Comment réconcilier performance économique et contribution au commun ?
2020 est une année décisive pour la transformation de nos sociétés en responsabilité. Elle restera marquée dans nos mémoires comme celle qui nous aura imposé à tous, dans tous les secteurs, de changer de regard sur l’économie et d’en penser désormais la soutenabilité. Il n’y a plus d’alternative et il faut se mettre en chemin.
La Revue n° 24 « Responsabilité, du discours à la contribution » s’attache à la question du passage à l’action.
Nous y signons un article sur les 4 piliers qui soutiennent la transformation vers une économie souhaitable, La notion de responsabilité reste clivante. D’un côté, les opposants jouent la carte de l’indifférence et du laisser-faire, quitte à flirter avec un cynisme provocateur. De l’autre, les défenseurs les plus fervents prônent une responsabilité de tous et pour tout, au risque de transformer le marché en véritable tribunal moral. Nous ouvrons une troisième voie, celle de la responsabilité « en action ».
La parole est donnée à des personnalités aux points de vue différents :
Christophe Itier, Haut-Commissaire de l’Économie Sociale et Solidaire, au gouvernement jusqu’à l’été 2020,
Gaspard Koenig à la pensée libérale,
Antoine Sire, porteur de l’engagement de BNP Paribas.
« Au cœur de la question de la responsabilité se loge donc celle de la capacité à déléguer, à faire confiance. Pour que les entreprises soient libérées, encore faut-il que leurs employés soient libres… de réussir comme d’échouer »
Gaspard Koenig, écrivain et philosophe
Stratégie & Culture, les liaisons précieuses
Que nous nous en préoccupions ou non, la culture de notre entreprise influence nos décisions les plus stratégiques et oriente nos actes. Elle est un vecteur fort d’identité et d’unité, souvent un facteur de fierté et d’engagement, de ce fait, source de performance. Mais est-elle alignée avec notre stratégie ?
Lorsqu’il faut négocier des virages critiques – arrivée de nouveaux acteurs, disruption, rapprochement d’entités –, des compartiments de nos héritages culturels peuvent s’avérer trop lourds à porter ou trop limitants. Nombre de situations de fusion l’attestent. A contrario, des entreprises, parmi les plus grandes, montrent qu’il est possible d’agir sur la culture et d’en faire un facteur majeur de différenciation et de compétitivité.
Reste alors à comprendre en pratique les liens à l’œuvre entre stratégie et culture :
Qu’est-ce que la culture ? Comment la représenter ? Comment la mesurer ?
La culture peut-elle accélérer ou freiner l’exécution de la stratégie ?
Quels sont les liens entre culture, engagement et performance ?
Peut-on transformer la culture ?
C’est tout l’objet de la publication du cercle de réflexion « Quart d’Heure d’Avance Culture & Stratégie » que d’y répondre.
Ce cercle a réuni pendant plus d’un an (automne 2017 – hiver 2018) une vingtaine de participants, praticiens de l’entreprise, occupant ou ayant occupé des fonctions de direction dans différents secteurs d’activité et organisations. Les échanges ont permis d’identifier les questions prééminentes et les pistes d’action pouvant être mises en place rapidement au sein d’organisations existantes : d’où le quart d’heure d’avance et non l’heure d’avance !
Comment réinventer les modèles économiques de la mode… et renouer avec la croissance ?
Kea co-signe avec l’Institut Français de la Mode une étude incontournable, reconnue par tous les acteurs de la filière.
Issu d’une initiative collective de l’ensemble des fédérations de la mode, sous l’impulsion du DEFI La Mode de France, ce rapport invite à dépasser la sidération provoquée par la crise du Covid et à composer avec la profonde mutation du secteur.
Pour la seconde fois depuis le début du millénaire, l’économie mondiale fait face à une crise d’une gravité inédite comparée à celle de 2008-2009. L’impact du Covid-19, encore difficile à circonscrire à ce stade, sidère déjà par son ampleur. Il peut sembler vain de chercher des références historiques dans les précédentes crises économiques ou sanitaires : la nature du choc est différente en ce qu’elle combine à un degré aigu des problématiques jusqu’ici séparées dont les effets néfastes se renforcent mutuellement.
Le secteur de la mode est, peut-être plus que d’autres, capable de prendre à bras le corps sa réinvention et d’impulser des changements désormais inéluctables. La mode, constamment appelée à renouveler ses manières de faire, ne saurait faire l’économie d’une mutation profonde. Elle y est préparée car la quête de sens, qui conduisait un nombre de plus en plus grand d’observateurs à appeler à une remise à plat du système de la mode, est déjà bien ancrée dans les esprits, particulièrement au sein des jeunes générations.
Les enseignements pour cette industrie qui pèse en France plus de 154 milliards de chiffre d’affaires de l’amont à l’aval :
Innovation et technologies dans la chaîne de valeur
#3 : Les caractéristiques transverses des modèles gagnants
Frugalité des dépenses marketing
Capacité à exploiter la data (clients, produits)
Modèles commerciaux hybridés
Appréhension des nouvelles dynamiques internationales (glocal vs mega cities)
Raison d’être portée par les équipes et claire pour les clients
Culture de l’innovation (produits, expérience clients, communications)
#4 : Des facteurs de résilience pour réussir post-Covid
Cohérence du modèle opérationnel avec la proposition de valeur
Gestion du cash vs gestion de l’EBITDA
Capacité à variabiliser les coûts
Accès à des sources de financement
Structure capitalistique avec un horizon long terme
Maturité digitale et e-commerce
Personnalité du dirigeant
L’industrie de la construction est à la fois l’une des plus grosses pourvoyeuses d’emplois dans notre pays, l’un des secteurs les plus concernés par les enjeux climatiques et environnementaux (de l’ordre d’1/3 des émissions de GES) et l’un des secteurs les moins performants en matière d’amélioration de la productivité depuis des décennies. L’écart s’est creusé de façon spectaculaire avec la plupart des autres secteurs industriels, ce qui donne à l’industrie de la construction une sorte d’impérieuse nécessité de rattraper son retard en mettant les bouchées doubles. A l’inverse, les besoins d’habitat n’ont jamais été aussi forts, que ce soit dans les pays développés ou dans les régions plus pauvres, promettant une croissance soutenue aux acteurs du secteur.
