10 pistes pour plus de croissance, de rentabilité et d’engagement de vos équipes !
Marchés en essoufflement, nouveaux entrants, guerre des prix, impact dilutif du e-commerce, nouveaux modes de consommation… les enseignes sont plus que jamais bousculées dans leurs stratégies et leurs équilibres économiques.
Un bel avenir est cependant promis à celles qui engagent et accélèrent des transformations rupturistes, ambitieuses et mobilisatrices.
Nous partageons ici avec vous 10 « idées forces » pour le retail.
Elles abordent sous un angle engagé les sujets clés de la transformation des enseignes. Performance, différenciation, international, innovation, omnicanal, signature relationnelle, engagement des équipes… seront au cœur des points de vue que nous partagerons avec vous. Autant de pistes de réflexion et d’action que nous aurons plaisir à développer avec vous, et qui, nous l’espérons, seront inspirantes pour vous.
Nos idées forces parues :
Business model : cap sur la performance
Innovation, libérez votre potentiel
La signature relationnelle : créez la préférence client
International : les voies de l’accélération
Rentabilité : less is more
Supply Chain : l’agilité au service de la préférence client
L’engagement des collaborateurs : nouvel avantage concurrentiel
Maîtriser l’omnicanalité : un incontournable du retail
La data, vers un retail augmenté
Retail & RSE : inventer l’enseigne responsable de demain
L’équipe Marques & Enseignes
En juin 2018, Goldman Sachs et UBS nous livraient leurs prédictions.
Pour les premiers, le Brésil serait le grand vainqueur de la Coupe du Monde de football. Pour les seconds, plus prudents, le gagnant figurerait parmi le trio Brésil – Portugal – Allemagne. Et il semblait s’agir là de matière objective : des données en masse, analysées sous tous les angles, à grand renfort de simulations. Dans son dossier, Goldman Sachs n’y allait pas de main morte : « Hours of number crunching », « 200,000 models », « Harnessing recent developments in machine learning », « one million simulations ». UBS, quant à lui, faisait valoir ses algorithmes d’investissement pour déterminer le vainqueur. Bref, on y croyait…
Or, nous le savons déjà, aucun de ces trois favoris ne soulèvera le trophée de la FIFA. Alors, faut-il y voir une défaite en rase campagne des modèles prédictifs ? Avant de se prononcer, regardons de plus près les résultats.
Performance des modèles
Du côté de Goldman Sachs, 56% des participants à la phase de poule ont été correctement classés dans leur groupe et 81% des qualifications ont été prédites avec justesse. Ainsi, l’erreur ne concerne que trois équipes : l’Allemagne, l’Arabie Saoudite et la Pologne ne sont pas qualifiées, tandis que la Suède, la Russie et le Japon ont joué en huitièmes de finale. Le Groupe UBS, quant à lui a annoncé que son modèle était juste à 66%. Son trio gagnant s’est révélé faux, mais sa recommandation reste toujours pertinente : regarder avec attention la France, l’Angleterre et la Belgique, tous trois considérés alors comme des challengers. En revanche, ni Goldman Sachs ni UBS n’avait vu venir la Croatie.
En résumé, les modèles ont deviné l’évidence et ignoré la singularité. De quoi faire sourire, une fois encore, Nassim Nicholas Taleb, ancien courtier en Bourse et auteur du fameux Cygne Noir. Pour lui, notre monde est dominé par « l’inconnu et le très peu probable – et pendant ce temps, nous ne cessons de nous livrer à des bavardages inutiles et de nous focaliser sur le connu et le répété ».
Des modèles adaptés à l’imprévu ?
La beauté froide des modèles pourrait vite nous faire oublier que notre monde n’obéit pas seulement à des formules mathématiques… du moins pas celles que nous utilisons aujourd’hui. Les prédictions pour la Coupe du Monde ne sont pas une affaire de certitudes, mais un travail de statistiques et de probabilités fondé sur quatre limites :
Une fréquence relativement faible des rencontres, donnant un caractère unique à chacune d’elles. Il n’y a en effet qu’un match le 10 juillet à 20h qui oppose France et Belgique. Cette unicité des événements rend le lien entre modèle probabiliste et observation empirique plus complexe. Ce n’est pas le cas, par exemple, d’un lancer de dés, certes unique, mais plus facilement comparable à un autre lancer.
Une grande diversité de paramètres à prendre en compte, difficiles à identifier de manière exhaustive. Qui plus est, le choix et la pondération des paramètres valables pour tel match restent-ils pertinents pour tous les autres ? La pluie influence-t-elle le jeu de l’équipe d’Irlande au même titre que celui de l’équipe du Qatar ?
Des scores assez bas si on les compare à d’autres sports, avec des buts qui sont le résultat d’une suite d’actions difficilement modélisable et soumise à un effet papillon : ainsi, une passe, un crochet, une simple faute, l’appel ou non à la VAR peuvent être déterminants, changer le cours d’un match, modifier l’ensemble des pronostics
Une exploitation des données passées, mais une absence d’analyse poussée sur la situation présente. Or, nous le savons bien, les résultats passés ne préjugent pas les performances à venir.
Il est peut-être possible de considérer que le résultat d’un match de foot est parfaitement déterministe, mais la quantité de paramètres à prendre en compte laisse tout de même penser qu’une modélisation comportant une part aléatoire est plus appropriée. Un des analystes de Goldman Sachs avait d’ailleurs noté avec justesse (et prudence, humilité ?) : « Football is quite an unpredictable game… ».
Une Coupe de Monde singulière
A la décharge des data scientists qui ont eu le courage de publier leurs résultats, qui pouvait par ailleurs s’attendre à un tel scénario ?
Le journaliste Sébastien Bouron, de l’Equipe, a montré que cette Coupe du monde était tout sauf banale : « Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du monde, aucun pays parmi le Brésil, l’Argentine et l’Allemagne n’est présent dans le dernier carré de l’épreuve… L’Europe marche sur le monde en détenant les quatre demi-finalistes (France, Belgique, Angleterre et Croatie). C’est seulement la cinquième fois – la quatrième de l’après-guerre – qu’une telle domination s’exerce durant la Coupe du monde… Par ailleurs, il existe une possibilité d’assister à une finale 100 % inédite » (Belgique – Croatie).
La Coupe du monde 2018 est donc inédite… Certes, mais au fond, laquelle ne l’est pas ? Chaque fois, il est possible d’extraire des données particulières pour montrer le caractère proprement original de telle ou telle épreuve.
Et cela est normal, car ne l’oublions pas : ou bien le nombre de variables est trop grand et la modélisation est alors très difficile ; ou bien quelque chose du ressort de l’irrationnel, du non analysable, du hasard advient dans le jeu, et la modélisation est alors impossible. Ce qui, en définitive, revient à peu près au même. Comment modéliser l’exploit de Zidane le 12 juillet 1998 et au contraire son coup de tête contre Materazzi en 2006 ?
Data & Humain
Ainsi, le principal enseignement pour les entreprises des rapports de Goldman Sachs et d’UBS, le voici : la Data recèle une grande puissance pour nos modèles économiques. Elle permet de détecter des tendances, d’anticiper des comportements, de viser plus juste, de positionner l’effort au bon endroit, donc d’être plus performant, sans aucun doute possible.
Néanmoins la Data n’est pas capable de modéliser la vie. La Coupe du Monde est une preuve supplémentaire que demain sera Data & Humain. Et que nos entreprises doivent investir dans les deux domaines, avec une même intensité, sans les opposer ou les séparer. Suivons-en cela l’exemple de La Mannschaft qui avait réussi en 2014 à combiner talents individuels, collectif d’équipe et big data.
Unir Humain et Data est d’autant plus nécessaire qu’à l’heure des réseaux, des écosystèmes et de la complexification des relations, nous pouvons faire le pari, avec Nassim Nicholas Taleb, « qu’en dépit de notre évolution et de l’accroissement de notre savoir, l’avenir sera de moins en moins prédictible ».
