de consultation, propose plusieurs axes d’évolutions. Parmi celles-ci, se pose la question de la responsabilité de l’entreprise et de la remise en cause de l’article 1833 du code civil indiquant que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés » : l’intérêt général pourrait désormais s’inscrire dans le Code Civil.

Cette hypothèse illustre parfaitement qu’en matière de responsabilité, « l’eau monte » très vite, peut être encore plus vite que sur tout autre sujet : les actions qui hier relevaient de l’intérêt général ont aujourd’hui une incidence sur la pérennité de l’entreprise et relèveront demain d’une simple mise en conformité.

En effet, en remettant en cause l’article 1833 du code civil, nous passerons en quelques mois, d’une logique où le bien commun comme élément central du statut de l’entreprise n’était l’apanage que de quelques organisations emmenées par leur leader visionnaire à un état de fait où la préservation, voire le développement, du bien commun deviendra la norme (que la loi soit coercitive ou incitative) pour toutes les entreprises. Voilà un phénomène marquant car touchant au fondement même de l’entreprise et entrainant sa nécessaire transformation en profondeur. Les plus précurseurs auront alors plus que jamais un temps d’avance.

Pour s’adapter à ce nouveau statut, quatre changements systémiques à engager :

  • Le premier sera de mettre les politiques RSE au cœur de l’activité dans une logique de transformation des modèles productifs. Les entreprises qui pensaient jusqu’alors la RSE comme la minimisation des impacts négatifs sur leur environnement (et la percevaient comme un enjeu à intégrer « en plus » de leur activité, dans une vision coercitive et castratrice) vont désormais devoir la faire évoluer vers la maximisation des impacts positifs sur l’ensemble des parties prenantes. C’est donc l’exercice stratégique et son exécution opérationnelle qui vont être modifiés en profondeur.
  • Le second changement consistera à renforcer la prise en compte du temps long dans les processus de décision stratégiques et opérationnels, seule possibilité pour mesurer les impacts de l’action et garantir la réelle préservation, voire l’accroissement du bien commun. Cette prise en compte implique une évolution forte des compétences afin de pouvoir comprendre des phénomènes nouveaux pour l’entreprise, à mesurer avec des indicateurs propres.
  • Le troisième changement visera à s’ouvrir aux parties prenantes (internes et externes), tant dans le dialogue pour comprendre les enjeux, mesurer les impacts potentiels, que dans l’action pour co-construire les solutions à même de répondre aux enjeux.
  • Enfin, et ce n’est sans doute pas le plus facile, ce changement de paradigme (car c’est cela dont il s’agit) ne pourra se faire sans un profond renouvellement des modes de management et de leadership. Un leadership orienté par la place que l’entreprise doit avoir dans la Cité comme réel acteur de la société (et non comme seul acteur économique) ; un leadership qui remet au juste niveau finalité et moyens ; un management qui encourage la diversité de points de vue et de sensibilités nécessaire au débat et au discernement, qui favorise l’autonomie (de pensée et d’action) afin de prendre en compte la complexité ; un management qui met le développement de chacun au profit du projet collectif auquel chacun adhère et pour lequel il peut s’engager.

Ce mouvement, certaines entreprises précurseurs l’ont engagé en faisant évoluer leur mission pour qu’elle dépasse très largement la production de biens ou services et vise à contribuer au développement humain, en initiant la transformation profonde de leur modèle de production et en abordant avec leurs parties prenantes un dialogue intense à même d’identifier les conditions d’une contribution positive. Toutes le disent : ces évolutions sont complexes et profondes et nécessitent bien souvent d’innover, d’expérimenter et, à ce titre, l’anticipation constitue leur meilleure chance pour l’avenir.

Tribune parue dans Forbes, le 8 février 2018

Industrie(s) : les opérations ont de l’avenir !

Après la vapeur, l’électricité, l’électronique, nous voilà engagés dans la 4ème révolution industrielle, celle de l’intelligence numérique et de la fusion des technologies.

De l’enquête réalisée en 2016 par Kea auprès de 200 dirigeants d’entreprise, il ressort que toutes les fonctions n’anticipent pas cette transformation de leur activité. Par exemple, seulement 3% des fonctions de la direction industrielle, de la supply chain ou encore des achats s’y préparent, contre 82% des directions des systèmes d’information ou 68% des équipes commerciales. Comment l’expliquer ? Comment faire face à cette transformation inéluctable et par où commencer ?

Face à ces questions, Stéphanie Nadjarian et Mathieu Daude-Lagrave ont impulsé le cercle de réflexion « Quart d’Heure d’Avance Opérations du Futur », qui a réuni pendant plus d’un an une vingtaine de participants, pour imaginer les évolutions des opérations au sens large, en couvrant les domaines du développement, du manufacturing, des achats et de la supply chain.