De manière troublante, si la crise sanitaire a été violente, le rebond a également été virulent. En 2020, les résultats seront moins bons que budgétés globalement, toutefois l’activité reprend sur un rythme soutenu.
En dépit de l’actualité immédiate, la question posée aux acteurs du secteur n’est donc plus celle de l’amélioration continue ou de l’excellence opérationnelle, mais celle de la réinvention. Il s’agit de se mettre en ordre de marche pour aborder 5 enjeux majeurs, confirmés par la crise sanitaire.
Les 5 enjeux de la feuille de route stratégique
#1. Faire pleinement levier sur le digital et les technologies
Demain, toutes les composantes d’un bâtiment, matériaux et équipements, seront gérés à travers le BIM et tout projet de construction, qu’il soit neuf ou de rénovation, sera donc digitalisé de la conception jusqu’à la remise des clés. Mieux encore, chaque élément d’un bâtiment intégrera des objets connectés qui pourront assurer une amélioration spectaculaire de la qualité (pour les habitants qui vivent dans les bâtiments), des matériaux faciles à mettre en œuvre, par exemple en impression 3D (pour les artisans qui les mettent en œuvre), et la génération d’une impressionnante quantité de données permettant une baisse drastique des coûts de maintenance.
La principale fuite de productivité vient de la difficulté de l’industrie à collaborer de façon fluide. Ce que des industries comme l’aéronautique ou l’automobile ont su faire, la construction pourra le faire d’autant plus facilement que l’échange de données deviendra standardisé et facile grâce au digital. C’est une culture et des pratiques de coopération en filière qui devra se développer.
La notion de responsabilité ou de garantie de performance dans le temps deviendra un enjeu central de la création de valeur dans l’industrie de la construction. Le développement de la technologie digitale et de l’utilisation intelligente des données permettra à des acteurs venus tout aussi bien des matériaux que de la mise en œuvre ou des services de s’allier pour faire émerger des business models fondés sur une garantie durable de performance aussi bien dans le domaine du confort que dans celui de l’économie.
#4. Concrétiser les engagements pris sur le développement durable et la responsabilité
L’industrie de la construction est à la fois fortement consommatrice de ressources naturelles peu renouvelables (par exemple le sable), émettrice de 30% des GES, le secteur le plus accidentogène de tous (de l’ordre de 20% des accidents mortels dans l’UE), responsable d’environ 50% de la production de déchets solides… Le défi est donc immense, mais les pistes de solutions sont connues même si elles demandent un effort de transformation considérable et des mouvements stratégique significatifs : développer la déconstruction plutôt que la démolition, utiliser les déchets de construction comme matière première, concevoir des bâtiments à énergie positives en exploitant les matériaux innovants, utiliser des biotechnologies pour développer des matériaux alternatifs…
#5. Faire un saut majeur en matière de formation et de développement de nouveaux métiers
La sophistication croissante des matériaux (vitrages intelligents, sols auto-régulés), des techniques de mise en œuvre (impression 3D, robots d’application, exosquelettes, aide à la mise en œuvre avec la réalité virtuelle), des modalités de collaboration verticale, imposeront de développer de façon massive les compétences et les qualifications dans un secteur qui de façon traditionnelle éprouve des difficultés structurelles sur ce plan. Ce sera notamment un facteur clé de succès dans le développement d’une collaboration verticale fluide et efficiente.
Yuka, Good on You… ou l’ambiguïté de l’économie vertueuse
Téléchargée plus de douze millions de fois en moins de trois ans, l’application Yuka transforme nos habitudes alimentaires à un rythme stupéfiant. En seulement quelques mois, elle parvient à faire ce que médecins, écologistes, santé publique et lobbys réunis ne sont pas parvenus à réaliser en plusieurs années. Pas d’affiches dans le métro. Ni de slogans télévisés. Ni de message de prévention. Il suffit de scanner un produit avec votre portable et Yuka vous envoie instantanément un score nutritif. Zéro : exécrable. Cent : excellent. Adieu l’opacité des marques et l’indécision au rayon frais. Bienvenue dans l’ère de la simplicité et de la transparence.
Après l’uberisation, la Yukatisation ?
Si Yuka n’est pas un cas isolé, il n’en constitue pas moins l’archétype d’un phénomène économique beaucoup plus vaste que nous pourrions nommer « Yukatisation » : en s’appuyant sur un système de notation prétendument objectif, de petits acteurs privés se proposent de rendre compte du caractère « vertueux » des marques pour éclairer les individus avant achat. Selon cette définition, les applications comme Good on You, Clothparency, BuyOrNot et autres Kwalito participent du même mouvement. Ce n’est pas le cas, en revanche, des plateformes comme Amazon, Uber, TripAdvisor ou Booking. D’une part parce que leurs systèmes de notation sont construits, à ce jour, sur l’expérience subjective des consommateurs (et non sur des calculateurs supposés impartiaux). D’autre part parce qu’elles ne rendent compte que de l’expérience de consommation (et non du caractère « vertueux » des producteurs : matières premières utilisées, impact social ou environnemental, etc). Alors que 72 % des 18-34 ans n’hésitent pas à changer de marque si celle-ci ne correspond pas à leurs valeurs1, on comprend aisément que la transparence promise par la Yukatisation puisse ébranler les entreprises traditionnelles. Aujourd’hui, dans l’alimentaire, la cosmétique ou la mode. Demain, dans des secteurs aussi divers que les transports, la restauration, les secteurs high-tech ou entertainment. Dernier cas emblématique : le patron du Groupe Intermarché a annoncé vouloir retirer 142 additifs de 900 produits pour obtenir une meilleure note sur Yuka.
Un monde meilleur ou le meilleur des mondes ?
La Yukatisation constitue un progrès indéniable pour au moins deux raisons. Elle redonne aux consommateurs un pouvoir d’influence massif, à coût faible et à l’usage facile et, ce faisant, force les marques à améliorer la qualité de leur production. Au nom du vieux principe schumpétérien selon lequel l’innovation stimule la croissance par la mise en compétition (gare aux immobilistes !), ce sont donc non seulement les ménages mais l’ensemble de l’économie qui, à moyen-terme, s’en portent mieux.