Sources :
Goldman Sachs – The world Cup and Economics
UBS – Investing and Football – May 2018 Rapport UBS, juin 2018
L’équipe – Pourquoi cette Coupe du monde ne ressemble à aucune autre
L’Express – Coupe du monde: Comment le Big Data coache l’équipe d’Allemagne. Par Raphaële Karayan, publié le 26/06/2014
Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir (Les Belles Lettres, 2008)
Pourquoi les organisations responsabilisantes ont-elles besoin de plus de management que les autres ? Les lecteurs de HBR ont plébiscité la réponse à cette question !
Les idées et la pratique de l’autonomie dans les organisations gagnent du terrain en France depuis plusieurs années. Ce mouvement perdure et s’amplifie sous l’effet conjugué de l’évolution des attentes des collaborateurs et de la diffusion rapide de méthodes de travail innovantes. Qu’il s’agisse de rendre son entreprise plus attractive, de trouver de nouvelles clefs à l’engagement des salariés ou plus simplement de ne pas risquer de manquer un virage de l’innovation managériale, de plus en plus de dirigeants français, y compris dans de grandes entreprises comme Michelin ou Airbus, promeuvent de nouvelles organisations dont l’un des fils rouges est l’autonomie laissée aux collaborateurs.
Ces nouvelles idées rencontrent un certain écho en France où le poids de la hiérarchie s’avère plus important que chez nos voisins d’Europe du Nord (Suède, Finlande, Danemark, Irlande, Pays-Bas). Individualiste, pas assez bienveillant, archaïque… tels sont les clichés qui collent au management à la française [1], alors même que les attentes des salariés évoluent notamment sous l’effet de l’élévation général du niveau d’éducation.
Fustigeant les systèmes traditionnels de « command and control », certains sont même allés jusqu’à mettre en cause le rôle des cordées managériales et de certaines fonctions centrales dans l’entretien d’organisations déresponsabilisant les salariés. On a ainsi vu fleurir de nombreux nouveaux concepts autour de l’idée « d’organisation sans chef » ou « d’entreprise libérée ».
A l’inverse de ces courants idéologiques, nous pensons que les entreprises qui veulent pouvoir s’appuyer sur des collaborateurs plus autonomes ont plus que jamais besoin de plus de management que les autres.
Le management est un fondement de l’autonomie au travail
Comme dans la vie en général, l’autonomie au travail ne se décrète pas, elle s’apprend et donc elle s’enseigne. Or les managers sont en première ligne pour enseigner cette prise d’autonomie, non pas pour scier la branche sur laquelle ils sont assis mais pour monter à leur tour en autonomie et élargir leur champ d’action. Cette montée en autonomie passe par plusieurs étapes allant de l’apprentissage du dialogue constructif jusqu’à la coopération et la capacité à mesurer et rendre compte de ses résultats. L’autonomie au travail ne peut s’épanouir durablement et efficacement que dans un cadre où s’exerce une forme d’autorité. Par exemple, en adoptant très largement une démarche de Lean Management, PSA a mis les collaborateurs en situation de prise d’initiatives en matière d’amélioration continue, tout en laissant aux managers le soin de réguler ces apports et contributions.
Ensuite, parce que l’autonomie n’est pas l’indépendance. Une organisation, même composée d’hommes et de femmes libres d’influer sur leur travail, n’a de sens que si elle comporte une forme d’unité d’action que l’on trouvera dans une culture commune, une vision partagée et un dessein auquel chacun a choisi de contribuer. L’autonomie au travail n’est donc pas la liberté d’agir à sa guise mais la liberté de contribuer à un projet collectif et les managers sont les premiers garants de la cohérence de ce projet. C’est ainsi, par exemple, que les expérimentations d’autonomie chez Michelin se font au service d’une raison d’être très clairement affichée (offrir à chacun une meilleure mobilité) et de valeurs vécues, au premier rang desquelles le respect de la personne humaine, le bien-être au travail, la confiance et l’ouverture des équipes sur le monde.
Enfin, parce qu’aucune entreprise n’évolue plus en vase clos : toutes sont soumises à des obligations réglementaires, des attentes de leurs actionnaires ou à la vigilance d’organisations indépendantes. L’autonomie de chacun des collaborateurs engage la responsabilité de toute l’entreprise : un dérapage local peut déstabiliser toute une organisation. Il apparaît donc impossible pour de grandes entreprises internationales de se passer de la fonction de contrôle qu’occupent une structure hiérarchique.
Pour réussir, ce type de management doit évoluer et être basé sur la confiance
Il n’en demeure pas moins que le rôle des managers va devoir évoluer en profondeur pour accompagner un mouvement d’autonomisation qui semble inéluctable.
Pour ceux qui étaient habitués à être sur le passage de chaque décision et de chaque information descendant de la direction, le fait de voir leurs équipes grandir en autonomie risque de devenir synonyme d’une perte de sens dans leur métier. Il devient alors nécessaire de déployer et de donner corps à une nouvelle conception du rôle de manager.
Là où un manager « traditionnel » est le principal acteur de la décision et de son exécution, le manager d’une équipe autonome s’en tient à un rôle de catalyseur de la décision en favorisant l’expression d’un consensus. Il œuvre en continu à la montée en autonomie de ses collaborateurs, sans interférer directement dans leur action à moins qu’il ne soit sollicité. Il donne de la méthode, pose des questions et suggère des solutions, met en avant les initiatives et les réussites, promeut les talents.
C’est un manager qui inspire ses collaborateurs et les pousse à l’initiative, en assumant la direction prise dès l’instant où elle rentre en résonance avec l’intérêt de l’équipe et de l’entreprise en général. S’il doit exercer son autorité directe, c’est sur le respect des règles du jeu de l’autonomie et en particulier sur ses contreparties de transparence et de responsabilité. Il doit organiser et susciter l’expression des micro-conflits au sein de l’équipe et se montrer intransigeant sur le respect des valeurs partagées. Il peut conserver un certain nombre de prérogatives qu’il juge impossible de partager comme le recrutement aux postes clefs ou la fixation des objectifs de résultats.
Enfin, le manager d’une organisation autonome joue un rôle clef dans la création de liens de coopération entre ses équipes et leur écosystème. Cela peut même aller jusqu’à représenter la plus grande partie de son temps. Il préfère systématiquement diriger un collaborateur vers un autre plutôt que de s’interposer dans le processus de coopération en apportant directement la réponse. C’est au titre de cette responsabilité de création de liens qu’il installe la confiance : à la fois confiance en soi et confiance dans les autres, deux prérequis à la coopération.
4 axes invariables pour autonomiser l’entreprise
Pour favoriser le déploiement d’une organisation responsabilisante, il est d’abord nécessaire que l’équipe de direction s’aligne et renforce son engagement en faveur de l’autonomie. Au cours de ce processus, le top management pourra prendre la mesure des risques d’une autonomisation et ceux qu’ils acceptent de prendre ensemble, de se rassurer sur la capacité de leurs collaborateurs à prendre leur autonomie (par exemple en rencontrant certaines équipes fonctionnant déjà de manière autonome dans leur entreprise) et enfin de planifier les réformes nécessaires pour rester maître du temps de la transformation.
Un programme de transformation d’autonomisation n’est pas une démarche linéaire. C’est un programme de transformation plus silencieux que sonore qui se bâtit progressivement et se structure toujours autour de quatre axes invariables :
Des expérimentations locales connectées entre elles : Il s’agit de confier sur une période déterminée à des équipes la responsabilité de leur performance et de leur donner les moyens nécessaires pour l’atteindre. La montée en autonomie est pilotée par le manager, encadrée par un socle de règles et accompagnée pour faciliter un apprentissage progressif. C’est ainsi que Michelin a entamé sa démarche d’autonomisation de ses salariés par la mise en place de 38 ilots autonomes pilotes dans 18 usines en Europe et Amérique du Nord.
La mise en place, grâce aux managers, des quatre conditions favorables à l’autonomie : transparence de l’information entre équipes, responsabilisation sur des résultats, confiance (en soi, dans les autres et dans les intentions de l’entreprise) et enfin coopération qui favorise l’action collective plutôt qu’individuelle.
Une transformation managériale qui consiste à former, coacher et accompagner les managers de proximité puis toute la ligne managériale dans la prise en main de leur nouveau rôle.
