Ce que nous avons cru privatiser n’a en fait jamais été totalement privé. Il est toujours resté, sous la surface de nos parcelles, des liens d’interdépendance écologique et sociale.

Au cours de ces deux cents dernières années, la privatisation – superficielle – des ressources nous a permis d’augmenter de manière exponentielle leur extraction, leur rendement et leur exploitation. Cette intense activité économique a eu pour corollaire l’augmentation des connexions entre nous et plus généralement entre nos écosystèmes (échanges de marchandises, d’argent et d’informations).

De sorte, les décisions prises par les agents économiques influent sur un nombre croissant d’hommes, de femmes et d’équilibres écologiques parfois très éloignés des lieux de la décision initiale. La crise financière de 2008 en fut une illustration spectaculaire mais chaque jour des millions de décisions influent sur le devenir d’êtres vivants très éloignés des décisionnaires. Sans doute avez-vous appris par exemple que votre décision de choisir tel ou tel produit dans un rayon de supermarché français impacte les équilibres écologiques et sociaux en Indonésie. Peut-être avez-vous fait évoluer vos comportements d’achat suite à cette information, mais combien restent-ils de ces interconnexions dont vous n’avez même pas encore l’idée ? Des écosystèmes jadis isolés sont désormais connectés, des ressources immatérielles, comme nos connaissances, deviennent de nouveaux communs grâce aux technologies digitales et au développement d’applications comme Wikipédia.

Notre planète est en train de devenir une immense copropriété dont les parties communes sont en expansion et en empiétement croissants sur les parties privatives. A cet instant je vous imagine en train de lever les yeux au ciel en vous remémorant la dernière AG de votre immeuble et la quantité d’énergie dépensée pour aligner une majorité de propriétaires sur des travaux… Une solution pourrait être d’isoler son appartement du reste de l’immeuble, en construisant un mur par exemple ou encore en votant systématiquement contre toutes les résolutions proposées en AG… Mais vous l’avez deviné, les liens déjà tissés ne s’effacent jamais, le réflexe identitaire ne nous sera d’aucune utilité.

Alors oui, cela ne fait plus aucun doute, quelques deux cents ans seulement après avoir appris à devenir propriétaires, nous allons devoir réapprendre à devenir copropriétaires.

Je dis « réapprendre » car la communauté fut notre principal mode d’administration et d’exploitation de nos ressources jusqu’à la première révolution industrielle et l’essor de notre capitalisme moderne. C’est donc le bon moment pour nous replonger dans ce que l’économiste Elinor Ostrom écrivait en 1990 puisque c’est grâce à elle que nous avons redécouvert qu’il existait des principes de bonne gestion des communs :

  • Délimiter clairement la ressource commune (matérielle ou immatérielle)
  • Etablir des règles d’exploitation de la ressource cohérente avec la nature de la ressource
  • Faire participer largement les utilisateurs de la ressource à l’établissement et à la modification de ces règles
  • Responsabiliser les surveillants de la ressource devant les utilisateurs de celle-ci
  • Graduer une échelle de sanctions d’abord faibles visant à rappeler aux transgresseurs le sens de la règle
  • Permettre un accès rapide à des instances locales de résolution des conflits
  • Reconnaitre l’existence et la légitimité de la communauté au niveau des instances supérieures (et laisser faire son fonctionnement autonome)
  • Organiser à plusieurs niveaux (central / local, pouvoir / contre-pouvoir) les activités d’appropriation, d’approvisionnement, de surveillance, de mise en application des règles, de résolution des conflits et de gouvernance

Alors que les corps intermédiaires traditionnels et les institutions politiques perdent en audience et en légitimité, c’est notre rôle, en tant que personnes physiques ou personnes morales (entreprises, associations, syndicats…) de nous connecter à d’autres copropriétaires pour gérer localement et en communauté des actifs que l’on sait être des communs dont personne ne pourrait prendre efficacement la responsabilité à un niveau individuel.

Voilà ce que pourrait être un premier pas sur le chemin de la responsabilité : cultiver ses jardins comme des communs et non comme des enclos.

À l’heure où la loi PACTE passe son dernier examen devant le Sénat, le monde de l’entreprise peut s’interroger sur sa mise en pratique, au-delà du brouhaha médiatique.

Si l’on s’accorde sur la nécessité de se saisir des sujets sociétaux et environnementaux pour construire une société soutenable demain, alors l’entreprise a un rôle majeur à jouer, au-delà de l’État des ONG et des citoyens. Les États-Unis et l’Italie se sont dotés d’un cadre légal allant dans ce sens (B Corp, Società Benefit), pourquoi pas la France ? Ou plutôt comment ne pas nous inscrire dans la continuité du modèle social européen, qui promeut la liberté d’entreprendre, le développement d’une économie durable, des conditions de vie et de travail sans cesse améliorées, une excellence opérationnelle associée à un sens du service et du bien commun [1] ?

Mettre l’entreprise et ses collaborateurs sur la voie du progrès continu, c’est tout l’objet de la loi Pacte qui donne un cadre juridique optionnel à « l’entreprise à mission », allant au-delà des seules raison sociale et raison d’être. Il s’agit bien ici d’aider les dirigeants à placer la responsabilité au cœur du projet de leurs entreprises, en fixant un cap, en exprimant une mission, en attachant à cette mission des engagements et des éléments de mesure de ceux-ci. Innovation majeure : ce n’est ni une norme, ni une obligation de plus mais une loi incitative qui respecte l’intelligence des dirigeants et leur donne la possibilité d’avancer au rythme de leurs organisations, au mieux de ce qu’elles peuvent faire, à leurs meilleurs efforts. Une loi qui s’inscrit dans une dynamique de modernisation de la vie économique et de l’entreprise, en reconnaissant la vocation de celle-ci au-delà de son rôle d’acteur économique et de sa simple finalité de dégager un profit au service d’actionnaires.

Dès lors, comment ne pas y souscrire ? Par peur d’un mission-washing qui ne fait pas progresser ? C’est sans compter que se mettre au diapason de la loi donne en réalité déjà des marges de manœuvre au dirigeant et que cela lui permet d’amener le débat sur les statuts. Car de telles évolutions statutaires posent des questions de fond sur l’entreprise avec les actionnaires.

Si risque il y a, il serait ailleurs, en ne sachant pas faire la différence entre l’authenticité et l’intention d’une part et l’exhaustivité et la norme d’autre part. Certains dirigeants peuvent, de manière intentionnelle, assumer un écart assez significatif entre les valeurs qu’ils projettent et la réalité de ce qu’ils font, alors que d’autres bien que sincères ignorent qu’il existe au sein de leurs organisations des pratiques en contradiction avec l’entreprise à mission. C’est assez difficile pour un dirigeant de pouvoir garantir qu’aucune erreur ne sera commise chez lui. La question de la réputation étant particulièrement sensible, le sujet pourrait être pris par la norme et générer alors un risque de stigmatisation de l’erreur, de l’inattention, ce qui n’est pas souhaitable.

Ne nous y trompons pas, le risque à ne pas accompagner le changement en gestation, porteur d’une entreprise responsable, plus respectueuse envers les collaborateurs, la société et la biosphère, est bien plus grand. La responsabilité est un puissant levier de performance qui se mesure à trois niveaux : être en conformité avec la Loi ; assurer la pérennité de l’activité en faisant de la responsabilité une opportunité d’améliorer la manière d’opérer et de se mettre à un niveau de standard au-delà de la Loi ; contribuer au bien commun [2]. Ce dernier niveau est l’opportunité de créer un actif immatériel incomparable, un premium de marque dont Patagonia est peut-être l’exemple parfait.

Sans naïveté ni présomption, je suis convaincu qu’une telle transformation en responsabilité est l’occasion de construire une entreprise mieux ancrée dans notre siècle, distincte du modèle ultra-libéral et des formes de capitalisme autoritaire qui émergent dans certaines régions du monde. Rien n’est plus puissant, dit l’adage, qu’une idée dont l’heure est venue !