Pour autant, l’influence croissante de ces applications soulève des questions capitales. D’abord, qui conçoit les systèmes de notation et au nom de quels critères ? Yuka a rendu publiques ses méthodes de calcul pour éviter l’effet « boîte noire », mais cela suffit-il à asseoir sa légitimité ? GoodOnYou assure évaluer l’éthique des marques de mode, mais quelle est cette éthique et à quelle culture commune s’en remet-elle ? Plus largement, si une plateforme de notation privée encadre à raison le pouvoir des producteurs, par quels contre-pouvoirs est-elle à son tour encadrée ? Les assurances sont placées sous la surveillance d’autorités publiques indépendantes telles que l’ACPR. On peut se demander quelle forme prendrait un tel dispositif dans un domaine aussi nébuleux que l’éthique ou la responsabilité, le tout dans une société hyperconnectée où chacun peut contrôler tout le monde…
Autre point de vigilance : l’imputabilité de Yuka et consorts. Quels risques prennent-ils ? En quoi souffrent-ils des décisions qu’ils prennent ou qu’ils font prendre aux autres ? Dans son dernier ouvrage, face à ceux qu’il nomme les « interventionistas », l’essayiste Nassim Nicholas Taleb rappelle que nul ne peut se prétendre responsable sans « jouer sa peau ». Or à l’heure où, au nom de principes responsables, de petites équipes agiles ont le pouvoir de faire plier des mastodontes employant des milliers d’individus, il paraît légitime de se demander quelles responsabilités leur incombent en retour. Une marque comme C’est qui le patron ?! semble relever le défi. Son objectif est le même : rester maître de son alimentation. Mais elle ne se contente pas de distribuer les bons points, elle s’implique, elle « joue sa peau », elle construit un nouveau modèle d’affaires proposant aux consommateurs de concevoir directement les produits qu’ils souhaitent retrouver en magasin (prix, qualité et juste répartition de la valeur entre producteurs et distributeurs sont ainsi définis de manière concertée). Enfin, jusqu’où pousser le système de scoring ? Le réel se résume-t-il à une série d’indicateurs ? Et peut-on tout noter au nom de la vertu ? Les produits, les marques, les entreprises, les comportements des dirigeants et des producteurs ? Toute l’ambivalence de notre époque apparaît en filigrane : sans concertation ni régulation des pouvoirs, la Yukatisation peut s’inverser en menace, l’émancipation des consommateurs en mimétisme général, le progrès en dystopie. Ouvrons-nous une nouvelle ère de prospérité, ou sommes-nous en train de vivre les cinq premières minutes d’un épisode de Black Mirror ?
Un changement est en gestation dans le monde des affaires. Depuis la première révolution industrielle, nombre de courants ont redessiné l’entreprise. Si la question de sa finalité s’est toujours posée, elle est restée à l’arrière-plan des questions de développement économique, d’efficacité des processus de production, de réduction des coûts ou d’alignement des équipes. « À la fin du money time, c’est l’EBIT qui compte ! » comme le disent souvent les représentants des actionnaires ou les acteurs financiers.
Dans un monde professionnel de plus en plus en quête de sens, on voit désormais clairement les limites de ce modèle. Il est grand temps pour l’entreprise de passer de la question du « comment ? » à la question du « pour quoi ? ». La croissance n’est plus l’alpha et l’oméga de la création de valeur.
Construire des entreprises responsables, plus soucieuses de la société
L’ambition de construire de telles entreprises à l’échelle du dirigeant, de l’investisseur et du collaborateur – aujourd’hui mais surtout demain – est plus que jamais d’actualité. En effet, la responsabilité est désormais la première valeur que les nouveaux cadres dirigeants veulent promouvoir dans l’entreprise : elle est citée par 45% d’entre eux, devant la performance (40%) ou le respect (39%)[1]. L’attente n’est plus seulement l’expression de lanceurs d’alerte, ONG, États, une pression venue des consommateurs. C’est aujourd’hui un élément central dans la guerre des talents.
Si ce projet est enthousiasmant, notre conviction est que la poursuite d’objectifs sociétaux n’est féconde que si elle s’incarne, en amont, dans les décisions du dirigeant et la mise en place de systèmes responsabilisants pour l’ensemble des collaborateurs. Cette transformation en responsabilité, nous croyons qu’elle est ambitieuse et difficile, mais souhaitable pour l’homme, la société et pour l’entreprise elle-même. En questionnant la raison d’être de l’entreprise et en valorisant l’exemplarité des comportements, la transformation en responsabilité aiguise la conscience des individus et est source de vitalité au sein de l’organisation. En outre, elle ouvre de nouveaux savoirs, de nouvelles connaissances, de nouveaux territoires stratégiques et se présente ainsi comme un levier de performance durable.
Passer du souhait à l’engagement
Si les expérimentations pour transformer l’entreprise en responsabilité sont multiples, pour la première fois un tel projet pourrait se réaliser à grande échelle : la volonté de faire mieux s’instille dans les esprits ; la pression des citoyens grandit ; la loi Pacte pose un cadre à la raison d’être et à la mission des entreprises ; l’équilibre privé / public change de nature ; des solutions fiables existent et démontrent qu’une nouvelle manière de développer l’entreprise est possible. Tout cela ne signifie évidemment pas que le changement ira de soi, sans le courage des dirigeants ni sans les efforts consentis des parties prenantes. Au contraire, le chemin est encore long.
D’abord, parce que transformer en responsabilité, c’est appréhender l’entreprise dans toute sa complexité : il s’agit d’une transformation intégrale, qui doit se refléter dans toutes ses composantes (l’organisation, le management, la performance, la gouvernance…) et être partagée par toutes ses parties prenantes (les investisseurs au même titre que les salariés par exemple).
Ensuite, une telle transformation s’effectue sur le long-terme. Il n’est pas là question de nier l’exigence du court-terme et de tomber dans un idéal du long-terme. Il s’agit d’inscrire la vision court-terme dans le processus budgétaire et stratégique comme une contribution à une valeur durable qui équilibre mieux les attentes des différentes parties prenantes, l’actionnaire bien sûr mais aussi les collaborateurs, partenaires, sous-traitants, acteurs territoriaux… C’est de culture et de conscience qu’il s’agit ici et non pas d’effets d’annonce ou de coups stratégiques. Il est donc nécessaire, pour l’équipe dirigeante en particulier, de tenir le cap même dans l’adversité.
