Les Eclairages de Kéa
L’avantage temporel – Episode 1 : Penser long terme, une stratégie gagnante

Nous vivons une intense période de transitions environnementales, démographiques, technologiques. Des transitions majeures, cumulatives et coïncidentes.  Nous pouvons même dire que nous sommes entrés dans l’ère de la polytransition.

Anticiper les transitions et établir des stratégies de réponse tenant compte de leurs coïncidences permettra aux dirigeants de créer un avantage concurrentiel et de faire advenir le futur projeté.

À l’heure de la transparence exigée par l’ensemble des parties prenantes (collaborateurs, investisseurs, clients, fournisseurs, partenaires, candidats), le positionnement et la stratégie de l’entreprise vis-à-vis des enjeux socio-environnementaux doivent être vécus et partagés le plus largement possible au sein du corps social pour assurer sa transition vers l’économie souhaitable. Comment passer d’un collaborateur vaguement informé de l’existence de petites actions décorrélées du business à un collaborateur engagé et conscient de sa propre contribution quotidienne à la responsabilité de l’entreprise ?

La formation est un puissant levier pour engager les collaborateurs et leur faire incarner la stratégie de responsabilité de leur entreprise, pour peu que l’on réponde à ces deux questions :

  • comment mettre en place une dynamique de l’engagement ?
  • avec quel dispositif de formation ?

Comment mettre en place une dynamique de l’engagement ?

L’engagement des collaborateurs par la responsabilité est l’aboutissement d’un chemin que nous avons construit en 5 étapes pour un grand acteur du luxe :

  • susciter une prise de conscience des enjeux sociaux-environnementaux globaux (chute de la biodiversité, changement climatique, raréfaction des ressources, enjeux sociaux…) ;
  • faire comprendre la façon dont l’entreprise contribue à ces enjeux par les pressions négatives et les influences positives qu’elle exerce, et de la façon dont l’entreprise peut être victime des conséquences de ces enjeux. C’est le concept de double matérialité, qui couvre à la fois les impacts du monde sur l’entreprise et ceux de l’entreprise sur le monde ;
  • expliquer la stratégie de responsabilité de l’entreprise et comment cette stratégie répond, au moins partiellement, aux enjeux qui la concernent ;
  • présenter les premières actions déjà menées et  leurs effets, entraînant un sentiment de fierté ;
  • lancer une réflexion sur la capacité à s’engager en tant que collaborateur dans la réalisation de ce qu’il reste à faire, générant un sentiment de motivation.

Sans oublier d’affronter les sujets qui fâchent, avec humilité. Pour cet acteur du luxe, c’est le questionnement sur l’utilisation du cuir au regard du changement climatique et du bien-être animal. Pour un autre client, acteur du tourisme, ce sera la prépondérance du transport aérien dans le bilan carbone alors que les voyages en avion sont au cœur du modèle de l’entreprise.

Une fois armés de ces connaissances, les collaborateurs éprouveront un bon équilibre entre lucidité vis-à-vis de la situation, fierté du « déjà fait » et motivation pour le « reste à faire ».

Avec quel dispositif de formation ?

Aujourd’hui, les actions de sensibilisation aux enjeux environnementaux sont majoritairement des formations ou des ateliers qui se limitent aux constats et aux causes, abordant trop succinctement les solutions (souvent individuelles), dans un contexte trop général, sans lien avec l’entreprise, son modèle d’affaires, son modèle opérationnel. S’il n’y a pas d’opportunité d’action, cela peut générer de l’éco-anxiété, puis du désengagement.

Par exemple, les fresques (du climat, de la biodiversité, de la mobilité…) sont de très bons outils de sensibilisation mais elles doivent s’intégrer dans une démarche plus globale de sensibilisation socio-environnementale et faire le lien avec l’entreprise, sa stratégie RSE et le rôle du collaborateur.

Les formations efficaces sont celles qui sont ancrées dans la réalité de l’entreprise. Le point de départ de l’élaboration du dispositif de formation doit être l’écoute des collaborateurs : la perception qu’ils ont de leurs connaissances, de leurs besoins et des dispositifs déjà en place. Les formations doivent en effet répondre à la fois à l’enjeu de formation individuel et collectif. Structurer le dispositif de formation autour d’un socle commun à toute l’organisation et de formations spécifiques par métiers et par niveau managérial permettra de répondre à cet enjeu.

Des collaborateurs sélectionnés pour leur sensibilité au développement durable, leur appétence pour la transmission et la pédagogie et pour leur aisance dans la prise de parole en public – qu’il faudra former et animer – complèteront le dispositif.

Enfin, les parcours de formation doivent être protéiformes, mêlant avec justesse formats descendants percutants, micro-learning, ateliers présentiels en intelligence collective et témoignages inspirants. Et avant tout, inscrits dans un temps long.

Qui former ? Tout le monde. Commencer par les dirigeants, avant l’exercice pluriannuel de définition de la stratégie. Pas de la stratégie RSE, non, de la stratégie de l’entreprise. Poursuivre avec les top managers, comme nous le faisons pour un grand groupe du BTP, afin qu’ils puissent incarner la démarche de responsabilité du groupe, faire le lien entre la situation qu’ils rencontrent, les frontières planétaires et les réglementations environnementales idoines, et connaître la posture à adopter vis-à-vis des parties prenantes. Élargir à l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise, sans exception, et si possible avec aux partenaires, clients, administrateurs, comme nous l’avons fait avec un acteur de la prévoyance.

Pour finir, nous sommes convaincus que tous doivent être formés avec le même contenu. Pas forcément selon des modalités identiques car les contraintes ne sont pas les mêmes pour tous, mais il n’y a aucune raison de sensibiliser et d’inciter les collaborateurs à l’action de façons différentes selon leurs niveaux hiérarchiques. 

Conclusion

Il est temps pour les entreprises de repositionner leur responsabilité, d’une zone périphérique et isolée, la RSE, au cœur de leur business. Il en va de leur survie à moyen et long termes. Ce repositionnement ne peut être que collectif, et le collectif a besoin de comprendre pour agir. C’est pourquoi l’engagement du collectif est indispensable à ce mouvement, et il passe par une juste montée en conscience et une activation du pouvoir de chacun. Pour ce faire, la formation doit être globale, protéiforme, inscrite dans le temps long et pro-active sur les sujets qui fâchent. Adieu le sempiternel e-learning RSE déconnecté du cœur business, vive la formation régulière à la responsabilité de l’entreprise qui donne le pouvoir à tous les collaborateurs, du dirigeant à l’alternant, de porter la transformation de son entreprise vers un modèle durable.

Avec une dotation globale de fonctionnement de 27,4 milliards d’euros en 2024, le marché des services publics locaux représente un enjeu majeur pour beaucoup d’entreprises. En effet, les collectivités territoriales doivent assurer des services publics (transports en commun, gestion de l’eau potable et de l’assainissement, gestion des déchets, …) et peuvent choisir de les opérer en propre ou de confier l’opération de tout ou partie d’un service public à un acteur privé sous la forme d’une délégation de service public pour une durée donnée.

La procédure utilisée par les collectivités territoriales pour sélectionner leurs délégataires est un appel d’offres sous pli cacheté.

Il est essentiel pour les entreprises candidates à ces appels d’offres de :

  • maîtriser ce mode opératoire particulier ;
  • comprendre les critères de sélection
  • et de mettre en place une stratégie d’anticipation des offres concurrentes.

1- Un mode opératoire particulier où les candidats disposent d’informations limitées 

À ce jour, la procédure principalement utilisée par les collectivités pour désigner un délégataire se déroule en 4 temps :

  1. l’autorité concédante émet un cahier des charges précisant les modalités techniques et les attendus du prestataire
  2. les candidats remettent leur offre (incluant l’offre financière) sous pli cacheté
  3. l’autorité concédante sélectionne les candidats avec lesquels elle va entrer en négociation
  4. suite à la négociation, ces candidats remettent leur meilleure offre

Les offres restant cachetées, les candidats ne disposent pas d’informations sur les offres concurrentes. Dans ce contexte, il est clé d’anticiper la stratégie des concurrents pour mieux positionner son offre. À tel point que lorsque l’offre de Suez pour l’assainissement des eaux de Paris, d’un montant de 4,3 milliards d’euros sur 12 ans, a fuité, le candidat a dû faire appel à la justice pour invalider la sélection.