[1] Le modèle social européen et l’Europe sociale, Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak, Revue de l’OFCE, 2008 [2] L’heure de l’entreprise responsable, La Revue de Kea & Partners n°21, juin 2017

Tribune parue le 22 février 2019 sur LesEchos.fr

La Revue, c’est la publication la plus emblématique de Kéa. Publiée depuis 2002, elle rend compte de nos travaux de recherche et développement sur la transformation des entreprises et fait réagir des personnalités extérieures – dirigeants, chercheurs ou philosophes.

Transformation n’est pas changement !

Pour faire face aux turbulences incessantes, à l’accélération du monde et son imprévisibilité, nos entreprises doivent s’adapter et sont devenues des chantiers permanents. L’enjeu n’est plus d’aller d’un point A à un point B mais de développer une capacité de transformation et de la gouverner en étant guidés par une vision et une mission fortes. La transformation est donc une discipline stratégique. Elle est au cœur de l’ADN de Kea et nos savoir-faire en la matière signent sa spécificité sur le marché du conseil.

La Revue, au fil de la trentaine de numéros parus depuis la création de Kea, se fait l’écho de nos réflexions, de nos débats et de notre cheminement sur le sujet avec les dirigeants d’entreprise. Car notre R&D se confronte à la réalité et les approches qui en découlent font leurs preuves au cours de nos missions.

5 collections à découvrir ou à redécouvrir :

  • Art de la transformation
  • Transformation stratégique
  • Transformation sociodynamique
  • Entreprise responsable
  • Entreprise alerte

20 ans en citations :

« Le plus difficile était à venir : le changement de statut [de France Telecom], le redéploiement des effectifs, l’introduction en bourse, l’ouverture à la concurrence… Ma première préoccupation a été de m’imprégner de la culture de l’entreprise. J’y ai donc passé, sans pratiquement ne rien faire d’autre – grâce en soit rendue à Charles Rozmaryn qui pendant ce temps a bien voulu tenir la maison – plus de deux mois, à vagabonder à travers l’entreprise et à discuter avec les uns et les autres. Ce que beaucoup d’ailleurs trouvaient très étrange, voire inquiétant ! »

Michel Bon, Président, France Telecom (La Revue N°2)

« Il faut d’abord comprendre que chez Danone, le changement fait par­tie de la culture, ce qui facilite énormé­ment les choses. Quand il est, comme chez nous, gravé dans le code géné­tique de l’entreprise, le changement se fait naturellement, au fil de l’eau, sans qu’on ait forcément besoin de s’en occuper en particulier à tel ou tel moment, et sans qu’on ait besoin de mettre en place une structure pour cela »

Franck Riboud, Président Directeur Général, Groupe Danone (La Revue N°5)

« Il est temps aujourd’hui que chacun comprenne que le patrimoine d’une entreprise, comme celui d’une nation, peut être intangible et que ce qui n’est pas visible peut être bien réel »

Maurice Levy, Président, Publicis Group (La Revue N°10)

« Ce n’est souvent pas la décision qui est bonne ou mauvaise, c’est ce qu’on en a fait. Ainsi, les mauvais choix ou les choix contestables peu­vent se transformer positivement par et dans l’exécution »

Jean-René Fourtou, Président du Conseil de Surveillance, Groupe Vivendi Universal (La Revue N°12)

« En tant que telle, la sociodyna­mique ne résout aucun problème ! Mais, employée avec discernement, elle peut s’appliquer à pratiquement tout ce qui touche aux relations : entre les personnes, bien sûr, mais aussi entre l’entreprise et ses clients, ses salariés, les pouvoirs publics… Car la sociodynamique apporte à ceux qui la pratiquent des clés pour élever leur propre compréhension, leur propre discernement au cœur des situations complexes »

Jean-Christian Fauvet (La Revue N°12)

« Je suis quelqu’un qui, tous les matins en se rasant, ne se pose pas la question du pouvoir en tant que tel ni même celle de l’évolution du métier. Je me pose plutôt la question de l’utilité sociale des Centres Leclerc. C’est le point essentiel. Dans ce domaine, j’essaye de faire en sorte que les Centres Leclerc soient pionniers »

Michel Edouard Leclerc (La Revue numéro Hors Série ‘‘vers une société durable’’)

« L’implication du comité de direc­tion est importante dans ce proces­sus parce que la transformation du leadership doit venir d’en haut, pour montrer l’exemple et inspirer tout le management. Mais ce n’est pas la finalité, c’est une étape. La fi­nalité, c’est que tout le corps social modifie ses comportements, sa fa­çon de travailler et s’inscrive au plus près des valeurs du référentiel de leadership de Safran »

Vincent Mascré, PDG d’Aircelle, Groupe Safran (La Revue N°16)

« Chez U, nous avons deux principes pour accompagner ces mutations : d’une part, la cohésion autour du « vivre ensemble » pour conserver notre socle et nos valeurs et, d’autre part, la cohérence autour du « faire ensemble » pour avancer vite mais réunis. Convaincre plus que contraindre »

Serge Papin, Président de Système U (La Revue N°18)

« La responsabilité des entreprises devrait s’exercer à l’égard de toutes ses parties prenantes, c’est-à-dire les travailleurs, les actionnaires, les consommateurs, les territoires dans lesquels elle travaille et les générations suivantes. Cinq partenaires. Nous sommes loin du compte. Nous pouvons imaginer que, dans une société idéale, ces cinq partenaires seraient présents autour de la table pour déterminer l’avenir de l’entreprise »

Jacques Attali (La Revue N°21)

« La culture change (…) et c’est nécessaire. En revanche, nous ne remettons jamais en question les valeurs de Michelin. Bien au contraire, nous sommes en train de trouver le moyen de les mettre en œuvre, de les incarner. Plutôt que les écrire sur les murs, nous nous efforçons de les vivre »

Jean-Dominique Senard, Président du Groupe Michelin (La Revue N°22)

« Si nous voulons réformer le capitalisme, il faut aussi toucher au logiciel, à quelques fondamentaux. […] l’État seul ne peut rien, les citoyens seuls ne peuvent rien, les associations, le marché, la finance seuls ne peuvent rien. Il n’y a qu’un collectif organisé qui puisse espérer répondre à l’appel »

Christophe Itier, Haut-Commissaire à l’Économie Sociale et Solidaire et à l’Innovation Sociale (La Revue N°24)

Tous les interviewés :

Jacques ATTALI / Christian BALMES / Richard BARRETT / Michel BON / Göran CARSTEDT / Jacques-Olivier CHAUVIN / Goulia CLAVEAU / Bertrand COLLOMB / Andrea d’AVACK / Stéphane DEDEYAN / Alain DININ / Marc EL NOUCHI / Jean-Christian FAUVET / Geneviève FERONE / Jean-René FOURTOU / Jean-Luc GARDAZ / Thierry GAUDIN / Philippe GERMOND / Isaac GETZ / Geneviève GIARD / Pascal GRÉVERATH / Thibaut GUILLUY / Michel HERVÉ / Christophe ITIER / François JULLIEN / Eva KARLSSON / Jacques KHÉLIFF / Gaspard KOENIG / Ervin LASZLO / Maurice LÉVY / Jacques MAILLOT / Dominique MARY / Vincent MASCRÉ / François-Daniel MIGEON / Henri MOLLERON / Amélie OUDÉA-CASTÉRA / Serge PAPIN / Florence PICARD / Didier PINEAU-VALENCIENNE / Meriem RIADI / Franck RIBOUD / Malin RIPA / Holger RUST / Michel SALOFF-COSTE / Jean-Dominique SENARD / Antoine SIRE / Marc SPIELREN / Jean STAUNE / François TAREL / Hélène VALADE / Patrick VIVERET / Alexander ZSCHOCKE

La micro-assurance : un océan bleu à explorer ?