Enfin, la transformation en responsabilité est difficile parce qu’elle est engageante : certains pionniers ont déjà ouvert des voies, mais d’autres chemins restent encore à découvrir. Cela nécessite de l’énergie, un esprit entrepreneurial, le goût de l’expérimentation, une certaine acceptation de l’échec, l’exigence de l’exemplarité. D’où le fossé séparant ceux qui déclarent vouloir changer le monde et ceux qui ont réellement franchi le pas…
Sans naïveté ni présomption, une telle transformation en responsabilité est l’occasion de construire une entreprise mieux ancrée dans notre siècle. Face aux modèles anglo-saxon et asiatique, l’Europe – et la France en tête – ont des atouts en main pour ouvrir une nouvelle voie, que d’autres pourront suivre ailleurs dans le monde.
[1] Que veut changer la nouvelle génération de cadres dirigeants dans l’entreprise ? – Baromètre Ifop-Boyden, mars 2018
Nous voilà mondialement confrontés aux limites de nos pouvoirs et à la finitude de notre existence. Pour reprendre les mots d’Edgar Morin, la pandémie éclaire durement la « frivolité » de ce que nous étions en train de faire juste avant qu’elle ne survienne. Elle nous plonge dans une première Cure Mondiale de retour à l’essentiel.
Elle ne donne raison à personne ni n’oppose aucun clan à un autre. Tout le monde se retrouve sur un même pied d’égalité face à un danger invisible et à un devoir de remise en question, pas tant sur la robustesse de notre système de santé mais plus globalement sur le fonctionnement de notre village mondial. Par effet d’accumulation, la pandémie n’apparaît pas comme un coup du sort ou un Armageddon, elle est un nouveau domino qui vient sanctionner dans sa chute les déséquilibres de notre civilisation en même temps qu’il annonce la prochaine plaie. Un coup de semonce – peut être salvateur – qui nous donne l’occasion d’expérimenter une petite mort, cloitrés chacun dans notre cabinet de réflexion à devoir contempler le tableau de nos vanités.
À quoi ressemblera le monde d’après ?
Chaque prophète y voit la validation de sa propre thèse mais personne ne peut être affirmatif. Pour autant nous sommes déjà sûrs d’une chose : la pandémie a propagé, en même temps que la maladie, la résurgence de milliers de réflexes de coopération locale entre les Hommes.
Y a-t-il là, dans ces coopérations concrètes, le ferment d’une nouvelle économie ?
Nous sommes comme les prisonniers face à leur dilemme : si nous coopérons, nous pouvons tous gagner un peu, si chacun reste dans une stratégie égoïste, alors nous perdrons tout en ayant cru poursuivre notre intérêt individuel.
Mais à l’instar des prisonniers de l’allégorie, nous avons le droit – et disons même le devoir – de nous parler et donc d’agir selon des stratégies et des objectifs communs. C’est le grand enseignement que nous a légué Elinor Ostrom, première femme à recevoir le prix Nobel d’économie : nous avons les moyens de nous organiser pour coopérer localement en dehors de logiques marchande ou étatique pour exploiter nos communs. Il peut s’agir de biens matériels (eau, qualité de l’air, denrées alimentaires) ou immatériels (éducation des enfants, culture, solidarité, transmission d’un savoir-faire…). Des personnes physiques comme des personnes morales peuvent prendre part à ces nouveaux noyaux de coopération à différents niveaux : une résidence, un quartier, une commune, une région, une filière économique… Les communautés peuvent devenir les nouveaux acteurs d’une économie (réellement) nouvelle en devenant les lieux de régulation entre intérêts particuliers et solidarités locales.
En 1951, l’économiste Kenneth Arrow a fait la démonstration que l’agrégation de préférences individuelles ne peut aboutir à la production de bien-être social. Cela signifie que le marché, lieu d’agrégation des démarches individuelles, ne peut servir seul à bâtir un équilibre socialement acceptable. Pour construire des communautés écologiquement et socialement viables, le dialogue local sera toujours un processus de régulation complémentaire au marché. Cela veut dire aussi que c’est à l’échelle locale que se feront les régulations les plus justes entre des intérêts divergents. C’est la raison pour laquelle l’échelle territoriale est si importante pour réinventer une économie pour demain.
Le déconfinement devra donc être aussi celui de la parole. Ceux qui applaudissent en chœur depuis leurs fenêtres tous les soirs à 20 heures devront oser tirer le fil de cet élan et aller à la rencontre les uns des autres pour inventer de nouvelles solidarités. Nos économies sont interdépendantes depuis des siècles et sous un prétexte de résilience, certains pourraient être tentés par le repli sur soi. Un confinement des économies nationales en quelque sorte. Ce ne sera pas plus optimal que le « tout marché ». Faisons-nous confiance pour passer de « l’interdépendance sans solidarité » que décrit Edgar Morin à la multiplication des coopérations communautaires : identifions nos communs, accordons-nous sur leur exploitation soutenable et définissons les lieux de dialogue et de régulation qui nous permettront d’accorder nos divergences et de réintroduire la solidarité comme constituante de l’échange marchand.
La crise sanitaire n’est pas le facteur principal du basculement de notre économie mais son accélérateur. En revanche, elle offre aux dirigeants l’occasion unique de refonder l’entreprise pour l’adapter aux réalités du siècle. Le coronavirus est un nouvel exemple de cygne noir, ce concept théorisé par le penseur du risque Nassim Taleb selon qui notre monde serait dominé par « l’extrême, l’inconnu et le très peu probable ». L’heure est à la gestion de crise. C’est une question de survie. Tous les dirigeants sont sur le pont pour repenser en un temps record l’organisation de leur activité. Pour autant, l’urgence ne doit pas les détourner d’un sujet autrement plus complexe.