De la publication issue des travaux du cercle se dégage une conviction : les profonds changements auxquels l’industrie fait face sont autant de sources d’opportunités et d’optimisme pour les dirigeants. Les opérations ont de l’avenir !

Soirée de lancement de la publication en images ICI

Le cercle s’est d’abord attaché à faire l’état des lieux des technologies émergentes, pour voir clair dans l’ébullition actuelle et se donner les moyens de faire le tri. La réflexion s’est ensuite engagée sur les enjeux et opportunités stratégiques sous-jacents à la révolution industrielle, puis sur la place de l’Homme et l’avenir de l’emploi. Il s’est conclu sur les différentes stratégies possibles et les modes d’action associés qu’il s’agit de choisir pour réussir la transformation.

Au Sommaire :

Préface de Jean STAUNE

Introduction : INDUSTRIELS, VOS OPÉRATIONS ONT DE L’AVENIR !

VOUS N’AVEZ PAS UNE MAIS PLUSIEURS USINES DU FUTUR

  • Deux convictions sur les nouvelles technologies
  • Trois règles d’or pour faire le tri et identifier les bonnes technologies

Chapitre 2 : LES OPÉRATIONS DU FUTUR SONT UN CHAMP D’OPPORTUNITÉS STRATÉGIQUES

  • Quatre tendances industrielles à suivre
  • Trois règles d’or pour faire des opérations du futur un sujet stratégique

Chapitre 3 : L’HOMME EST AU CENTRE DES TRANSFORMATIONS INDUSTRIELLES

  • Des perspectives d’emploi incertaines
  • Quatre convictions sur l’avenir de l’emploi et du management dans votre industrie
  • Trois règles d’or pour placer l’homme au centre de votre stratégie industrielle

Chapitre 4 :

CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

  • Faites-en le sujet du Comité Exécutif
  • Choisissez votre stratégie de transformation
  • Repensez les fonctions centrales de votre direction des opérations
  • Instaurez une culture de la transformation
  • En synthèse : OPERATIONS 4FUTURE

Merci à tous les membres du QHA Opérations du futur ayant contribué à cette publication :

François Amzulesco, Directeur de l’Innovation, TERREAL, jusque fin 2016 Jacques Barnet, Directeur des Opérations, CEMOI Delphine Berilloux, DRH de la division Trains & Intégration, Chef de projet RH Usine du Futur, SAFRAN LANDING SYSTEMS Denis Bourbonneux, Directeur Industriel, GROUPE LEMOINE Alain Châtaignier, ex Directeur des Ressources Humaines, NESTLE France Gilles Drouard, Directeur Général, Business Unit Marché Général, NEXANS Nicolas Hannebelle, Directeur du Contrôle de Gestion, KRYS GROUP Pierre-Yves Le Corre, Ex. Directeur Technique, SWISS RE, associé-fondateur d’une société de courtage d’assurance François Letissier, Directeur de la R&D, BONDUELLE, jusque fin 2016 Benoit Martin-Laprade, Directeur du Développement Industriel, SAFRAN LANDING SYSTEMS Aymeric Mautin, Directeur Financier, CHANEL MANUFACTURES DE MODE, jusqu’à mi 2017 Stéphanie Nowak, ex Directrice Supply Chain, FAST RETAILING Frédéric Pouille, Directeur Supply Isolation et Gypsum, SAINT-GOBAIN

En 2018, trois alliances majeures sur les achats ont été formées : Casino avec Auchan, Système U avec Carrefour et Fnac Darty avec Media Markt Saturn.

Kea & Partners avait donc convié le 27 mars 2018 trois grands précurseurs des alliances à nourrir la réflexion sur ce sujet ô combien d’actualité :

  1. Florent Courau, directeur général France de JD.com, premier retailer on/off line en Chine, précurseur d’alliances numériques dans le luxe
  2. Hubert Garaud, Président de Terrena, principale coopérative polyvalente de France, précurseur d’alliances et de marques collectives entre coopératives
  3. Serge Papin, PDG de Système U, précurseur d’alliances nationales et locales à l’achat comme à la vente.

Hervé Baculard, Senior Partner chez Kea & Partners, a partagé les raisons de cette nouvelle vague d’alliances :

  1. Les alliances durent en moyenne moins de 10 ans, voire 4 à 5 ans pour les alliances à l’achat : il est normal d’avoir des effets périodiques d’accélération.
  2. Le temps de l’argent pas cher – donc des acquisitions – touche à sa fin et les alliances sont une alternative moins coûteuse en termes de capex.
  3. Les entreprises sont en recherche de nouveaux leviers de massification notamment en matière numérique ; en effet, la fragmentation des marchés générée par la multiplication des acteurs et l’irruption des plateformes Internet met à mal les business modèles.