Des changements d’organisation nécessaires qui doivent venir comme une conséquence de la prise d’autonomie des équipes et non comme un prérequis : à mesure que s’étendra le réseau des expérimentations, vont s’exprimer des demandes de la part des équipes à destination du management. Celles-ci portent sur des propositions de réformes structurelles que les équipes jugent nécessaires pour continuer à gagner en autonomie, en performance et en capacité de coopération. Ce fut le cas par exemple chez un grand constructeur automobile qui réduisit de 25% la surface de ses usines grâce à une initiative de terrain. Dans une autre société industrielle, les équipes préconisèrent de réduire de 55% la charge de reporting.
L’autonomisation d’une entreprise n’est donc pas une « libération ». C’est une transformation longue et complexe qui ne peut suivre des méthodes toutes faites. L’engagement des dirigeants dans la durée et le soin qu’ils apportent à observer évoluer les comportements de leurs équipes seront toujours des facteurs clefs du succès d’une marche vers l’autonomie. En apportant constamment les encouragements, les correctifs voire les sanctions nécessaires, les dirigeants et les managers doivent être constamment aux commandes de ces transformations.
Tribune publiée sur hbrfrance.fr le 4 juillet 2018
[1] La Prouesse française : Le management du CAC 40 vu d’ailleurs (éditions Odile Jacob)
Le 26 juin 2018, trois dirigeants nous ont inspirés en nous racontant le basculement opéré par leurs entreprises pour devenir des acteurs à part entière de l’économie digitale :
Albert Asseraf, Directeur Général Stratégie, Data et nouveaux usages chez JCDecaux,
Pierre-Olivier Brial, Directeur Général Délégué du Groupe Manutan International, et responsable de la commission digitale du METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire)
Guillaume Planet, Vice President Media & Digital Marketing Global du Groupe Seb.
Voici le compte rendu des échanges animés par David Abiker.
Hervé Baculard, Senior Partner chez Kéa, a d’abord rappelé les trois caractéristiques majeures des disruptions actuelles.
Tout d’abord, la violence concurrentielle : chaque entreprise doit désormais faire face non seulement à « sa » concurrence habituelle mais à de nouveaux acteurs qui attaquent les marchés de façon horizontale. D’où une question centrale : quel terrain de jeu choisir pour ne pas se faire terrasser, cultiver sa singularité et développer des atouts robustes pour demain ?
Deuxième fait marquant : le déplacement de la valeur. Nombre de sociétés dites classiques l’expérimentent durement. À titre d’exemple, la distribution développe le drive en complément de ses magasins, avec des coûts supplémentaires mais le même volume de consommateurs. La création de valeur est donc relative, l’usage pour les clients domine tout et les comportements évoluent à grande vitesse. Il convient donc de savoir identifier de nouvelles sources de création et de migrer vers elles au bon rythme.
Enfin, le facteur humain : « À l’heure de l’intelligence artificielle, ce bon vieux facteur humain fait de la résistance, souligne ainsi Hervé Baculard. La mondialisation des années 1990/2000 aura finalement été un chemin assez facile : création de filiales dans toutes les géographies, développement des fonctions transverses, informatisation… Or, la digitalisation remet en question chaque métier et le code génétique de chaque activité. Elle prend finalement une dimension éminemment humaine. » Et de conclure : « C’est bien d’une transformation socio-digitale dont il s’agit. Digitale du fait de la technologie et sociale car chaque entreprise doit redéfinir son terrain de jeu au regard des mutations de la société, des comportements et des usages. »
Manutan international et le projet Dreda : « des racines et des ailes »
David Abiker a lancé la discussion par cette question à Pierre-Olivier Brial : « Comment avez-vous fait pour que des entrepôts dans le 95 se transforment en une université et un projet de logistique HQE au service de vos clients : « Manutan With Love » ? Comment Manutan n’est pas devenu Les 3 Suisses du BtoB ? »
En guise de réponse, Pierre-Olivier Brial a tout d’abord brandi l’imposant catalogue Manutan de quincaillerie et matériel de bureau, comme témoin lourd et persistant de ce passage de la vente à distance à l’âge digital, à l’heure des actifs immatériels.
« Nous avons été amenés à repenser notre business model radicalement et rapidement, explique Pierre-Olivier Brial. Mais, au-delà d’une transformation digitale, nous avons cherché à refondre notre contrat d’entreprise autour d’une raison d’être « Entreprendre pour un monde meilleur » et à modifier notre culture en hybridant la relation humaine et la technologie. La conception de notre projet de siège social baptisé DREDA – acronyme « des racines et des ailes » – illustre parfaitement cette ambition. Pour changer et survivre ensemble, nous avons apporté à nos collaborateurs les moyens de se développer à titre individuel et de prendre leur destin en main. Pour réinventer la relation client et apprendre les bonnes pratiques digitales à nos équipes, nous nous sommes dotés d’une université interne qui travaille sur le rapport que chacun entretient avec soi-même, avec les autres et avec ses clients.
Nous avons également travaillé sur les comportements en matière d’innovation. Nous sommes passés de la culture projet à la culture du Minimum Viable Product et du test and learn, inspirée de la Silicon Valley, en développant la capacité d’innovation de chacun. Les dispositifs d’écoute des collaborateurs et l’apport des démarches agiles sont bien plus efficaces pour basculer dans le digital que la création d’un ‘’Lab’’ déconnecté des métiers. Nous sommes désormais plus agiles, plus pragmatiques et… plus performants. »
JCDecaux transforme son offre avec sa plateforme mondiale de planning et de trading publicitaire gonflée au machine learning
L’une des singularités du numéro 1 mondial des mobiliers et services urbains est d’être positionné sur un double marché. En amont, il s’agit de remporter les appels d’offres de longue durée (15-25 ans) lancés par les collectivités territoriales et les autorités de transport à travers le monde. En aval, il lui faut convaincre les annonceurs de financer des campagnes d’affichage dans une logique de court terme. Face à cette dualité temps court/temps long, le sujet de la digitalisation constitue l’un des enjeux majeurs de l’entreprise. « Loin d’être une source de déperdition de valeur, le digital vient enrichir notre métier, explique Albert Asseraf. Il permet de faire tomber les barrières de l’espace et du temps. La ville devient connectée et les messages intelligents. Les annonceurs peuvent ainsi diffuser un message différent d’un site à l’autre et selon les horaires, le tout nourri par exemple par leurs données de vente en temps réel. De quoi construire des campagnes programmatiques mais également calibrer cible et objet du message en temps réel. Preuve de cette montée en puissance : alors que seuls 6% de nos supports sont digitaux, ils représentent 18% de nos revenus. »
Autre sujet-clé : la data. « Nous disposons de plus de 1,2 million d’objets à travers le monde qui peuvent potentiellement produire des données, rappelle Albert Asseraf. Grâce à ces dernières, nous pouvons améliorer notre connaissance des villes, des annonceurs, la manière de proposer des publicités. À titre d’exemple, nos mobiliers peuvent être équipés de capteurs de pollution ou encore de mouvements de foule. »
Comme le digital dématérialise les transactions, JCDecaux a pris les devants, avant qu’un acteur de la nouvelle économie ne le fasse. JCDecaux vient donc de lancer ce 12 juin VIOOH, une plateforme programmatique mondiale de planning et de trading ouverte à toute l’industrie, en concurrence de la publicité digitale (mobile, recherche/search, écran…), transformant ainsi l’ensemble de son offre grâce à des campagnes optimisées par l’utilisation des données et de la technologie. Des algorithmes de Machine Learning améliorent le ciblage et l’efficacité des campagnes publicitaires. Une équipe de plus de 65 développeurs, codeurs, commerciaux et fonctions support basée à Londres pilote ce nouvel outil déployé en Europe mais aussi en Australie, à Dubaï, Hong Kong et Singapour.