L’arbre qui cache la forêt Bien avant l’apparition du Covid-19, et dans la plupart des champs scientifiques, les chercheurs ont multiplié les messages d’alerte sur le basculement de notre système économique et social. Michel Aglietta parle ainsi d’un « temps de ruptures » du capitalisme qui glisserait vers un régime de croissance caractérisé par des politiques écologiques et des changements institutionnels de gouvernance. En sociologie, on pointe, à l’instar de David Goodhart, le risque que laisserait courir pour nos démocraties la fracture entre les anywhere (l’élite mondialisée) et les somewhere (les gens de quelque part, qui résistent à la disparition de leurs modes de vie). En sciences du climat, on rappelle à juste titre, comme l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, que notre système de croissance repose sur la productivité des machines et que ces machines se nourrissent pour l’essentiel de l’énergie fossile, cette même énergie dont nous devons nous départir si nous souhaitons freiner le réchauffement.
Dette, récession, fracture sociale, climat… plusieurs facteurs mais un message unique : notre système économique est à bout de souffle. Et puisque les entreprises en constituent le cœur de réacteur, c’est en leur sein qu’il convient de chercher en priorité les solutions.
Refonder l’entreprise : 3 grands défis se présentent aux dirigeants
D’abord, réformer le pouvoir. A l’heure où l’entreprise entend devenir un « acteur de la cité », elle fonctionne encore trop souvent de manière autocratique. Les marges de manœuvre des salariés n’ont jamais été aussi faibles depuis 2003 [1] et seuls 25% d’entre eux indiquent pouvoir prendre des décisions [2]. Le bon sens voudrait pourtant que l’entreprise applique à elle-même les principes démocratiques des sociétés qu’elle prétend servir. Pas question pour cela de sacrifier l’autorité, la période actuelle a plus que jamais besoin de chefs, mais ces chefs doivent être capables de s’attaquer à certains tabous persistants : instaurer des contre-pouvoirs, permettre une plus grande représentativité des salariés et, enfin, gagner le soutien des actionnaires, y compris sur des engagements non financiers.
Le deuxième défi consiste à mieux articuler les temps d’activité. Les entreprises contribuent actuellement à trois déformations du temps : l’accélération (induite par les nouvelles technologies), le court-termisme (imposée par la logique financière) et, enfin, l’obsession de la prévision (nous croulons sous les tableaux de bord et les courbes de tendance). A l’inverse – nous le constatons aujourd’hui –, elles se trouvent fortement dégradées dans des situations extrêmes de crises et d’imprévus. Ce sont pourtant bien ces situations qui risquent de se répéter dans les années qui viennent. Notre monde est en effet devenu si imbriqué, nos technologies si intégrées, nos flux d’approvisionnement si tendus, que le moindre grain de sable peut gripper le système et fragiliser des nations. Certes, on peut espérer renouer avec les vertus de la lenteur et tenter de revenir « aux flâneurs d’antan » que regrette à raison Milan Kundera. Mais il s’agira surtout de fixer un cap à tenir ferme malgré l’agitation permanente. La Loi Pacte votée en juin dernier permet justement d’inscrire une raison d’être dans les statuts de l’entreprise.
Troisième défi : protéger nos biens communs. Il y a trente ans, le monde a reconnu que le communisme n’était pas viable. Aujourd’hui, à l’heure de la privatisation du monde, il comprend que le capitalisme libéral n’est pas non plus la panacée. La crise sanitaire nous offre l’occasion de renouer avec cette vérité fondamentale : certains biens et services, comme la santé, en appellent à notre responsabilité collective. Ils doivent sortir du cadre marchand sans forcément tomber dans le giron de l’Etat. Chaque entreprise dépend directement d’un certain nombre de ces biens et du civisme de ceux qui en jouissent. Il peut s’agir d’une forêt, d’un lac, d’une rivière, mais aussi d’un savoir-faire, d’une culture, de logiciels libres et collaboratifs. Toute la difficulté consiste à s’organiser avec d’autres acteurs pour réguler ces communs et éviter la tentation du passager clandestin. Des économistes comme Elinor Ostrom et, plus proche de nous, Gaël Giraud doivent nous inspirer.
Toute crise présente l’occasion d’un renouveau. A la fin de sa première allocution télévisée sur le Covid-19, le Président de la République a déclaré : « Il nous faudra interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies ». Aux chefs d’entreprise va revenir, dans les mois et les années qui viennent, la responsabilité morale de répondre ou non à cet appel.
Tribune publiée le 24 avril 2020 par Le Cercle Les Echos sous le titre « passer la crise et se transformer »
La crise que nous traversons nous interroge tous. Nous sommes en plein dans l’avenir décrit par Nassim Taleb dès 2007 (Le hasard sauvage, Antifragile, Le cygne noir), un avenir soumis à des évènements majeurs rares, extrêmement difficiles à prédire, hors des attentes normales et modifiant sensiblement la continuité de nos activités.
Dès lors, il est nécessaire pour les dirigeants de consacrer de l’énergie à travailler la résilience de leur entreprise, actif immatériel majeur qui jouera un rôle décisif dans le monde de demain. Appliqué aux entreprises, le concept mérite d’être développé et nourri pour mieux s’armer face aux crises économiques, sanitaires, cybernétiques… en perspective.
Car il ne suffit plus de traverser la crise, il faut aussi savoir la surmonter et y survivre, Hervé Lefevre et Raphaël Barral vous livrent un “programme” de développement de la capacité de résilience avant, pendant et après une crise.
Les 3 dimensions de la résilience
Les 6 caractéristiques de la résilience appliquées aux organisations
Les 3 moments pour cultiver la résilience
Les 8 processus pour développer et ancrer la capacité de résilience
Du “chaos” provoqué par la crise – et bientôt les crises -, un “nouvel ordre” peut émerger, plus inspirant pour chacun, plus responsable pour tous, avec un nouveau cap, une nouvelle raison d’être ou un renforcement du sentiment d’ancrage et d’appartenance.
crésilience d’entreprise comme levier de performance, VUCA, actif immatériel, transformation responsable,
Fin février 2020, en quelques jours, la capitalisation boursière des entreprises de l’aéronautique commerciale a fondu de plus de moitié. Le moteur de la croissance de l’industrie française – une croissance double de celle de l’économie européenne depuis près de 10 ans – a calé.
Le secteur le plus prédictible – jusqu’à 8 ans de carnet de commandes pour les monocouloirs – est devenu irrationnellement erratique. Il entraîne dans sa chute tout un écosystème fait de grands groupes européens et de centaines d’ETI et de PME : le GIFAS (groupement des entreprises aéronautiques françaises) compte plus de 400 adhérents et le BDLI, son équivalent allemand, plus de 230. Soit près de 500 000 emplois en Europe !