2- Un cadre contraint où le critère financier est le seul discriminant final

Grâce à l’expérience accumulée, les autorités concédantes tendent à spécifier précisément leurs attentes et cadrent fortement leur marché, ne laissant pas de place à une différenciation qualitative dans la réponse sous pli cacheté. Il ne reste alors aux candidats que l’offre financière pour se démarquer.

Dans ce contexte, on peut considérer que ces appels d’offres correspondent tout à fait au cadre théorique des enchères au 1er prix sous pli cacheté dans lequel le contrat est attribué à celui qui a fait la meilleure offre. Les candidats doivent arbitrer entre la probabilité de remporter l’enchère et le prix payé en cas d’attribution :

  • d’une part, le candidat peut être tenté de faire une offre haute pour dégager un profit important en cas d’attribution,
  • d’autre part, il doit faire une offre suffisamment basse pour remporter le marché.

        La première étape pour le candidat est d’estimer la valeur qu’il accorde à cette délégation de service public en considérant les paramètres financiers et extra-financiers : coûts estimés pour opérer le contrat, potentiels revenus, évolution des tendances, priorité stratégique du contrat, bénéfice réputationnel lié au contrat, …

La valeur est indépendante des interactions stratégiques. Déterminer la valeur consiste uniquement à évaluer la valeur de la prestation une fois les coûts afférents retranchés. C’est un pur travail technique, de calcul.

L’offre intègre la valeur déterminée, les informations connues sur les concurrents, des paramètres propres à l’entreprise candidate (état du carnet de commandes, stratégie de croissance, …) et ce que le candidat est prêt à mettre sur la table des enchères.  Il y a là une notion de stratégie.

Dans un contexte où le candidat dispose d’informations sur ses concurrents, il peut proposer une offre légèrement inférieure à la valeur de ses concurrents et s’assurer la victoire sans pour autant atteindre sa propre valeur. A titre d’exemple, un acteur A estime pouvoir réaliser le marché pour un minimum de 100 tandis que l’acteur B estime pouvoir le faire pour un minimum de 80. Sans aucune information sur l’acteur A, l’acteur B est susceptible de proposer une offre proche de 80, soit la meilleure offre et remporte le contrat. Au contraire, si l’acteur B estime bien la valeur de l’acteur A (à savoir 100), il peut proposer une offre à 99 et tout de même remporter le marché. En proposant une offre proche de 80, il ne maximise pas son profit.

Le processus de remise d’offre sous pli cacheté permet à l’autorité concédante d’inciter les candidats à proposer une offre au plus proche de la valeur qu’ils accordent au contrat (à savoir 80 dans l’exemple ci-dessus) lui permettant d’optimiser ses propres bénéfices.

Ce faisant, les prix étant tirés vers le bas, chaque renouvellement de délégations de service public peut faire l’objet d’une baisse de prix (notamment dans la mobilité ou dans le secteur de l’eau)  

3- Une stratégie d’anticipation des offres concurrentes à mettre en place pour maximiser les chances de réussite

La stratégie d’anticipation passe par l’analyse de la concurrence et la modélisation de leur stratégie qui permettent de bien faire l’arbitrage mentionné plus haut, en se positionnant au bon niveau pour maximiser les chances de remporter l’enchère tout en optimisant son profit.

La clé est d’anticiper au mieux les enchères des concurrents pour définir sa propre stratégie d’offre. Cette étape doit permettre au candidat d’estimer les intervalles de prix proposés dans les offres concurrentes pour créer les scénarios potentiels et en déduire une stratégie optimale.

Plusieurs méthodologies sont possibles pour estimer au mieux l’enchère d’un concurrent. Pour ce faire, le candidat peut regarder les enchères passées d’un concurrent, ses déclarations publiques, …

Un concurrent peut faire l’objet de plusieurs hypothèses probabilisées, l’ensemble de ces hypothèses formant un scénario. À titre d’exemple, dans un contexte où le candidat a deux concurrents avec trois hypothèses pour le premier et deux pour le second, six scénarios sont possibles.

Le gagnant étant celui proposant l’offre la plus basse, si le candidat propose :

  • Une offre à 99 : il a 40% de chance de gagner (Scénario n°1)
  • Une offre à 89 : il a 64% de chance de gagner (Scénario n°1 et n°3)
  • Une offre à 79 : il a 80% de chance de gagner (Scénario n°1, n°3 et n°5)
  • Une offre à 69 : il a 100% de chance de gagner (offre plus intéressante que les 6 scénarios)

Au regard des différents scénarios, le candidat doit :

  • construire ses propres stratégies de réponse : quelles réponses sont acceptables et souhaitables ?
  • simuler en croisant les différents scénarios adverses avec les différentes stratégies possibles pour le candidat : quels scénarios seraient à éliminer car le gain serait incompatible avec les objectifs du candidat ?
  • sélectionner la meilleure stratégie en étudiant les résultats des simulations et en prenant en compte ses propres objectifs : quel arbitrage entre soutenabilité financière et autres objectifs ?

Une telle stratégie d’anticipation dépasse le seul cadre de l’estimation de sa propre valeur et prend en compte le positionnement des concurrents.

Conclusion

De notre expérience auprès d’acteurs de l’énergie, de l’audiovisuel, du spectre hertzien et d’autres secteurs dans l’accompagnement de leur stratégie de réponse lors d’enchères aux enjeux financiers considérables, la stratégie d’offre exige une préparation minutieuse et une bonne compréhension du marché. Malgré la confidentialité des soumissions, les entreprises doivent inclure les dynamiques concurrentielles dans leur stratégie. En simulant divers scénarios, les entreprises peuvent mieux anticiper les réactions des concurrents, évaluer les risques et optimiser leurs propositions. Ces simulations permettent de tester différentes approches et de choisir celle qui maximisera les chances de succès tout en optimisant la rentabilité. Nous sommes convaincus qu’en intégrant cette pratique dans leur processus de préparation, les entreprises sont mieux armées pour répondre aux appels d’offres et pour atteindre leurs objectifs de manière efficace et pérenne.

L’engagement est devenu un levier essentiel pour les COMEX qui doivent fédérer l’ensemble de leurs équipes autour de leur vision, à l’instar d’une grande compagnie d’assurance qui nous a sollicité pour l’aider à embarquer ses milliers de salariés dans son nouveau plan stratégique. Notre expérience d’activation du plan stratégique a permis à chacun (du COMEX à l’agent) de partager le sens de la nouvelle vision, de s’approprier le plan et d’échanger sur son rôle à jouer, en équipe et individuellement.

 Les résultats de l’enquête semestrielle, menée par un prestataire d’études de marché auprès des collaborateurs sur leur confiance dans le projet d’entreprise, ont été éloquents :  

  • taux de réponse en forte hausse, à plus de 70 % (+ 10 %) ;
  • l’indice d’appropriation du Plan Stratégique a fait un bond de plus de 20 %, avec un niveau de compréhension et d’adhésion très élevé  ;
  • les indicateurs Confiance/Défiance envers le projet d’entreprise se sont inversés en à peine 6 mois. 

Les responsables de l’enquête nous ont confié avoir «rarement vu en 6 mois une telle progression sur tous les items ».   

 Quel est le secret de cette expérience et de l’engagement qui en découle ?

Comment engager l’ensemble des collaborateurs pour mener à bien les projets de transformation ?

 Nous vous proposons deux éléments de réponse :  

  • l’engagement ne se décrète pas, il n’est pas non plus inné, c’est un levier, une énergie qui se travaille en tant que telle ;
  • l’engagement demande de considérer chacun en tant qu’individu intelligent, pas seulement en tant que collaborateur.