Quand SEB invente la cocotte minute connectée
Groupe de dimension mondiale spécialisé dans la vente de produits grand public, Seb a su utiliser le digital pour renforcer ses capacités innovantes, mieux connaître son marché et nouer une relation intime avec les consommateurs. « Nous avions identifié nombre de signaux faibles qui nous ont permis de nous adapter, se rappelle Guillaume Planet. Nos acheteurs ont modifié leurs habitudes et se sont fortement digitalisés. Nous avons donc pris conscience qu’il fallait changer la chaîne de valeur au-delà de notre sens inné de l’innovation. Grâce à l’impulsion des managers, à l’implémentation d’un chantier de transformation digitale mais aussi à une démarche d’écoute et de proximité pour accompagner nos collaborateurs, nous avons progressivement basculé d’une culture produits à une culture clients. Le digital nous offre l’opportunité unique d’établir un lien direct avec nos clients. N’oublions pas en effet que le meilleur outil marketing demeure le bouche-à-oreille, aujourd’hui décuplé par les communautés sur Internet. L’objectif est également de placer la data au cœur de notre système marketing et de récolter l’information massive en provenance de la TV, du digital et de nos produits connectés. C’est à quoi nous voulons aboutir pour pouvoir développer une expérience personnalisée tout au long du parcours, que ce soit en amont ou en aval de l’achat
En conclusion, voici ce qui guide la réussite de ces trois entreprises, fleurons familiaux français :
« Notre leitmotiv est simple : personne ne doit faire mieux que nous ce que nous faisons ». Albert Asseraf
« La réussite de la digitalisation tient avant tout dans l’investissement humain, le challenge étant de trouver les bons profils ». Guillaume Planet
« Notre réussite a également été portée par un actionnariat familial éclairé et prompt à prendre les décisions pour l’avenir ». Pierre-Olivier Brial
La santé représente l’un des enjeux majeurs de notre siècle ; elle est d’ailleurs inscrite parmi les 17 objectifs de développement durable, portés par l’ONU et soutenus par 193 pays : « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ».
Le secteur est soumis à de fortes tensions. Face à un monde de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu, les acteurs de la santé adaptent leurs business model : fusions-acquisitions entre mutuelles, développement de clusters d’innovation par les laboratoires pharmaceutiques, naissance d’écosystèmes et de partenariats encouragés par les acteurs de la e-santé… Ce sont autant de réponses concrètes pour remplir pleinement leur mission : apporter la santé au plus grand nombre.
Apporter la santé au plus grand nombre : une mission et 5 défis à relever
#1. Remettre le patient au cœur de la stratégie
Le comportement et le rôle des patients évoluent : ils sont plus informés et connectés, interagissent de plus en plus avec les différentes parties prenantes du secteur et cherchent à s’inscrire dans des partenariats et relations de long-terme avec leurs interlocuteurs.
Demain, leurs besoins et attentes seront au cœur de la stratégie des acteurs de la santé : implications de patients dans le développement de produits et services, offres pensées en fonction du parcours patient, communication plus pertinente et ciblée, etc. Ainsi la santé passera d’un modèle product centric à un modèle patient centric, à l’image de la grande consommation, devenue client centric.
#2. Prendre le virage de la e-santé
L’émergence de la e-santé, à travers le développement de nouveaux usages patients, de devices connectés, de services, représente une source formidable d’opportunités et de nouveaux business. Ainsi, en France, le marché de la e-santé est estimé, en potentiel, à environ 3Md€. Cela implique toutefois d’être en capacité de saisir et d’exploiter au mieux ces opportunités qu’apporte le digital, en faisant notamment preuve d’innovation dans les outils, les façons de faire (ouverture, agilité…), les modes d’organisation et de fonctionnement (en particulier à travers la patient centricity).
#3. Relever le défi de l’accès aux soins, pour tous, partout
La demande de biens et de services de santé est en hausse et continuera à croître dans les prochaines années. Cela représente autant de défis pour l’industrie de la santé : Quelle stratégie mettre en place pour s’ouvrir à de nouveaux marchés ? Comment adapter ses moyens de production pour répondre à la demande ? Comment concevoir ses réseaux de distribution pour développer l’accès aux soins ?
Dans ce domaine, deux principaux berceaux de croissance émergent :
En Asie, avec la Chine et l’Inde : la demande explose en Inde, avec une croissance moyenne annuelle prévue de 22% du marché des médicaments, pour atteindre 55Md€ en 2020 ; en Chine, les déserts médicaux demeurent un enjeu majeur ;
En Afrique : la démographie restera très dynamique au cours des prochaines années ; avec le Nigeria qui deviendra, en 2050, le 3ème pays le plus peuplé au monde, devançant ainsi les Etats-Unis. Dès lors comment répondre de la façon la plus efficiente possible aux enjeux de santé des populations du continent ?
#4. S’engager pour plus de compliance et de sécurité
La santé est une industrie particulièrement soumise à critique en matière d’éthique. Qui plus est, le renforcement des liens avec les patients, l’émergence de la e-santé manipulant la data et l’ouverture à de nouveaux marchés soulèvent de nouvelles questions de compliance et de sécurité. Ainsi la réglementation et la « soft law » (référentiels, labels…) continuent à se renforcer. La conformité et la gestion des risques vont donc demeurer des composantes importantes, auxquelles l’industrie de la santé doit veiller, sans pour autant perdre en compétitivité. Au-delà du respect de la réglementation, des attentes grandissantes autour des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux s’affirment. Répondre à ces attentes c’est assurer la pérennité de l’entreprise, celle du secteur, voire contribuer au bien commun.
#5. Développer la culture de la responsabilisation
Les mutations du secteur créent des tensions culturelles au sein des entreprises : de plus en plus internationalisées, elles doivent jongler entre stratégie globale et spécificités locales ; les exigences en termes de compliance suscitent un fort contrôle hiérarchique au détriment de la subsidiarité. Or la responsabilisation des collaborateurs est un véritable levier de performance. La culture des entreprises va donc devoir évoluer pour favoriser la responsabilisation, en activant plusieurs leviers : exemplarité managériale, confiance, courage, droit à l’erreur…
En 2018, trois alliances majeures sur les achats ont été formées : Casino avec Auchan, Système U avec Carrefour et Fnac Darty avec Media Markt Saturn.
Kéa avait donc convié le 27 mars 2018 trois grands précurseurs des alliances à nourrir la réflexion sur ce sujet ô combien d’actualité :
Florent Courau, directeur général France de JD.com, premier retailer on/off line en Chine, précurseur d’alliances numériques dans le luxe
Hubert Garaud, Président de Terrena, principale coopérative polyvalente de France, précurseur d’alliances et de marques collectives entre coopératives
Serge Papin, PDG de Système U, précurseur d’alliances nationales et locales à l’achat comme à la vente.
Hervé Baculard, Senior Partner chez Kea & Partners, a partagé les raisons de cette nouvelle vague d’alliances :
Les alliances durent en moyenne moins de 10 ans, voire 4 à 5 ans pour les alliances à l’achat : il est normal d’avoir des effets périodiques d’accélération.
Le temps de l’argent pas cher – donc des acquisitions – touche à sa fin et les alliances sont une alternative moins coûteuse en termes de capex.
Les entreprises sont en recherche de nouveaux leviers de massification notamment en matière numérique ; en effet, la fragmentation des marchés générée par la multiplication des acteurs et l’irruption des plateformes Internet met à mal les business modèles.
ALLIANCE, DÉFINITION :
Une coopération entre des entreprises autour d’un projet lequel elles mettent en commun des ressources et des compétences
Six typologies d’alliances selon Kea & Partners :
Les alliances, facteurs de transformation
Si nouer une alliance implique de trouver un partenaire externe, c’est également l’opportunité d’accélérer des transformations internes pour mettre en place une réorganisation ou bien une vision nouvelle.
Les alliances ont un effet d’entrainement et de mise en mouvement de l’entreprise. Système U n’aurait jamais pu mener à bien son « alliance interne entre régions » si elle n’avait pas engagé une alliance externe. Cette pression externe nous a fait gagner beaucoup de temps.
Serge Papin
Les alliances, une question de vision, un acte « offensif »
Les alliances doivent être l’occasion de porter une nouvelle vision, de rompre avec les idées communément admises.
Nous avons imaginé chez Terrena un concept disruptif : celui d’agriculteur écologiquement intensif. Le fait de défendre cet oxymore nous a amenés à nous dynamiser en interne et nous à rapprocher des parties prenantes et ONG, et à partir de là de nouer des alliances.
Hubert Garaud
Les alliances digitales, nouveau sujet à défricher
Les alliances digitales permettent de développer de nouvelles compétences pour des acteurs dont le digital n’est pas le savoir-faire natif ou de mettre en synergies des actifs clients, par effet multiplicateur. Dans la mesure où les partenaires pour ces alliances digitales sont mondiaux et peu nombreux (Amazon, Alibaba, Tencent, JD.com, Rakuten, Google), il convient de choisir un allié avec rapidité.