ALLIANCE, DÉFINITION :

Une coopération entre des entreprises autour d’un projet lequel elles mettent en commun des ressources et des compétences

Six typologies d’alliances selon Kea & Partners :

Les alliances, facteurs de transformation

Si nouer une alliance implique de trouver un partenaire externe, c’est également l’opportunité d’accélérer des transformations internes pour mettre en place une réorganisation ou bien une vision nouvelle.

Les alliances ont un effet d’entrainement et de mise en mouvement de l’entreprise. Système U n’aurait jamais pu mener à bien son « alliance interne entre régions » si elle n’avait pas engagé une alliance externe. Cette pression externe nous a fait gagner beaucoup de temps.

Serge Papin

Les alliances, une question de vision, un acte « offensif »

Les alliances doivent être l’occasion de porter une nouvelle vision, de rompre avec les idées communément admises.

Nous avons imaginé chez Terrena un concept disruptif : celui d’agriculteur écologiquement intensif. Le fait de défendre cet oxymore nous a amenés à nous dynamiser en interne et nous à rapprocher des parties prenantes et ONG, et à partir de là de nouer des alliances.

Hubert Garaud

Les alliances digitales, nouveau sujet à défricher

Les alliances digitales permettent de développer de nouvelles compétences pour des acteurs dont le digital n’est pas le savoir-faire natif ou de mettre en synergies des actifs clients, par effet multiplicateur. Dans la mesure où les partenaires pour ces alliances digitales sont mondiaux et peu nombreux (Amazon, Alibaba, Tencent, JD.com, Rakuten, Google), il convient de choisir un allié avec rapidité.

Nous disposons à ce jour de 300 millions de clients en Chine. Pas moins d’un quart de nos nouveaux clients proviennent d’un partenariat conclu avec le réseau social de Tencent, qui nous permet d’atteindre le milliard d’abonnés de WeChat. Ce rapprochement nous a notamment aidés à beaucoup mieux intégrer l’expérience utilisateur en combinant nos données commerciales aux données sociales de WeChat.

Florent Courau

Entre écueils et limites : l’importance de la méthode

Pour autant, toutes les alliances ne s’apparentent pas à des success-stories : 50% d’entre elles sont considérées comme des échecs. Entre dissensions culturelles, difficultés d’alignement des acteurs, obstacles de toutes sortes, les risques de dégradation s’avèrent multiples :

D’où l’importance d’une méthode adéquate, proposé

Les différences culturelles constituent souvent un vrai point d’achoppement, surtout en matière de méthode. Il faut déminer le terrain en permanence. L’une des meilleures garanties de pérennité est à cet égard de disposer d’indicateurs de suivi fiables.

Serge Papin

Il faut s’apprivoiser mutuellement en recherchant des racines, des points communs, des proximités voire des intimités… C’est ce que nous avons fait avec Walmart.

Florent Courau

Il faut absolument prévoir des points d’étape. Certains accords qui fonctionnaient très bien peuvent en effet se révéler moins adaptés en fonction du contexte client ou concurrentiel. D’où l’impérieuse nécessité de s’interroger régulièrement sur leur évolution.

Hubert Garaud

Ce que les alliances apportent

Les alliances stratégiques font plus gagner de territoires que de temps et ouvrent le champ des possibles.

Florent Courau

Les alliances réussies permettent de coconstruire et d’aller chercher des innovations de rupture.

Hubert Garaud

Les alliances permettent de mieux définir son propre terrain de jeu et de s’ouvrir sur le reste, en laissant de côté les conservatismes.

Serge Papin

En conclusion

Face à la fragmentation et à la globalisation des marchés, les alliances font partie de l’horizon stratégique essentiel :

  • Les « fronts » stratégiques se multiplient
  • On ne peut pas tout maîtriser en matière de compétences
  • Les économies d’échelle se situent sur de nouveaux sujets : data, audience numérique…
  • Le nombre d’acteurs de « premier choix » est limité

La rigueur du processus est une condition nécessaire pour réussir :

  • Chaque étape répond à des facteurs clés de succès spécifiques : Pourquoi ? / Prise de décision et cohésion interne / Mandat de négociation / Anticipation opérationnelle / Gouvernance de l’alliance / Prévision de la sortie

À terme, il faut envisager un portefeuille d’alliances multilatérales, à durée de vie pérennes pour certaines, à durée déterminée pour d’autres.