Cette descente aux enfers compromet aussi des équilibres précieux : la contribution positive à la balance commerciale extérieure, la machine à innover de l’industrie de pointe (avion électrique, baisse des émissions carbone, pilotage autonome…), le dynamisme des territoires et des régions à l’origine d’ambitieux programmes concertés pour industrialiser et se construire un avenir dans les technologies…
L’échiquier a changé, les règles sont modifiées et le bouleversement s’annonce durable
Les différentes analyses prédisent un trafic passagers à fin 2020 équivalent à 70% de celui de 2019 pour les plus optimistes, à 40% seulement pour les plus pessimistes. Le retour au niveau de 2019 se fera attendre : 2023 peut-être, voire 2025 suivant les rebonds de la pandémie et la capacité à la contenir. Et cela sans compter les conséquences comme les changements des habitudes de déplacement.
Bien entendu, ces prévisions ne sont pas homogènes : les vols domestiques sont les plus rapides à reprendre, les long-courriers les plus tardifs. Ainsi on peut projeter un retour en vol de toute la flotte des A320 d’ici à 2022, alors qu’environ 65% seulement des avions des familles « anciennes générations » de long-courriers retrouveront les airs à terme.
Retournons six mois en arrière : les prévisions d’activité industrielle permettaient de servir en avions neufs les opérateurs pour deux besoins : accompagner la croissance du trafic aérien passagers (+4,5%/an mondialement), et renouveler des appareils d’ancienne génération pour de plus confortables et surtout plus économiques. 60% de la production était destinée à la croissance, 40% au renouvellement. Les conséquences aujourd’hui sont claires : d’une part, en absence de croissance de trafic, les opérateurs n’ont pas besoin de nouveaux avions ; d’autre part, avec la chute des revenus, ils ne savent pas financer le renouvellement de leur flotte vieillissante.
Il a fallu trois décennies à cette industrie européenne pour rivaliser avec ses concurrents américains et pour contenir, par l’avance technologique, les projets émergents russes, chinois, coréens ou japonais. Il y a eu des succès et des embûches, des joies et des peines. Il nous faut conserver cette position de coleader mondial.
Avec ces perspectives dures, seule une stimulation extérieure peut faire passer le cap à notre industrie aéronautique. Les mesures annoncées par les États sont de cette nature. Elles doivent permettre de maintenir le niveau d’activité à plus de la moitié de son nominal. Ce qui est en jeu ? La poursuite des programmes de R&D ; le maintien en activité, même ralentie, de l’outil productif ; la continuité d’un flux de talents formés aux métiers ; la poursuite de l’introduction des nouvelles technologies ; la poursuite de l’expansion à l’international.
Cependant, il faut être réaliste : les entreprises du secteur sont vulnérables, elles sont restées trop petites et trop peu présentes en dehors de leurs frontière domestiques. Notre étude de 2018 basée sur 29 critères révélait que 50% des fournisseurs français et allemands étaient à risque fort d’exclusion des prochains programmes avions, voir même du secteur aéronautique plus généralement. Ces points de faiblesse étaient vrais il y a 24 mois quand tout s’annonçait pour le meilleur, ils redoublent de criticité en période de coup de frein.
De quelles natures sont les transformations à mener ? Rapprochement stratégique, recapitalisation, rationalisation, équilibre avec une activité militaire ou dans les services, pénétration à l’international accélérée… elles sont spécifiques à chacun des cas.
Ce qui est commun c’est l’esprit dans lequel mener ces transformations : elles doivent être nécessairement empreintes de responsabilité. Les dirigeants de ces entreprises ainsi que les partenaires industriels et financiers ont la lourde charge non seulement d’adapter les entreprises à la chute dramatique d’activité mais également la responsabilité de recomposer le paysage industriel et de réinventer un modèle. Un modèle européen de coalition d’entreprises partageant une vision de l’industrie, qui s’impose face aux modèles américains et asiatiques.
Plus de 3 milliards, c’est le montant avancé le 2 avril 2020 par la Présidente de la FFA, Florence Lustman, pour donner la mesure de l’effort des assureurs en cette période de crise. Un chiffre qui date déjà, compte tenu des nouvelles annonces des assureurs.
Mais, ni les montants mis en jeu, ni l’ampleur des pertes prudentielles, ni les explications – trop techniques ? – des assureurs n’y changent rien : les Français ont le sentiment que ces derniers ne sont pas au rendez-vous. L’attention publique est aujourd’hui sur les pertes d’exploitation. Les parlementaires ont les assureurs dans leur ligne de mire. Et demain, quelle sera la perception des épargnants sur leur prise de risque pour les soutenir ? Dans son allocution du 13 avril dernier, Le Président de la République a mis sur un pied d’égalité banques et assurances : « … les assurances doivent être au rendez-vous de cette mobilisation économique. J’y serai attentif ». Aurait-il lui aussi un doute sur leur niveau d’engagement dans le futur ?
Nous n’avons nullement l’intention ici d’alimenter l’image d’Epinal de « l’assureur voleur » ou la polémique sur l’un des fonds mutualistes solidaires lancé par un bancassureur. Nous savons tous les efforts que les assureurs déploient en temps de crise, mais aussi en cas d’événement climatique local ou au quotidien dans le retour à la normale des sinistres individuels.
Au contraire, soulignons leur engagement invisible, imperceptible, tant sur le service aux assurés que dans la gestion de la résistance aux crises systémiques. Les efforts réels pour s’adapter aux normes européennes de Solvabilité 2 démontrent encore plus aujourd’hui qu’ils n’ont pas été vains, que leur utilité est réelle pour protéger le bien commun de notre société et de nos modes de vie.
Il est désormais temps de porter, au-delà du Risque, une attention stratégique au Client en mettant en lumière l’utilité et l’engagement sociétal des assureurs.