Nous disposons à ce jour de 300 millions de clients en Chine. Pas moins d’un quart de nos nouveaux clients proviennent d’un partenariat conclu avec le réseau social de Tencent, qui nous permet d’atteindre le milliard d’abonnés de WeChat. Ce rapprochement nous a notamment aidés à beaucoup mieux intégrer l’expérience utilisateur en combinant nos données commerciales aux données sociales de WeChat.
Florent Courau
Entre écueils et limites : l’importance de la méthode
Pour autant, toutes les alliances ne s’apparentent pas à des success-stories : 50% d’entre elles sont considérées comme des échecs. Entre dissensions culturelles, difficultés d’alignement des acteurs, obstacles de toutes sortes, les risques de dégradation s’avèrent multiples :
D’où l’importance d’une méthode adéquate, proposé
Les différences culturelles constituent souvent un vrai point d’achoppement, surtout en matière de méthode. Il faut déminer le terrain en permanence. L’une des meilleures garanties de pérennité est à cet égard de disposer d’indicateurs de suivi fiables.
Serge Papin
Il faut s’apprivoiser mutuellement en recherchant des racines, des points communs, des proximités voire des intimités… C’est ce que nous avons fait avec Walmart.
Florent Courau
Il faut absolument prévoir des points d’étape. Certains accords qui fonctionnaient très bien peuvent en effet se révéler moins adaptés en fonction du contexte client ou concurrentiel. D’où l’impérieuse nécessité de s’interroger régulièrement sur leur évolution.
Hubert Garaud
Ce que les alliances apportent
Les alliances stratégiques font plus gagner de territoires que de temps et ouvrent le champ des possibles.
Florent Courau
Les alliances réussies permettent de coconstruire et d’aller chercher des innovations de rupture.
Hubert Garaud
Les alliances permettent de mieux définir son propre terrain de jeu et de s’ouvrir sur le reste, en laissant de côté les conservatismes.
Serge Papin
En conclusion
Face à la fragmentation et à la globalisation des marchés, les alliances font partie de l’horizon stratégique essentiel :
Les « fronts » stratégiques se multiplient
On ne peut pas tout maîtriser en matière de compétences
Les économies d’échelle se situent sur de nouveaux sujets : data, audience numérique…
Le nombre d’acteurs de « premier choix » est limité
La rigueur du processus est une condition nécessaire pour réussir :
Chaque étape répond à des facteurs clés de succès spécifiques : Pourquoi ? / Prise de décision et cohésion interne / Mandat de négociation / Anticipation opérationnelle / Gouvernance de l’alliance / Prévision de la sortie
À terme, il faut envisager un portefeuille d’alliances multilatérales, à durée de vie pérennes pour certaines, à durée déterminée pour d’autres.
Une fois l’alliance signée, il faut être en alerte, en identifiant en permanence les signaux et les causes de déséquilibre potentiel (stratégique, managérial, financier…).
Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), actuellement en phase de consultation, propose plusieurs axes d’évolutions. Parmi celles-ci, se pose la question de la responsabilité de l’entreprise et de la remise en cause de l’article 1833 du code civil indiquant que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés » : l’intérêt général pourrait désormais s’inscrire dans le Code Civil.
Cette hypothèse illustre parfaitement qu’en matière de responsabilité, « l’eau monte » très vite, peut être encore plus vite que sur tout autre sujet : les actions qui hier relevaient de l’intérêt général ont aujourd’hui une incidence sur la pérennité de l’entreprise et relèveront demain d’une simple mise en conformité.
En effet, en remettant en cause l’article 1833 du code civil, nous passerons en quelques mois, d’une logique où le bien commun comme élément central du statut de l’entreprise n’était l’apanage que de quelques organisations emmenées par leur leader visionnaire à un état de fait où la préservation, voire le développement, du bien commun deviendra la norme (que la loi soit coercitive ou incitative) pour toutes les entreprises. Voilà un phénomène marquant car touchant au fondement même de l’entreprise et entrainant sa nécessaire transformation en profondeur. Les plus précurseurs auront alors plus que jamais un temps d’avance.
Pour s’adapter à ce nouveau statut, quatre changements systémiques à engager :
Le premier sera de mettre les politiques RSE au cœur de l’activité dans une logique de transformation des modèles productifs. Les entreprises qui pensaient jusqu’alors la RSE comme la minimisation des impacts négatifs sur leur environnement (et la percevaient comme un enjeu à intégrer « en plus » de leur activité, dans une vision coercitive et castratrice) vont désormais devoir la faire évoluer vers la maximisation des impacts positifs sur l’ensemble des parties prenantes. C’est donc l’exercice stratégique et son exécution opérationnelle qui vont être modifiés en profondeur.
Le second changement consistera à renforcer la prise en compte du temps long dans les processus de décision stratégiques et opérationnels, seule possibilité pour mesurer les impacts de l’action et garantir la réelle préservation, voire l’accroissement du bien commun. Cette prise en compte implique une évolution forte des compétences afin de pouvoir comprendre des phénomènes nouveaux pour l’entreprise, à mesurer avec des indicateurs propres.
Le troisième changement visera à s’ouvrir aux parties prenantes (internes et externes), tant dans le dialogue pour comprendre les enjeux, mesurer les impacts potentiels, que dans l’action pour co-construire les solutions à même de répondre aux enjeux.
Enfin, et ce n’est sans doute pas le plus facile, ce changement de paradigme (car c’est cela dont il s’agit) ne pourra se faire sans un profond renouvellement des modes de management et de leadership. Un leadership orienté par la place que l’entreprise doit avoir dans la Cité comme réel acteur de la société (et non comme seul acteur économique) ; un leadership qui remet au juste niveau finalité et moyens ; un management qui encourage la diversité de points de vue et de sensibilités nécessaire au débat et au discernement, qui favorise l’autonomie (de pensée et d’action) afin de prendre en compte la complexité ; un management qui met le développement de chacun au profit du projet collectif auquel chacun adhère et pour lequel il peut s’engager.
Ce mouvement, certaines entreprises précurseurs l’ont engagé en faisant évoluer leur mission pour qu’elle dépasse très largement la production de biens ou services et vise à contribuer au développement humain, en initiant la transformation profonde de leur modèle de production et en abordant avec leurs parties prenantes un dialogue intense à même d’identifier les conditions d’une contribution positive. Toutes le disent : ces évolutions sont complexes et profondes et nécessitent bien souvent d’innover, d’expérimenter et, à ce titre, l’anticipation constitue leur meilleure chance pour l’avenir.
Le temps est sans doute l’un des premiers terrains de jeu des dirigeants comme des hommes politiques. Pourquoi et quand est-il urgent d’agir ? Quand est-il urgent d’attendre ? Comment tirer parti des avantages du temps court et du temps long ? Comment trouver un équilibre dans cette oscillation permanente ?
Dans le monde des affaires, cette oscillation est utile à la transformation des organisations. Elle est même nécessaire, dans un monde VUCA, devenu tout à la fois volatile, incertain, complexe et ambigu. En cela, les entreprises, dans la prise en compte du temps dans leurs prises de décision et leurs plans de transformation, sont indéniablement une source d’inspiration pour la sphère politique. Et notamment à l’aune d’un Gouvernement qui voit dans ses rangs un grand nombre d’acteurs issus du monde civil et de l’entreprise…
Combiner temps court et temps long pour susciter de l’engagement
Il n’y a pas un temps mais des temps de transformation, qui ne se managent pas de la même façon.
Le temps court fait souvent l’objet d’un procès d’intention : l’action à court-terme est souvent qualifiée d’opportuniste, considérée comme un sucre rapide plus profitable au dirigeant ou à l’homme politique qu’au bien commun. Il est pourtant nécessaire quand il s’agit de gérer une crise ou de faire face à l’imprévu. Il est nécessaire aussi pour insuffler de l’énergie et initier le mouvement d’une transformation d’ampleur. Le temps court est celui des transformations visibles, incarnées, mobilisatrices, pour traiter de l’événement, du communicable, des programmes d’action.