85% de la population dans les marchés émergents n’a jamais souscrit à un contrat d’assurance, soit 4 milliards d’individus. Cela représente, selon SwissRe, un marché de 40 milliards de dollars, encore largement inexploité par les assureurs. Un océan bleu en période de recherche de relais de croissance ?

Certains acteurs ont compris, il y a bien longtemps, l’intérêt économique et social de cibler ce segment. A cet égard, la réputation des micro-crédits n’est plus à faire. Le Prix Nobel de la Paix, Mohammad Yunus, « banquier des pauvres », a développé dès 1976 un modèle d’affaires pour éliminer la pauvreté et permettre l’émancipation économique des populations rurales. Ces micro-crédits ont également été couplés à des micro-assurances pour prévenir le risque de défaut de paiement.

Plus récemment, des assureurs ont également investi ce segment en devenant les partenaires du développement économique des populations émergentes. AXA est un précurseur, tout comme Allianz qui publie d’ailleurs un rapport financier sur son activité de micro-assurance. Allianz affiche ainsi une croissance à deux chiffres, avec 31% de hausse des primes émises brutes entre 2013 et 2017, pour atteindre 256 millions d’euros, et une augmentation du nombre d’assurés de 22% atteignant 58,7 millions.

Si Allianz et AXA se sont lancés, c’est qu’ils ont déjà pris la pleine mesure du relais de croissance que constitue ce marché. Leur raisonnement : être présent aujourd’hui pour être présent demain, lorsque les clients de la classe émergente basculeront durablement dans la classe moyenne. Ils pourront monter en gamme dans l’achat de produits plus sophistiqués et surtout à primes plus importantes. La micro-assurance devient alors un enjeu stratégique dans une vision long-terme, nationale et internationale.

  • Créativité et agilité, deux mots d’ordre pour aborder le marché
  • Micro-assurance : question de culture ?
  • L’Europe, un marché également !
  • Micro-assurance pour macro-gain ?

    Les mutations des entreprises et les attentes des salariés remettent en question la façon de travailler et de manager en entreprise. Et si on réhabilitait l’autonomie et la confiance pour mieux les appréhender ? s’interrogent Thibaut Cournarie, directeur au sein de la practice transformation, organisation et management de Kea & Partners et Guillaume Bouvier, directeur de Kea & Partners Lyon.

    Les entreprises sont aujourd’hui confrontées à des mutations profondes (digitalisation, internationalisation, nouvelles formes de concurrences, règlementation…) dont l’ampleur et la vitesse sont sans précèdent dans un monde dit VICA (Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu).

    En parallèle, les attentes des collaborateurs ont évolué. La génération dite des Milléniales n’a plus le même rapport au travail ni le même attachement à l’organisation que ses ainés et est en quête de valeurs et de sens. Au fond, nous sommes à une époque charnière où la notion même d’entreprise est redéfinie.

    De société anonyme mue par le seul critère du profit, elle devient progressivement une entreprise à mission, un organisme vivant, complexe, dynamique, engagé vers une finalité et cultivant les tensions.

    Plus que jamais, cela remet en question la façon de travailler et de manager en entreprise, qui se révèlent bien souvent inadaptées à ces nouveaux enjeux. Dans ce contexte complexe et imprévisible qui implique anticipation, agilité, contribution et vigilance de chacun, l’autonomie des collaborateurs n’est plus une option. Car c’est de cette autonomie que procède la marche, la dynamique de l’entreprise, qui lui servira également de moteur pour s’envoler.

    Est-il possible, en revisitant les modes de fonctionnement de l’entreprise et en développant de nouvelles postures managériales, de créer une approche « gagnant-gagnant » basée sur la confiance et l’autonomie ? Nous en faisons le pari. Le pari qu’une organisation – au sens large de la structure, des responsabilités, de la gouvernance et de la culture – basée sur la confiance et la responsabilité libère in fine la performance de l’entreprise.

    Alors, si nombre d’entreprises cherchent à développer l’autonomie, subsiste l’épineuse question du « par où commencer » et plus largement du « comment s’y prendre ? » Comment sortir du traditionnel triptyque commandement / exécution / reporting et comment faire le pari de l’organisation autonome ? Comment impulser et piloter le processus de transformation associé ?

    5 clés pour amorcer la réforme des organisations

    Pour favoriser le déploiement d’une organisation responsabilisante, il est d’abord nécessaire que l’équipe de direction s’aligne et renforce son engagement en faveur de l’autonomie. Pour cela, elle doit :

    #1 Forger ses convictions

    Au travers d’expériences de dirigeants d’entreprises qui ont sauté le pas et ont le recul nécessaire, voire s’en entourer, bénéficier de leurs conseils en mode projet. Le groupe Michelin a montré la voie avec 38 ilots pilotes à travers le monde expérimentant l’autonomie.

    #2 Être clair

    Se doter du langage et du cadre de pensée communs sur l’autonomie pour en faire un objet de discussion en comité de direction. Par exemple, le comité de direction d’un leader de l’agroalimentaire a utilisé les grilles de lecture décrites dans le livre Le Mix-Organisation (Edition Eyrolles) pour identifier les poches d’autonomie à développer dans son organisation.

    #3 Apprendre à lâcher prise

    Relativiser les risques encourus par la décentralisation de certaines décisions et en positionnant le curseur de l’autonomie à un niveau acceptable par tout le comité de direction. De fait, pour le dirigeant, l’autonomie se traduit indéniablement par un certain lâcher prise, une confiance non pas démesurée mais osée qui permet de mettre en place des organisations et modes de fonctionnement holistiques, en faisant plus confiance aux hommes, managers et collaborateurs qu’aux systèmes.

    #4 Rester maître du temps

    Favoriser un déploiement pas à pas plutôt qu’une approche radicale de type « Big Bang », qui ne permettrait pas aux équipes de s’approprier progressivement leur champ d’autonomie et ferait courir des risques sociaux et opérationnels à l’entreprise.

    #5 Favoriser la cohérence.

    Inscrire le programme d’autonomisation dans le projet global de l’entreprise et notamment en lien avec grands programmes en cours (amélioration continue, orientation client, RH…). Identifier comment la responsabilisation peut s’appuyer sur ces programmes plutôt que les remettre en cause ou en concurrence.

    Dans ce contexte, le rôle du manager doit évoluer en profondeur pour accompagner un mouvement d’autonomisation qui semble inéluctable. En effet, le management initialement tourné vers le contrôle et l’évaluation sera désormais orienté vers le développement des personnes, des talents et l’assistance à la résolution de problèmes. Le manager, auparavant habitué à être acteur principal de la décision et de son exécution devient influenceur, catalyseur de la décision, dès lors que c’est dans le sens des intérêts de l’équipe et de l’intérêt général.

    En conclusion, le manager d’une organisation autonome joue un rôle clef dans la création de liens de coopération entre ses équipes et leur écosystème. C’est au titre de cette responsabilité de création de liens qu’il installe la confiance : à la fois confiance en soi et confiance dans les autres, deux prérequis à la coopération.

    L’autonomisation d’une entreprise n’est donc pas une « libération ». C’est une transformation longue et complexe qui ne peut suivre des méthodes toutes faites. C’est à cette condition que l’entreprise pourra maintenir ou accélérer son niveau de performance de manière durable.

    Tribune publiée le 15 novembre 2018 par Acteurs de l’économie La Tribune

    10 pistes pour plus de croissance, de rentabilité et d’engagement de vos équipes !

    Marchés en essoufflement, nouveaux entrants, guerre des prix, impact dilutif du e-commerce, nouveaux modes de consommation… les enseignes sont plus que jamais bousculées dans leurs stratégies et leurs équilibres économiques.

    Un bel avenir est cependant promis à celles qui engagent et accélèrent des transformations rupturistes, ambitieuses et mobilisatrices.

    Nous partageons ici avec vous 10 « idées forces » pour le retail.