L’engagement ou la nouvelle préférence des consommateurs
Les études Brand’Gagement et Baromètre des Français menées par le groupe Kea soulignent que l’engagement des entreprises est devenu un marqueur de l’acte d’achat : tous secteurs confondus, 84% des consommateurs l’affirmaient en 2020 ; 64% en 2017. Autre élément : les Français estiment que 77% des marques actuelles pourraient même disparaître sans que personne ne le remarque. Une tendance de fond donc, en résonance avec l’Entreprise à Mission, amplifiée par le Covid. Les clients attendent que les entreprises aillent au-delà de la création de valeur économique, par une contribution active à l’amélioration de nos sociétés.
En dix ans, la donne a considérablement changé : le client a aujourd’hui des moyens simples d’exercer son choix, de manifester sa préférence pour l’engagement. Il suffirait d’un Yuka de l’Assurance pour pleinement rebattre les cartes du jeu concurrentiel.
Le secteur bancaire prend le devant de la scène et cela joue en faveur de son activité d’assurance : en se positionnant en première ligne du redressement économique, en tant que banquiers, ils développent une dialectique simple et compréhensible par le grand public. Depuis quelques jours, des filiales d’assurance de groupes bancaires lancent des fonds de soutien à leurs clients professionnels. Qu’importent les coulisses ou la réalité sur le terrain, le consommateur citoyen retiendra que les banquiers auront été au rendez-vous, qu’ils font partie de la solution à la sortie de crise, qu’ils se sont investis dans la bataille. Préparons-nous à des prises de part de marché !
Assureurs, quelle est votre réponse stratégique ?
La réponse des assureurs ne peut pas être uniquement financière, elle se trouve aussi dans vos organisations. Concrètement, voici des premières pistes pour réaffirmer votre engagement, rassembler vos forces au sein du marketing client et vous inspirer pour agir.
Gardez à l’esprit en les lisant, que ce qui était impossible il y a deux mois, est aujourd’hui fait.
Légitimité, impact, incarnation, sens et activisme : ce sont les cinq dimensions qui se dégagent de nos recherches et expériences. Des dimensions où les moyens financiers sont des moyens, non la finalité. Chaque assureur dispose déjà d’éléments pour nourrir chacune d’entre elles. Faites l’exercice, vous le constaterez par vous-même.
Mais dans ce cas, pourquoi en parler ? Pour que vous puissiez en amplifier les effets ! Car si chaque assureur chemine dans sa contribution au bien commun, force est de constater que peu en ont fait une doctrine complète, à part entière, puissante. Il est temps de tisser des liens entre ces différentes dimensions, de dégager une trame explicite pour les clients, les prospects et les autres parties prenantes. Tel l’impressionniste, combinant habilement « dessein » et touches de couleur, évitant l’éparpillement de son génie créatif, vous pouvez faire émerger votre Engagement.
Y travailler n’est ni un changement radical, ni un simple exercice de communication :
Ce n’est pas un changement radical : les assureurs sont par nature au service du bien commun. Le secteur s’est développé sur le solidarisme, la mutualisation, le partage explicite des risques. Néanmoins, il s’agit d’inventer de nouvelles formes d’engagement en phase avec les attentes profondes des clients.
Ce n’est pas de la cosmétique : nos études démontrent que les clients sanctionnent l’absence de preuves.
À chaque assureur sa voie singulière pour réaffirmer son engagement, de manière différenciante.
#02 – Rassembler vos forces au sein du Marketing Client
Qui est à même de coordonner les actions, connecter les différentes initiatives prises au sein de votre entreprise, être le bras armé du comité de direction ? De notre point de vue, le Marketing Client est le meilleur candidat, pour peu que celui-ci soit correctement outillé et positionné dans les processus de décision. Sa première mission sera bien évidemment de vous proposer une stratégie en matière d’Engagement.
Le Marketing Client n’est pas une idée nouvelle. Néanmoins, il n’a pas le positionnement idéal. Notre lecture des organisations et des processus de décision indique que le rapport de forces en interne tourne encore trop fréquemment à l’avantage des équipes actuarielles. Que serait devenue Apple si Steve jobs avait toujours écouté ses ingénieurs, aussi brillants soient-ils ?
La tension entre Risque / Marketing Produit et Client / Marketing Client est structurelle. Elle ne peut être annulée ou ignorée. Chaque assureur doit dans son organisation et ses processus de décision, trouver, entretenir un juste équilibre, en toute conscience, et développer des mécanismes de réelle coopération entre les trois entités. Si l’un devient « esclave » de l’autre, de la valeur financière sera perdue.
La profession avait anticipé ce rééquilibrage de la tension : le développement des services, le traitement « personnalisé » des sinistres, le développement d’une relation de proximité, affinitaire, avec certains segments de clients… Les solutions sont sûrement présentes au sein de vos équipes. Il « suffit » de leur donner la parole et les moyens d’amplifier, d’accélérer leur action.
Pour que votre Marketing Client vous aide à voir le monde avec les yeux du client en mode prospectif, de nouvelles « lunettes » sont à concevoir : observatoire prospectif des tendances client multisectoriel, compréhension des incitations profondes d’achat, utilisation intensive de la Data, intégration de la dimension RSE.
Avec les deux premiers éléments, vous disposerez d’une stratégie et de moyens internes. Qu’en est-il de votre stratégie d’action ? Comment agir alors que l’incertitude de l’environnement est le seul élément certain ?
L’inspiration peut venir d’entreprises pionnières, françaises ou internationales, affichant d’excellents résultats qui confortent leur stratégie. Certaines marques du Groupe Unilever ont engagé des stratégies mondiales basées sur l’engagement, les Sustainable Living Brands. Résultats : leur croissance est 69% plus élevée sur les trois dernières années que les autres marques du Groupe. Un cercle vertueux s’est enclenché sur le long terme.
Quelques inspirations pour agir, issues de nos échanges avec des dirigeants du secteur :
S’engager maintenant : c’est au dirigeant, en maître des horloges, avec son comité de direction, d’appuyer sur le bouton de l’Engagement.
L’action prime. Le dirigeant fixe un cadre de jeu, une direction, une intention. Le reste de l’entreprise agit sur le terrain. Les actions sont ainsi mises en œuvre, en articulant court et long terme, dans ce cadre.
L’action doit être impactante. Cela implique une focalisation stricte de l’effort, et donc un renoncement, et une rénovation progressive des modèles opérationnels industriels. L’enjeu est d’agir comme « un Colibri à l’échelle ».
