Article rédigé par Hélène de Vestele, Directrice MySezame
Dans un contexte d’accélération des crises économiques, sociales et sociétales et de tendance au recul sur les politiques RSE, la tentation est grande de reléguer la RSE au second plan alors que le besoin de transformation responsable n’a jamais été aussi pressant. Très mauvais calcul pour notre survie en tant qu’espèce, mais aussi pour l’intérêt propre de l’entreprise. Même à court terme et études scientifiques à l’appui, la RSE est aujourd’hui l’un des rares leviers capables de réinsuffler du sens et de la cohérence collective, de revitaliser l’engagement des équipes, de redonner de l’élan à l’organisation et de renforcer sa résilience. Et ainsi, de contribuer efficacement à répondre au désengagement qui touche près de 20 % des salariés et à attirer et retenir les jeunes talents dans un contexte de vieillissement de la population.
Comment passer d’une RSE « périphérique » à une RSE génératrice de fierté collective et de performance durable ?
Nous vous proposons :
- des exemples d’organisation qui ont réaffirmé leur « Pourquoi » et dans lesquelles la RSE est devenue un élément différenciant positif,
- des pistes d’actions concrètes pour enclencher cette dynamique dès maintenant.
Réaffirmer un « Pourquoi » mobilisateur
Raviver le “pourquoi” de l’entreprise devient vital. Il ne s’agit pas d’ajouter des objectifs RSE au business, mais de réinterroger la contribution même de notre travail, pour éviter la spirale du cynisme et des « bullshit jobs ». Car au fond, une conviction simple s’impose : dans un contexte d’incertitude permanente, les collaborateurs ne cherchent plus seulement à “faire leur part” ou à ajouter un petit vernis RSE qui s’écaille vite, ils ont besoin de retrouver le sens de leur engagement professionnel.
La littérature scientifique suggère qu’une culture organisationnelle valorisant la RSE peut influencer positivement les intentions des candidats externes (Rupp et al., 2013 ; Scott, 2000 ; Strobel et al., 2010 ; VanProoijen et Ellemers, 2015). Par ailleurs, les résultats d’études ont démontré que la RSE peut influencer positivement le niveau d’engagement organisationnel des salariés (Closon et Leys, 2011 ; Nejati et Ghasemi, 2013, rapporté par Cairn.info).
Des entreprises l’ont compris et ont placé la RSE au cœur de leur développement :
- Decathlon pense chaque produit en intégrant l’impact environnemental dès la conception, générant 420 M€ de chiffre d’affaires via la réparation et la seconde main. Des équipes internes peuvent se former pour proposer et mettre en place des procédés plus vertueux écologiquement, avec budget accordé. Des plans de biodiversité sont imposés à chaque emplacement commercial et administratif et la question de leur place sociétale est régulièrement abordée.
- Saint-Gobain anime des « Clubs RSE » locaux pour co-construire des solutions d’éco-innovation terrain. Ils cherchent à s’entourer et acquérir des acteurs de l’économie circulaire pour mettre ces pratiques au cœur de leur business model.
Ces initiatives ne sont pas des « à-côtés » mais la conséquence d’un changement de paradigme interne, toujours en cours d’évolution et de renforcement. Quand elle n’est plus perçue comme une contrainte administrative, mais comme une source d’énergie et une évidence de bon sens, la RSE devient un élément différenciant positif. À condition de la relier profondément au quotidien des équipes et d’en faire une priorité. Comment en arriver là ?
Quelles actions concrètes pour enclencher cette dynamique ?
Renouer avec une RSE transformatrice demande des choix courageux : transparence, reconnaissance de l’imperfection, et structuration d’une culture “extra-financière”. Voici trois leviers éprouvés pour ancrer durablement cette dynamique.
- Faire preuve de transparence radicaleAucune organisation n’est parfaite. Prétendre le contraire alimente la défiance. Oser reconnaître ses contradictions crée au contraire de la confiance.Exemples :
- Loom, marque textile, qui explique ouvertement les compromis faits sur ses matières premières, refuse et dénonce les « dark patterns », est obligée de mettre en place des listes d’attente produits pour répondre à la demande, sans publicité, sans augmenter sa production.
- Certaines PME artisanales assument ne pas vouloir croître à tout prix pour préserver leur qualité et leur impact humain. Comme certaines boulangeries de centre-ville, non attirées par le “scalable”, et pouvant verser des salaires confortables.
- Un acteur du tourisme a réussi à aborder avec transparence le problème de l’impact du transport aérien lors de la formation des collaborateurs, ce qui a créé du réengagement auprès de ses parties prenantes.
La clé : expliciter honnêtement ses arbitrages, ses progrès, ses échecs — sans greenwashing, ni angélisme. Et surtout présenter sa feuille de route pour s’améliorer, ou avouer qu’on n’a pas de solution satisfaisante à date. Des compromis oui, mais sans compromissions.
Créer une culture d’entreprise “extra-financière”
La rentabilité économique est indispensable à la bonne santé de l’entreprise. Mais elle n’est plus la seule constante vitale.
Concrètement, il s’agit de :
- évaluer l’impact social, humain et environnemental lors des bilans annuels ;
- inclure dans les rituels internes (séminaires, événements) des indicateurs extra-financiers ;
- valoriser la contribution au capital naturel et social autant qu’aux résultats financiers.
Cela demande un leadership aligné, formé aux enjeux RSE, et capable d’incarner cette nouvelle ambition sans greenwashing. Par exemple, Tony’s Chocolonely, entreprise néerlandaise de chocolat, illustre cette démarche : elle a instauré une structure de gouvernance innovante avec trois « gardiens de mission » indépendants, experts en impact social et durabilité, chargés d’intégrer l’extra-financier au même niveau que le financier. Ces “gardiens” ont pour rôle de garantir que la mission de lutte contre le travail des enfants et le travail illégal reste prioritaire. Ils sont habilités à répondre aux préoccupations des parties prenantes (employés, cultivateurs, partenaires, consommateurs) en dialoguant avec la direction, en publiant des informations ou en lançant des actions juridiques. Ils permettent de rééquilibrer le pouvoir face aux intérêts financiers des actionnaires, notamment en donnant une voix aux écosystèmes et communautés locales concernées par les activités de l’entreprise.
Installer des temps de respiration réguliers
Dans le flux opérationnel, le risque est grand de repousser la réflexion RSE aux calendes grecques. Il faut institutionnaliser des respirations collectives :
- formations internes sur les limites planétaires et l’approche systémique ;
- fresques sur mesure des enjeux sociaux et environnementaux de l’entreprise ;
- évènements liés à des temps forts. C’est le cas de la Semaine Européenne du développement Durable (SEDD). Un évènement très suivi par les entreprises et les institutions en Europe, qui a lieu fin septembre -début octobre et qui valorise les actions émanant d’entreprises, de collectivités ou de citoyens.
Un client a par exemple institutionnalisé les conférences liées à la RSE à chaque SEDD, les faisant suivre d’une journée d’ateliers pour faire le point sur le bilan environnemental de l’année écoulée et le plan d’action souhaité pour l’année à venir, avec des aller-retours entre sujets opérationnels et stratégiques, interne et externe, experts et salariés. Ces moments permettent de reprendre de la hauteur et de réaligner action et intention en mettant en lumière les initiatives menées au sein de l’entreprise d’une part, et de réengager les parties prenantes d’autre part. Sans cette institutionnalisation, ils risqueraient d’être repoussés.
Conclusion : la transformation durable commence par redonner du souffle au collectif
À l’heure où l’engagement ne peut plus être une option, la RSE n’est pas seulement une réponse aux attentes sociétales. Elle est un formidable levier d’alignement, de performance durable et de régénération.
Mais encore faut-il l’assumer pleinement :
- en se reconnectant au sens profond du travail ;
- en acceptant l’imperfection et en osant la transparence ;
- en structurant une culture et des temps forts alignés avec les défis de notre époque.
C’est par ces dynamiques, humbles et sincères, combinant radicalité dans l’engagement et pragmatisme, que se forgent aujourd’hui les entreprises durables et désirables de demain.
Avec la contribution d’Annabelle Dommel, Responsable de projets (formation & conseil) et développement, RSE, MySezame, Eugénie Duféy (Bonnel), Consultante Nuova Vista et Emmanuel Cibla, Directeur Nuova Vista
Dans le contexte règlementaire animé de ce début 2025, la question n’est pas de savoir si les organisations doivent s’engager dans des démarches de durabilité, mais comment elles peuvent le faire de manière stratégique et créatrice de valeur.
Au cœur de cette transformation, l’analyse de double matérialité s’affirme comme une pièce centrale de l’exercice de la CSRD. Elle permet d’évaluer à la fois l’influence des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance sur la performance financière (outside-in), et l’impact des activités de l’entreprise sur la société et l’environnement (inside-out).
Notre conviction : l’analyse de double matérialité, lorsqu’elle est bien menée, constitue un levier puissant pour l’entreprise. Elle permet d’élargir sa réflexion sur la chaîne de valeur, d’évaluer les enjeux de soutenabilité et de résilience à un niveau comparable à ses enjeux financiers, tout en alignant les priorités internes pour nourrir une vision stratégique durable.
Pour atteindre les objectifs et réussir la démarche, nous partageons 5 recommandations issues des projets d’accompagnement d’entreprises sur le sujet (développées plus bas) :
- aligner la Direction sur les impacts significatifs et les enjeux stratégiques de transformation de l’entreprise ;
- impliquer activement la Direction Financière, aux côtés de la Direction RSE, pour ancrer progressivement une approche de performance globale ;
- soutenir une dynamique de transformation culturelle auprès de l’ensemble de l’organisation ;
- tirer parti de la consultation avec les parties prenantes pour renforcer les liens avec son écosystème ;
- être tactique dans le reporting et initier une logique d’amélioration continue.
Afin d’enrichir la réflexion et illustrer nos recommandations, nous avons également eu le plaisir d’échanger avec Ariane Jacoberger, Directrice RSE chez Solinest, qui partage avec nous, dans le reste de l’article, les enseignements clés de la démarche de double matérialité entreprise en 2024, en anticipation du reporting CSRD et avec la volonté de structurer la démarche RSE de Solinest.
Être accompagné dans cet exercice est une garantie de pousser les débats plus loin, une opportunité de remise en question grâce au challenge. La présence d’un tiers permet une forme de neutralité et facilite la tâche de celle / celui qui porte ces sujets en interne ; les débats légitiment les positions des personnes qui s’occupent de ces sujets qui ne sont pas toujours au CODIR de leur entreprise.
1-Aligner la Direction sur les impacts significatifs et les enjeux stratégiques de transformation de l’entreprise.
Nous recommandons en particulier de :
- mettre à profit la nécessité de valider la double matérialité au plus haut niveau (comex et conseil d’administration) pour stimuler la prise de conscience, voire un début de bascule
La double matérialité devient un outil pédagogique structurant, qui objective la démarche et stimule une prise de conscience stratégique. Cet exercice permet de poser les bases d’une transformation managériale.
- remettre l’exercice dans le contexte des enjeux de soutenabilité globaux
Il est utile de repositionner l’exercice dans le contexte des limites planétaires, car la RSE en entreprise manque souvent de prise de hauteur sur les enjeux environnementaux globaux. Une dimension pédagogique renforce la compréhension et la prise de conscience des décideurs.
- démontrer que les enjeux de durabilité et de responsabilité sont indissociables des perspectives stratégiques de l’entreprise et de la pérennité de son activité
La double matérialité aide à structurer cette vision en liant création de valeur et la limitation des risques.
- se forcer à hiérarchiser clairement les enjeux entre eux pour « choisir ses combats » et distinguer les points saillants à attaquer en priorité (s’engager sur une trajectoire)
- ne pas s’astreindre avec la Direction à un exercice mécanique de cotation (qui risque d’être rébarbatif !) mais privilégier un format qui suscite les échanges et débats autour de ce qui crée de la valeur et/ou limite les risques pour l’entreprise
- par exemple, mettre en place des ateliers d’intelligence collective alternant temps de discussions et système de vote pour permettre de se positionner sur chacun des sujets de durabilité ; en visant la responsabilisation des différentes directions sur leur périmètre
Les ateliers d’intelligence collective permettent de débattre, prioriser et distribuer les responsabilités, en engageant chaque direction dans la mise en œuvre des priorités identifiées. Alterner discussions et votes clarifie les positions et responsabilise les participants sur leurs périmètres respectifs.