L’engagement ne se décrète pas, il n’est pas non plus inné, c’est un levier, une énergie qui se travaille en tant que telle :

Parce que nous considérons l’engagement comme un levier stratégique, nous « façonnons des expériences engageantes », principes de base de nos interventions.

Qu’est-ce que s’engager ? Dans le contexte d’une entreprise, l’engagement reflète le niveau d’implication du collaborateur dans les rôles et tâches définis par son travail, physiquement, cognitivement et émotionnellement [1]. Il varie selon le degré d’identification du collaborateur aux objectifs et aux valeurs de l’organisation, l’équilibre (ou déséquilibre) perçu du contrat passé avec l’entreprise [2] et aussi, en fonction de son environnement relationnel et technique.

L’engagement procède d’un choix et ne peut avoir lieu que dans un espace de liberté. Ce qui résulte de l’engagement est une “présence psychologique”[3] qui va au-delà de l’implication, la motivation ou la fidélité. C’est un geste personnel, intime, libre, qu’un tiers peut, au mieux, soutenir ou accompagner.

L’engagement demande de considérer chacun en tant qu’individu intelligent, pas seulement en tant que collaborateur

C’est dans le déploiement des projets de transformation que les directions générales ont particulièrement conscience du besoin d’engagement. 

Dans une démarche classique de changement, l’équipe projet communique, forme puis accompagne les collaborateurs pour que le changement s’opère, via des key users, ambassadeurs ou champions, communautés de pratique, …  

Le changement apporte des évènements extra-ordinaires qui s’ajoutent au quotidien de collaborateurs déjà occupés à 100 % de leur temps. L’activité quotidienne ne s’arrêtant pas le temps du projet, nous tombons dans l’injonction de la priorisation : devons-nous prioriser l’activité courante, court terme ou les projets, qui portent une valeur future, incertaine ? 

Ce qui est paradoxal dans cette démarche, c’est que nous installons de l’extra-ordinaire là où nous souhaitons que le changement s’ancre dans les routines du quotidien, qu’il devienne ordinaire.  

 Une prise en compte de l’individu dans sa globalité et pas seulement du collaborateur nous apparaît comme une condition nécessaire à la réussite des projets de transformation. L’opérationnalisation du changement, notre manière d’intervenir, prend en compte l’individu derrière le collaborateur.  

 Opérationnaliser, c’est rendre vivant, concret et actif un projet par la conception et le déploiement d’expériences qui nourrissent l’engagement de chacun. Plutôt que de créer de l’extra-ordinaire, l’opérationnalisation utilise ce qui existe, là, maintenant, l’ordinaire en somme, pour y insérer des expériences qui vont infléchir les comportements et créer le changement.  

 Pour mener à bien cette démarche, nous favorisons un modèle d’engagement qui part de l’individu, nous faisons émerger le vécu pour que le changement soit plus naturel car ancré dans la réalité vécue par chacun sur le terrain. Notre modèle s’articule autour des 3A : 

  • Activation : la mise en marche d’une idée jusqu’ici étrangère qui conduit à l’appropriation individuelle et collective. L’activation va au-delà de la communication car elle active l’énergie et met en mouvement.  
  • Apprentissage : l’ensemble des expériences, ressources et dispositifs qui permettent aux collaborateurs de se développer, et à l’organisation de s’ajuster et d’innover. Les collaborateurs apprennent à faire autrement, ils font un pas de côté pour observer leurs pratiques, comprennent qu’ils peuvent faire autrement et apprennent à le faire.  
  • Ancrage : le processus par lequel la nouveauté devient habitude et s’intègre en tant qu’élément culturel de l’organisation. Les collaborateurs ancrent dans leurs routines opérationnelles les nouveaux comportements qui deviennent des réflexes.  

 Le changement s’active, l’individu se l’approprie, puis il apprend à regarder et faire autrement et enfin, il ancre dans son quotidien de nouveaux comportements.  

 Prendre le point de vue collaborateur permet un changement plus rapide, plus opérationnel, plus durable.  

 Considérer l’engagement dans toute son acceptation permet la mise en place d’une approche opérationnelle qui fédère chaque individu de l’organisation, contribuant ainsi à la réussite des projets de transformation d’une entreprise. Au-delà de la transformation, c’est une nouvelle approche managériale qui naît de l’engagement individuel et collectif des collaborateurs. L’engagement est un trésor à portée de main des dirigeants, regardons-le autrement pour en tirer toute l’énergie et la dynamique qu’il porte !

  1. Bakker & Demerouti, 2007; Huang et al., 2016
  2. Barrick et al., 2015; Rich et al., 2010

Une transformation silencieuse s’opère. Alors que l’IA générative fait régulièrement la une, les entreprises ont compris le potentiel stratégique de l’intelligence des données, ou Data Intelligence. Comme depuis toujours, « meilleures décisions » équivaut à « meilleures performances » ; et ces décisions peuvent désormais être boostées à la Data Intelligence. Néanmoins, le chemin peut se révéler périlleux. Une des principales causes d’échec est de tomber dans le piège de la technologie pour la technologie, la Data pour la Data et l’algorithme sur étagère.

Comment retirer le plein potentiel de la donnée et en faire un véritable avantage business et concurrentiel ?

Nous vous proposons une approche qui, de notre expérience, permet d’obtenir un ROI très rapide, de moins de deux ans. Pour nous, l’idée phare est de remettre les métiers, le cœur business et le dirigeant au cœur du processus, en :

  • développant de nouvelles compétences ;
  • instaurant une gouvernance orientée Stratégie
  • et en intégrant une dose d’économie dans les réflexions.  

La Data Intelligence en quelques mots

La Data Intelligence comprend l’ensemble des outils, des méthodes et des processus, permettant d’extraire des informations pertinentes, à forte valeur ajoutée, à partir de données brutes. Le spectre d’application est extrêmement large, en particulier dans les modèles d’optimisation : optimisation du pricing ou de la décote, allocation des ressources rares, optimisation des stocks, études d’impacts… avec des sauts de performance significatifs, les récentes technologies ayant profondément changé la donne en matière de prise de décision.

Cette utilisation massive de la donnée se traduit concrètement aujourd’hui dans les entreprises pionnières par une industrialisation du processus d’extraction de la Data Intelligence. Cette industrialisation provoque l’apparition de nouvelles spécialités, pour la collecte des données, leur mise en qualité, leur analyse et la visualisation : data engineer, data stewart, data scientist, data analyst, data architect… Elles sont nombreuses.

Heureusement, cette nième industrialisation technologique n’est pas une parfaite inconnue. Nos entreprises ont déjà absorbé la révolution de l’informatique, puis celle du digital. Il est donc aisé d’en identifier le principal risque : celui de la dépossession des Métiers de ce nouveau potentiel.

Les métiers au cœur du processus industriel de la Data Intelligence et les ingrédients associés

​La Data Intelligence reste un moyen, non une fin. Et comme tout moyen, elle doit trouver un usage. Un usage que seuls les Métiers peuvent définir, délimiter et valider.

C’est peut-être là que le bât blesse dans de nombreuses transformations en cours que nous analysons : des spécialistes technologiques s’approprient la gouvernance, sous couvert d’expertise rare et chère, en oubliant la finalité de leur action, et surtout le Métier qui est le financeur in fine de l’investissement. Pour générer de la valeur et de la performance, il est essentiel que le Business s’implique.

C’est donc à la Direction Générale et aux Métiers de s’emparer pleinement de ce sujet et cela, de plusieurs manières : développement de nouvelles compétences, gouvernance orientée Stratégie et introduction d’une dose d’économie dans les réflexions.

1.      Développer au sein des Métiers et de la Direction Générale trois nouvelles compétences :

a) Une acculturation forte, centrée sur l’usage. De la même manière que nous ne connaissons pas le fonctionnement intime de notre smartphone, nous en maîtrisons l’usage, le prix et les limites. Il en va de même avec la Data Intelligence.