Le temps long est difficile à entendre dans une époque marquée par le désir d’immédiateté. C’est pourtant lui qui permet d’installer les conditions favorables au changement. C’est lui qui permet de fédérer une communauté d’individus, que ce soit des élus, des actionnaires, des salariés, des fournisseurs, des clients… autour d’un avenir commun et de donner sens à l’action. Le temps long est celui des transformations silencieuses pour changer les structures, modifier les modèles de gouvernance, développer de nouveaux modes de management, mettre en place les conditions de l’autonomie des équipes, etc.
La performance d’une entreprise ne résulte d’aucun d’eux pris séparément, mais de leur habile combinaison. Cela suppose d’adopter une stratégie d’empreinte légère : plutôt que de fixer un idéal difficile à atteindre, mettre l’organisation en mouvement pas à pas, de manière modulable, avec les bonnes ressources au bon moment.
Complexité et facteur humain : au-delà du temps, les 2 autres piliers de la transformation
Le temps est une dimension clé de toute transformation opérée de manière responsable, qu’elle concerne une entreprise ou une institution publique. Ce n’est pas la seule, car elle est à traiter selon la complexité de l’activité et en lien avec les hommes et les femmes qui la portent.
Plutôt que redouter la complexité, Il s’agit de l’accepter et de composer avec elle. C’est, par exemple, s’attacher à concilier les bénéfices des nouvelles technologies (en termes de rentabilité, de performance) et les enjeux éthiques sous-tendus. Il est donc nécessaire de prendre le temps d’installer le dialogue avec les parties prenantes (élus, actionnaires, salariés, fournisseurs, consommateurs, citoyens) afin prendre en compte leurs attentes et faire s’exprimer les incertitudes et les risques associés à tel ou tel projet technologique.
Transformer en prenant en compte les hommes et les femmes qui composent l’organisation, c’est considérer les individus non plus seulement comme des ressources mais comme des agents du changement, au cœur de la création de valeur et qu’il s’agit d’engager dans l’action. C’est donner du sens à leur action en mettant en perspective l’activité économique de l’entreprise dans sa vocation sociale. C’est leur donner les moyens d’inventer les modes de fonctionnement qui servent cette activité et cette vocation.
En résumé, transformer les organisations en prenant en compte leur diversité, les personnes qui les composent et la dimension du temps, c’est apporter une réponse complexe et responsable à un monde qui est lui-même de plus en plus complexe, interconnecté et changeant.
De ces trois composantes, se dégage un nouveau paradigme pour l’entreprise. Par une transformation responsable, elle affirme son rôle hors les murs : prenant de plus en plus part à la construction de la Cité. Tout en recherchant ses intérêts particuliers, elle les intègre dans un projet plus vaste. L’enjeu collectif des prochaines années – pour les entreprises, les citoyens, les gouvernements – sera sûrement de s’entendre sur ce que nous appelons « le bien commun ».
Tribune publiée par LesEchos.fr le 5 février 2018
L’étymologie du mot « management » est riche d’indications puisqu’il est un lointain descendant de « main », symbole de l’autorité et de la puissance (la main de justice, la main de fer dans un gant de velours…). Dans la même famille, on trouve « manier » (mener à son gré), « manœuvrer » (agir par une tactique habile), « manège » (comportement habile mais trompeur pour arriver à ses fins)… Tenants de la sociodynamique et des travaux de Jean-Christian Fauvet, nous définissons le manager comme celle ou celui qui (ré)concilie deux logiques antagonistes : les impératifs de l’Institution (tels que la survie, le développement, les exigences de rentabilité…) et les aspirations du corps social (sécurité, rétribution, reconnaissance, épanouissement…).
Ainsi, la compréhension du rôle qu’a le management dans l’entreprise pose la question de la place des hommes dans la performance de l’entreprise. Nous avons évidemment la conviction que cette place est essentielle ; que chacun, du grand patron au plus modeste salarié, contribue par son implication personnelle et par sa capacité d’initiative à la performance globale ; que beaucoup se joue sur le terrain, dans la relation quotidienne avec le client ou au contact du produit ; bref, que « miser » sur l’homme est une opération rentable.
Le nécessaire et légitime investissement engagé dans les outils, les systèmes, les méthodes et les processus ne doit pas occulter celui consenti sur les Hommes, leurs compétences et leur mobilisation. En effet, si les projets qui se construisent sans la prise en compte du facteur humain ont l’avantage de pouvoir faire ressentir leurs effets économiques rapidement, nombre d’études (ex. Human Capital Index) évaluent d’une manière objective la « qualité » du management par les hommes et mettent en évidence une corrélation positive entre cette qualité et la performance économique.
Ceux et celles qui en sont les plus convaincus aspirent donc à un management fort pour conduire un projet de changement, expliquer aux équipes la transformation engagée et le « pourquoi / comment » de la stratégie qui en découle, gérer les relations sociales, accompagner les équipes et chacun de leur membre…
Ainsi, le manager doit être :
Porteur de sens : il s’approprie la vision, comprend son environnement, assimile la stratégie, met en perspective les différentes initiatives, explicite les implications locales, porte le sens et le fait partager à ses équipes
Acteur de la performance : il assume des objectifs ambitieux, organise les tâches, actionne les bons leviers, prend les décisions en temps utile, détecte et corrige les dysfonctionnements, gère efficacement ses priorités, sait alerter et demander du soutien
Noueur de liens : il développe son réseau de partenaires internes / externes, construit avec eux une coopération mutuellement profitable, établit des relations constructives hors hiérarchie, est en prise sur le dehors
Animateur d’équipe : il crée une dynamique collective de performance, mobilise les énergies, impulse le changement, porte les projets, a un comportement exemplaire, développe le progrès continu, valorise les succès, gère les tensions et résout les conflits
Communicateur : il est un « vecteur actif » de la communication institutionnelle, assure un tri dans la masse d’information, relaie les messages en les adaptant à son public, s’assure de leur compréhension, est à l’écoute du terrain et remonte les informations utiles
Eleveur de talents : il fait grandir ses collaborateurs, développe les talents, donne confiance, crée du vide, met en déséquilibre dynamique, détecte les points d’amélioration, aide chacun à progresser et à trouver son parcours dans l’entreprise
Expert Métier : quand il doit maîtriser les connaissances et les savoir-faire techniques de son domaine, les transmettre à ses collaborateurs pour lesquels il est un recours et un appui, faire évoluer les pratiques, d’innover…
Bref, le manager c’est la PANACEE, c’est-à-dire celui que l’on croit capable de guérir tous les maux, de répondre à tous les besoins, de résoudre quasi miraculeusement tous les problèmes (cf. Trésor de la Langue Française). S’il n’existe pas, les démarches managériales permettent d’y tendre.
Il faut donc remettre l’ouvrage sur le métier…
« Entreprise libérée », entreprise « aspirationnelle », autonomie, auto-organisation… Que doivent retenir les dirigeants, cette année, de l’innovation managériale ?
Ils peuvent déjà retenir l’intérêt qu’elle suscite. Plus de 1.500 personnes se sont déplacées, fin novembre, au premier campus consacré au sujet. A Cergy-Pontoise et, de surcroît, un samedi matin ! Sur le fond, nous avons pu vérifier, avec Isaac Getz, que la notion d’entreprise libérée était un thème fédérateur, mais qui recouvrait une grande diversité de pratiques. Leur ligne commune est la prise de conscience du fait que les collaborateurs constituent un actif de l’entreprise et que l’énergie collective est majeure pour la faire évoluer. Que l’entreprise soit « libérée » ou rendue plus « autonome », il s’agit de développement managérial et de développement du collaborateur. Tous les concepts maniés pendant le campus montrent combien l’énergie humaine est au cœur des enjeux de développement de l’entreprise, alors que l’on pouvait considérer que la technologie, la stratégie et d’autres facteurs plus « froids » prédominaient.
Sur le terrain, où en sont les entreprises en termes d’innovation managériale ?
Les grandes entreprises et les ETI ont entamé, depuis dix ans, des réflexions autour du management et du développement managérial. Elles ont travaillé sur des modèles, sur la formation et la responsabilité de leurs managers, sur le déploiement du leadership. Ont-elles investi tout le champ de l’innovation managériale ? Nous voyons bien que cette démarche est un peu plus récente. Beaucoup en sont au stade de l’expérimentation et les démarches ne sont pas suffisamment matures pour établir de bonnes pratiques.