- Pour les sociétés à mission ou à raison d’être, montrer la cohérence entre les exercices : les impacts positifs les plus matériels seront ceux couverts en priorité par la mission ou la raison d’être (webinaire sur le sujet disponible ici)
2-Rendre actrice la Direction Financière, au côté de la Direction RSE, et installer progressivement une logique de performance globale
Les enjeux ici seront principalement de :
- faire porter le projet par, idéalement, un binôme Direction Financière & Direction RSE ;
- dans tous les cas, embarquer dès le démarrage du projet la Direction Financière, son rôle étant clé à double titre : répondre à l’exigence d’analyse de matérialité financière d’une part, installer la traçabilité / l’auditabilité du reporting et le bouclage entre les éventuelles structures juridiques et l’organisation managériale d’autre part ;
- accepter la progressivité : en année 1, ouvrir la discussion avec la Direction Financière permettra d’identifier les sujets à creuser pour affiner l’analyse dans les années suivantes (en anticipation dans le rétroplanning de l’exercice annuel) ;
- intégrer progressivement la prise en compte des enjeux de durabilité dans les exercices financiers de l’entreprise, dans les revues de performance intégrées nécessaires au pilotage des plans d’action, mais aussi dans les prises de décisions de business development (projection et aide à la décision).
Ajouter des critères de durabilité dans les décisions stratégiques, comme l’engagement de nouveaux partenaires, aide à anticiper les conflits potentiels avec la stratégie RSE dès leur sélection et, progressivement, à façonner le portefeuille d’offres de manière cohérente.
- mettre en valeur comment les critères de durabilité peuvent servir les préoccupations de la Direction Financière (reporting et attractivité vis-à-vis d’investisseurs ou de financeurs) et faire le lien avec l’exercice de Taxonomie dont l’application est concomitante ou antérieure à la CSRD.
Les critères de durabilité peuvent devenir un levier pour ouvrir le champ des partenariats, y compris avec des acteurs comme les banques, prêtes à collaborer sur cette base.
3- Soutenir une dynamique de transformation culturelle auprès de l’ensemble de l’organisation
Il s’agira là notamment de :
- donner du sens à l’exercice CSRD et à l’étape d’analyse de la double matérialité ;
- communiquer sur la démarche et la dynamique (pas sur la norme) et faire de la pédagogie autour des enjeux de durabilité auprès des métiers cœurs de l’entreprise (production, logistique, achats, commerce, …) ;
- montrer la cohérence d’ensemble (articulation de l’exercice avec les autres cadres de référence de l’entreprise et les initiatives en cours en matière de durabilité) ;
- favoriser l’alignement entre les perceptions de ces différents métiers autour de la durabilité (explication des enjeux prioritaires).
Il faut montrer que l’exercice de la double matérialité et les résultats obtenus composent un système cohérent, où chaque élément (ex. raison d’être, stratégie d’entreprise, dynamique RSE) s’articule de manière congruente, tout en favorisant l’adhésion des différents métiers et en adoptant une logique apprenante, itérative et non linéaire.
- assumer une logique apprenante année après année, accepter que le processus de transformation culturelle soit itératif et non linéaire
4-Tirer parti de la consultation avec les parties prenantes pour renforcer les liens avec son écosystème
Nous vous proposons de focaliser votre attention sur les points suivants :
- saisir l’opportunité de l’exercice pour traiter de la durabilité qui n’est pas le focus des échanges habituels, généralement de nature plus transactionnelle : prise de recul, identification d’enjeux communs et établissement d’un dialogue qui nourrit la relation ;
C’est un élément de différenciation dans le contact avec nos clients et nos partenaires qui ont apprécié que nous prenions l’initiative sur le sujet, en avance de phase. Cela nous a aussi permis de sortir des échanges purement contractuels, d’identifier des enjeux communs qui donnent une autre nature à notre relation. Cet exercice nous a aussi offert l’opportunité de recueillir une perspective européenne sur l’appréhension du sujet, au-delà du périmètre français.
Ce qui est vrai pour les clients se vérifie pour les autres parties prenantes : l’exercice permet l’ouverture d’un autre type de dialogue entre la DAF et les banques. En interne, elle a permis à la DRH d’avoir des échanges d’une autre nature avec les collaborateurs.
- faire s’exprimer les interviewés sur leurs attentes vis-à-vis de l’entreprise dans la prise en compte des enjeux de durabilité, ce qui permettra d’orienter les politiques et plans d’action (attentes partenaires, clients et financeurs en particulier), et à l’inverse, exprimer ses propres attentes envers les parties prenantes (notamment fournisseurs) pour les faire progresser et identifier des potentielles actions communes ;
- adapter les formats (entretiens individuels qualitatifs, ateliers groupés, questionnaires, …) en fonction des sujets à creuser, des profils des interlocuteurs, et des synergies à créer ;
- en amont des entretiens et ateliers, privilégier un échange fluide et intelligible en « personnalisant » les réponses possibles en fonction des questions posées et de l’angle de vue des parties prenantes, sans termes trop « techniques » ;
- proposer une session courte de sensibilisation préalable aux entretiens et ateliers pour expliquer le cadre de l’exercice et les attendus, et faire de la pédagogie sur les enjeux de durabilité ;
- saisir l’opportunité de l’exercice pour élargir les échanges et créer de nouvelles dynamiques au sein de l’entreprise et avec les parties prenantes externes.
5-Être tactique dans le reporting et initier une logique d’amélioration continue
Sur ce volet nous vous invitons à :
- tout au long de l’exercice, ne pas se laisser guider par la « crainte » du reporting : ne pas perdre de vue que l’utilité de la matérialité est avant tout de hiérarchiser les enjeux de durabilité !
- saisir l’opportunité de créer de l’efficience dans la collecte de données, au bénéfice des nombreuses attentes de reporting exprimées par ailleurs ;
L’exercice peut être vu comme une opportunité de collecte et de structuration de la donnée (cela améliore les process en interne car pose un cadre !) et de partage d’informations. Cela nous sera utile pour répondre aux diverses attentes de reporting exprimées par des acteurs comme BCorp et EcoVadis.
- engager une démarche intellectuellement honnête et authentique dans la restitution (par exemple, être transparents sur les lacunes qu’il reste à combler) ;
- élaborer des plans d’actions tournés vers l’impact, qui donnent du sens à l’ensemble de la démarche ;
- construire le reporting à la hauteur des plans d’actions que l’entreprise est décidée à engager et dont elle veut prouver l’avancement et l’impact ;
Le fait de pouvoir justifier de ne pas tout faire la première année en fait un exercice intelligent.
- ne pas s’épuiser dans l’élaboration du rapport de durabilité, mais le considérer comme un état des lieux transparent de la prise en compte des enjeux et des prochaines étapes pour s’améliorer.
Face aux soubresauts du moment, les entreprises doivent garder le cap et poursuivre leur engagement dans leurs plans de durabilité, dans leur propre intérêt. En gardant en ligne de mire les bénéfices tangibles qu’offre l’exercice de préparation à la CSRD : structuration des données pour une performance plurielle, approfondissement des relations avec les parties prenantes, infusion culturelle des enjeux de durabilité dans le contexte des limites planétaires et intégration des enjeux durables au cœur des décisions stratégiques.
C’est dans cette approche itérative et apprenante que réside la richesse de la démarche. En acceptant ses imperfections initiales (qui seront corrigées), les entreprises se donnent les moyens de construire une trajectoire ambitieuse, porteuse de sens, et tournée vers un avenir souhaitable.
Article co-rédigé avec Emmanuel Cibla, Directeur Nuova Vista et Annabelle Dommel, Manager MySEzame
De nombreuses entreprises ont engagé des démarches d’impact, de durabilité et de responsabilité bien avant la mise en œuvre du Green Deal, notamment dans le domaine de la transition énergétique et de la décarbonation. Ces initiatives, initiées en amont des évolutions réglementaires, témoignent d’une volonté intrinsèque de faire évoluer les opérations et les chaînes d’activité face aux risques que la crise climatique et la contrainte sur les ressources font peser sur les modèles d’affaires existants.
Aujourd’hui, avec la proposition Omnibus de la Commission européenne – qui est entrée en phase de discussion entre le Parlement et le Conseil – s’ouvre un débat stratégique majeur. Dans le contexte actuel de ralentissement des obligations de transparence, de reporting et de vigilance, faut-il suspendre ou, au contraire, maintenir les efforts pour développer et mettre en œuvre une stratégie robuste de transformation en responsabilité vers des modèles d’affaires durables ?
Face à ce dilemme, nous invitons les entreprises à conserver leur dynamique et maintenir de façon pérenne : i) les principes de l’analyse de double matérialité, ii) la considération des impacts sur l’ensemble de la chaîne de valeur, iii) une approche permettant l’implication des parties prenantes internes et externes et enfin iv) la mesure d’une performance globale autour d’une création de valeur plurielle, pas uniquement financière.
Nous vous proposons nos éclairages sur :
- les impacts réglementaires de la proposition Omnibus ;
- la stratégie à adopter par les entreprises ;
- comment l’entreprise peut continuer à se transformer dans ce contexte si particulier et mouvant.
1. Les impacts réglementaires de la proposition Omnibus
La proposition Omnibus tend, d’une part, à ajuster certains aspects des textes réglementaires existants, et, d’autre part, à introduire un mécanisme de « stop-the-clock » qui permet de décaler le calendrier initial et de reporter la mise en application de dispositions de la CS3D et de la CSRD.
- Des ajustements sur le fond des textes réglementaires :
En qui concerne la CS3D – le devoir de vigilance à l’échelle européenne –, des modifications importantes sont envisagées : le champ de vigilance est restreint (« dispense d’un devoir de vigilance systématique au-delà des partenaires commerciaux directs en l’absence d’informations plausibles sur des incidences négatives réelles ou potentielles »), et la mise en œuvre progressive est retardée (en particulier, le report du délai de transposition de juillet 2026 à juillet 2027 qui décalera, par ricochet, la mise en œuvre échelonnée par les entreprises).
Concernant le reporting lié à la taxonomie, la proposition prévoit un caractère optionnel pour la majorité des entreprises et l’introduction d’un seuil de matérialité fixé à 10 % du CA, des OPEX, des CAPEX ou de l’actif total des activités concernées. Des ajustements supplémentaires, tels que la simplification des critères DNSH ou la révision du Green Asset Ratio viennent illustrer l’objectif d’allégement des exigences opérationnelles.
Concernant la CSRD, le champ d’application serait également largement restreint et les ESRS revues (suppression notamment des ESRS sectorielles, simplification des ESRS 1, allègement du nombre de points de données des ESRS thématiques).
- L’introduction d’un mécanisme de « stop-the-clock » :
L’Omnibus se déploie en deux temps. Dans un premier temps, le « stop-the-clock » offre une pause réglementaire en retardant l’application des directives. Ensuite, un second temps, consacré à la réforme de fond, tend à ajuster en profondeur les exigences afin de tenir compte de la réalité économique et organisationnelle des entreprises. Ce dispositif devrait permettre, en théorie, de recentrer les efforts sur des plans d’action concrets plutôt que sur un reporting exhaustif et parfois trop contraignant.
Le règlement SFDR n’est pas touché et le mouvement demeure lancé. Les entreprises financières ont pu constater les bénéfices stratégiques de l’exercice, au-delà de la lourdeur et des contraintes réglementaires. Enfin, la taxonomie reste la seule référence de durabilité crédible dans certains domaines et les effets positifs sont déjà visibles, par exemple, pour les investissements immobiliers.
2. Le choix stratégique face au ralentissement réglementaire
Au-delà des ajustements juridiques, la proposition Omnibus interpelle les entreprises sur leur stratégie d’engagement et de transparence en matière de RSE. Le report de certaines obligations pourrait, à première vue, inciter à une suspension des efforts déjà entamés. Toutefois, l’expérience des entreprises pionnières démontre qu’il est pertinent de poursuivre et même de renforcer les initiatives prioritaires malgré ce décalage dans les échéances. Ainsi, l’analyse de double matérialité – outil permettant de recenser à la fois les impacts de l’activité sur le monde et les risques financiers qui résultent de ces impacts ou des transitions à l’œuvre – s’avère être un levier structurant pour la stratégie RSE et au-delà, pour leur stratégie globale.