    Elles abordent sous un angle engagé les sujets clés de la transformation des enseignes. Performance, différenciation, international, innovation, omnicanal, signature relationnelle, engagement des équipes… seront au cœur des points de vue que nous partagerons avec vous. Autant de pistes de réflexion et d’action que nous aurons plaisir à développer avec vous, et qui, nous l’espérons, seront inspirantes pour vous.

    Nos idées forces parues :

    • Business model : cap sur la performance
    • Innovation, libérez votre potentiel
    • La signature relationnelle : créez la préférence client
    • International : les voies de l’accélération
    • Rentabilité : less is more
    • Supply Chain : l’agilité au service de la préférence client
    • L’engagement des collaborateurs : nouvel avantage concurrentiel
    • Maîtriser l’omnicanalité : un incontournable du retail
    • La data, vers un retail augmenté
    • Retail & RSE : inventer l’enseigne responsable de demain

    L’équipe Marques & Enseignes

    En juin 2018, Goldman Sachs et UBS nous livraient leurs prédictions.

    Pour les premiers, le Brésil serait le grand vainqueur de la Coupe du Monde de football. Pour les seconds, plus prudents, le gagnant figurerait parmi le trio Brésil – Portugal – Allemagne. Et il semblait s’agir là de matière objective : des données en masse, analysées sous tous les angles, à grand renfort de simulations. Dans son dossier, Goldman Sachs n’y allait pas de main morte : « Hours of number crunching », « 200,000 models », « Harnessing recent developments in machine learning », « one million simulations ». UBS, quant à lui, faisait valoir ses algorithmes d’investissement pour déterminer le vainqueur. Bref, on y croyait…

    Or, nous le savons déjà, aucun de ces trois favoris ne soulèvera le trophée de la FIFA. Alors, faut-il y voir une défaite en rase campagne des modèles prédictifs ? Avant de se prononcer, regardons de plus près les résultats.

    Performance des modèles

    Du côté de Goldman Sachs, 56% des participants à la phase de poule ont été correctement classés dans leur groupe et 81% des qualifications ont été prédites avec justesse. Ainsi, l’erreur ne concerne que trois équipes : l’Allemagne, l’Arabie Saoudite et la Pologne ne sont pas qualifiées, tandis que la Suède, la Russie et le Japon ont joué en huitièmes de finale. Le Groupe UBS, quant à lui a annoncé que son modèle était juste à 66%. Son trio gagnant s’est révélé faux, mais sa recommandation reste toujours pertinente : regarder avec attention la France, l’Angleterre et la Belgique, tous trois considérés alors comme des challengers. En revanche, ni Goldman Sachs ni UBS n’avait vu venir la Croatie.

    En résumé, les modèles ont deviné l’évidence et ignoré la singularité. De quoi faire sourire, une fois encore, Nassim Nicholas Taleb, ancien courtier en Bourse et auteur du fameux Cygne Noir. Pour lui, notre monde est dominé par « l’inconnu et le très peu probable – et pendant ce temps, nous ne cessons de nous livrer à des bavardages inutiles et de nous focaliser sur le connu et le répété ».

    Des modèles adaptés à l’imprévu ?

    La beauté froide des modèles pourrait vite nous faire oublier que notre monde n’obéit pas seulement à des formules mathématiques… du moins pas celles que nous utilisons aujourd’hui. Les prédictions pour la Coupe du Monde ne sont pas une affaire de certitudes, mais un travail de statistiques et de probabilités fondé sur quatre limites :

    • Une fréquence relativement faible des rencontres, donnant un caractère unique à chacune d’elles. Il n’y a en effet qu’un match le 10 juillet à 20h qui oppose France et Belgique. Cette unicité des événements rend le lien entre modèle probabiliste et observation empirique plus complexe. Ce n’est pas le cas, par exemple, d’un lancer de dés, certes unique, mais plus facilement comparable à un autre lancer.
    • Une grande diversité de paramètres à prendre en compte, difficiles à identifier de manière exhaustive. Qui plus est, le choix et la pondération des paramètres valables pour tel match restent-ils pertinents pour tous les autres ? La pluie influence-t-elle le jeu de l’équipe d’Irlande au même titre que celui de l’équipe du Qatar ?
    • Des scores assez bas si on les compare à d’autres sports, avec des buts qui sont le résultat d’une suite d’actions difficilement modélisable et soumise à un effet papillon : ainsi, une passe, un crochet, une simple faute, l’appel ou non à la VAR peuvent être déterminants, changer le cours d’un match, modifier l’ensemble des pronostics
    • Une exploitation des données passées, mais une absence d’analyse poussée sur la situation présente. Or, nous le savons bien, les résultats passés ne préjugent pas les performances à venir.

    Il est peut-être possible de considérer que le résultat d’un match de foot est parfaitement déterministe, mais la quantité de paramètres à prendre en compte laisse tout de même penser qu’une modélisation comportant une part aléatoire est plus appropriée. Un des analystes de Goldman Sachs avait d’ailleurs noté avec justesse (et prudence, humilité ?) : « Football is quite an unpredictable game… ».

    Une Coupe de Monde singulière

    A la décharge des data scientists qui ont eu le courage de publier leurs résultats, qui pouvait par ailleurs s’attendre à un tel scénario ?

    Le journaliste Sébastien Bouron, de l’Equipe, a montré que cette Coupe du monde était tout sauf banale : « Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du monde, aucun pays parmi le Brésil, l’Argentine et l’Allemagne n’est présent dans le dernier carré de l’épreuve… L’Europe marche sur le monde en détenant les quatre demi-finalistes (France, Belgique, Angleterre et Croatie). C’est seulement la cinquième fois – la quatrième de l’après-guerre – qu’une telle domination s’exerce durant la Coupe du monde… Par ailleurs, il existe une possibilité d’assister à une finale 100 % inédite » (Belgique – Croatie).

    La Coupe du monde 2018 est donc inédite… Certes, mais au fond, laquelle ne l’est pas ? Chaque fois, il est possible d’extraire des données particulières pour montrer le caractère proprement original de telle ou telle épreuve.

    Et cela est normal, car ne l’oublions pas : ou bien le nombre de variables est trop grand et la modélisation est alors très difficile ; ou bien quelque chose du ressort de l’irrationnel, du non analysable, du hasard advient dans le jeu, et la modélisation est alors impossible. Ce qui, en définitive, revient à peu près au même. Comment modéliser l’exploit de Zidane le 12 juillet 1998 et au contraire son coup de tête contre Materazzi en 2006 ?

    Data & Humain

    Ainsi, le principal enseignement pour les entreprises des rapports de Goldman Sachs et d’UBS, le voici : la Data recèle une grande puissance pour nos modèles économiques. Elle permet de détecter des tendances, d’anticiper des comportements, de viser plus juste, de positionner l’effort au bon endroit, donc d’être plus performant, sans aucun doute possible.

    Néanmoins la Data n’est pas capable de modéliser la vie. La Coupe du Monde est une preuve supplémentaire que demain sera Data & Humain. Et que nos entreprises doivent investir dans les deux domaines, avec une même intensité, sans les opposer ou les séparer. Suivons-en cela l’exemple de La Mannschaft qui avait réussi en 2014 à combiner talents individuels, collectif d’équipe et big data.

    Unir Humain et Data est d’autant plus nécessaire qu’à l’heure des réseaux, des écosystèmes et de la complexification des relations, nous pouvons faire le pari, avec Nassim Nicholas Taleb, « qu’en dépit de notre évolution et de l’accroissement de notre savoir, l’avenir sera de moins en moins prédictible ».

    Sources :

    • Goldman Sachs – The world Cup and Economics
    • UBS – Investing and Football – May 2018 Rapport UBS, juin 2018
    • L’équipe – Pourquoi cette Coupe du monde ne ressemble à aucune autre
    • L’Express – Coupe du monde: Comment le Big Data coache l’équipe d’Allemagne. Par Raphaële Karayan, publié le 26/06/2014
    • Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir (Les Belles Lettres, 2008)

    Pourquoi les organisations responsabilisantes ont-elles besoin de plus de management que les autres ? Les lecteurs de HBR ont plébiscité la réponse à cette question !