Quelles sont ces expérimentations ?
Des entreprises impulsent un fonctionnement proche du design thinking. Issue de l’environnement produit, cette méthode qui s’appuie sur la capacité d’observation et de modélisation peut-elle s’appliquer dans le champ du management ? D’autres développent des approches de serious games, pour réaliser des mises en situation et créer un rituel d’entraînement, permettant notamment de garantir une bonne conduite en situation de stress. D’autres enfin vont tester des mécanismes de l’entreprise dite libérée. Dans les usines Hervé Thermique, les équipes opérationnelles désignent la personne qu’elles estiment être la plus légitime pour les diriger. Cela peut tomber sur quelqu’un qui n’avait pas envie d’être chef mais dont la posture, l’attitude, les modes de coopération, la capacité à agir et interagir, font qu’aux yeux du collectif, il ou elle est légitime. C’est une innovation, peut-elle pour autant être généralisée ?
L’innovation managériale sert-elle la transformation ?
Si l’on considère que l’un des axes de la transformation est de donner du sens, l’entreprise doit s’appuyer sur les attentes et les besoins des nouvelles générations. Innover en productivité pour produire plus, consommer et faire consommer plus ? Je ne suis pas certain qu’il y aura le marché en face. La responsabilité est aujourd’hui l’un des enjeux de la transformation. Par exemple, le rapport à l’alcool est un élément de la réflexion stratégique des alcooliers que nous accompagnons. Responsabilité et durabilité sont des axes majeurs de la stratégie de Pernod Ricard.
Les neurosciences et le transhumanisme commencent à percer dans le monde de l’entreprise…
La question est de savoir si l’on réfléchit aux possibilités de capacités augmentées à la manière d’un auteur de science-fiction et ou de façon plus pragmatique. Mettre des moteurs d’intelligence artificielle au service de chargés de clientèle pour leur permettre d’être plus efficaces, d’avoir une meilleure connaissance des clients et de proposer à ces derniers des réponses et des services adaptés, ne pose pas de problème. Si je devais souligner un point auprès des entreprises, ce serait de vérifier que l’ensemble des innovations sont appréciées sous un angle responsable. La responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise est un garde-fou. Les questions de gouvernance, d’éthique et de management doivent tourner autour.
Face aux évolutions du monde, la question de la responsabilité se pose à chacun d’entre nous, en tant que citoyen et en tant qu’acteur du monde politique, de l’administration ou de l’entreprise… Pour l’entreprise, c’est au dirigeant de prendre position et de faire des choix forts pour l’avenir.
La responsabilité peut être appréhendée comme à l’origine de l’action ou comme une conséquence. On la conçoit soit comme une réponse satisfaisant au mieux les attentes des parties prenantes, soit en tant qu’élément fondateur et de premier plan de l’entreprise. Elle devient alors un vecteur de singularité et d’innovation, susceptible de générer un avantage compétitif et de permettre à l’entreprise d’être à l’origine des normes qui s’appliqueront à toutes les autres. Quels sont les arbitrages à faire par le dirigeant sur des enjeux parfois antagonistes ? Quels indicateurs de performance mettre en place ?
L’objectif pour l’entreprise à ce niveau est de réduire ses impacts négatifs sur ses parties prenantes. La conformité est une obligation. Elle est principalement régie par la règlementation nationale ou internationale ainsi que par les normes, labels, initiatives et référentiels (dits « softlaws »). Le périmètre de la conformité ne cesse de s’agrandir, ce qui demande d’en brosser une définition et d’en dessiner les contours.
Quels référentiels choisir ? Se place-t-on dans une logique de pure conformité à la réglementation ou souhaite-t-on s’imposer des standards plus élevés (par exemple, l’entreprise Switcher a fait le choix de garantir la traçabilité totale de tous les tee-shirts qu’elle produit) ? Comment gérer les disparités géographiques : un alignement sur le pays le plus exigeant (au risque de diminuer la compétitivité) ou sur le minimum dans chaque pays ou région (au risque d’affaiblir la réputation) ?
Ensuite, il s’agit de s’atteler à la gestion des risques. Quelle est l’organisation adaptée (structure, processus, reporting) pour mettre en œuvre et faire respecter les référentiels retenus ? Comment développer la culture de gestion des risques au sein des équipes ? Comment organiser la veille et la perception des signaux faibles pour anticiper les évolutions de la norme (réglementaire ou sociale) ?
2. Assurer la pérennité de l’activité
Le but ici est d’adapter l’activité de l’entreprise aux évolutions environnementales, sociales et sociétales afin de garantir son existence dans le futurpar un impact positif sur ses parties prenantes directes. Le modèle d’entreprise et son adaptation aux évolutions environnementales ou sociétales sont au cœur du sujet. Car ces évolutions sont souvent de nature à remettre en cause les fondements de l’activité.
Par exemple, le passage du moteur à essence au moteur électrique dans l’industrie automobile, la décentralisation de la production pour le secteur de l’énergie, le mouvement vers une production locale respectueuse de l’environnement et de la santé des consommateurs dans l’agroalimentaire… Ces changements résultent principalement de forces externes : l’environnement, les consommateurs, les citoyens, les ONG, les marchés financiers… Ils présentent des caractéristiques qui en rendent la gestion plus difficile. D’abord, ils sont souvent antagonistes vis-à-vis des intérêts économiques à court terme de l’entreprise. Ensuite, ils ne prennent pas corps brutalement mais sont le fruit de processus d’évolution progressive, souvent lents qui nécessitent de faire coexister l’ancien et le nouveau modèle (par exemple, les véhicules hybrides ou électriques se développent mais constituent encore une part très minoritaire du marché, l’élasticité des prix existe mais n’est pas sans limite…).
Enfin, les parties prenantes les plus engagées en matière de RSE œuvrent souvent loin du cœur d’activité de l’entreprise, rendant ces évolutions difficilement palpables pour les équipes. Ainsi seuls 12% des dirigeants estiment que leurs investisseurs attendent un développement des stratégies RSE dans l’entreprise et 34% que plus de salariés devraient prendre des responsabilités dans ce développement afin d’insuffler une « culture RSE ».
Sur le fond, il s’agit de développer de nouveaux modèles métier, qui doivent, au moins temporairement, cohabiter avec les modèles existants, même s’ils sont antagonistes. Concepts, compétences, organisations, partenariats, systèmes de mesure de la performance… il est parfois nécessaire de réinventer totalement le métier pour permettre la transformation de l’offre de l’entreprise.
Pour mener cette transition à bien, quatre lignes de force guident l’action :
une conviction claire du dirigeant,
la recherche d’un équilibre entre un présent qui persiste et un futur à construire,
un effort de pédagogie
et des indicateurs auxquels se référer pour mesurer les avancées.
3. Contribuer au bien commun
Il s’agit là pour l’entreprise de participer au développement de l’être humain et de lui permettre, compte tenu des évolutions démographiques, environnementales et économiques, de pouvoir vivre le plus harmonieusement possible. Ce niveau est le plus éloigné de son cœur de business et pose des questions inhabituelles, dépassant le plus souvent le cadre de son activité.
L’importance de plus en plus forte d’enjeux de nature à déstabiliser le monde et les sociétés (hausse de la démographie mondiale, dérèglement climatique, baisse de la biodiversité, augmentation de la précarité, vieillissement de la population…) et la difficulté des Etats à les traiter seuls questionnent les entreprises de façon pressante sur leur rôle vis-à-vis de l’intérêt général. Qui plus est les parties prenantes de l’entreprise changent de posture dans ce sens. Les jeunes générations ont tendance à faire de l’intérêt général un choix de vie : sélection de leur employeur, engagement dans le bénévolat, engouement pour les formations spécifiques et pour l’entrepreneuriat social.