Deux entreprises nous ont démontré la pertinence de maintenir la dynamique lancée :
- un fonds d’investissement, bien que bénéficiant du report réglementaire, engagé dans une démarche CSRD en 2024 a choisi de poursuivre ses travaux en exigeant de ses participations majoritaires de réaliser leur propre analyse de double matérialité. Ce cas, qui n’est nullement isolé, démontre que l’exercice d’évaluation permet non seulement de répondre aux exigences d’une future réglementation, mais également de renforcer le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes (internes et externes) et d’identifier les priorités stratégiques. L’objectif est double : alimenter un processus collectif de transformation en engageant le top management, la direction financière et les responsables RSE dans une même dynamique tout en structurant la réponse réglementaire ;
- un acteur de la formation et de l’information de santé, engagé dans un passage à la qualité d’entreprise à mission, conserve dans son approche, malgré sa désormais inéligibilité à la CSRD (suite au rehaussement des seuils), les principes d’une analyse en double matérialité. Cet exercice doit lui permettre de poser les bases robustes de sa démarche RSE mais aussi de placer l’expression de sa raison d’être, en responsabilité, dans le contexte de la nécessaire soutenabilité de son modèle d’affaires (c’est à dire la contribution au progrès médical doit s’accompagner d’une considération de l’empreinte environnementale et sociale des opérations au service de cette mission).
3. Transformer l’entreprise en période d’incertitude réglementaire
Face à l’incertitude inhérente aux débats et aux critiques autour de la proposition Omnibus, les entreprises doivent faire un choix en conscience, au-delà de la simple conformité.
L’exemple de la loi française de vigilance de 2017, qui est maintenue, et les exigences croissantes de certains donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs fournisseurs, illustrent bien que les entreprises doivent poursuivre leur transformation sans attendre une clarification définitive des règles.
De plus, le délai peut être mis à profit pour sécuriser l’embarquement des équipes et des dirigeants, et pour prendre de la hauteur.
Enfin, l’implication des parties prenantes joue un rôle central : le dialogue avec les financeurs, assureurs, clients et fournisseurs permet de hiérarchiser les priorités et de consolider les coalitions dans les écosystèmes, nécessaires pour sécuriser les bascules progressives des modèles d’affaires.
La réflexion doit donc continuer, intégrée à la stratégie globale, en considérant l’ensemble de la chaîne de valeur et en s’appuyant sur l’implication simultanée des directions financières, juridiques, RSE, mais aussi achats, innovation et opérationnelles.
Il s’agit pour la gouvernance institutionnelle et exécutive de choisir ses combats stratégiques et de profiter de la simplification du reporting pour se concentrer sur les priorités essentielles et les mettre en œuvre grâce à des politiques et des actions de transformation concrètes.
Une approche qui combine rigueur réglementaire et ambition stratégique conduit à la mise en place d’un modèle de performance globale alliant performance économique et contributions aux biens communs.
Conclusion
En dépit des reports et des ajustements qu’elle instaure, la proposition Omnibus ne doit pas être perçue comme une invitation à relâcher les efforts en matière de durabilité et de responsabilité. Au contraire, elle offre aux entreprises l’opportunité d’ajuster et de renforcer leur stratégie en s’appuyant sur l’analyse de double matérialité, la considération des impacts à l’échelle de leur chaîne de valeur, et une collaboration étroite avec l’ensemble de leurs parties prenantes.
Dans un contexte d’incertitude où les débats institutionnels se poursuivent, il est essentiel de garder à l’esprit que l’engagement pour une transformation durable constitue un investissement stratégique. A cet égard, certains acteurs choisissent utilement d’adopter la qualité de Société à Mission (créée par la Loi Pacte), saisissant l’opportunité de fixer un cap clair pour l’entreprise et ses parties prenantes et s’équipant d’une boussole explicite et durable dans ces temps incertains et volatils.
Plutôt que de lever le crayon, nous recommandons de continuer à structurer et prioriser les actions, en privilégiant la mise en place de plans d’action concrets qui contribueront à bâtir une performance globale, à la fois résiliente et responsable. Cette approche, technique et stratégique, permet de concilier les exigences normatives avec les véritables enjeux actuels de transformation de l’entreprise.
La filière du bâtiment et de l’ingénierie ne fait pas figure d’exception au rang des secteurs transformés par le digital, avec des business models amenés à se reconfigurer fortement. Après un certain retard à l’allumage, elle est aujourd’hui en pleine transformation numérique (en témoignent la multiplication du nombre de start-ups de la « ConstrucTech » et les impulsions du gouvernement autour du plan BIM 2022). Si ce retard, qui s’explique notamment par les caractéristiques intrinsèques au secteur (fragmentation des acteurs, spécificités nationales fortes, durée du cycle de vie des bâtiments et infrastructures) rend difficile la qualification à la fois de l’ampleur de la disruption à venir et des modèles gagnants de cette transformation, une certitude émerge à ce stade : il est urgent pour les acteurs de la filière d’inclure le digital dans les process et les offres pour rester dans le jeu. Néanmoins, par analogie à d’autres secteurs fortement digitalisés, on peut penser que l’optimisation des process et modes de fonctionnement n’est qu’une première étape. D’autres niveaux d’impacts existent, plus importants, à la fois sur les offres, les métiers, les organisations, … et peuvent aller jusqu’à l’émergence de nouveaux territoires de valeur, voire même jusqu’à l’apparition de nouveaux business models en rupture avec ceux existants.
Pour éclairer la dynamique à l’œuvre, Kea Ylios a interviewé une vingtaine de professionnels issus de toute la filière afin d’éclairer ce sujet d’enjeu majeur. Notre rapport constitue la synthèse de nos enseignements.
4 niveaux de transformation digitale pour la filière BTP
Les innovations, nouveaux produits, nouvelles offres, nouvelles technologies observées dans d’autres industries et en particulier les industries du tourisme, des médias ou des télécommunications nous permettent d’identifier 4 niveaux d’impacts de la transformation digitale (détails dans notre rapport) :

Une nouvelle donne stratégique pour le BTP, qui démarre sa digitalisation
Tous les maillons de la filière sont structurellement impactés : fonds d’investissement, architectes / ingénieries, constructeurs, domotique, nouveaux entrants, exploitants.
D’ailleurs, pour une large majorité des acteurs, le niveau 1 (optimisation des processus par la digitalisation) est déjà largement engagé (adoption du BIM chez les cabinets d’architectes, d’ingénieries ou chez les constructeurs / outils digitaux de suivi de chantier, mise en place d’objectifs connectés, capteurs et exploitation des données par les exploitants et concessionnaires). Toutefois, le pilotage des opérations ou la maintenance prédictive sont des usages spécifiques qu’il reste à fortement déployer. Les premiers ROI traduisent des économies de coûts qui devraient inciter la filière à poursuivre la dynamique.
La digitalisation de la filière passe aussi par une transformation des interfaces entre acteurs de la chaîne de valeur, y compris avec les clients et utilisateurs (niveau 2). Les approches collaboratives intra-filière se développent : les jumeaux numériques sont au cœur des interactions, le co-développement de services aux infrastructures se renforce au service d’une meilleure expérience pour l’utilisateur final (e.g. sur les parcours passagers des aéroports et gares, ou encore sur les premières briques des smart cities), allant parfois jusqu’à de nouveaux partenariats (co-entreprise, …).
Cette collaboration n’échappe pas aux utilisateurs finaux qui remontent très en amont sur la chaîne de valeur. En particulier, la réalité virtuelle ou augmentée (e.g. salles immersives) permet une implication de la fin de la chaîne dès le lancement du projet, permettant une meilleure compréhension des besoins et attentes, et là encore un meilleur ROI (temps et coûts).
Enfin, le rapport met en évidence l’émergence de nouveaux territoires de création de valeur (niveaux 3 et 4), mais qui restent à conquérir largement : mesure et amélioration de la performance énergétique, plateformisation (e.g. pour le recyclage et l’économie circulaire), amélioration de l’expérience utilisateur (e.g. smart building ou infrastructures), gestion de la data par les villes et collectivités via une nécessaire massification des datas pour de nouveaux services digitaux aux citoyens.
Des questions et enjeux identifiés avec les professionnels de la filière
Compte tenu du positionnement actuel et de la projection que nous anticipons de la filière, plusieurs enjeux et questions se posent pour les acteurs.
Elles sont détaillées dans notre rapport :
- Comment digitaliser un secteur se basant sur un temps long alors que le digital est « instantané » ?
- Quelle re-répartition des rôles, quelle légitimité, quelle collaboration sur tout le cycle de vie du bâtiment et des infrastructures dans une filière digitalisée ?
- Quelle stratégie data, et quel business models associés, pour la filière de la construction / BTP (normalisation, interopérabilité, …) ?
- Quel business model d’engagement peut apparaitre dans un monde où les usagers ont un comportement non-prévisible ?
- Quel business model pour une offre de Batiment As A Service, comment qualifier la valeur d’usage associée ?
- Quelle stratégie make or buy, sur les compétences digitales, et quels partenariats entre les acteurs historiques (non capables de personnaliser des solutions) et les startups (non capables d’industrialiser leurs solutions) ?
Découvrez également la restitution de nos entretiens d’expert
Entretien d’expert #1 | Les spécificités de la filière de l’immobilier / construction à l’épreuve de la digitalisation | Avec Nathalie Charles Deputy CEO and Global Head of Investment Management BNP Paribas Real Estate | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #2 | Une digitalisation progressive du cœur de métier | Avec Xavier Cheval Directeur général d’ICADE Santé | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #3 | Les promoteurs à la recherche d’outils digitaux d’optimisation | Avec Philippe Cayol Directeur Général délégué Grands Comptes – Capelli / Ex co-fondateur de la plateforme HabX | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #4 | Une révolution du métier d’architecte par le digital | Avec Antoine Chaaya Senior Partner chez Renzo Piano Building Workshop | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #5 | Le digital comme levier de l’expertise ingénierie au service de la valeur ajoutée pour le client | Avec Yves Metz Président – INGEROP | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #6 | Le BIM comme pierre de voûte des grands projets | Avec Olivier Cuchet Directeur du département BIM – Vinci Construction Grands Projets | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #7 | Equipementiers et intégrateurs digitaux : Coopération ou Compétition | Avec Patrick Albos Managing Partner Synvance Industry – Ancien Président Oil Gas & new Energies chez Schneider Electric | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #8 | Digitalisation des espaces, créatrice de « valeur d’usage » | Avec Pascal Zerates Kardham digital – Directeur général | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entretien d’expert #9 | Le Smart Building pour une meilleure qualité de vie au travail | Avec Véronique Karcenty Groupe Orange – Directrice de l’environnement digital des salariés | Découvrir la restitution de l’entretien |
Entre des clients de plus en plus exigeants, des attentes qui évoluent à grande vitesse et des impératifs RSE, les entreprises doivent sans cesse s’adapter, tandis que leurs DSI font face à des enjeux complémentaires majeurs : adoption de nouvelles technologies (IA, IA Gen, Cloud, …), besoins croissants en cybersécurité, cycles de renouvellement, évolution accélérée des compétences…Dans ce contexte, les budgets IT poursuivent leur hausse régulière depuis plusieurs années et de nombreux dirigeants peinent à identifier la valeur réelle apportée par leur IT. Le dialogue IT / Métier se retrouve alors souvent pénalisé par un sentiment de sous-optimisation et un questionnement systématique sur les coûts. Ces interrogations sont autant de symptômes de l’écart qui s’est creusé entre les équipes IT et métiers, qui se traduisent par une implication insuffisante du Métier sur les sujets IT et in fine, par un apport stratégique de l’IT plus faible ou remis en question.
Comment se doter d’une IT stratégique créatrice de valeur ?
Nous proposons de dépasser l’approche purement budgétaire en :
- réorientant le dialogue des métiers avec l’IT vers l’apport de valeur,
- tout en conservant une maîtrise rigoureuse des coûts.
1. Comment réorienter vers la valeur le dialogue entre les métiers et l’IT ?
La démarche se construit autour de 3 axes :
Axe 1. Prioriser et faire des choix en explicitant et en mesurant la valeur finale :
Nous appelons valeur finale la contribution d’un projet IT à la réalisation d’un objectif métier. Le choix de ces objectifs doit être fait au niveau de la Direction Générale en tant que composante majeure de la stratégie de l’entreprise, avec des arbitrages forts et des renoncements explicites.
Il convient de s’assurer ensuite de s’assurer ensuite que chaque projet IT s’aligne systématiquement sur un objectif métier stratégique. Y associer des indicateurs mesurables et suivis régulièrement garantit une contribution tangible et visible de l’IT à la stratégie de l’entreprise. La méthodologie des OKRs peut permettre de réaliser et pérenniser cet alignement.