    Les idées et la pratique de l’autonomie dans les organisations gagnent du terrain en France depuis plusieurs années. Ce mouvement perdure et s’amplifie sous l’effet conjugué de l’évolution des attentes des collaborateurs et de la diffusion rapide de méthodes de travail innovantes. Qu’il s’agisse de rendre son entreprise plus attractive, de trouver de nouvelles clefs à l’engagement des salariés ou plus simplement de ne pas risquer de manquer un virage de l’innovation managériale, de plus en plus de dirigeants français, y compris dans de grandes entreprises comme Michelin ou Airbus, promeuvent de nouvelles organisations dont l’un des fils rouges est l’autonomie laissée aux collaborateurs.

    Ces nouvelles idées rencontrent un certain écho en France où le poids de la hiérarchie s’avère plus important que chez nos voisins d’Europe du Nord (Suède, Finlande, Danemark, Irlande, Pays-Bas). Individualiste, pas assez bienveillant, archaïque… tels sont les clichés qui collent au management à la française [1], alors même que les attentes des salariés évoluent notamment sous l’effet de l’élévation général du niveau d’éducation.

    Fustigeant les systèmes traditionnels de « command and control », certains sont même allés jusqu’à mettre en cause le rôle des cordées managériales et de certaines fonctions centrales dans l’entretien d’organisations déresponsabilisant les salariés. On a ainsi vu fleurir de nombreux nouveaux concepts autour de l’idée « d’organisation sans chef » ou « d’entreprise libérée ».

    A l’inverse de ces courants idéologiques, nous pensons que les entreprises qui veulent pouvoir s’appuyer sur des collaborateurs plus autonomes ont plus que jamais besoin de plus de management que les autres.

    Le management est un fondement de l’autonomie au travail

    Comme dans la vie en général, l’autonomie au travail ne se décrète pas, elle s’apprend et donc elle s’enseigne. Or les managers sont en première ligne pour enseigner cette prise d’autonomie, non pas pour scier la branche sur laquelle ils sont assis mais pour monter à leur tour en autonomie et élargir leur champ d’action. Cette montée en autonomie passe par plusieurs étapes allant de l’apprentissage du dialogue constructif jusqu’à la coopération et la capacité à mesurer et rendre compte de ses résultats. L’autonomie au travail ne peut s’épanouir durablement et efficacement que dans un cadre où s’exerce une forme d’autorité. Par exemple, en adoptant très largement une démarche de Lean Management, PSA a mis les collaborateurs en situation de prise d’initiatives en matière d’amélioration continue, tout en laissant aux managers le soin de réguler ces apports et contributions.

    Ensuite, parce que l’autonomie n’est pas l’indépendance. Une organisation, même composée d’hommes et de femmes libres d’influer sur leur travail, n’a de sens que si elle comporte une forme d’unité d’action que l’on trouvera dans une culture commune, une vision partagée et un dessein auquel chacun a choisi de contribuer. L’autonomie au travail n’est donc pas la liberté d’agir à sa guise mais la liberté de contribuer à un projet collectif et les managers sont les premiers garants de la cohérence de ce projet. C’est ainsi, par exemple, que les expérimentations d’autonomie chez Michelin se font au service d’une raison d’être très clairement affichée (offrir à chacun une meilleure mobilité) et de valeurs vécues, au premier rang desquelles le respect de la personne humaine, le bien-être au travail, la confiance et l’ouverture des équipes sur le monde.

    Enfin, parce qu’aucune entreprise n’évolue plus en vase clos : toutes sont soumises à des obligations réglementaires, des attentes de leurs actionnaires ou à la vigilance d’organisations indépendantes. L’autonomie de chacun des collaborateurs engage la responsabilité de toute l’entreprise : un dérapage local peut déstabiliser toute une organisation. Il apparaît donc impossible pour de grandes entreprises internationales de se passer de la fonction de contrôle qu’occupent une structure hiérarchique.

    Pour réussir, ce type de management doit évoluer et être basé sur la confiance

    Il n’en demeure pas moins que le rôle des managers va devoir évoluer en profondeur pour accompagner un mouvement d’autonomisation qui semble inéluctable.

    Pour ceux qui étaient habitués à être sur le passage de chaque décision et de chaque information descendant de la direction, le fait de voir leurs équipes grandir en autonomie risque de devenir synonyme d’une perte de sens dans leur métier. Il devient alors nécessaire de déployer et de donner corps à une nouvelle conception du rôle de manager.

    Là où un manager « traditionnel » est le principal acteur de la décision et de son exécution, le manager d’une équipe autonome s’en tient à un rôle de catalyseur de la décision en favorisant l’expression d’un consensus. Il œuvre en continu à la montée en autonomie de ses collaborateurs, sans interférer directement dans leur action à moins qu’il ne soit sollicité. Il donne de la méthode, pose des questions et suggère des solutions, met en avant les initiatives et les réussites, promeut les talents.

    C’est un manager qui inspire ses collaborateurs et les pousse à l’initiative, en assumant la direction prise dès l’instant où elle rentre en résonance avec l’intérêt de l’équipe et de l’entreprise en général. S’il doit exercer son autorité directe, c’est sur le respect des règles du jeu de l’autonomie et en particulier sur ses contreparties de transparence et de responsabilité. Il doit organiser et susciter l’expression des micro-conflits au sein de l’équipe et se montrer intransigeant sur le respect des valeurs partagées. Il peut conserver un certain nombre de prérogatives qu’il juge impossible de partager comme le recrutement aux postes clefs ou la fixation des objectifs de résultats.

    Enfin, le manager d’une organisation autonome joue un rôle clef dans la création de liens de coopération entre ses équipes et leur écosystème. Cela peut même aller jusqu’à représenter la plus grande partie de son temps. Il préfère systématiquement diriger un collaborateur vers un autre plutôt que de s’interposer dans le processus de coopération en apportant directement la réponse. C’est au titre de cette responsabilité de création de liens qu’il installe la confiance : à la fois confiance en soi et confiance dans les autres, deux prérequis à la coopération.

    4 axes invariables pour autonomiser l’entreprise

    Pour favoriser le déploiement d’une organisation responsabilisante, il est d’abord nécessaire que l’équipe de direction s’aligne et renforce son engagement en faveur de l’autonomie. Au cours de ce processus, le top management pourra prendre la mesure des risques d’une autonomisation et ceux qu’ils acceptent de prendre ensemble, de se rassurer sur la capacité de leurs collaborateurs à prendre leur autonomie (par exemple en rencontrant certaines équipes fonctionnant déjà de manière autonome dans leur entreprise) et enfin de planifier les réformes nécessaires pour rester maître du temps de la transformation.

    Un programme de transformation d’autonomisation n’est pas une démarche linéaire. C’est un programme de transformation plus silencieux que sonore qui se bâtit progressivement et se structure toujours autour de quatre axes invariables :

    • Des expérimentations locales connectées entre elles : Il s’agit de confier sur une période déterminée à des équipes la responsabilité de leur performance et de leur donner les moyens nécessaires pour l’atteindre. La montée en autonomie est pilotée par le manager, encadrée par un socle de règles et accompagnée pour faciliter un apprentissage progressif. C’est ainsi que Michelin a entamé sa démarche d’autonomisation de ses salariés par la mise en place de 38 ilots autonomes pilotes dans 18 usines en Europe et Amérique du Nord.
    • La mise en place, grâce aux managers, des quatre conditions favorables à l’autonomie : transparence de l’information entre équipes, responsabilisation sur des résultats, confiance (en soi, dans les autres et dans les intentions de l’entreprise) et enfin coopération qui favorise l’action collective plutôt qu’individuelle.
    • Une transformation managériale qui consiste à former, coacher et accompagner les managers de proximité puis toute la ligne managériale dans la prise en main de leur nouveau rôle.
    • Des changements d’organisation nécessaires qui doivent venir comme une conséquence de la prise d’autonomie des équipes et non comme un prérequis : à mesure que s’étendra le réseau des expérimentations, vont s’exprimer des demandes de la part des équipes à destination du management. Celles-ci portent sur des propositions de réformes structurelles que les équipes jugent nécessaires pour continuer à gagner en autonomie, en performance et en capacité de coopération. Ce fut le cas par exemple chez un grand constructeur automobile qui réduisit de 25% la surface de ses usines grâce à une initiative de terrain. Dans une autre société industrielle, les équipes préconisèrent de réduire de 55% la charge de reporting.