Cette acculturation peut s’acquérir aisément au moyen de processus d’apprentissage, combinant interventions d’experts orientés business, visites de labos, présentation de cas d’usage éprouvés ou bien encore de podcasts / lectures choisies dans ce sens. Nous constatons une durée moyenne de 2 à 3 mois pour qu’une équipe de direction ou métier soit en mesure d’appréhender les tenants et aboutissants de la Data Intelligence.

 

b) Le sens des données et leur juste utilisation par les experts technologiques, car data science sans conscience des données n’est que ruine de l’investissement.

 Ce sont les experts métiers qui possèdent la connaissance nécessaire pour interpréter les données dans un contexte spécifique.

 Cette compréhension est indispensable à tous les stades du processus d’industrialisation et d’élaboration des modèles d’optimisation. Elle permet de limiter les biais d’interprétation et de cerner l’historique des données employées.

 Néanmoins, force est de constater que cette connaissance « intime » des données est fréquemment éparpillée, dispersée et faiblement capitalisée dans les équipes. L’entreprise doit donc travailler son capital Data auprès des équipes Métiers.

c) L’expression des besoins réels et non supposés ou imaginés par des acteurs technologiques qui cherchent un problème pour la solution qu’ils viennent de développer. 

Ce sont les métiers qui définissent les informations dont ils ont besoin pour améliorer leurs prises de décision et qui doivent les prioriser.

 C’est ce qui permet de déterminer quels sont les algorithmes à développer, quels outils utiliser et les données complémentaires qu’il est nécessaire de collecter pour améliorer la qualité des recommandations.

L’expression des besoins permet également de définir les tableaux et les graphiques dont les métiers ont besoin dans l’étape de visualisation. Elle est enfin cruciale pour organiser le travail, prioriser les efforts, gérer les projets et allouer les budgets. C’est en réalité l’objet même de toute la chaîne de la Data intelligence qui se doit de répondre aux besoins des métiers et d’améliorer la performance de l’entreprise.

2.      Une gouvernance Stratégique par et pour les Métiers

Ces compétences également doivent entrer en forte synergie avec les experts de la filière Data Intelligence. L’intelligence des données ne peut porter ses fruits que si une collaboration étroite s’établit entre les métiers et les équipes IT. Les équipes métiers orientent les efforts des experts technologiques, en fonction des objectifs opérationnels des métiers et de la stratégie de l’entreprise.

C’est ainsi qu’à l’image d’une gouvernance des investissements SI établie de longue date, il convient de mettre en place une gouvernance des investissements Data, sous l’égide des Métiers et de la Direction Générale.

 Les équipes techniques ont pour mission de mettre en place les infrastructures et les modèles d’analyse, mais ce sont les métiers qui orientent ces efforts en fonction des objectifs opérationnels.

 Sans une réelle collaboration entre les équipes, une compréhension mutuelle et une gouvernance claire qui définit le rôle de chacun dans la chaîne de valeur, il n’est pas possible de tirer bénéfice de la Data Intelligence.

3.      Une dose d’économie dans tout cela

Dans cet environnement de plus en plus complexe, introduire dans la chaîne de valeur de l’intelligence des données des approches venant de l’économie permet d’être plus performant.

Les métiers doivent tout d’abord s’impliquer pour comprendre quelle information est contenue dans les données. Cette étape est indispensable pour éviter des biais (biais de mesure, biais de sélection, biais de non-réponse, biais de confirmation…) qui sont particulièrement fréquents dans les processus de collecte des données. Or cette connaissance, nous l’avons indiqué, se trouve au sein des métiers. Il est donc indispensable qu’ils comprennent quelles données sont utilisées, comment et dans quel but, afin que ces biais ne viennent pas fausser les analyses et les conclusions qu’on en tire.

Les métiers doivent également s’impliquer dans l’étape de modélisation. En IA, l’objectif est prédictif. L’accent est souvent mis sur la précision des prévisions, sans nécessairement expliquer les mécanismes sous-jacents. L’IA peut parfois être une « boîte noire » où les algorithmes produisent des résultats sans que les relations causales ne soient explicitement comprises. En économétrie au contraire, l’accent est souvent mis sur la compréhension des relations causales entre les variables. On cherche à savoir pourquoi un phénomène se produit.

Combiner les deux approches permet ainsi aux métiers de garder la maîtrise des algorithmes. Les métiers n’ont évidemment pas besoin de connaître les techniques statistiques sous-jacentes aux modèles. En revanche, tout modèle reposant sur des hypothèses et des données, celles-ci doivent être explicitées, comprises et validées par les métiers. C’est uniquement à cette condition que les équipes vont pouvoir s’approprier les résultats, croire aux recommandations et les appliquer.

L’entreprise réussira ainsi à se transformer en levant les freins associés à ces changements profonds.

Comment conduire la transformation de l’entreprise par la Data Intelligence

Cette transformation peut être qualifiée, sans exagération, de globale, 360, holistique, tant elle requiert d’agir simultanément sur de nombreuses dimensions, stratégiques, opérationnelles et technologiques, de la stratégie d’entreprise à l’implémentation.

Piloter une telle transformation, sur 3-4 ans, requiert méthodologie et outillage. C’est pourquoi nous avons développé le canevas ETBAI©, Enterprise Transformation By AI. Cette approche permet à l’équipe dirigeante d’élaborer un plan de transformation complet, de faire monter en puissance progressivement les équipes, en respectant leur biorythme, tout en maîtrisant le ROI global.

Canevas ETBAI©

Les métiers sont ainsi au cœur de la transformation.

La Data intelligence est avant tout l’affaire de l’équipe dirigeante et des métiers. En prenant le lead, ils peuvent véritablement transformer durablement les données en un puissant levier d’innovation et de performance. Nouvelles compétences, gouvernance adaptée et approche intégrant une dose d’économie sont les ingrédients à développer dans le cadre d’un plan de transformation élaboré au moyen du canevas ETBAI©.

En novembre, la confiance des entrepreneurs dans l’économie française a plongé pour à 23 %[1], son plus bas niveau depuis la crise de la COVID. Quand l’horizon économique s’obscurcit et que la pression augmente sur la rentabilité financière, il est plus difficile d’investir pour l’avenir. C’est en particulier le cas des investissements dans les transitions écologiques et sociales dont les retours sont parmi les plus difficiles à évaluer. Et pourtant, le rapport Pisani-Ferry / Mahfouz[2] a mis en évidence que l’inaction climatique pourrait représenter une perte de PIB de 7 à 23 % au niveau mondial et à horizon 2100.

Si la cause à long terme est entendue, reste à savoir comment justifier d’investissements à court terme dans un environnement de plus en plus incertain.

Nous vous proposons deux sources d’inspiration :

  • l’exemple de Christophe Guérin, Président de Nexans, qui a su identifier les leviers à actionner pour engager la transformation de son entreprise vers l’économie souhaitable ;
  • notre Positive Business Map© qui facilite l’identification des leviers à actionner pour engager la transformation responsable.

1-Comment engager la transformation vers l’économie souhaitable ? L’exemple de Nexans

Depuis 2018, Christopher Guérin poursuit la transformation du Groupe Nexans[3] vers plus de rentabilité financière et sous contrainte de réduction de son bilan carbone. Il a choisi de le faire dans une logique de croissance en valeur et non de croissance en volume. Il a doté le Groupe d’une vision à long terme (« Electrify The Future ») et simplifié drastiquement le pilotage des indicateurs de performance. Il a également rationalisé sa gamme de produits et mieux ciblé ses clients en fonction de leur contribution financière et de leur impact carbone.

Il s’est rendu compte que l’efficacité de cette transformation reposait en grande partie sur les qualités des managers de ses sites industriels et sur l’engagement des collaborateurs. Il a investi dans l’écoute des équipes, la valorisation de l’histoire de l’entreprise mais également dans le dialogue professionnel et les conditions de travail.