Axe 2. Co-responsabiliser à un niveau opérationnel
en mettant en place des binômes IT/Métier sur des périmètre limités (< 10M€ de budget annuel) avec des responsabilités claires : un interlocuteur métier garant de la valeur produite, un interlocuteur IT responsable des solutions technologiques, de leur mise-en-œuvre et de leur stabilité. Le dialogue entre ces deux acteurs à un niveau opérationnel permet de partager les contraintes et d’élaborer conjointement les meilleures options et les arbitrages possibles.
Axe 3. Distinguer et équilibrer rentabilité court-terme et vision long-terme
La valeur finale peut être de deux natures qu’il convient d’identifier et de traiter différemment :
- la valeur à court terme, matérialisable par un ROI immédiat et des gains métiers concrets. Les projets et investissements associés doivent être lancés sur la base d’une étude de rentabilité portée par le métier, et celle-ci doit être reflétée dans l’exercice budgétaire ;
- les investissements stratégiques à long terme dans des leviers de la transformation qui favorisent la résilience et permettent les repositionnements stratégiques. Leur financement doit être envisagé et validé sur une échelle temporelle plus large (pluriannuelle) pour éviter les effets néfastes de stop-and-go ou les réorientations tactiques. Par exemple, pour aboutir à des cas d’usage permettant à la fois une valeur ajoutée et un réel passage à l’échelle en production, l’exploitation des données de l’entreprise passe par la mise en place d’une plateforme data / IA pensée pour durer et alimentée en données. Concevoir et sanctuariser ce projet souvent significatif comme un investissement de conviction, sur le long-terme, permet d’éviter des approches tactiques et des proof-of-concepts abandonnés faute d’avoir démontré la valeur promise.
2. Conserver une maîtrise rigoureuse des coûts
3 leviers doivent être actionnés pour s’assurer d’une bonne maîtrise des coûts IT :
1er levier : Isoler et piloter de manière différenciée les coûts incompressibles
En effet, une part significative des coûts IT est liée à des facteurs exogènes difficilement maîtrisables à court terme pour la plupart des organisations (ex : coûts des licences logicielles, infrastructures cloud…). Il est essentiel de les identifier et de les piloter de manière spécifique pour concentrer les discussions sur les leviers d’actions accessibles.
Les DSIs ont notamment fait face ces dernières à des augmentations significatives de certaines licences logicielles, notamment de la part d’acteurs majeurs, dominants sur leur marché. Si aucune solution à court-terme ne peut réellement être mise en œuvre, l’impact est parfois notable à l’échelle de la DSI et masque les optimisations qui peuvent être réalisées par ailleurs. L’unique solution est alors l’étude puis la mise en place d’outils alternatifs qui peuvent prendre plusieurs années à faire effet.
2è levier : Systématiser la démarche d’optimisation à tous les niveaux
L’optimisation continue doit être ancrée dans la culture IT en définissant des objectifs de gains et en assurant leur prise en compte à tous les niveaux. La tendance est souvent de concentrer les efforts sur les solutions avec un impact significatif sur l’échelle de la DSI (ex : offshoring / nearshoring, leviers sur les fournisseurs…), et de les déployer dans toute l’organisation. Cependant, la majorité des gains accessibles à moindre impact se situe à l’échelle opérationnelle, avec des leviers différenciés. Il est donc clé d’imposer la logique d’optimisation y compris à ce niveau.
L’évitement des coûts, notamment en renonçant aux projets à plus faible valeur ajoutée, est alors un levier majeur et facile à activer, d’autant plus qu’il a un impact à la fois sur les investissements et sur les charges de maintenance associées.
3è levier : Éviter les écueils coûteux à long terme
Parmi eux, l’un mérite d’être particulièrement souligné : le non-traitement de l’obsolescence technologique.
Dans un contexte de pression sur les coûts, décaler ou abandonner le traitement de l’obsolescence est une solution facilement accessible car son impact est a priori faible et parfois même invisible pour le métier. Si elle peut s’avérer payante à court-terme, elle est à double-tranchant à long-terme, avec un effet ciseaux. D’une part, elle se révèle rapidement coûteuse : coûts de support additionnels facturés par les fournisseurs, sécurisation ou fiabilité plus faible, innovation plus coûteuse, … D’autre part, le coût de traitement de cette obsolescence augmente car la marche à franchir est de plus en plus élevée, et les ressources sachantes de plus en plus difficiles à trouver. Au final, ce sont parfois 1 à 2 années complètes d’investissements qui doivent être allouées pour résorber la dette non traitée.
Rester vigilant sur cette composante est clé pour assurer que l’optimisation des coûts est opérée dans un contexte soutenable.
Conclusion
A l’heure de l’accélération de l’utilisation des IA dans l’entreprise, de l’évolution rapide des technologies et de la hausse du risque cyber, la gestion efficace d’un budget IT ne peut se résumer à une simple réduction des coûts. Il s’agit avant tout de maximiser la valeur apportée à l’entreprise en alignant les investissements technologiques sur les objectifs stratégiques. En adoptant une approche holistique, en instaurant un dialogue constructif avec les métiers et en s’appuyant sur des leviers d’optimisation durables, les dirigeants peuvent faire de l’IT un véritable moteur de performance et d’innovation.
CIO, booster votre STACK personnelle !
Cela fait maintenant plus de 30 ans que je collabore avec des CIO soit en tant que manager opérationnel soit en tant que consultant. En 30 ans, le monde digital a considérablement été bouleversé et ce n’est pas fini !
Bien évidemment, nous sommes entrés dans une nouvelle ère technologique portée par l’IA … et en même temps, de nombreuses innovations technologiques émergent en parallèle plus ou moins visibles : robotique, IoT, Blockchain, informatique quantique, … Avec en prime, une épée de Damoclès permanente : la sécurité !
Le job de CIO est impitoyable ! Etre capable d’assurer un RUN de très grande qualité, garantir un portefeuille de PROJETS et d’évolutions de plus en plus important, maîtriser les coûts, être innovant, apporter de la valeur business, … dans un monde digital en perpétuel développement. Tout cela avec une complexité d’acteurs internes et externes qui ne cesse d’augmenter.
Comment faire face à ce champ de force de plus en plus complexe … travailler votre STACK personnelle !
- Etre un Stratège
- Développer sa capacité à Transformer
- Nouer des Alliances
- Renforcer ses Compétences managériales
- Avoir un Kaizen mindset pour le pilotage opérationnel
Etre capable de garder le cap, de prendre des bonnes décisions, d’investir dans les bons domaines, de développer ses équipes, … tout cela nécessite de se préoccuper de sa STACK personnelle.
A travers 5 articles, je vous propose de parcourir ces différentes dimensions de la STACK du CIO.
Le S de la STACK personnelle du CIO – Etre un Stratège !
Ayant eu la chance d’accompagner de nombreux clients sur leur stratégie IT, j’ai observé 3 dimensions récurrentes des CIO stratèges :
- Ils ont une vision – imaginer l’avenir, se projeter et faire rêver
- Ils sont créatifs – trouver des solutions innovantes pour relever les défis et saisir les opportunités
- Ils s’adaptent – faire face aux situations changeantes et tirer profit des difficultés
FOCALISER
Travailler la stratégie IT, c’est se focaliser sur les bonnes questions dans votre contexte : Quelle est la raison d’être de la filière IT ? Quels sont les choix technologiques à réaliser avec et sans mes clients ? Quel est le bon modèle d’organisation et de gouvernance ? Comment développer mes ressources ? Comment travailler avec mes partenaires technologiques stratégiques ? Quel est le bon modèle économique de la filière IT et son mode de pilotage ? Comment être un acteur de l’innovation pour mon entreprise ? Comment intégrer la RSE dans mes choix ?
Et si votre Stack est personnelle, c’est aussi parce que la réponse à ces questions doit être le fruit d’une analyse rationnelle et de votre propre envie, énergie, propension à soutenir tel ou tel axe. La route est longue, mettez toutes les chances de votre coté pour en faire un beau voyage.
Travailler la stratégie de la filière IT, c’est aussi s’assurer d’avoir une vision « intégrée et cohérente » de toutes les dimensions de sa stratégie.
MOBILISER
En faire une démarche de projection et de mobilisation pour l’équipe dirigeante de la filière IT. Impulser et coconstruire le sens avec son équipe, fixer les priorités stratégiques, clarifier les piliers de cette filière IT, … et se faisant, mobiliser sa Leadership Team.
Mener une mise à jour annuelle de la stratégie de la filière IT, afin d’intégrer les nouvelles inflexions stratégiques de votre entreprise, anticiper les innovations technologiques, intégrer la déformation du marché des partenaires, intégrer les nouvelles ways of working, … pour pouvoir adapter en permanence la transformation de la filière IT.
En conclusion, développez une approche de la « survie du plus apte » (« survival of the fittest »), comme Darwin l’aurait dit.
Le T de la STACK personnelle du CIO – Développer sa capacité à Transformer
Transformer, voilà un terme utilisé à toutes les sauces. Depuis 30 ans, les technologies ont transformé la vie des citoyens et des entreprises : transformation des business models, relation client, transition vers une « tech company », nouveaux services et nouveaux métiers, réflexion stratégique horizontale, performance des processus, performance des services, … les exemples sont nombreux.
En tant que CIO, vous avez 2 challenges : transformer la filière IT et être un acteur majeur de la transformation de l’entreprise. Intéressons-nous au 1er challenge.
MODIFIER VOTRE REGARD SUR LE CHANGEMENT
On le sait maintenant, le changement est couteux, il n’est pas vivifiant pour tous. Appréhendez les transformations avec frugalité, distinguez l’essentiel de l’accessoire.
Je ne saurai trop vous recommander de vous intéresser aux buts et aux ressources personnelles qui animent vos troupes. Les évolutions organisationnelles, technologiques sont prompts à sabrer dans ce qui fait la motivation intrinsèque de vos équipes.
Ou sont les sources de fierté ? Les conditions sont-elles réunies pour faire un bon travail ? Pour transmettre son savoir faire et évoluer ? Si des résistances se présentent, que cherchent elles à protéger, comment pouvez-vous amender le projet pour être plus respectueux de ce qui mérite d’être préservé ?
Expliquez votre cap puis écoutez sans relâche, travailler les inconvénients du changement plutôt que de chercher à convaincre. Vos équipes vous le rendront.
COMMENT S’Y PRENDRE ?
En termes de méthode, nous vous recommandons de focaliser sur 3 enjeux clés :
- Gouverner la transformation (vision, modèle de gouvernance, tactique de transformation, …)
- Agir et faire agir les Hommes qui conduisent la transformation (leadership, sucres lents / sucres rapides, modes d’action, …)
- Faire murir les conditions (évolution de la culture, potentiel de situation, …)
« Manager la transformation plutôt que la transformation vous manage », comme dirait un associé du Groupe Kea.
Le A de la STACK personnelle du CIO – Nouer des Alliances
CIO est certainement un des métiers le plus exigeant en termes de gestion d’écosytème. En même temps, tous les collaborateurs voire les clients de l’entreprise sont « clients » de la filière IT et tous les providers sont contributeurs de la performance de la filière IT.
Comment gérer L’ensemble des relations avec les « STAKEHOLDERS » : COMEX, BOARD, CSE, CODIR BUSINESS, Filiales, Managers IT, … ?! Comment être toujours prêt, avoir les éléments de langage, adapter sa communication, … ?
3 recommandations :
- Adopter une stratégie des alliés : Identifier ses alliés… sans se tromper ni en oublier : ne pas attendre que les passifs et les hésitants aient basculé dans l’opposition pour se rendre compte qu’ils étaient utiles à l’alliance !… et les prendre comme ils sont. Ils vous prennent bien comme vous êtes, vous. Ce principe a entre autres pour corollaire que les alliés doivent se sentir libres de ne pas être d’accord ou de prendre momentanément leurs distances sans que les portes de l’alliance leur soient fermées.
Passer à l’action avec vos alliés - Travailler votre communication personnelle : « The medium is the message » McLuhan Faites-vous coacher sur l’art de la communication :
- Développer l’écoute active,
- Améliorer l’expression orale
- Maîtriser la communication non-verbale,
- S’entraîner régulièrement,
- Adapter sa communication,
Evidemment tout en restant soi -même… juste en un tout petit peu mieux !