Une fois l’alliance signée, il faut être en alerte, en identifiant en permanence les signaux et les causes de déséquilibre potentiel (stratégique, managérial, financier…).

La santé représente l’un des enjeux majeurs de notre siècle ; elle est d’ailleurs inscrite parmi les 17 objectifs de développement durable, portés par l’ONU et soutenus par 193 pays : « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ».

Le secteur est soumis à de fortes tensions. Face à un monde de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu, les acteurs de la santé adaptent leurs business model : fusions-acquisitions entre mutuelles, développement de clusters d’innovation par les laboratoires pharmaceutiques, naissance d’écosystèmes et de partenariats encouragés par les acteurs de la e-santé… Ce sont autant de réponses concrètes pour remplir pleinement leur mission : apporter la santé au plus grand nombre.

Apporter la santé au plus grand nombre : une mission et 5 défis à relever

#1. Remettre le patient au cœur de la stratégie

Le comportement et le rôle des patients évoluent : ils sont plus informés et connectés, interagissent de plus en plus avec les différentes parties prenantes du secteur et cherchent à s’inscrire dans des partenariats et relations de long-terme avec leurs interlocuteurs.

Demain, leurs besoins et attentes seront au cœur de la stratégie des acteurs de la santé : implications de patients dans le développement de produits et services, offres pensées en fonction du parcours patient, communication plus pertinente et ciblée, etc. Ainsi la santé passera d’un modèle product centric à un modèle patient centric, à l’image de la grande consommation, devenue client centric.

#2. Prendre le virage de la e-santé

L’émergence de la e-santé, à travers le développement de nouveaux usages patients, de devices connectés, de services, représente une source formidable d’opportunités et de nouveaux business. Ainsi, en France, le marché de la e-santé est estimé, en potentiel, à environ 3Md€. Cela implique toutefois d’être en capacité de saisir et d’exploiter au mieux ces opportunités qu’apporte le digital, en faisant notamment preuve d’innovation dans les outils, les façons de faire (ouverture, agilité…), les modes d’organisation et de fonctionnement (en particulier à travers la patient centricity).

#3. Relever le défi de l’accès aux soins, pour tous, partout

La demande de biens et de services de santé est en hausse et continuera à croître dans les prochaines années. Cela représente autant de défis pour l’industrie de la santé : Quelle stratégie mettre en place pour s’ouvrir à de nouveaux marchés ? Comment adapter ses moyens de production pour répondre à la demande ? Comment concevoir ses réseaux de distribution pour développer l’accès aux soins ?

Dans ce domaine, deux principaux berceaux de croissance émergent :

  • En Asie, avec la Chine et l’Inde : la demande explose en Inde, avec une croissance moyenne annuelle prévue de 22% du marché des médicaments, pour atteindre 55Md€ en 2020 ; en Chine, les déserts médicaux demeurent un enjeu majeur ;
  • En Afrique : la démographie restera très dynamique au cours des prochaines années ; avec le Nigeria qui deviendra, en 2050, le 3ème pays le plus peuplé au monde, devançant ainsi les Etats-Unis. Dès lors comment répondre de la façon la plus efficiente possible aux enjeux de santé des populations du continent ?

#4. S’engager pour plus de compliance et de sécurité

La santé est une industrie particulièrement soumise à critique en matière d’éthique. Qui plus est, le renforcement des liens avec les patients, l’émergence de la e-santé manipulant la data et l’ouverture à de nouveaux marchés soulèvent de nouvelles questions de compliance et de sécurité. Ainsi la réglementation et la « soft law » (référentiels, labels…) continuent à se renforcer. La conformité et la gestion des risques vont donc demeurer des composantes importantes, auxquelles l’industrie de la santé doit veiller, sans pour autant perdre en compétitivité. Au-delà du respect de la réglementation, des attentes grandissantes autour des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux s’affirment. Répondre à ces attentes c’est assurer la pérennité de l’entreprise, celle du secteur, voire contribuer au bien commun.

#5. Développer la culture de la responsabilisation

Les mutations du secteur créent des tensions culturelles au sein des entreprises : de plus en plus internationalisées, elles doivent jongler entre stratégie globale et spécificités locales ; les exigences en termes de compliance suscitent un fort contrôle hiérarchique au détriment de la subsidiarité. Or la responsabilisation des collaborateurs est un véritable levier de performance. La culture des entreprises va donc devoir évoluer pour favoriser la responsabilisation, en activant plusieurs leviers : exemplarité managériale, confiance, courage, droit à l’erreur…

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