    L’autonomisation d’une entreprise n’est donc pas une « libération ». C’est une transformation longue et complexe qui ne peut suivre des méthodes toutes faites. L’engagement des dirigeants dans la durée et le soin qu’ils apportent à observer évoluer les comportements de leurs équipes seront toujours des facteurs clefs du succès d’une marche vers l’autonomie. En apportant constamment les encouragements, les correctifs voire les sanctions nécessaires, les dirigeants et les managers doivent être constamment aux commandes de ces transformations.

    Tribune publiée sur hbrfrance.fr le 4 juillet 2018

    [1] La Prouesse française : Le management du CAC 40 vu d’ailleurs (éditions Odile Jacob)

    Le 26 juin 2018, trois dirigeants nous ont inspirés en nous racontant le basculement opéré par leurs entreprises pour devenir des acteurs à part entière de l’économie digitale :

    • Albert Asseraf, Directeur Général Stratégie, Data et nouveaux usages chez JCDecaux,
    • Pierre-Olivier Brial, Directeur Général Délégué du Groupe Manutan International, et responsable de la commission digitale du METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire)
    • Guillaume Planet, Vice President Media & Digital Marketing Global du Groupe Seb.

    Voici le compte rendu des échanges animés par David Abiker.

    Hervé Baculard, Senior Partner chez Kéa, a d’abord rappelé les trois caractéristiques majeures des disruptions actuelles.

    Tout d’abord, la violence concurrentielle : chaque entreprise doit désormais faire face non seulement à « sa » concurrence habituelle mais à de nouveaux acteurs qui attaquent les marchés de façon horizontale. D’où une question centrale : quel terrain de jeu choisir pour ne pas se faire terrasser, cultiver sa singularité et développer des atouts robustes pour demain ?

    Deuxième fait marquant : le déplacement de la valeur. Nombre de sociétés dites classiques l’expérimentent durement. À titre d’exemple, la distribution développe le drive en complément de ses magasins, avec des coûts supplémentaires mais le même volume de consommateurs. La création de valeur est donc relative, l’usage pour les clients domine tout et les comportements évoluent à grande vitesse. Il convient donc de savoir identifier de nouvelles sources de création et de migrer vers elles au bon rythme.

    Enfin, le facteur humain : « À l’heure de l’intelligence artificielle, ce bon vieux facteur humain fait de la résistance, souligne ainsi Hervé Baculard. La mondialisation des années 1990/2000 aura finalement été un chemin assez facile : création de filiales dans toutes les géographies, développement des fonctions transverses, informatisation… Or, la digitalisation remet en question chaque métier et le code génétique de chaque activité. Elle prend finalement une dimension éminemment humaine. » Et de conclure : « C’est bien d’une transformation socio-digitale dont il s’agit. Digitale du fait de la technologie et sociale car chaque entreprise doit redéfinir son terrain de jeu au regard des mutations de la société, des comportements et des usages. »

    Manutan international et le projet Dreda : « des racines et des ailes »

    David Abiker a lancé la discussion par cette question à Pierre-Olivier Brial : « Comment avez-vous fait pour que des entrepôts dans le 95 se transforment en une université et un projet de logistique HQE au service de vos clients : « Manutan With Love » ? Comment Manutan n’est pas devenu Les 3 Suisses du BtoB ? »

    En guise de réponse, Pierre-Olivier Brial a tout d’abord brandi l’imposant catalogue Manutan de quincaillerie et matériel de bureau, comme témoin lourd et persistant de ce passage de la vente à distance à l’âge digital, à l’heure des actifs immatériels.

    « Nous avons été amenés à repenser notre business model radicalement et rapidement, explique Pierre-Olivier Brial. Mais, au-delà d’une transformation digitale, nous avons cherché à refondre notre contrat d’entreprise autour d’une raison d’être « Entreprendre pour un monde meilleur » et à modifier notre culture en hybridant la relation humaine et la technologie. La conception de notre projet de siège social baptisé DREDA – acronyme « des racines et des ailes » – illustre parfaitement cette ambition. Pour changer et survivre ensemble, nous avons apporté à nos collaborateurs les moyens de se développer à titre individuel et de prendre leur destin en main. Pour réinventer la relation client et apprendre les bonnes pratiques digitales à nos équipes, nous nous sommes dotés d’une université interne qui travaille sur le rapport que chacun entretient avec soi-même, avec les autres et avec ses clients.

    Nous avons également travaillé sur les comportements en matière d’innovation. Nous sommes passés de la culture projet à la culture du Minimum Viable Product et du test and learn, inspirée de la Silicon Valley, en développant la capacité d’innovation de chacun. Les dispositifs d’écoute des collaborateurs et l’apport des démarches agiles sont bien plus efficaces pour basculer dans le digital que la création d’un ‘’Lab’’ déconnecté des métiers. Nous sommes désormais plus agiles, plus pragmatiques et… plus performants. »

    JCDecaux transforme son offre avec sa plateforme mondiale de planning et de trading publicitaire gonflée au machine learning

    L’une des singularités du numéro 1 mondial des mobiliers et services urbains est d’être positionné sur un double marché. En amont, il s’agit de remporter les appels d’offres de longue durée (15-25 ans) lancés par les collectivités territoriales et les autorités de transport à travers le monde. En aval, il lui faut convaincre les annonceurs de financer des campagnes d’affichage dans une logique de court terme. Face à cette dualité temps court/temps long, le sujet de la digitalisation constitue l’un des enjeux majeurs de l’entreprise. « Loin d’être une source de déperdition de valeur, le digital vient enrichir notre métier, explique Albert Asseraf. Il permet de faire tomber les barrières de l’espace et du temps. La ville devient connectée et les messages intelligents. Les annonceurs peuvent ainsi diffuser un message différent d’un site à l’autre et selon les horaires, le tout nourri par exemple par leurs données de vente en temps réel. De quoi construire des campagnes programmatiques mais également calibrer cible et objet du message en temps réel. Preuve de cette montée en puissance : alors que seuls 6% de nos supports sont digitaux, ils représentent 18% de nos revenus. »

    Autre sujet-clé : la data. « Nous disposons de plus de 1,2 million d’objets à travers le monde qui peuvent potentiellement produire des données, rappelle Albert Asseraf. Grâce à ces dernières, nous pouvons améliorer notre connaissance des villes, des annonceurs, la manière de proposer des publicités. À titre d’exemple, nos mobiliers peuvent être équipés de capteurs de pollution ou encore de mouvements de foule. »

    Comme le digital dématérialise les transactions, JCDecaux a pris les devants, avant qu’un acteur de la nouvelle économie ne le fasse. JCDecaux vient donc de lancer ce 12 juin VIOOH, une plateforme programmatique mondiale de planning et de trading ouverte à toute l’industrie, en concurrence de la publicité digitale (mobile, recherche/search, écran…), transformant ainsi l’ensemble de son offre grâce à des campagnes optimisées par l’utilisation des données et de la technologie. Des algorithmes de Machine Learning améliorent le ciblage et l’efficacité des campagnes publicitaires. Une équipe de plus de 65 développeurs, codeurs, commerciaux et fonctions support basée à Londres pilote ce nouvel outil déployé en Europe mais aussi en Australie, à Dubaï, Hong Kong et Singapour.