- Soigner les moments clés dans vos alliances :
- Le processus budgétaire : coconstruire, soutenir les directions métiers, …
- Les comités d’investissements (Business ; IT) : avoir une vision complète, une capacité d’arbitrage, développer un pilotage par la valeur, …
- Les crises : anticiper, avoir le dispositif pour agir, savoir communiquer, …
- Les dossiers en board / excom : Être très bien préparé, avoir l’elevator pitch, …
- Les négociations fournisseurs : préparer, anticiper, travailler les alternatives, …
Avez-vous identifié les moments clés à ne pas louper ?
Ne pas oublier que « Un allié trop puissant est parfois aussi redoutable qu’un ennemi déclaré. » – Citation anonyme
Le C de la STACK personnelle du CIO – Renforcer ses Compétences managériales
Manager, voilà un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre. Qu’est-ce qu’un bon manager ? De multiples réponses pour de multiples contextes dans des environnements culturels différents. Tentons d’être synthétique.
Chacun a un style managérial différent … en observant depuis plus de 30 ans les CIOs, j’ai noté 4 éléments clefs qui font la différence.
- Etre clair sur le cadre
- Co-construire le sens de la filière IT : quelle est la raison d’être de la filière IT ?
- Faire en sorte que chaque membre de votre équipe de Direction développe de l’autonomie et continue d’apprendre dans ce cadre
- Choisir son équipe de Direction
- Combiner une partie de l’ancienne équipe et de nouveaux n-1
- Recruter des gens forts, voire plus forts que soi-même
- Donner à chacun de la perspective
- Travailler votre subsidiarité
- Clarifier les sujets sur lesquels décider seul, à plusieurs au sein de l’équipe de Direction et sans vous
- Identifier ses zones de force et les pousser vers l’excellence, identifier aussi ses zones plus faibles et organiser son équipe pour qu’elle vous complète, grâce à une délégation explicite et un soutien sur ces domaines que nous avons tendances à négliger
- Accepter de lâcher prise, le 100% contrôlant crée des acteurs focalisés sur les opérations et peu responsabilisés
- Créer un environnement psychologiquement sécurisant dans un contexte avec beaucoup d’adversité
- Le droit à l’erreur,
- Pouvoir avoir tort,
- Accepter l’imprévu,
- Développer le « solidairement responsable »,
- Se faire plaisir
« Un manager n’est pas une personne qui peut faire le travail mieux que ses hommes ; c’est une personne qui peut amener ses hommes à faire le travail mieux que lui. » – Frederick W. Smith
Le K de la STACK personnelle du CIO – Avoir un Kaizen mindset pour le management opérationnel
Le pilotage opérationnel, voilà un sujet qui me surprend toujours. En fait, les CIO ont souvent occupé des postes opérationnels avant d’arriver au poste de CIO. Et en même temps, être opérationnel permet à chacun de se sentir utile… à la fin de journée, avoir résolu des problèmes opérationnels apporte de la satisfaction… mais est-ce vraiment le rôle d’un CIO de traiter les problèmes opérationnels ?!
Comment se sortir de cette spirale pas toujours vertueuse du pilotage opérationnel ? Une piste est de développer un mindset Kaizen pour le management opérationnel.
Kaizen quesako ? Les experts me pardonneront de résumer l’approche par les principes suivants :
- Amélioration continue : toujours chercher à optimiser les processus, les produits et les comportements, étape par étape.
- Petits changements : plutôt que des transformations majeures, le Kaizen prône des ajustements modestes et réguliers.
- Participation collective : tout le monde, des employés aux cadres, est impliqué dans le processus d’amélioration.
- Orientation sur les processus : identifier les inefficacités dans les processus avant de chercher des solutions.
- Focus sur les gaspillages (Muda) : réduire ou éliminer les activités qui consomment des ressources sans ajouter de valeur.
Plutôt que de résoudre les problèmes opérationnels, développer une approche Kaizen pour les réduire. Focaliser vous sur l’amélioration continue, traiter les causes plutôt que les conséquences. Développer une approche de transition permanente vers de meilleurs processus opérationnels, anticiper, redéfinir les attendus quand tout se passe bien,… soyez acteur oui mais à l’amont des sujets et non à l’aval quand le problème est présent.
« KAIZEN, c’est préférer la chose IMPARFAITE qui EXISTE aux choses PARFAITES qui N’EXISTERONT JAMAIS » – Citation d’un client
La STACK personnelle du CIO – Conclusion
Nous avons parcouru les 5 composantes de la S T A C K du CIO.
Quelle doit-être votre « couleur » de STACK ?
Un CIO innovant, un CIO gestionnaire, un CIO cost-driven, un CIO roi de son écosytème… il n’y a pas de bonne réponse !
Ce que je constate, c’est que ce job est complexe… la route est longue, les obstacles nombreux, l’adversité souvent présente.
Au fond, un CIO doit en permanence gérer un écosystème humain, politique, technologique, légal, écologique,… avec de nombreuses dimensions.
Finalement, nous aurions pu aussi dire qu’un CIO doit être STACK :
- Souple
- Tactique
- Acteur
- Compétent
- Kamikaze (mais pas trop …)
« Soyez vous-même, les autres sont déjà pris » Oscar Wilde.
Donc accepter ce que vous êtes et aller vers ce que vous souhaitez devenir.
En moyenne un CIO reste 4 ans en poste… donc il faut faire vite. Soyez apprenant et modélisant car vous devez entrainer / manager / être en relation avec une équipe étendue & protéiforme.
Comme dirait un de nos clients, renforcer sa STACK pour ne pas être STUCK !
Bonne route.
Plus que jamais, les crises actuelles – économiques, environnementales et sociétales – imposent aux Etats et aux entreprises de revoir leur mode de gouvernance face à une instabilité durable.
Notre conviction est qu’on ne peut accompagner le monde des affaires en 2025, et se préparer à celui qui vient, enrayer les menaces, renforcer les potentiels sans traiter de manière approfondie la performance économique et la compétitivité des entreprises.
Dès 2021, la reprise économique mondiale a provoqué des tensions sur les chaînes d’approvisionnement, le marché du travail et les prix des matières premières, avant même la guerre en Ukraine. Après un choc inflationniste en 2022 et les incertitudes géopolitiques actuelles, le principal risque est désormais la récession avec des prévisions en contraction significative et de mauvais indicateurs macroéconomiques :
- la Banque de France a révisé sa prévision de croissance de 1,2 % à 0,9 % pour 2025 ;
- l’Insee a pour sa part publié un nouveau repli de 0,6 % de la production industrielle en janvier 2025 en France qui confirme une tendance qui s’ancre depuis plusieurs trimestres ;
- en Europe, les prévisions ne sont guère plus réjouissantes avec une prévision de 1% partagée par le FMI et l’OCDE.
Face à cette situation, les entreprises les plus résilientes sont celles qui combinent des actions à court terme pour limiter l’impact immédiat de ce ralentissement, tout en préparant la reprise. Cela nécessite une vision claire et rapide, portée par la Direction Générale, avec des investissements ciblés dans les activités stratégiques (marketing, opérations, recrutement, acquisitions). Définir rapidement des marges de manœuvre financières et anticiper les besoins futurs permet de préserver les actifs clés tout en assurant la croissance post-crise.
Un ralentissement de la croissance

De fait, les plans de performance économique ne sont plus uniquement des mesures d’urgence avec des coupes budgétaires brutales mais deviennent des leviers stratégiques pour assurer la pérennité des entreprises dans un environnement instable et sécuriser en outre :
- leur indépendance, et toutes velléités de prise de contrôle non sollicitée ;
- leur compétitivité pour défendre et accroître leurs parts de marché face aux concurrents et absorber l’effet ciseau du prix des facteurs (inflation matières, salaires, taxes…) ;
- leur innovation en investissant dans de nouveaux produits/services/offres et de ne pas se faire exclure de son marché ;
- le financement de leur croissance interne et externe (force commerciale, E-commerce, marketing, rénovation boutiques, acquisition, développement géographique…) ;
- la modernisation de leurs outils industriels et technologiques ;
- la disponibilité des moyens financiers pour faire évoluer/pivoter leur business model et garantir leur soutenabilité et leur résilience dans le temps.
Or, face à la complexité croissante des environnements, les dirigeants tardent souvent à lancer ces programmes de performance alors que l’expérience montre qu’anticiper donne des marges de manœuvre et de la souplesse dans la phase de mise en œuvre, sans être au pied du mur. Cela permet d’éviter des renoncements brutaux, des cessions mal préparées ou des ajustements sociaux rapides et donc complexes à gérer.
Forts de notre expérience, nous avons identifié 4 conditions pour réussir un plan de performance permettant de franchir un cap significatif et visible dans le compte de résultats sur un horizon de 12 à 24 mois :
- orchestrer une vision « Top down » confirmée par une consolidation « Bottom up » résolument quantifiée pour assurer la capacité de l’entreprise à atteindre un objectif cohérent avec sa stratégie ;
- travailler l’ensemble de la chaîne de valeur avec le bon équilibre entre l’activation des revenus et la réduction des coûts, qu’ils soient liés à l’efficience des organisations, à l’efficacité des modes de fonctionnement ou à l’optimisation des dépenses externes ;
- créer et faire vivre le momentum, c’est-à-dire engager les collaborateurs dans un programme qui ouvre des perspectives pour l’entreprise et adopter une communication qui permette de maintenir la mobilisation tout au long du projet ;
- prévenir les écueils et assurer l’exécution complète dans les délais impartis en assurant un rythme soutenu et continu ainsi qu’en mettant en place une gouvernance permettant des prises de décisions rapides et éclairées sur la base d’éléments rigoureusement qualifiés et évalués.
1. Orchestrer une vision « Top down » et « Bottom up »
Selon notre expérience, il est essentiel de mener en parallèle une dynamique « Top down » et « Bottom up » pour confronter et solidifier le Quoi, le Combien et le Comment.
L’approche « Top down » permet de faire converger les membres de la Direction Générale vers un objectif cohérent par rapport aux besoins de l’entreprise et de fixer les délais d’obtention des gains de performance. Cela permet en outre d’éviter une approche uniforme et de dé-moyenniser l’objectif par rapport à la performance des différents business ou des différentes fonctions. En effet, pour une BU présente sur un marché déclinant, les enjeux de performance seront probablement différents des objectifs visés pour une BU en plein développement et il conviendra donc d’assurer le bon objectif de performance par rapport à la contribution de chaque entité ou fonction.
En parallèle de l’approche « Top down », nous préconisons de mener une approche « Bottom up » qui vise à identifier de façon très opérationnelle les poches de performance accessibles. Cette étape est déterminante car elle permet en outre de fédérer le mid management
La consolidation et la convergence de ces 2 approches renforcent l’opérationnalisation du plan. Elles permettent en outre d’arbitrer la juste contribution des différentes composantes du plan pour s’assurer de disposer de l’ensemble des chantiers nécessaires à l’atteinte de l’objectif global.
2. Travailler l’ensemble de la chaîne de valeur avec le bon équilibre entre l’activation des revenus et la réduction des coûts
Mener une démarche holistique donne une dynamique globale à l’entreprise et permet de mieux piloter les résultats en évitant « l’évaporation » ou les transferts de dépenses et de ressources d’une BU à une autre. Cela facilite aussi la vision consolidée des enjeux. Cette démarche implique une analyse précise de l’ensemble de la chaîne de valeur et une compréhension fine des modèles économiques sans lesquelles il n’est pas possible d’être force de proposition et de construire des solutions concrètes, exécutables et accessibles dans les délais impartis.
L’ensemble des coûts sont analysés en coûts à la source pour se prémunir des clés de répartition arbitraires parfois utilisées dans les organisations et qui peuvent nuire à la bonne compréhension du ratio coûts/valeur des services apportés. Ainsi, l’ensemble des lignes de coûts sont analysées au travers de différents prismes :
- le consommateur/payeur : comment perçoit il la valeur du service ? Est-elle en adéquation avec son coût lorsqu’il s’agit de centre de services partagés ou des fonctions centrales lorsqu’elles sont refacturées aux régions ou BU ;
- les responsables de fonction : comment optimiser le coût du service rendu, pour peu qu’il soit bien nécessaire et en ligne avec les attendus du consommateur final
Pour réussir des sauts de performance générant plusieurs points d’EBITDA additionnels, nous travaillons autant la stimulation de la « Top line » que la réduction des coûts, toujours contraints par un horizon de temps d’exécution très court puisque l’ensemble des actions doivent être intégralement mises en œuvre sur une durée de 18 à 24 mois et sans nécessiter des investissements lourds.