En outre, agir pour l’intérêt général, loin d’être incompatible avec le business, procure au contraire un supplément de performance, comme de nombreuses études l’attestent. Ainsi, 66% des consommateurs sont prêts à payer davantage pour des biens ou des services durables (The Sustainability imperative », étude Nielsen, 2015), 64% des consommateurs attendent que les marques contribuent à une société meilleure et 51% des consommateurs disent que, demain, leur fidélité ira à des marques engagées pour un meilleur futur. Ainsi, aux Etats-Unis, les entreprises ayant augmenté de 10% ou plus leur investissement sociétal ont vu leur croissance progresser de 8,3% en moyenne entre 2013 et 2015, alors que la moyenne pour l’ensemble des autres entreprises a été une décroissance de 2,3% (« Giving in numbers », CECP, 2015 et 2016).
La question n’est donc pas pour l’entreprise de contribuer ou non à l’intérêt général, mais bien de savoir comment. Au regard de la complexité actuelle et de la maturité des sociétés, il est évident que la philanthropie (historiquement très développée dans le monde anglo-saxon) ne suffit plus.
Il existe trois facteurs clés de succès pour mener cette transformation de l’entreprise :
La stratégie sociétale doit être totalement intégrée dans la stratégie globale et non se concevoir comme un « à côté » de l’activité économique.
De ce fait, l’action sociétale doit être gérée non comme une charge mais comme un investissement focalisé sur un petit nombre de projets (afin que chaque projet bénéficie de ressources plus importantes) et dans la durée.
Qui dit investissement, dit instrument de mesure. Pour estimer l’impact sociétal des actions engagées, il faut se doter dès leur lancement du référentiel le plus adapté (il en existe de nombreux), choisir les indicateurs clés en prenant en compte la capacité à les suivre et, enfin, piloter ces indicateurs…
En France, de nombreux dispositifs favorisant l’investissement dans l’intérêt général ont été mis en place. En particulier les politiques de défiscalisation permettent aux entreprises de s’engager à moindre coût. Pourtant le niveau d’engagement reste largement en deçà de ce qu’il est dans les pays anglo-saxons où cette tradition est très forte.
Conformité, pérennité et participation au bien commun… chacun de ces niveaux obéit à des logiques de transformation différentes.
Les trois niveaux de responsabilité évoluent très vite et des éléments dits de pérennité deviennent rapidement des éléments de conformité, tandis que des éléments de bien commun deviennent des éléments de pérennité, nécessitant pour l’entreprise de s’adapter, voire d’anticiper.
Trois forces majeures créent une tension positive et poussent les dirigeants et les entreprises à devenir acteurs de la société :
La société : ne pas agir c’est prendre le risque de perdre en compétitivité, en termes d’image, de performance économique, voire de capacité à produire. Mais au-delà de cette gestion du risque, agir permet de créer de la valeur tant économique (diminution des coûts, sécurisation des chaînes de valeur, capacité à justifier un prix plus élevé que les produits concurrents compte tenu d’une valeur perçue plus forte par les clients) qu’en matière de réputation auprès des consommateurs et des salariés qui y sont de plus en plus attachés et en font une condition de leur fidélité et de leur engagement.
Le régulateur : toutes les règles fiscales et règlementations ne sont pas actuellement de nature à générer de nouveaux comportements et une responsabilité étendue de l’entreprise. Il est néanmoins plus que probable que le législateur ait le souci croissant de faciliter les évolutions, en favorisant les expérimentations de nouveaux modèles, en édictant des règles à même de susciter des comportements vertueux ou en imposant, en ultime recours, des réglementations pénalisant les acteurs les moins responsables.
L’éducation : en cohérence avec les règles historiques du marché, le système éducatif a longtemps formé les acteurs et futurs acteurs de l’entreprise à l’aune de la seule performance économique, mesurée via… des indicateurs économiques. Cela n’est plus le cas et la majorité des cursus présentent des approches de la responsabilité plus larges, avec une vision de la performance plus holistique, dépassant les bornes strictes de l’activité de l’entreprise et intégrant des critères sociaux, environnementaux, qualitatifs et quantitatifs. La nouvelle génération de managers sera donc porteuse de ces principes.
Le rapport au temps n’a jamais été aussi tendu : notre époque est marquée par la valorisation de l’instant, la dictature de l’urgence, le tout décuplé par les usages installés par le digital.
Dans ce contexte, l’entreprise, en tant qu’institution, a pour responsabilité de synchroniser les temps de chacun afin de permettre à tous de trouver des repères : l’opérateur à la journée, le chef d’équipe à la semaine, le manager intermédiaire au mois, guidé par le tableau de bord, la direction au trimestre et à l’année, pour rendre des comptes à l’actionnaire, et le conseil d’administration à 3 ou 5 ans pour penser l’avenir de l’entreprise. Et si les dirigeants prenaient le temps de penser les temps avec lesquels composer pour réussir la transformation de leur entreprise ?
Car le temps est une donnée fondamentale du management. C’est lui qui révélera si la volonté d’un chef d’entreprise a été ou non à la hauteur de l’enjeu, lui donnant ainsi sa véritable valeur. C’est lui qui sanctionnera les bonnes ou mauvaises tendances prises par l’organisation. C’est encore lui qui structure sa propension à l’excellence.
Mais de quel temps parle-t-on en entreprise ?
#1 Le temps horloger ou celui de la cadence On a longtemps mis sur un piédestal un fonctionnement d’organisation mécaniste, où règne la loi des procédures : gérer la production, le commercial, l’administration, les finances au moyen de règles bien établies. L’organisation mécaniste développe naturellement un temps horloger. Les événements s’enchaînent inlassablement dans une sorte de présent continuel, une production de série où règne la cadence. Les temps sont successifs, répétitifs et sériels. Le temps horloger, requérant incontestablement moins d’investissements en énergie humaine, a néanmoins l’inconvénient majeur de maintenir les personnalités « sociopassives » dans un état de non implication professionnelle, au détriment de l’engagement et la prise d’initiative.
#2 Le temps des intérêts ou celui du nécessaire consensus Il s’agit là du temps construit par les organisations individualistes qui opèrent selon un management de transaction, où les décisions sont prises par ajustements mutuels, selon les intérêts de chacun. Dans cette organisation, les acteurs réalisent que le temps est relatif, qu’il faut l’interpréter ou le réinterpréter à chaque occasion et, surtout, que chaque événement se présente comme une circonstance nouvelle, propice à l’obtention de quelques avantages personnels. Les avantages pour l’entreprise et les autres catégories sociales sont alors relayés au second plan. Chacun tirant un peu la couverture à lui, les managers engagés dans ce mouvement n’ont d’autres ressources que d’installer un régime permanent d’ajustements mutuels où tout se négocie : les promotions, les avantages acquis, les salaires, comme la notoriété de tel ou tel. L’inconvénient du temps des intérêts, c’est qu’il consomme beaucoup de… temps ! En discussions, réunions, notes de service, comptes rendus, souvent pour un résultat global peu convaincant pour l’entreprise.
#3 Le temps divin ou celui du projet À l’inverse, le temps divin est homogène, long, lent et tend vers l’absolu. Il est étroitement associé à la mise en œuvre à plus longue échéance d’un projet ou dessein. Ce temps-là éclipse le temps personnel parce qu’il accompagne une aventure collective enthousiaste. L’engouement suscité à l’occasion du lancement d’un projet est entretenu dans la durée. L’élan synergique est fort, chaque salarié engage son émotion, ses intérêts et sa vision des choses dans une aventure à long terme qui le dépasse et en laquelle il croit. Néanmoins, le temps du divin se heurte clairement aujourd’hui au temps personnel des Français.
#4 Le temps sociodynamique, une habile combinaison des temps La sociodynamique a mis en évidence la richesse des trois modes d’organisation évoqués précédemment, en insistant toujours sur le fait que la performance d’une entreprise ne résulte d’aucun d’eux pris séparément, mais de leur habile combinaison. Issu du juste équilibre entre le temps de l’horloger – facteur de stabilité et de sécurité -, le temps des intérêts – parce qu’il est aujourd’hui incontournable – et le temps divin, éternel promoteur de toute transformation, le temps sociodynamique est ressenti par tous les salariés comme fondateur de présent par anticipation du futur. De ce fait, il renforce la cohérence culturelle, la cohésion sociale et la congruence des forces de structures et de flux. Alors, encourageons nos managers et dirigeants à conjuguer habilement ces temps pour transformer avec succès leurs entreprises !
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