Dans cette course de fond, l’adhésion des parties prenantes est nécessaire. Avec une attention particulière à porter aux actionnaires, décideurs in fine. Les mutualistes disposent d’un avantage certain. Les assureurs privés peuvent se tourner vers des investisseurs engagés, comme BlackRock.
Les entreprises engagées amènent la puissance publique à s’impliquer. Elles font effet de levier par leur activisme, leurs organisations professionnelles ou bien encore par des évolutions réglementaires.
Le passage au statut d’Entreprise à Mission ou la certification B-Corp peuvent être des concrétisations de leur engagement, mais ne sont pas des points de départ.
Soyez des acteurs de premier plan du monde d’après
L’actualité pose la question du monde d’après. C’est la porte ouverte à tous les fantasmes, chacun poussant son utopie pour demain, parfois en gardant les lunettes du passé. Une chose est sure : la crise nous amène à prendre conscience de la fragilité de nos sociétés et à réfléchir à l’essentiel. Demain sera possible s’il est soutenable.
C’est pourquoi l’Engagement est une voie d’exploration pertinente. C’est une façon de revenir aux sources de l’assurance, à son utilité sociale. C’est aussi une manière habile de mettre les modèles économiques sur l’établi afin d’allier performance et contribution à l’intérêt général.
L’Engagement est une nouvelle réponse stratégique à articuler avec celles, déjà connues, de la différenciation et de la préservation des avantages concurrentiels. Plus aspirationnelle et plus en phase avec les motivations profondes de nos concitoyens. Les assureurs ont de beaux atouts en main.
L’équipe Service sous l’impulsion d’Yves Pizay, avec la contribution de Tilt ideas by Kea
Pour la sixième année consécutive, LSA a recueilli les projections d’une vingtaine d’experts du retail sur les enjeux de 2021. Ils décrivent un commerce en pleine transformation. Ci-dessous le point de vue de Christophe Burtin.
La Covid 19 a accéléré et révélé le besoin croissant de sens du citoyen consommateur. Au-delà de redéfinir sa raison d’être, le commerçant doit réinventer les raisons d’y venir. Bâtir un magasin à impacts positifs et démontrer la réalité de ses impacts va devenir clé. La transparence sera exigée pour pouvoir continuer à exercer.
La prospective nous éclaire sur les défis à relever. La question est de savoir passer les différents chocs qui vont s’inviter de manière imprévue. Les risques vont devenir incertitudes. Par exemple, notre système est très dépendant d’un pétrole pas cher et les marchandises comme les clients sont sur les routes avec des distances parcourues pas toujours raisonnables. Les équipes du Shift Project nous annoncent d’ici 10 ans un pétrole moins disponible pour l’Europe et des alternatives très peu crédibles en dépit des annonces des pouvoirs publiques. Les matières premières vont manquer. À l’amont, les intrants agricoles, les sols vivants, les métaux, et mêmes les agriculteurs dont le nombre ne cesse de s’éroder.
Les règles qui ont fondées jusque-là les modèles de business de la grande consommation vont s’affaiblir. La massification, la taille, la spécialisation des acteurs, érigées en dogme vont être de moins en moins gagnants.
Le territoire, la zone de vie, vont être les unités dans lesquels il faudra construire de nouveaux écosystèmes en économie circulaire. Ainsi des réseaux locaux d’acteurs interdépendants vont émerger, redistribuant la valeur, et s’éloignant de l’unique discussion annuelle sur le prix du produit. L’hybridation va être la norme. Le magasin va devenir une plateforme phygitale, hub de produits et de services. L’hypermarché, symbole de l’hyperconsommation, va changer de vocation et se reconstruire différemment dans chacune des zones. Il va multiplier les ateliers de production et ainsi produire du local et des recettes “d’ici”. Des fermes très technologiques à capitaux locaux par exemple en captant l’épargne des citoyens vont devenir des unités de productions pas seulement d’aliments mais aussi d’énergie. L’autonomie de chaque entité dans un cadre territorial sera un critère de pérennité : protéique, énergétique, eau, biodiversité. D’ailleurs, beaucoup d’actifs clés vont devenir des biens communs, gérés comme tels. La propriété de ces biens sera nécessairement gérée au niveau de ces territoires. Le terme même de territoire devra d’ailleurs être revisité. Les villes de taille moyenne, avec des dynamiques renforcées, pourraient devenir des nœuds importants de ces nouveaux territoires, en interdépendance avec le monde rural qui les entourent.
Le mot filière, tant mis en avant, mérite d’être renourri. Il faudra conjuguer impacts RSE, accessibilité prix de la ration alimentaire et viabilité économique. Impact positif signifie mesures, partage, arbitrages avec des règles de gouvernance à inventer.
A date, personne n’a le corrigé et plusieurs acteurs tâtonnent, testent, innovent et entreprennent. Ici une micro laiterie, là-bas une ferme verticale sur un entrepôt. Qui va gagner ? Pas ceux qui multiplient les incantations sur des engagements sur “For Good” ou ceux qui pensent pouvoir tel des héros changer le monde tout seul. Les marques mondiales, les grands acteurs centralisés ? Ou les ETI/PME, les indépendants, les coopératives agricoles ?
Il ne s’agit pas de penser mais d’agir et d’inventer de nouvelles méthodes du comment. Inspirons-nous d’autres contrées comme la Corée du Sud ou plus proche l’Espagne. Utilisons les vertus du mode agile. Combinons, coopérons même avec ses concurrents. Le co-développement, l’ouverture aux autres, l’entraide doivent être des principes d’action, et être dans les visions et les plans stratégiques.
Pour cela, les acteurs qui œuvrent au service du système actuel doivent se mobiliser pour inventer de nouvelles méthodes combinant les différents métiers du conseil : stratégie, management, finance, juridique, audit, communication, certification… Des initiatives de la profession se mettent en place : Openagrifood, La Note Globale, Numalim, souvent encore très nationales. Des coalitions d’acteurs sur un territoire devraient s’emparer d’une cause et construire des solutions opérationnelles viables qu’ils pourraient mettre au pot commun. À suivre…
Tribune parue dans LSA en janvier 2021. Retrouver l’intégralité du dossier [Experts 2021] ICI
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