L’enjeu est donc d’installer des nouveaux modes de fonctionnement, une organisation plus agile et efficiente, des nouveaux modes de pilotage tant en interne et que dans les relations avec les parties prenantes en amont et en aval de l’activité, et ce de manière pérenne, pour assurer des résultats durables et éviter tout retour en arrière.

3. Mobiliser, fédérer et engager les collaborateurs dans un programme qui donne du sens et savoir maintenir le momentum tout au long du projet
Réussir la mise en mouvement, c’est d’abord fixer un objectif explicite suffisamment ambitieux pour imposer une remise en cause importante des habitudes et favoriser des réflexions en rupture, tout en étant crédible pour permettre l’adhésion des managers, courroie de transmission de la dynamique et des collaborateurs. Traditionnellement, cette cible se situe entre 15 % et 25 % de l’assiette de coûts adressables*.
La mise en mouvement demande également prendre le temps de partager le sens et la raison du lancement d’une telle dynamique en construisant un narratif valorisant une approche équilibrée pour l’ensemble des parties prenantes, tout en communiquant sur la préservation des valeurs de l’entreprise, de sa culture :
- Pour les collaborateurs : la fierté, les opportunités d’évolution, le traitement des irritants…
- Pour les partenaires : un meilleur service et une meilleure réactivité vis-à-vis des clients, une innovation dynamique, l’opportunité pour les partenaires de renforcer leurs positions, de proposer de nouvelles solutions…
- Pour les actionnaires : des marges de manœuvre retrouvées pour une croissance rentable, une société en transformation, une valorisation dynamique.
La communication veillera à rappeler le caractère exhaustif et global du projet pour rassurer sur la contribution de chacun. Toutefois, si tous se doivent de participer à l’objectif global, les contributions respectives par BU, par fonction ou par pays se doivent d’être explicites et surtout personnalisées en fonction de la maturité ou de la marche à franchir de la fonction sous peine de décrédibiliser l’ensemble de la démarche.
Enfin, pour que l’entreprise reste en mouvement, les dirigeants devront intégrer dans les objectifs individuels et collectifs les objectifs du projet et leur donner un poids substantiel pour en faire une priorité dans le quotidien de l’entreprise. Tout au long du projet, l’équipe aura à cœur de matérialiser les résultats mais également valoriser les effets obtenus (évolutions culturelles, modes de fonctionnement, de management, de pilotage de la performance) et de les communiquer pour faciliter l’adhésion globale, le succès amenant le succès.
Le rythme à impulser est une des conditions de réussite : il est nécessaire de trouver l’équilibre entre « sprint » pour obtenir rapidement des premiers effets cliquets et des victoires et « course de fond » pour les leviers plus structurels et ce, pour éviter l’effet tunnel tout en permettant une transformation profonde dans un délai de 18 à 24 mois.
4. Prévenir les écueils et assurer l’exécution complète et dans les délais du plan
Tout comme les rapprochements d’entreprise, une proportion importante des plans de performance n’atteint pas les objectifs escomptés et les résultats ne sont pas visibles dans les résultats de l’entreprise. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène, et il convient d’adapter l’approche pour y répondre :
- la difficulté de maintenir le rythme sur une longue période et l’épuisement des collaborateurs face à la multiplicité des initiatives et des projets de transformation.C’est pourquoi la durée de mise en œuvre des projets ne doit pas excéder 18 à 24 mois.
- en outre, l’approche globale de l’organisation facilite le pilotage et l’exécution du plan, rend plus simples les arbitrages et permet un pilotage cohérent par rapport aux documents de suivi existants ;
- la complexité des chantiers envisagés et la difficulté à les exécuter. Nous accompagnons nos clients dans la mise en œuvre des chantiers les plus critiques et les plus complexes en apportant des compétences spécifiques qui permettent de formuler des réponses concrètes aux interrogations des équipes. Cela fluidifie la prise de décision et assure un rythme soutenu ;
- le manque de rigueur dans l’évaluation économique initiale des enjeux et des risques qui se révèleront inexorablement dans la phase d’exécution. C’est pour cette raison que notre approche est très analytique, basée sur des mesures, des évaluations et des observations terrains qui rendent solides et indiscutables les évaluations associées à chaque plan d’action ;
- l’anticipation des résistances et des freins au changement. Kéa a construit depuis plus de 20 ans des outils permettant de faciliter l’acceptation du changement pour s’assurer que la dynamique sera pérenne, du niveau d’adhésion des managers et collaborateurs et ainsi créer les conditions qui permettent à chacun dans son quotidien d’incarner l’entreprise responsable de demain pour une économie souhaitable sur ses différentes facettes.
Conclusion
S’engager dans un plan de performance nécessite de fédérer l’ensemble des parties prenantes. Les objectifs assignés doivent forcer les ruptures et les remises en question profondes par l’ensemble des organisations tout en restant crédibles et accessibles, sans altérer les actifs stratégiques. Un subtil dosage sur des leviers techniques et humains pour travailler les enjeux de mutations au plus près des besoins et de la culture de l’entreprise. Le succès nécessitera aussi une relation de confiance et de proximité entre et avec les dirigeants et leurs équipes. Sa réussite est un impératif pour assurer l’indépendance et la compétitivité de l’entreprise, conditions sine qua none pour financer son innovation et assurer son développement dans un monde contraint en ressources.
Tout au long de l’année 2025, Kéa vous proposera un éclairage sur les leviers les plus puissants à actionner pour générer des impacts significatifs à court terme sur la rentabilité en vous partageant des outils méthodologiques, des témoignages clients et des solutions pragmatiques et opérationnelles à mettre en œuvre, issues de nos nombreuses expériences dans le domaine.
*Les coûts adressables sont les coûts sur lesquels l’entreprise est à même d’agir d’une manière ou d’une autre. Ils englobent la main d’œuvre, les pertes qualité, les dépenses informatiques, le transport, les dépenses externes…Par opposition, les coûts non adressables sont liés à des contraintes physiques provenant des process de transformation (ex ; la matière première minimale nécessaire pour fabriquer une pièce plastique, les calories minimums nécessaires pour transformer un matériau…) ou des taxes par exemple.
La matière première, qu’elle soit minérale, chimique, animale ou végétale, est au cœur des enjeux de responsabilité, de performance et de souveraineté de l’entreprise.
Les industriels, tous secteurs confondus, sont confrontés à de nombreuses contraintes qui peuvent fortement les fragiliser. Ils doivent répondre aux exigences réglementaires et aux attentes des investisseurs, gérer l’accélération de l’épuisement des ressources naturelles, mitiger les risques (sanitaires, réputationnels, CSRD, résilience de leur Supply..) et satisfaire des clients et des consommateurs finaux de plus en plus informés et inquiets.
Plusieurs grandes natures de défis sont à relever :
- sécuriser leurs approvisionnements dans un contexte de raréfaction des matières premières primaires (épuisement des ressources naturelles, stockages importants par certains Etats*, contexte géopolitique) : l’UE a d’ailleurs lancé en mars dernier le Critical Raw Materials Act (CRMA) qui vise à sécuriser 34 matières premières dont 17 stratégiques (Nickel, cuivre, Manganese, aluminium…) ;
- réduire leur empreinte carbone, dont jusque 90 % peuvent être issus de leur scope 3 sur l’amont. Une étude récente du MIT (State of Supply Chain Sustainability 2024) montre que le sujet reste un vrai challenge pour les entreprises :

- améliorer la traçabilité des Matières Premières : d’une part due à une réglementation qui se durcie (notamment la CSRD) ou encore aux enjeux de risques réputationnel à l’image de ce qu’a vécu McDonald’s récemment aux Etats-Unis avec la contamination de ses burgers par la bactérie E.Coli.
Or les entreprises ont souvent, au fil du temps et sous pression de performance économique, cherché à se recentrer sur un cœur d’activité sur lequel elles excellent, et à faire émerger de fournisseurs forts (Rang 1) avec lesquels elles travaillent, leur laissant la responsabilité de gérer les fournisseurs des rangs supérieurs et de leur diffuser les règles et normes qu’elles souhaitent voir appliquer.
Si cette stratégie a permis de rationnaliser et d’optimiser l’entreprise, cela l’a aussi rendue aveugle ou a minima dépendante de sa chaîne d’approvisionnement. D’après une étude de FinanceOnline, 62 % des organisations ont une visibilité limitée de leur chaîne d’approvisionnement, tandis que 15 % se concentrent uniquement sur la production, 17 % ont une visibilité étendue et seulement 6 % ont une visibilité complète.
Alors, si maîtriser ses matières premières primaires devient critique, comment consolider une vision des fournisseurs de rang 1,2,3 et au-delà (parfois jusque 10 niveaux suivant les secteurs) ? Comment avancer dans ce qui semble être une gageure ?
5 pistes de progrès
1. Investissez dans la compréhension de votre chaîne de fournisseurs, de rang 1 à N
Ne restez pas aveugle ! De la même manière que vous investissez pour connaître vos clients et leurs usages, investissez dans la compréhension de votre chaîne de fournisseurs. Cartographiez les fournisseurs de vos fournisseurs, et intégrer une vision à 360° des risques (risques stratégiques, géopolitiques, financiers, CSRD, ..) qui pèsent sur chacun d’eux. Le travail semble immense, et pour beaucoup d’entreprises il l’est. Mais la segmentation et priorisations aide à avancer petits pas. Vive la CSRD, elle vous oblige et les oblige ! La chaîne se met en tension…

2. Intégrez une vision prospective des matières
Vous n’hésitez plus à vous inspirer d’une vision prospective des usages de vos clients… mais avez-vous pensé à faire de même sur vos matières premières ? A titre d’illustration, le directeur des Achats d’un leader de la cosmétique a engagé une démarche de prospective afin de passer du mode réactif au mode anticipatif. Son objectif était de prévoir les facteurs/les sous-jacents qui pourraient affecter et/ou mettre à risque son portefeuille matières premières, ses articles packaging mais aussi les routes logistiques. Cette approche lui a permis notamment de repenser sa stratégie de sourcing (rapprochement de ses centres de production et diversification) mais aussi d’être en capacité de faire des recommandations au Marketing et à la R&D dans la gestion du catalogue produits.
3. Passez du Supplier management au Raw Management
De la même manière que des acteurs de la maroquinerie sélectionnent certains éleveurs de vache pour les soutenir dans la mise en place de pratiques d’élevage durable et garantir un approvisionnement en cuir de qualité, de la même manière que des acteurs de la cosmétique et du soin ont investi dans des fermes agricoles pour sécuriser leurs approvisionnements de fleurs « durables »….sur certains matières clés, n’hésitez pas à vous occuper directement du sourcing de la matière première primaire ou du soutien à l’entreprise extrayant cette matière. Plusieurs modes d’actions sont possibles, plus ou moins engageants (partenariats, JV, actions de développement local…) … mais n’est-ce pas la meilleure manière d’en assurer la maîtrise ? Pour en vérifier le ROI économique, n’oublions pas de passer de la vision Prix de revient unitaire à un calcul de performance global (coût, qualité, bilan carbone, sécurisation des approvisionnements, …).
4. Structurez votre R&D matières premières autour de nouvelles compétences
L’innovation sur les matières premières durables a besoin d’être structurée et de s’appuyer sur de nouvelles compétences au sein de l’entreprise, historiquement orientée sur l’innovation des procédés industriels internes ou des usages des clients. Forvia a ainsi crée Materi’act , centre de R&D et de fabrication de matériaux durables, issus de plastiques recyclés ou biosourcés comme le chanvre par exemple. L’IA et le machine learning accélèrent d’ailleurs considérablement le temps de développement de ces matières. Autant de nouveaux métiers et de nouvelles compétences sur lesquels investir…
5. Agissez en coalition ou filière, notamment sur les sujets de traçabilité et de circularité
Sur certains sujets, nul ne peut avancer tout seul ! Et sur ces 2 enjeux (assurer la traçabilité de bout en bout, des matières premières primaires à vos client) ou garantir vos approvisionnements en matières recyclées, les coalitions sont nécessaires :
- pour partager les investissements et risques financiers sur le développement des solutions IT ou des infrastructures (collecte des produits à recycler notamment) qui n’existent pas ou ne sont pas encore à maturité,
- pour mettre en commun de la data et/ou normer les besoins de data, notamment sur l’enjeu de traçabilité comme en témoigne de multiples coalitions en cours de structuration (TRASCE dans la cosmétique par exemple).