Sans croissance significative des volumes produits, Nexans a ainsi multiplié par 4 son ROCE et son FCF par 2. L’entreprise a diminué son portefeuille clients de 76 % et sa gamme de produits de 30% et son EBITDA a cru de 88 % entre 2018 et 2022.

A retenir :

A l’image de ce que Christopher Guérin a réussi à faire chez Nexans, notre expérience montre que les chantiers de transition interagissent de manière systémique entre eux et avec toutes les dimensions de l’organisation.

2-Notre Positive Business Map© qui facilite l’identification des leviers à actionner pour engager la transformation responsable

Quel que soit l’angle d’attaque choisi par l’entreprise pour engager sa transition, celui-ci se trouve rapidement en adhérence avec d’autres composants de son modèle organisationnel.

C’est ce que modélise notre Positive Business Map® qui a pour vocation de dresser la carte d’état-major de toutes les dimensions d’une organisation à mettre au diapason pour réussir sa transformation responsable :

Il n’y a pas de chemin type pour naviguer sur notre Positive Business Map®, mais comme le montre l’exemple de Nexans – et bien d’autres – les investissements dans les transitions sont d’autant plus rentables et durables qu’ils s’appuient sur plusieurs dimensions de la carte.

Ainsi, l’investissement dans un business model circulaire requiert de travailler avec son écosystème, d’accompagner l’autonomie des collaborateurs qui en ont la responsabilité, de développer leur culture écologique et de revoir les critères d’évaluation de leur performance. L’engagement d’une entreprise en faveur du développement de son territoire n’est pas sans impact sur son schéma industriel, ses flux de matière et donc sa chaîne de valeur. Cela crée des opportunités de nouveaux débouchés commerciaux sous la forme de nouveaux modèles d’affaires. C’est un facteur majeur d’engagement des collaborateurs et d’intrapreneuriat responsable.

A retenir :

La raison d’être et le leadership sont des clefs de voute de la transformation car c’est dans l’impulsion et l’action des dirigeants et managers jusqu’au terrain que se fait la synthèse entre toutes ces dimensions.

 

Conclusion

Les phases de ralentissement ou d’incertitude économique sont donc de formidables opportunités pour consolider et rentabiliser les investissements déjà engagés dans les transitions. Elles permettent d’agir sur des champs généralement considérés comme secondaires comme le management, l’organisation, la culture d’entreprise, l’épanouissement et l’engagement des collaborateurs. Peu gourmandes en CAPEX, ces pierres posées n’en seront pas moins précieuses pour réaccélérer le moment venu et gagner des avantages compétitifs.

[1] Baromètre Grant Thornton des PME-ETI – novembre 2023

[2] Les incidences économiques de l’action pour le climat p.22 – Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz – mai 2023, France Stratégie

[3] Pour aller dans le bon sens, un nouveau modèle de management dans un monde en permacrise – Christopher Guérin Editions du Cherche Midi, 2023

L’IA, qu’elle soit générative ou décisionnelle, rebat les cartes des modèles organisationnel et économique des entreprises. Repenser les processus à l’aune de l’IA générative est de plus en plus perçu comme un usage réaliste de l’IA et à fort potentiel de création de valeur : réduction des coûts via le remplacement des coûts de main d’œuvre par des coûts machine inférieurs, gains de productivité, voire dans certains cas, amélioration de la fiabilité des processus et de la qualité des résultats obtenus. Le potentiel est immense, mais la réalité terrain en est encore loin.

L’utilisation actuelle la plus courante et spontanée consiste à circonscrire le recours à l’IA aux parties des processus qui sont en adéquation avec ses capacités telles qu’observées et à construire les nouveaux processus en fonction de ce qu’on a perçu de ses limites.

Cette approche, prudente mais limitative, freine la pleine utilisation de l’IA. Au vu de la rapidité d’évolution de la technologie, son potentiel est largement inexploité et ses usages sont encore à inventer.

Dès lors se posent trois questions :

  1. Comment repousser les limites que nous fixons à l’IA générative ?
  2. L’IA générative pourrait-elle nous aider à la rendre plus efficace ?
  3. Quelle nouvelle approche adopter ?

1. Comment repousser les limites que nous fixons à l’IA générative ?

L’approche actuelle consiste à comprendre le fonctionnement et l’entraînement du modèle d’IA générative, dans un souci de maîtrise, puis de mener des tests « en conditions réelles » en utilisant des prompts rédigés par des humains.

Nous observons que cette approche conduit à surestimer ses limites et donc à ne pas lui confier certaines tâches.

Elle nous semble également restrictive au regard des enseignements récents de la recherche :

  • la performance statistique d’un modèle d’IA générative s’améliore  en augmentant la taille du modèle, son entraînement et la taille du jeu de données d’entraînement utilisé ;
  • cette amélioration de la performance provoque l’apparition de nouvelles capacités encore difficiles à prédire et en particulier l’intelligence « générale ».

Cet axe de développement permettrait d’après les spécialistes d’obtenir des nouvelles générations de modèles significativement plus intelligents dans les prochaines années.

Dit autrement, l’IA s’améliore par l’expérience et surtout, peut développer de nouvelles capacités insoupçonnées. Mais en l’absence de cette prise de recul, les expérimentations actuelles sont limitantes.

2. L’IA générative pourrait-elle nous aider à la rendre plus efficace ?

Un modèle d’IA générative de la génération actuelle a une intelligence globale comparable à celle d’un « adolescent intelligent ». Cette analogie, évoquée récemment par Mira Murati, CTO d’OpenAI, lors d’une conférence, permet de prendre conscience de deux réalités :

  • son niveau d’intelligence est déjà significatif, il est donc possible de lui confier des processus ou tâches complexes ;
  • son niveau d’expérience est limité, il faut donc lui donner toutes les informations nécessaires pour répondre correctement à la question posée, y compris celles que nous ne pensons pas spontanément à lui donner car elles relèvent de l’évidence pour nous.

Les IA génératives sont donc des adolescents à fort potentiel, mais à l’expérience limitée. Si nous nous rappelons que les modèles progressent par l’apprentissage en continu, faisons donc tout d’abord l’effort de mieux découper le processus de réflexion en sous-tâches. Tel l’adolescent, qui résout par étapes un problème complexe de mathématiques.

Par ailleurs, il faut que notre adolescent apprenne le savoir de base nécessaire à la résolution du problème. Il faut lui fournir la connaissance de fond, y compris la définition des termes utilisés s’ils sont spécifiques, les consignes précises pour réaliser les sous-tâches, les exemples de résultats attendus, etc.

C’est ainsi que l’expérience peut se transmette à notre « IAdo ».

Nous avons par ailleurs observé qu’un prompt rédigé par un humain est moins performant qu’un prompt rédigé par une IA : moins complet, souvent sans exemple, moins bien formulé, etc.

L’IA peut donc aider l’IA. Il suffit alors d’écrire un prompt pour demander à l’IA de rédiger un prompt pour une IA, puis exécuter le prompt obtenu[1].

3. Quelle nouvelle approche adopter ?

Notre démarche s’inspire de l’une des branches de la recherche intitulée « agentic AI ». Elle consiste à améliorer et spécialiser des IA généralistes pour en faire des agents capables de réaliser une tâche de façon « autonome ». En passant ainsi de l’adolescent au jeune adulte, il est observé que le niveau d’efficacité de l’IA générative augmente significativement.

Concrètement, voici quelques bonnes pratiques à mettre en oeuvre :

  • concevoir un programme global qui découpe la tâche confiée à l’IA en sous-tâches et orchestre leur réalisation ;
  • mettre ce découpage à l’épreuve de la réalité : si j’avais à réaliser cette tâche, par quelles étapes élémentaires passerais-je ?
  • utiliser l’IA dans différents rôles : pour répondre à une question, mais aussi pour évaluer la qualité de la réponse, pour imaginer des tests pour valider sa fiabilité, pour la relire ou encore la corriger, etc. La performance humaine provient de l’itération : il est très rare d’obtenir un niveau de qualité excellent dès la première tentative ;
  • attacher de l’importance à la formulation de chaque prompt, en respectant les bonnes pratiques de prompt engineering, en particulier en s’appuyant sur l’IA pour la rédaction de prompts.