    Quand SEB invente la cocotte minute connectée

    Groupe de dimension mondiale spécialisé dans la vente de produits grand public, Seb a su utiliser le digital pour renforcer ses capacités innovantes, mieux connaître son marché et nouer une relation intime avec les consommateurs. « Nous avions identifié nombre de signaux faibles qui nous ont permis de nous adapter, se rappelle Guillaume Planet. Nos acheteurs ont modifié leurs habitudes et se sont fortement digitalisés. Nous avons donc pris conscience qu’il fallait changer la chaîne de valeur au-delà de notre sens inné de l’innovation. Grâce à l’impulsion des managers, à l’implémentation d’un chantier de transformation digitale mais aussi à une démarche d’écoute et de proximité pour accompagner nos collaborateurs, nous avons progressivement basculé d’une culture produits à une culture clients. Le digital nous offre l’opportunité unique d’établir un lien direct avec nos clients. N’oublions pas en effet que le meilleur outil marketing demeure le bouche-à-oreille, aujourd’hui décuplé par les communautés sur Internet. L’objectif est également de placer la data au cœur de notre système marketing et de récolter l’information massive en provenance de la TV, du digital et de nos produits connectés. C’est à quoi nous voulons aboutir pour pouvoir développer une expérience personnalisée tout au long du parcours, que ce soit en amont ou en aval de l’achat

    En conclusion, voici ce qui guide la réussite de ces trois entreprises, fleurons familiaux français :

    « Notre leitmotiv est simple : personne ne doit faire mieux que nous ce que nous faisons ». Albert Asseraf

    « La réussite de la digitalisation tient avant tout dans l’investissement humain, le challenge étant de trouver les bons profils ». Guillaume Planet

    « Notre réussite a également été portée par un actionnariat familial éclairé et prompt à prendre les décisions pour l’avenir ». Pierre-Olivier Brial

    La santé représente l’un des enjeux majeurs de notre siècle ; elle est d’ailleurs inscrite parmi les 17 objectifs de développement durable, portés par l’ONU et soutenus par 193 pays : « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ».

    Le secteur est soumis à de fortes tensions. Face à un monde de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu, les acteurs de la santé adaptent leurs business model : fusions-acquisitions entre mutuelles, développement de clusters d’innovation par les laboratoires pharmaceutiques, naissance d’écosystèmes et de partenariats encouragés par les acteurs de la e-santé… Ce sont autant de réponses concrètes pour remplir pleinement leur mission : apporter la santé au plus grand nombre.

    Apporter la santé au plus grand nombre : une mission et 5 défis à relever

    #1. Remettre le patient au cœur de la stratégie

    Le comportement et le rôle des patients évoluent : ils sont plus informés et connectés, interagissent de plus en plus avec les différentes parties prenantes du secteur et cherchent à s’inscrire dans des partenariats et relations de long-terme avec leurs interlocuteurs.

    Demain, leurs besoins et attentes seront au cœur de la stratégie des acteurs de la santé : implications de patients dans le développement de produits et services, offres pensées en fonction du parcours patient, communication plus pertinente et ciblée, etc. Ainsi la santé passera d’un modèle product centric à un modèle patient centric, à l’image de la grande consommation, devenue client centric.

    #2. Prendre le virage de la e-santé

    L’émergence de la e-santé, à travers le développement de nouveaux usages patients, de devices connectés, de services, représente une source formidable d’opportunités et de nouveaux business. Ainsi, en France, le marché de la e-santé est estimé, en potentiel, à environ 3Md€. Cela implique toutefois d’être en capacité de saisir et d’exploiter au mieux ces opportunités qu’apporte le digital, en faisant notamment preuve d’innovation dans les outils, les façons de faire (ouverture, agilité…), les modes d’organisation et de fonctionnement (en particulier à travers la patient centricity).

    #3. Relever le défi de l’accès aux soins, pour tous, partout

    La demande de biens et de services de santé est en hausse et continuera à croître dans les prochaines années. Cela représente autant de défis pour l’industrie de la santé : Quelle stratégie mettre en place pour s’ouvrir à de nouveaux marchés ? Comment adapter ses moyens de production pour répondre à la demande ? Comment concevoir ses réseaux de distribution pour développer l’accès aux soins ?

    Dans ce domaine, deux principaux berceaux de croissance émergent :

    • En Asie, avec la Chine et l’Inde : la demande explose en Inde, avec une croissance moyenne annuelle prévue de 22% du marché des médicaments, pour atteindre 55Md€ en 2020 ; en Chine, les déserts médicaux demeurent un enjeu majeur ;
    • En Afrique : la démographie restera très dynamique au cours des prochaines années ; avec le Nigeria qui deviendra, en 2050, le 3ème pays le plus peuplé au monde, devançant ainsi les Etats-Unis. Dès lors comment répondre de la façon la plus efficiente possible aux enjeux de santé des populations du continent ?

    #4. S’engager pour plus de compliance et de sécurité

    La santé est une industrie particulièrement soumise à critique en matière d’éthique. Qui plus est, le renforcement des liens avec les patients, l’émergence de la e-santé manipulant la data et l’ouverture à de nouveaux marchés soulèvent de nouvelles questions de compliance et de sécurité. Ainsi la réglementation et la « soft law » (référentiels, labels…) continuent à se renforcer. La conformité et la gestion des risques vont donc demeurer des composantes importantes, auxquelles l’industrie de la santé doit veiller, sans pour autant perdre en compétitivité. Au-delà du respect de la réglementation, des attentes grandissantes autour des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux s’affirment. Répondre à ces attentes c’est assurer la pérennité de l’entreprise, celle du secteur, voire contribuer au bien commun.

    #5. Développer la culture de la responsabilisation

    Les mutations du secteur créent des tensions culturelles au sein des entreprises : de plus en plus internationalisées, elles doivent jongler entre stratégie globale et spécificités locales ; les exigences en termes de compliance suscitent un fort contrôle hiérarchique au détriment de la subsidiarité. Or la responsabilisation des collaborateurs est un véritable levier de performance. La culture des entreprises va donc devoir évoluer pour favoriser la responsabilisation, en activant plusieurs leviers : exemplarité managériale, confiance, courage, droit à l’erreur…

    En 2018, trois alliances majeures sur les achats ont été formées : Casino avec Auchan, Système U avec Carrefour et Fnac Darty avec Media Markt Saturn.

    Kéa avait donc convié le 27 mars 2018 trois grands précurseurs des alliances à nourrir la réflexion sur ce sujet ô combien d’actualité :

    1. Florent Courau, directeur général France de JD.com, premier retailer on/off line en Chine, précurseur d’alliances numériques dans le luxe
    2. Hubert Garaud, Président de Terrena, principale coopérative polyvalente de France, précurseur d’alliances et de marques collectives entre coopératives
    3. Serge Papin, PDG de Système U, précurseur d’alliances nationales et locales à l’achat comme à la vente.

    Hervé Baculard, Senior Partner chez Kea & Partners, a partagé les raisons de cette nouvelle vague d’alliances :

    1. Les alliances durent en moyenne moins de 10 ans, voire 4 à 5 ans pour les alliances à l’achat : il est normal d’avoir des effets périodiques d’accélération.
    2. Le temps de l’argent pas cher – donc des acquisitions – touche à sa fin et les alliances sont une alternative moins coûteuse en termes de capex.
    3. Les entreprises sont en recherche de nouveaux leviers de massification notamment en matière numérique ; en effet, la fragmentation des marchés générée par la multiplication des acteurs et l’irruption des plateformes Internet met à mal les business modèles.

    ALLIANCE, DÉFINITION :

    Une coopération entre des entreprises autour d’un projet lequel elles mettent en commun des ressources et des compétences

    Six typologies d’alliances selon Kea & Partners :

    Les alliances, facteurs de transformation

    Si nouer une alliance implique de trouver un partenaire externe, c’est également l’opportunité d’accélérer des transformations internes pour mettre en place une réorganisation ou bien une vision nouvelle.