En conclusion
Dans cette période où nous prenons conscience de la raréfaction de nos ressources, d’enjeu de durabilité et de transparence, la concurrence des entreprise est remplacée par celle de leurs chaînes de valeur… Alors savoir investir sur le sourcing et l’Innovation de ses matières premières, jusqu’aux matières premières primaires devient, un atout concurrentiel majeur.
Trouver les bons partenaires, structurer une gouvernance de l’innovation et la transition sur vos matière premières, en interne à votre entreprise voire en externe, définir les alliances / coalitions pour avancer à sur des modèles innovants, ouvrent un potentiel passionnant de progrès pour les entreprises et nécessitent de définir le bons investissements financiers et humains. Alors après l’ère de l’optimisation des Achats, celle du développement de vos Fournisseurs stratégiques, choisissez d’investir dans celle du Sourcing et de l’Innovation sur vos matières premières durables !
Dans un monde où les entreprises doivent faire preuve d’agilité pour croître et s’adapter aux mutations du marché, la complexité organisationnelle est une menace invisible. Souvent mal identifiée, elle est un frein à la performance et à l’engagement des collaborateurs. Elle s’installe progressivement au cours de la vie de l’entreprise, alourdit la prise de décision, multiplie les strates de validation et dilue la responsabilité. Maîtriser cette complexité n’est pas un luxe, c’est une nécessité stratégique pour mettre l’entreprise sur une trajectoire de performance durable.
Comment simplifier l’organisation sans sacrifier ni rigueur ni maîtrise, créer un cadre clair, efficace et fluide, dans lequel chacun comprend son rôle et où les décisions sont prises au bon niveau ?
Nous vous proposons 3 pistes d’actions pour faire de la simplification un levier durable de performance et un véritable avantage concurrentiel :
- prendre conscience de ce frein invisible mais puissant que constitue la complexité organisationnelle ;
- au-delà d’actions tactiques, réparer le système organisationnel ;
- choisir la bonne démarche.
La dette organisationnelle : un frein invisible mais puissant
Toute organisation accumule naturellement une dette organisationnelle au fil de sa vie, amplifiée par les évènements majeurs : période d’hypercroissance, changement de cap stratégique, acquisition externe, recrutement et attrition…
Ce concept, inspiré de la dette technique en informatique, désigne l’ensemble des rigidités et inefficiences qui s’accumulent au fil du temps et finissent par entraver la performance et peser sur l’engagement. La dette organisationnelle résulte de nombreux facteurs que nous constatons chez nos clients, parmi lesquels nous pouvons citer :
- l’empilement des processus : chaque nouvelle exigence réglementaire, chaque transformation ou crise, chaque nouvelle opportunité de business ou chaque nouvel arrivant apporte son lot de règles et de validations, rarement remises en question une fois mises en place ;
- l’engorgement des ressources : dans un contexte où tout le monde est surchargé, le premier rendez-vous disponible se trouve souvent à plusieurs semaines. En attendant, on s’engage dans de nouveaux projets, devenant ainsi un goulot d’étranglement pour les projets des autres. La situation s’aggrave rapidement : on se retrouve à piloter dix projets qui stagnent car on ne peut consacrer à chacun qu’une demi-journée par semaine ;
- les décisions réactives : certaines mesures, prises pour résoudre un problème ponctuel, deviennent des standards obsolètes ou lourds à entretenir ;
- la méfiance et la surcharge de contrôle : un manque de confiance envers les équipes conduit à une inflation du reporting et des niveaux de validation inutiles.
Cette dette organisationnelle finit par ralentir la prise de décision, accroître la charge physique et mentale des collaborateurs, limiter leur capacité de réactivité et d’innovation. Et elle ne se résorbe pas naturellement : seule une action consciente et volontariste des dirigeants peut l’enrayer.
Au-delà d’actions tactiques, réparer le système organisationnel
La simplification ne consiste pas seulement à supprimer des processus ou à réduire le nombre de comités. Pour être efficace et durable, elle doit mobiliser un large éventail de leviers activables individuellement ou en synergie :
Levier n° 1 – Clarifier les structures et les responsabilités
- Réduire les zones grises : un organigramme flou et une multiplication des responsabilités partagées génèrent lenteurs et conflits de priorités. Clarifier les rôles permet d’accélérer la prise de décision.
- Alléger la gouvernance : simplifier les circuits de validation et rationaliser les reportings libèrent du temps et de l’énergie pour l’action.
- Fluidifier les interactions entre entités : éviter les allers-retours inutiles en repensant les interfaces entre services et fonctions et en créant les conditions de la collaboration (comprendre les enjeux respectifs, investir dans la relation à chaque niveau, …).
Levier n°2 – Transformer les comportements et la culture managériale
- Changer la perception de la complexité : trop souvent, complexité rime avec contrôle. Inverser cette logique en faisant confiance au sein d’un cadre précis permet de limiter les couches de validation et la charge de reporting.
- Encourager la simplicité comme réflexe collectif : limiter le recours aux jargons, favoriser des décisions rapides et bien informées, valoriser les supports synthétiques.
- Autoriser à dire « stop » : stop aux réunions inutiles, stop aux reportings dont on ne comprend pas le sens, stop aux injonctions paradoxales. Dénoncer ces dérives permet au management d’en prendre conscience.
- Libérer l’initiative : une organisation trop rigide enferme les collaborateurs dans des silos et survalorise l’avis hiérarchique. Créer les conditions de la collaboration transverse et de la prise d’initiative favorise la réactivité et la pertinence de l’action.
Levier n°3 – Exploiter la technologie et les outils numériques
- Automatiser les tâches chronophages : une digitalisation pertinente peut libérer du temps sur des activités à faible valeur ajoutée.
- Centraliser et partager l’information : une donnée accessible et bien structurée diminue les pertes de temps liées aux recherches d’informations et aux multiples versions de documents.
L’efficacité de la simplification repose sur une approche globale et cohérente. Réduire les processus sans modifier les comportements ou sans exploiter la technologie ne suffit pas. C’est l’alignement de ces leviers qui permet une transformation durable.
Choisir la bonne démarche de simplification
Selon les enjeux de performance, d’agilité ou de sérénité, plusieurs approches peuvent être envisagées :
- la refonte ciblée et rapide menée par une équipe dédiée. Cette approche est idéale pour traiter une complexité identifiée dans un temps court.
- le grand ménage de printemps qui consiste à mobiliser les managers sur une période courte pour créer un choc positif et obtenir des résultats visibles rapidement. Cette approche a fait ses preuves auprès d’organisations qui accumulent des irritants diffus.
- la culture de la simplification : l’approche la plus créatrice de valeur durable. Quand chaque manager intègre la simplification dans ses pratiques, elle devient un réflexe naturel et ralentit l’accumulation ultérieure de dette organisationnelle.
L’erreur serait de vouloir tout simplifier d’un coup. La démarche doit être progressive : souvent une refonte ponctuelle ou un grand ménage initial permet d’amorcer la dynamique de simplification, avant d’instaurer cette culture dans la durée.
La simplicité : un avantage stratégique et un actif immatériel valorisable
La complexité organisationnelle est un mal insidieux qui s’installe sans que personne ne l’ait réellement décidé. Pourtant, elle n’est pas une fatalité. En prenant conscience de la dette organisationnelle, en activant les bons leviers et en choisissant une démarche adaptée, il est possible de rendre l’organisation plus agile, plus performante et plus engageante.
Pour aller plus loin, la simplification peut dépasser le simple projet ponctuel et devenir une discipline continue, intégrée dans le fonctionnement même de l’entreprise. Lorsqu’elle est bien menée, elle devient un avantage concurrentiel majeur : moins de rigidité, plus d’innovation, des collaborateurs plus engagés et une entreprise plus réactive face aux défis du marché.
Face à des bouleversements sociétaux, environnementaux et géopolitiques sans précédent, les entreprises doivent repenser leur modèle de création de valeur. En explorant leur singularité et leurs actifs immatériels – confiance des clients, savoir-faire des équipes, connaissance fine de leur écosystème, culture d’entreprise, réputation – elles peuvent amorcer une transformation réussie et durable. Ces ressources immatérielles, qui représentent de 50 % à 80 % de la valeur des entreprises selon les secteurs, et dont seulement 20 % sont comptabilisés, recèlent un potentiel inestimable pour rester compétitif, innover, attirer les talents. Comment ces actifs peuvent-ils devenir les pivots d’une économie plus positive et plus juste ?
1. L’immatériel comme trait d’union entre financier et extra-financier
La pression exercée par les limites planétaires et le creusement des inégalités sur les dernières décennies mettent en lumière l’obsolescence des modèles économiques actuels souvent construits sur une exploitation illimitée des ressources. En parallèle, les normes financières élaborées au 20ème siècle, axées sur des indicateurs tels que le PIB, peinent à refléter la richesse réelle des organisations et sous-estiment les externalités positives, comme la confiance des parties prenantes, les compétences, l’employabilité et le bien-être des salariés, pourtant essentiels pour assurer la pérennité des entreprises.
Kéa travaille depuis 20 ans sur la mesure de la vitalité culturelle des entreprises, et accompagne leur transformation vers une culture désirée par leurs dirigeants. Nous lançons début 2025 un nouveau cycle de réflexion sur le sujet, baptisé « Le quart d’heure d’avance ». De multiples méthodes d’identification, de mesure et d’activation de l’immatériel existent (Cap-immatériel, Thésaurus, Holodiag, Valentin, Sharing Value …) et Kéa y contribue sur les notions de résultat d’exploitation immatériel, systèmes d’actifs immatériels, ou porteurs d’actifs. Ces méthodes visent moins la valorisation ponctuelle du goodwill d’acquisition qu’un inventaire permanent de l’immatériel, une aide à la gouvernance, aux choix stratégiques et aux décisions d’investissements.
C’est un défi immense de matérialiser l’immatériel et une forme de paradoxe de rendre comparable l’unicité. En Europe, la double matérialité et la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) éveillent les investisseurs et dirigeants à l’extra-financier. Mais l’objectif assumé reste avant tout de maîtriser les externalités négatives (émissions carbone, menaces sur la biodiversité, pollutions…) plutôt que de maximiser l’impact bénéfique d’une organisation de manière holistique (rôle dans une filière, un territoire, une cause d’intérêt général, …).
A retenir :
- Les limites planétaires exigent une remise en question profonde des modèles économiques actuels ainsi que des normes économiques.
- L’enjeu est plus de prendre de conscience et investir dans ses actifs immatériels plutôt que les monétiser.
- La double matérialité et la CSRD choisissent de compléter le financier par l’extra-financier, sans vraiment considérer que l’immatériel peut faire le lien entre les deux.
2. Forces immatérielles, forces stratégiques
Dans un contexte où la différenciation concurrentielle devient cruciale, les actifs immatériels constituent une réponse pertinente. Ils regroupent le capital humain, organisationnel et relationnel, absents du bilan, mais décisifs pour la résilience et l’innovation.
Prenons l’exemple du capital humain : Harmonie Mutuelle développe des stratégies axées sur la prévention, la santé et le bien-être des collaborateurs, ce qui renforce l’engagement et la productivité. Par ailleurs, le capital relationnel, qui inclut la relation avec les parties prenantes et l’écosystème local, joue un rôle essentiel dans la co-création de solutions adaptées aux attentes sociétales.
L’immatériel ouvre un potentiel gigantesque qui renouvelle la conception de l’essentiel et l’imaginaire du bonheur, un nouveau récit de l’avenir, authentique et aspirationnel. C’est le « système d’exploitation » au cœur des entreprises qu’il faudra renouveler. A quelle vitesse et à quel prix ? Un équilibre doit être trouvé entre :
- une certaine radicalité, donnant la primauté à la vision européenne, avec des règles du jeu valables immédiatement pour tous (EFRAG), en intégrant le capital nature dans le bilan de l’entreprise, en accélérant les expérimentations de comptabilité multi-capitaux ;
- des petits pas, une progressivité, une approche multilatérale visant à « construire une religion plutôt que plusieurs sectes ».
Pour valoriser ces ressources, les entreprises doivent intégrer leur gestion dans des stratégies de long terme. Cela inclut l’amélioration des compétences internes, la mise en place de systèmes de reconnaissance et la création d’une culture d’entreprise axée sur la collaboration et l’innovation.
A retenir :
- L’essentiel de l’économie (comme de la vie), le bien-être, la raison d’être, le progrès, l’héritage, l’empreinte laissée, la transmission sont largement immatériels.
- Cartographier les actifs immatériels de l’entreprise fait apparaître ses leviers stratégiques.