En conclusion

La technologie d’IA générative actuelle possède déjà un potentiel de performance intrinsèque qui est sous-exploité par notre vision limitative de l’IA et nos approches.

La nouvelle approche que nous avons adoptée chez Kéa exploite deux qualités méconnues de l’IA : sa capacité à s’améliorer si on lui fournit méthode et contenu (découpage des tâches complexes ; transmission du savoir) et sa capacité à mieux formuler les prompts.

Avec une conviction : notre adolescent a du potentiel. Libérons-le !

[1] Par exemple, nos équipes techniques utilisent systématiquement cette bonne pratique dans le cadre de leurs travaux de développement.

Depuis 2015, le cabinet Kéa Tilt avec l’institut QualiQuanti interrogent les Français sur la capacité des marques à contribuer au bien commun. L’édition de 2024, la 8ème depuis la création du baromètre, fait ressortir 7 enseignements clés et 4 grandes tendances

Les 7 enseignements clés

  1. ​La contribution des entreprises au bien commun reste un impératif  mais qui connait un 1er tassement  (de 91% à 88% au global)
  2. Avec un combat avant tout attendu sur le sociétal (Made in France & Juste rémunération, bien avant l’Environnement) et des entreprises qui surperforment leur secteur (ex Kiabi)
  3. La forme d’entreprise influe sur l’acceptation du surcoût de l’impact : alors que les consommateurs veulent moins payer le surcoût de l’impact, ils sont prêts à l’accepter davantage pour les entreprises nativement engagées(e.g. : coopératives, mutuelles) ou sur certains secteurs (ex. Santé)
  4. Sur les usages, on constate une forte montée du Do it Yourself (avec Aroma Zone en pole position du classement) et la poursuite des attentes dans les domaines de la santé mentale, les nouvelles transactions (location, seconde main) et le vrac
  5. Un rejet de la disruption technologique trop forte (score misérable de ChatGPT) et difficulté à être reconnu par des pure players (ex Revolut)
  6. Les Français savent faire la différence entre des entreprises qu’ils jugent excellentes dans leur métier (du luxe à Action) mais qu’ils ne créditent pour leur action en faveur du bien commun
  7. La qualité et la légitimité de la communication constitue le principal facteur de valorisation de la marque et de son offre

Tendance #1 : le plafond de verre est atteint

​Cette année encore, le baromètre BrandGagement montre que la très grande majorité des Français se déclarent fortement en faveur de la contribution des marques à une société meilleure : 88 % en 2024 contre 89 % en 2022 et 2023, après avoir fait des bonds significatifs entre 2017 (64 %), 2018 (72 %) et 2019 (84 %). Dans un contexte socio-économique incertain pour 79 % des sondés – qui pensent que leur avenir va se détériorer ou stagner – les marques contribuant au bien commun sont considérées positivement, avec une corrélation forte entre engagement et excellence (sauf pour le Luxe).

Top 5 des marques perçues comme contributives au bien commun

En 2024, les marques les plus estimées comme engagées affichent en majorité des promesses de :

  • bien-être personnel et naturel (Aroma-Zone, Yves Rocher, Nivéa)
  • facilitation des besoins de mobilité, de soin ou d’équipement, avec une prise en compte des enjeux environnementaux et sociétaux (Blablabus, Doctolib, SNCF, Backmarket).

Tendance #2 : Fin du mois, fin du monde : les Français arbitrent entre social et environnemental

​Les Français ne souhaitent plus payer plus cher pour ce qu’ils considèrent comme les grandes priorités des entreprises en 2024, à savoir le Made in France (61 % des sondés), le respect de l’environnement (58 %), transparence (54 %) et meilleure redistribution des bénéfices (51 %).

Ils sont déjà nombreux à soutenir financièrement les marques socialement responsables, qui rémunèrent de manière équitable leurs parties-prenantes (45 %, +3 points) s’engagent sur le volet social (25 %) ou proposent des produits Made in France (57 %). Le surcoût pour des motifs de meilleur impact environnemental demeure acceptable 35 % des Français, mais subit un net recul par rapport à 2022 (-9 points), conséquence probable de la normalisation du respect de l’environnement par les marques.

Tendance #3 : Des aspirations à la réalité… contrariée

​Malgré le contexte économique inflationniste, les Français privilégient les produits de saison ou locaux (59 % en 2024, contre 61% d’intention pour 2024 en 2023), et embrassent les usages synonymes d’économies : produits plus durables (43 % des déclarations d’usage actuel), achats d’occasion (35 %), fabrication DIY (33 %), troc (32 %).

Cependant, ces nouveaux usages progressent peu dans le temps et peinent à trouver des modèles pour accompagner les consommateurs dans leurs attentes : c’est particulièrement remarquable pour les produits réparables – conséquence du bonus réparation depuis janvier 2023 –  le vrac, le troc et la location, dont les écarts entre réalité (en 2024) et l’intention d’achats (pour 2024) sont importants (10 points en moyenne).

Tendance #4 : Economie de l’usage : les Français souhaitent consommer différemment, sans passer à l’acte

Cette nouvelle économie de la fonctionnalité est un signal faible, certes, mais qui prend de l’ampleur d’année en année, au fil des éditions du baromètre BrandGagement. Les marques qui transforment leur modèle pour s’y adapter, comme Darty[1] ou Leroy Merlin (14e) avec son partenaire Spareka, font la différence auprès des consommateurs, alors prêts à valoriser l’engagement des marques, véritable avantage concurrentiel.

« Le baromètre BrandGagement est né d’un manque : proposer une cartographie des tendances pour aider les entreprises dans leur prise de décision sur l’intérêt d’être meilleures pour le monde, à défaut d’être les meilleures au monde. En 2024, deux tendances-clés marquent un recul net : les intentions d’achats en produits bio/locaux et respectueux de la nature, alors que du côté des entreprises, c’est devenu une évidence, un fait de société, avec une bascule de 63 % (2017) à 88 % (2024).  Elles sont contraintes, par le légal et l’opinion, de prendre en compte les crises climatique et sociale, et de se transformer vers des modèles plus vertueux » rappelle Claude-Emmanuelle Courratier, Directrice chez QualiQuanti.

« Après 8 éditions, je suis ravi de constater que les Français attendent des entreprises qu’elles veillent à produire des biens et services en s’engageant pour un monde meilleur. Les Français rechignent face au surcoût environnemental mais sont prêts à encourager les alter entreprises (surtout coopératives), les acteurs privés d’une forme de service public (de Doctolib à BlablaBus), les besoins essentiels (santé) ou les nouveaux usages plus sobres (comme Aroma-Zone et le Do It Yourself). En bref, mieux charbonner plutôt que décarboner ! La qualité et la légitimité de la communication constitue le principal facteur de valorisation, d’où la nécessité pour les entreprises d’être crédibles, d’aligner leurs actions sur leurs revendications et de soigner leur marque employeur. Nous l’avons vu dans ce dernier baromètre, les Français sont sensibles aux engagements sociaux, pour les consommateurs comme les collaborateurs. Ce n’est donc plus seulement une question de conviction éclairée mais une affaire d’avantage concurrentiel » détaille Antoine Mahy, Directeur conseil en innovation stratégique chez KéaTilt.

Méthodologie :

Baromètre BrandGagement© Kea Tilt & QualiQuanti : étude quantitative online ciblant 40 marques de 8 secteurs économiques, auprès d’un échantillon représentatif de 1 500 Français de 15 ans et plus, entre le 15 et 26 avril 2024. Le baromètre BrandGagement repose sur 4 piliers pour évaluer le ressenti des consommateurs : l’engagement pour le bien commun, la légitimité de la communication, la disposition à payer plus cher le même produit ou service d’une entreprise engagée et l’excellence des métiers de l’entreprise.