    Les alliances ont un effet d’entrainement et de mise en mouvement de l’entreprise. Système U n’aurait jamais pu mener à bien son « alliance interne entre régions » si elle n’avait pas engagé une alliance externe. Cette pression externe nous a fait gagner beaucoup de temps.

    Serge Papin

    Les alliances, une question de vision, un acte « offensif »

    Les alliances doivent être l’occasion de porter une nouvelle vision, de rompre avec les idées communément admises.

    Nous avons imaginé chez Terrena un concept disruptif : celui d’agriculteur écologiquement intensif. Le fait de défendre cet oxymore nous a amenés à nous dynamiser en interne et nous à rapprocher des parties prenantes et ONG, et à partir de là de nouer des alliances.

    Hubert Garaud

    Les alliances digitales, nouveau sujet à défricher

    Les alliances digitales permettent de développer de nouvelles compétences pour des acteurs dont le digital n’est pas le savoir-faire natif ou de mettre en synergies des actifs clients, par effet multiplicateur. Dans la mesure où les partenaires pour ces alliances digitales sont mondiaux et peu nombreux (Amazon, Alibaba, Tencent, JD.com, Rakuten, Google), il convient de choisir un allié avec rapidité.

    Nous disposons à ce jour de 300 millions de clients en Chine. Pas moins d’un quart de nos nouveaux clients proviennent d’un partenariat conclu avec le réseau social de Tencent, qui nous permet d’atteindre le milliard d’abonnés de WeChat. Ce rapprochement nous a notamment aidés à beaucoup mieux intégrer l’expérience utilisateur en combinant nos données commerciales aux données sociales de WeChat.

    Florent Courau

    Entre écueils et limites : l’importance de la méthode

    Pour autant, toutes les alliances ne s’apparentent pas à des success-stories : 50% d’entre elles sont considérées comme des échecs. Entre dissensions culturelles, difficultés d’alignement des acteurs, obstacles de toutes sortes, les risques de dégradation s’avèrent multiples :

    D’où l’importance d’une méthode adéquate, proposé

    Les différences culturelles constituent souvent un vrai point d’achoppement, surtout en matière de méthode. Il faut déminer le terrain en permanence. L’une des meilleures garanties de pérennité est à cet égard de disposer d’indicateurs de suivi fiables.

    Serge Papin

    Il faut s’apprivoiser mutuellement en recherchant des racines, des points communs, des proximités voire des intimités… C’est ce que nous avons fait avec Walmart.

    Florent Courau

    Il faut absolument prévoir des points d’étape. Certains accords qui fonctionnaient très bien peuvent en effet se révéler moins adaptés en fonction du contexte client ou concurrentiel. D’où l’impérieuse nécessité de s’interroger régulièrement sur leur évolution.

    Hubert Garaud

    Ce que les alliances apportent

    Les alliances stratégiques font plus gagner de territoires que de temps et ouvrent le champ des possibles.

    Florent Courau

    Les alliances réussies permettent de coconstruire et d’aller chercher des innovations de rupture.

    Hubert Garaud

    Les alliances permettent de mieux définir son propre terrain de jeu et de s’ouvrir sur le reste, en laissant de côté les conservatismes.

    Serge Papin

    En conclusion

    Face à la fragmentation et à la globalisation des marchés, les alliances font partie de l’horizon stratégique essentiel :

    • Les « fronts » stratégiques se multiplient
    • On ne peut pas tout maîtriser en matière de compétences
    • Les économies d’échelle se situent sur de nouveaux sujets : data, audience numérique…
    • Le nombre d’acteurs de « premier choix » est limité

    La rigueur du processus est une condition nécessaire pour réussir :

    • Chaque étape répond à des facteurs clés de succès spécifiques : Pourquoi ? / Prise de décision et cohésion interne / Mandat de négociation / Anticipation opérationnelle / Gouvernance de l’alliance / Prévision de la sortie

    À terme, il faut envisager un portefeuille d’alliances multilatérales, à durée de vie pérennes pour certaines, à durée déterminée pour d’autres.

    Une fois l’alliance signée, il faut être en alerte, en identifiant en permanence les signaux et les causes de déséquilibre potentiel (stratégique, managérial, financier…).

    Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), actuellement en phase de consultation, propose plusieurs axes d’évolutions. Parmi celles-ci, se pose la question de la responsabilité de l’entreprise et de la remise en cause de l’article 1833 du code civil indiquant que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés » : l’intérêt général pourrait désormais s’inscrire dans le Code Civil.

    Cette hypothèse illustre parfaitement qu’en matière de responsabilité, « l’eau monte » très vite, peut être encore plus vite que sur tout autre sujet : les actions qui hier relevaient de l’intérêt général ont aujourd’hui une incidence sur la pérennité de l’entreprise et relèveront demain d’une simple mise en conformité.

    En effet, en remettant en cause l’article 1833 du code civil, nous passerons en quelques mois, d’une logique où le bien commun comme élément central du statut de l’entreprise n’était l’apanage que de quelques organisations emmenées par leur leader visionnaire à un état de fait où la préservation, voire le développement, du bien commun deviendra la norme (que la loi soit coercitive ou incitative) pour toutes les entreprises. Voilà un phénomène marquant car touchant au fondement même de l’entreprise et entrainant sa nécessaire transformation en profondeur. Les plus précurseurs auront alors plus que jamais un temps d’avance.

    Pour s’adapter à ce nouveau statut, quatre changements systémiques à engager :

    • Le premier sera de mettre les politiques RSE au cœur de l’activité dans une logique de transformation des modèles productifs. Les entreprises qui pensaient jusqu’alors la RSE comme la minimisation des impacts négatifs sur leur environnement (et la percevaient comme un enjeu à intégrer « en plus » de leur activité, dans une vision coercitive et castratrice) vont désormais devoir la faire évoluer vers la maximisation des impacts positifs sur l’ensemble des parties prenantes. C’est donc l’exercice stratégique et son exécution opérationnelle qui vont être modifiés en profondeur.
    • Le second changement consistera à renforcer la prise en compte du temps long dans les processus de décision stratégiques et opérationnels, seule possibilité pour mesurer les impacts de l’action et garantir la réelle préservation, voire l’accroissement du bien commun. Cette prise en compte implique une évolution forte des compétences afin de pouvoir comprendre des phénomènes nouveaux pour l’entreprise, à mesurer avec des indicateurs propres.
    • Le troisième changement visera à s’ouvrir aux parties prenantes (internes et externes), tant dans le dialogue pour comprendre les enjeux, mesurer les impacts potentiels, que dans l’action pour co-construire les solutions à même de répondre aux enjeux.
    • Enfin, et ce n’est sans doute pas le plus facile, ce changement de paradigme (car c’est cela dont il s’agit) ne pourra se faire sans un profond renouvellement des modes de management et de leadership. Un leadership orienté par la place que l’entreprise doit avoir dans la Cité comme réel acteur de la société (et non comme seul acteur économique) ; un leadership qui remet au juste niveau finalité et moyens ; un management qui encourage la diversité de points de vue et de sensibilités nécessaire au débat et au discernement, qui favorise l’autonomie (de pensée et d’action) afin de prendre en compte la complexité ; un management qui met le développement de chacun au profit du projet collectif auquel chacun adhère et pour lequel il peut s’engager.

    Ce mouvement, certaines entreprises précurseurs l’ont engagé en faisant évoluer leur mission pour qu’elle dépasse très largement la production de biens ou services et vise à contribuer au développement humain, en initiant la transformation profonde de leur modèle de production et en abordant avec leurs parties prenantes un dialogue intense à même d’identifier les conditions d’une contribution positive. Toutes le disent : ces évolutions sont complexes et profondes et nécessitent bien souvent d’innover, d’expérimenter et, à ce titre, l’anticipation constitue leur meilleure chance pour l’avenir.

    Tribune parue dans Forbes, le 8 février 2018

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