- Pas de « grand soir » pour l’immatériel mais un chemin de transformation à inventer entre actions radicales à portée universelle et petites réalisations locales.
3. Réinventer le travail et le partage de la valeur
Depuis Karl Marx, le contenu et la productivité du travail restent au pire le ferment d’une lutte des classes, au mieux un mystère. En France, nous vivons aujourd’hui une situation inédite depuis 1945, où le travail ne permet plus à la plupart des gens d’augmenter leur niveau de vie. Comment sortir de l’impasse ?
La transformation durable exige une redéfinition des notions de travail et de capital. Le travail, autrefois perçu comme une simple exécution de tâches (le travail prescrit), s’impose désormais comme une sédimentation d’actifs immatériels, un vecteur de sens, d’innovation et de contribution sociétale (le travail réel). Le travail combine l’opération d’une tâche vers un résultat (les anglais disent « outputs ») et « chemin faisant », la création d’actifs (« outcomes »). Ainsi, chaque travailleur devrait être reconnu comme « porteur d’actifs » : celui qui utilise, communique, transmet des ressources immatérielles qui ne s’usent que lorsqu’on ne s’en sert pas.
Comment les entreprises peuvent-elles utiliser leurs actifs immatériels pour répondre aux enjeux de partage de la valeur et du bien-être collectif ? Le Groupe Bouygues, par exemple, a su mobiliser ses forces immatérielles pour développer des matériaux durables grâce à des coalitions intersectorielles. Cette approche a permis de réduire son impact environnemental tout en renforçant ses avantages concurrentiels. Une telle stratégie montre comment l’économie de la fonctionnalité peut réduire la pression sur les ressources naturelles, en passant d’une logique de possession à une logique d’usage.
Par ailleurs, la collaboration avec les parties prenantes ouvre des perspectives pour un partage équitable de la valeur créée. Les modèles participatifs, où les employés sont impliqués dans les processus de décision, favorisent non seulement l’engagement mais également la performance globale. Des actions de régénération, comme le soutien à la formation continue et la restauration des écosystèmes, complètent ce cadre en assurant une pérennité des ressources.
A retenir :
- Le capital immatériel redéfinit la notion de travail en l’incarnant dans la figure du travailleur et en valorisant son impact sociétal.
- Les approches collaboratives ou intersectorielles renforcent la durabilité et la compétitivité des entreprises.
- Mesurer et valoriser les actifs immatériels renforce l’attractivité et la performance à long terme.
En conclusion
Le rapport sur l’investissement dans l’immatériel dans l’industrie, réalisé en 2021 par l’Observatoire de l’immatériel, le ministère de l’Industrie, BpiFrance, la Caisse des Dépôts et Consignations, la Fabrique de l’industrie et le professeur Rodolphe Durand, montre une corrélation très nette entre l’investissement dans l’immatériel et la performance des ETI industrielles étudiées : croissance du CA, amélioration de l’EBITDA, création d’emploi. En valorisant leurs actifs immatériels, les entreprises peuvent non seulement relever les défis environnementaux et sociétaux mais aussi renforcer leur singularité et leur résilience.
Cet article est la synthèse du webinaire de la série Future-Up! 2024 avec les interventions de Bertrand Badré, Fondateur et Directeur général de Blue like an Orange Sustainable Capital, Fabrice Bonnifet, Directeur Développement Durable & Qualité, Sécurité, Environnement, Bouygues, Lionel Fournier, Directeur impact et santé durable du groupe Harmonie Mutuelle, Jérôme Julia, Senior Partner, Kéa et Président de l’Observatoire de l’immatériel
Regarder le replay :
Les entreprises contemporaines opèrent dans un contexte marqué par la fin de l’illusion des ressources illimitées, qu’elles soient matérielles ou humaines. Face à cette réalité, seule une approche innovante et responsable, conjuguant valeur économique, humaine et environnementale, permettra aux organisations de prospérer. Cette transformation profonde, nécessaire mais exigeante, impose de réfléchir aux moyens de régénérer les ressources.
Cet article explore trois axes stratégiques pour aider les Directions Générales à relever ce défi :
- ajuster les transformations aux forces en place ;
- créer des conditions de régénération mutuelle entre ressources et objectifs pour les aligner sur une croissance durable ;
- rétablir un lien fort entre les salariés et leur entreprise.
1. Transformation organisationnelle : comment s’adapter aux forces en place ?
Chaque organisation possède ses spécificités. Une transformation efficace commence par une analyse approfondie de ses dynamiques internes, de ses ressources et de ses objectifs propres.
Face aux multiples évolutions, technologiques, économiques, réglementaires, environnementales, les organisations doivent se transformer. Or ce changement est extrêmement coûteux pour les personnes qui le portent. L’entreprise doit donc se concentrer sur les chantiers essentiels, préférer évoluer à petits pas et sûrement plutôt que par grandes vagues incertaines qui épuisent les ressources. Cette approche frugale doit également être pragmatique en prenant en compte les réalités opérationnelles et les pratiques locales. Dans une entreprise internationale telle que Safran Landing Systems, la diversité des profils (ingénieurs, techniciens, experts) et leur répartition géographique sur plusieurs continents exigent des approches locales et adaptées pour engager les équipes dans les transformations à mener. Il est impératif de prendre le temps de connaître les collaborateurs et d’adapter le discours aux réalités culturelles de chacun.
Comprendre l’organisation et sa culture c’est comprendre les comportements, les croyances, les systèmes et symboles qui sont à l’œuvre. A titre d’exemple, dans une fonderie de verre, tant qu’on ne comprend pas que « la première brûlure » est un rituel d’intronisation dans le métier, il n’est pas possible de progresser sur la douloureuse question du port des équipements de sécurité.
Les différences générationnelles doivent aussi être prises en compte mais sans tomber dans la généralisation et les stéréotypes. Les enquêtes sur les aspirations professionnelles des jeunes révèlent une certaine hétérogénéité dans les attentes en fonction des profils socio-économiques et un écart entre les attentes exprimées et la réalité de leurs parcours professionnels. Ainsi des élèves de HEC ont répondu être prêts à renoncer à 20 % de leur salaire pour plus d’autonomie ou pour rejoindre une entreprise orientée sur les enjeux environnementaux alors que leur trajectoire professionnelle montre qu’ils ne renoncent en réalité qu’à 8 % en moyenne.
Une approche adaptative exige de déceler les moteurs et freins à l’œuvre dans l’organisation. Ce diagnostic, basé sur l’immersion, l’observation et l’écoute, permet de structurer les efforts autour des dynamiques positives et d’investir efficacement dans le changement. Par exemple, Safran, bien qu’en période de réduction des budgets liés aux temps forts collectifs, a fait le choix de maintenir les frais de traducteurs. C’est un choix judicieux que de soigner en premier lieu les canaux de communication comme préalable à tous les progrès en cascade qui sont attendus. Enfin, en début de projet, un management énergique et convaincu est indispensable pour mobiliser les équipes et insuffler une dynamique collaborative.
A retenir :
- Prioriser la frugalité : éviter la saturation organisationnelle en se concentrant sur l’essentiel.
- Observer les dynamiques existantes pour aligner les transformations sur les réalités internes.
- Investir dans la phase initiale pour créer une mobilisation durable.
2. Ressources et objectifs : comment créer les conditions de régénération mutuelle pour les aligner sur une croissance durable ?
Les transformations doivent viser un équilibre entre exploitation des ressources individuelles et alignement des objectifs personnels afin d’assurer une régénération continue au sein des organisations.
L’engagement individuel et collectif est au cœur des processus de transformation. Une étude sur l’engagement révèle que la motivation première des militaires, qui sont prêts à donner leur vie, est la camaraderie. Ce constat souligne l’importance de s’intéresser aux motivations profondes, en parallèle du travail souvent fait pour identifier et formaliser la raison d’être collective. Les liens humains sont souvent une ressource en la matière. Pour bien les cerner, on pourra travailler avec des persona pour mieux comprendre la diversité des aspirations et contraintes des différents collaborateurs, identifier l’impact des transformations sur celles-ci et ainsi renforcer l’engagement tout en optimisant les processus de travail.
Depuis 10 ans, toutes les études sur la croissance économique mettent en évidence le lien entre croissance économique et confiance : confiance entre investisseurs et entreprises, relations consommateurs ou clients-fournisseurs, confiance entre les collaborateurs d’une entreprise et entre les acteurs d’un écosystème, … Le niveau de confiance en France est faible comparé à d’autres pays. La raison la plus souvent invoquée tient à des pratiques pédagogiques très spécifiques à la scolarité « à la française » où la collaboration au travers de projets collectifs est très peu pratiquée. Et pourtant, toutes les entreprises disposent d’un capital confiance inexploité, concentré dans les 30-40 % de salariés qui se déclarent attentistes dans les nombreuses enquêtes menées sur l’engagement. La confiance est à la base de l’engagement et de la responsabilisation. Les entreprises doivent donc investir dans la confiance pour créer un environnement propice à la régénération des ressources.
Celle-ci repose sur plusieurs piliers :
- Le narratif commun : un pré-requis pour porter une vision partagée qui connecte les collaborateurs aux valeurs et objectifs de l’organisation.
- L’autonomie et la reconnaissance pour encourager l’initiative individuelle tout en valorisant les contributions au collectif. Cela passe par des pratiques encore peu généralisées en France : le feedback, le droit à l’erreur, la célébration des succès même modestes.
- Le management de proximité pour soutenir les collaborateurs par un encadrement attentif et bienveillant. En effet, si l’on parle souvent de la confiance des collaborateurs envers leurs managers, la confiance du management envers les équipes est tout aussi importante.
Les pratiques de décentralisation illustrent ces principes. Cependant, elles n’aboutissent que lorsque les collaborateurs partagent des incitations et objectifs clairs. Une transformation bien menée repose donc sur une articulation entre liberté d’action et alignement stratégique.
A retenir :
- Investir dans la confiance comme levier principal.
- Valoriser les initiatives tout en maintenant une vision commune.
- Soutenir les collaborateurs par un management de proximité et une reconnaissance authentique.
3. Engagement des salariés : comment rétablir un lien fort avec l’entreprise ?
Rétablir une connexion forte entre les individus et le collectif est essentiel pour contrer la désaffection des salariés, notamment des jeunes générations.
La désaffection envers l’entreprise, souvent confondue avec un rejet du travail, traduit un besoin accru de reconnaissance et d’interaction. Les jeunes générations, par exemple, expriment une forte aspiration à l’autonomie et à un sens accru dans leur activité professionnelle.
Pour rétablir les liens, les entreprises doivent miser sur :
- La création d’espaces de socialisation : Organiser des moments d’échange pour faire vivre l’expérience du partage et découvrir la valeur de la collaboration. Démarrer petit, avec quelques collaborateurs motivés et des moyens de communication simples (pas de grand-messes coûteuses) et capitaliser sur l’appétence des collaborateurs pour les relations humaines et l’effet « boule de neige ».
- Une approche participative : Encourager les collaborateurs à partager leurs bonnes pratiques. Chez Safran, par exemple, des initiatives simples comme la mise en avant de réussites locales ont permis de créer des dynamiques positives entre collaborateurs de différents pays.
Ces actions doivent être ancrées dans une intention sincère et soutenues par un engagement visible des dirigeants. Le développement de collectifs unifiés passe par la reconnaissance de la diversité et la création d’opportunités pour que chacun trouve sa place.
A retenir :
- Créer des moments de socialisation pour renforcer les liens.
- Encourager les initiatives locales pour inspirer l’ensemble de l’organisation.
En conclusion
Les transformations organisationnelles sont des opportunités uniques pour conjuguer bien-être individuel et performance collective. En ajustant les projets aux spécificités des organisations, en régénérant les ressources et en retissant les liens entre individus, les entreprises peuvent relever les défis actuels. Ces efforts n’impliquent pas de choisir entre performance et humanisme : ils résultent d’une vision partagée et d’un investissement dans la confiance, les relations et les conditions de travail.
Les dirigeants ont le pouvoir d’agir dès aujourd’hui. Identifier les besoins spécifiques, valoriser les succès, même modestes, et donner aux collaborateurs les moyens de contribuer à un futur souhaitable sont les premières étapes pour transformer durablement leurs organisations. Le chemin est exigeant mais porteur d’espoir : un équilibre entre résilience, innovation et humanisme est non seulement possible, mais également nécessaire pour construire un avenir désiré par tous.
Regarder le replay :