[1] Darty, non présent dans la liste d’enseignes étudiées cette année, 15e en 2023

Regarder le replay de cette 8ème édition :

​(5 minutes de lecture)

Les récents bouleversements (pandémie, guerre en Ukraine…), la pression réglementaire et sociétale poussent les entreprises à se tourner vers des modèles plus résilients et contribuant plus fortement à la préservation de la planète. L’économie circulaire, qui décorrèle la croissance économique de l’utilisation des ressources naturelles, en est un. Elle repose sur sept piliers : l’approvisionnement durable, l’éco-conception, l’écologie industrielle et territoriale, l’économie de la fonctionnalité, la consommation responsable, l’allongement de la durée d’usage, la prévention et le recyclage des déchets.  

 Si la transition vers ce nouveau modèle est en marche, la route est encore longue : en 2023, la part des matières recyclées réintroduites dans l’économie n’est que de 19,3 % en France, de 11,7 % en Europe et de 7,2 % dans le monde, des chiffres en recul par rapport à 2022 ! 

 Dès lors, comment opérer cette transition tout en préservant la performance financière de votre entreprise ? 

Nous proposons des éléments de réponse aux questions clé suivantes :  

  • Quelle rentabilité espérer des modèles issus de l’économie circulaire ?
  • Entre compétition et collaboration en écosystème : comment tirer son épingle du jeu ?
  • Comment y aller ? Quels écueils éviter ? 

1. Quelle rentabilité espérer des modèles issus de l’économie circulaire ? 

Face à l’urgence climatique, la pression réglementaire et l’impératif de rentabilité à court terme, on attend des modèles circulaires qu’ils soient pertinents du point de vue économique et environnemental dès leur lancement. En oubliant que les modèles linéaires traditionnels bénéficient d’écosystèmes en place, de technologies matures, de dizaines d’années d’investissements rentabilisés, d’indicateurs taillés sur mesure … et plus largement d’un système qui les a vu se développer et prospérer, on occulte trop souvent les conditions nécessaires à la mise en œuvre et à la performance de ces nouveaux modèles. Qu’il s’agisse de modèles d’usage (location, partage), de réutilisation ou de réemploi, ou encore de réintégration matière, leur mise en œuvre passe par des transformations importantes des chaînes de valeur, par des investissements conséquents et souvent nécessite de faire évoluer les modèles de création de valeur vers des modèles plus serviciels, parfois plus industriels, avec souvent des durées de vie plus longues. 

Dans ce contexte de transition, il faut donc savoir donner du temps au développement et à l’adaptation de ces modèles et leur faire de la place dans les roadmaps stratégiques en faisant évoluer notre façon actuelle de mesurer la performance : 

  • en intégrant dans la mesure du ROI la limitation des risques qui menacent à court et moyen termes la rentabilité des modèles linéaires, ces risques étant la pénurie de matières premières, l’augmentation des coûts d’approvisionnement, l’augmentation future des coûts de traitement des déchets non valorisés, le durcissement des réglementations pouvant conduire à une hausse des taxes et des coûts des externalités, voire à l’interdiction de mise sur le marché de certains produits ;
  • en intégrant d’autres critères d’évaluation tels que la mesure de l’impact environnemental (impact CO2, consommation des ressources, impact sur la biodiversité, …) ou encore l’évaluation du risque de dépendance aux ressources rares ; 
  • en acceptant de faire évoluer certains indicateurs de performance comme la durée de retour sur investissement : les revenus pouvant être étalés sur des cycles plus longs (permettant d’amortir les investissements initiaux sur plusieurs cycles), mais avec récurrence (et un lien renforcé avec les clients dans la durée).

 Lorsqu’ils concurrencent « à armes égales » leur devanciers linéaires, ces modèles deviennent alors compétitifs dans les revues de portefeuilles stratégiques. 

D’autre part, ces modèles innovants ont besoin d’une phase d’amorçage un peu plus longue pour délivrer leur plein potentiel pour plusieurs raisons :  

  • les produits concernés – issus de l’économie linéaire et encore largement présents sur le marché – ne peuvent pas toujours aisément être réintégrés dans des boucles vertueuses. Qu’il s’agisse par exemple : – des matériaux de construction présents dans les bâtiments, parfois intégrés il y a plusieurs dizaines d’années, et qu’il n’est pas facile de collecter, séparer et valoriser lors des activités de rénovation ou de démolition ;  – des matériels informatiques ou électroniques, dont la réparabilité, le démantèlement ou le recyclage n’ont pas été pensés en amont par un travail d’éco-conception. 
  • ils nécessitent la mise en place dans les territoires d’une « industrie de la boucle retour » (réseaux de collecteurs, trieurs et de réparateurs, sites industriels de réemploi ou de recyclage, …), qui n’est pas ou plus opérante. Par exemple : si la consigne des contenants en verre a connu son âge d’or au début des années 1950, les infrastructures nécessaires à son fonctionnement ont peu à peu disparu avec l’émergence d’un modèle d’usage unique autour des contenants en plastique.  
  • ils demandent plus largement le développement au sein des entreprises de nouvelles compétences et outils (pour le remarketing, la traçabilité, …) ;
  • enfin, l’adoption par les clients de nouveaux modes de consommation se fait progressivement et nécessite de promouvoir avec pédagogie ces nouveaux modèle plus vertueux.  

Pour autant, ces modèles circulaires démontrent leur pertinence économique dès lors qu’ils passent à l’échelle.

Le cas du réemploi dans la distribution alimentaire
Les règlementations françaises et européennes contraignent désormais les industriels à réduire les emballages plastiques à usage unique – dont le coût des externalités négatives va augmenter – et à développer le réemploi. Cela se traduira par une augmentation du coût des emballages « linéaires » et rendra les modèles circulaires plus rentables. La Fondation Ellen McArthur en a fait la démonstration en comparant l’évolution à venir du coût des emballages en plastique consignés et de ceux non consignés (à usage unique) comme le montre le schéma ci-dessous.

De plus, le modèle de la consigne étant à ses débuts, la Fondation Ellen MacArthur anticipe des progrès dans la chaîne de traitement, en particulier aux étapes de collecte, de tri et de nettoyage, qui devraient réduire encore le coût des emballages consignés.

2. Entre compétition et collaboration en écosystème : comment tirer son épingle du jeu ?

Dans un monde très concurrentiel où chacun veut faire la différence, le travail en écosystème est-il un facteur clé de performance pour ces nouveaux modèles ? Les modèles d’économie circulaire s’appuient sur la création de boucles permettant d’allonger la durée de vie des matières premières qui ont été prélevées et transformées en divers produits. 

Cependant, si les entreprises maîtrisent aujourd’hui la distribution de leurs produits, en direct ou via des partenaires (distributeurs, prescripteurs, revendeur, plateforme CtoC …), il n’est pas évident de maîtriser les évènements plus en aval, comme la fin de 1ère vie (collecte, reconditionnement en vue du réemploi ou d’une re-commercialisation) ou encore la fin de vie : comment assurer la collecte, le tri et la meilleure valorisation possible, idéalement dans des boucles permettant de revaloriser la matière. 

Pour réussir l’optimisation de l’usage des ressources, la collaboration est clé car elle permet de mettre en commun des moyens au sein d’un système économiquement viable qui va de l’éco-conception au recyclage et au réemploi en passant par la sensibilisation des consommateurs, de définir des standards de produits, d’outils industriels (ex. les systèmes de collecte) et de services, mais aussi d’instaurer des habitudes de consommation (ex. le geste de tri). La création de ces « boucles » s’appuie sur une réinvention des modes de collaboration : 

  • au sein de sa filière –amont et aval – et de son écosystème : fournisseurs, producteurs, distributeurs, opérateurs et industriels du recyclage, instituts de recherche, acteurs publics, clients et consommateurs, citoyens… ; 
  • avec ses concurrents, parfois, pour mutualiser infrastructures et investissements associés, massifier des flux de matériaux à recycler et viabiliser ainsi des filières de recyclage ou encore, développer de nouveaux procédés industriels autour de standards communs ;
  • enfin, au sein du territoire à la maille régionale ou locale, pour répondre à des enjeux de développement durable, de lien social, de création d’emplois locaux, d’attractivité et de résilience. 

Pour autant, cette collaboration se heurte à certains obstacles : comment préserver le jeu concurrentiel et l’innovation lorsqu’une partie de la chaîne de valeur est mutualisée, voire standardisée ? Comment inciter les parties prenantes à collaborer et à créer ces activités « communes » qui demandent souvent des investissements importants ?  Avec quelle gouvernance ? Quel serait le rôle des pouvoirs publics ? Quel positionnement stratégique adopter sur la chaîne de valeur ? Avec quelles formes de collaboration et quel partage de la valeur ?  

Pour tenter de les surmonter, nous avons identifié 4 principaux accélérateurs qui facilitent la transition vers l’économie circulaire. 

Accélérateur #01 : Envisager son rôle au-delà du champ traditionnel d’intervention    La création d’activités circulaires nécessite d’élargir le champ des partenariats et des activités, en amont et en aval de sa chaîne de valeur (en aval de la distribution de ses produits, voire au-delà de leur première vie), au-delà de son périmètre traditionnel.  La recherche de solutions de réemploi et de recyclage exige notamment de développer des activités nouvelles (collecte, tri, valorisation) en collaboration avec des acteurs des territoires (opérateurs, acteurs publics, associations…). Comme Saint Gobain Isover qui a réussi à développer un réseau de collecteurs régionaux pour récupérer les déchets de laine de verre à réintroduire dans son processus de production, créant ainsi une boucle matière. Elle exige aussi de trouver des nouveaux débouchés et applications parfois en dehors de sa propre industrie. On parle par exemple de boucles « ouvertes » lorsque des matières issues d’emballages ménagers usagés trouvent leur utilité auprès d’industriels du BTP.  

Il s’agira alors d’identifier, d’un côté, les enjeux de mutualisation entre acteurs lorsque les investissements seront importants et qu’une action coordonnée sera nécessaire, et d’un autre côté, les opportunités de captation de valeur pour l’entreprise par la création de partenariats stratégiques sur des activités à forte valeur pour sécuriser ses propres approvisionnements ou pour créer des matières ou sous-produits qui intéressent d’autres acteurs. La collaboration avec des entreprises technologiques ou des start-ups représente un levier d’accélération vers des modèles en rupture avec son métier traditionnel. 

Comme on le voit, la collaboration n’implique pas nécessairement de s’associer avec ses concurrents. Elle est souvent mise en œuvre au sein de sa propre chaîne de valeur, en amont et en aval, selon des formes de collaboration multiples : accords bilatéraux, éco-organisme, partenariats stratégiques, voire co-entreprise pour partager la valeur.  

Accélérateur #02 : Valider la pertinence des modèles à long terme en y associant tous les acteurs 

La gestion de la fin de vie des produits, leur réemploi et la réintégration des matières qui les composent, se réfléchissent dès la phase de conception. Il faut travailler en amont, avec l’ensemble des acteurs de la filière qui les valorisera au terme de leur cycle de vie, parfois au bout de plusieurs dizaines d’années (ex. dans le BTP) : collecteurs, trieurs, recycleurs… ainsi que les futurs utilisateurs des matières recyclées.  

Pour éviter que la solution à un problème d’aujourd’hui ne se reporte sur les générations futures (ex. un produit recyclé sans solution de valorisation), il faut dès à présent nouer des partenariats de filière et imaginer des solutions viables à long terme et pertinentes d’un point de vue économique et environnemental. De tels exercices ne peuvent se réaliser que lorsqu’un écosystème d’acteurs, mus par des intérêts communs de développement d’une filière, accepte de se lancer dans des partenariats de R&D au-delà des cycles actuels

Accélérateur #03 : S’inscrire dans une logique d’investissement à moyen, voire à long terme  

La circularité répond parfois à une logique d’opportunité (ex. surcapacité dans une usine de production industrielle permettant d’y réintégrer de nouveaux flux de matière) ou simplement à une nouvelle contrainte réglementaire. Cependant, il s’agit le plus souvent d’investir dans des activités qui trouveront leur pertinence économique une fois les filières plus matures (parfois après 5 ou 10 ans), lorsque les volumes atteints seront suffisamment importants et que les débouchés auront été créés. C’est ce qui est été constaté suite aux investissements réalisés dans les nouveaux procédés de recyclage des plastiques ou lors développement de la filière de recyclage du plâtre. 

C’est pourquoi il est important de fédérer quelques acteurs, idéalement référents du marché, acceptant d’investir ensemble dans le développement à petite échelle de solutions pour faire grandir la filière et développer les processus pertinents. La projection sur le modèle économique à court et long termes et les règles de partage de la valeur représentent des enjeux de poids dans ces modes de collaboration. 

Par ailleurs, travailler avec ses parties prenantes, notamment le régulateur, à la définition d’objectifs de long terme et d’un cadre normatif stable favorise les investissements dans les infrastructures privées comme publiques en évitant des coups de barre déstabilisants pour la mise en place des filières. Ils représentent des enjeux de poids dans ces modes de collaboration.

Accélérateur #04 : Créer des indicateurs communs 

La collaboration autour de la circularité crée un besoin d’indicateurs communs afin d’objectiver la performance économique et environnementale. Ceux-ci permettront de partager une vision objective des bénéfices du modèle auprès de toutes les parties prenantes, y compris des consommateurs finaux, et de fixer des objectifs communs au sein d’une filière (ex. taux d’intégration de matière, taux de recyclage…) dont la responsabilité sera souvent partagée entre acteurs et donc difficile à attribuer. 

Ces indicateurs partagés deviendront peu à peu des points de repère pour l’ensemble d’un secteur (y compris pour les clients) et pourront pour certains devenir des objectifs réglementaires

Plus qu’un facteur clé de performance, la collaboration s’impose comme un rouage essentiel de l’économie circulaire. Ainsi par exemple, le succès de la mise en place d’un dispositif de réemploi des emballages alimentaires en grande distribution dépendra principalement de deux conditions : 

  • l’engagement des principaux acteurs de la Grande Distribution qui sécurisera l’atteinte de volumes de vente importants sur les produits alimentaires concernés et permettra aux industriels de l’agroalimentaire des investissements conséquents qui nécessitent de grands volumes de production pour être amortis ; 
  • un niveau de coordination qui facilitera la mutualisation des opérations, l’uniformisation des standards de lavage et l’adoption des bons gestes par les consommateurs via un parcours clients unifié et user-friendly.  

3. Comment y aller ? Quels écueils éviter ?

Le passage à l’économie circulaire n’est pas un sujet « à côté ou en plus » de l’activité de l’entreprise, ce n’est pas non plus le sujet d’une direction, que ce soit celle de la RSE ou du développement.

L’écueil majeur serait de ne pas prendre la mesure de cette transition qui touche toute l’entreprise et dépasse ses limites et de vouloir y aller seul, avec uniquement ses moyens actuels. La transition vers l’économie circulaire est par essence une approche systémique, une transformation de l’entreprise, comparable à la transformation digitale, qui bouscule le modèle d’entreprise dans son ensemble. Elle requiert l’implication d’un leadership convaincu de la nécessité d’y aller et capable de l’impulser.  

Etape préliminaire à la transformation, le diagnostic de maturité est incontournable avant de lancer les réflexions sur le champ des opportunités, le financement, l’organisation et la gouvernance. Il est nécessaire de définir en quoi l’économie circulaire impactera votre écosystème et la chaîne de valeur de votre marché, vos activités (business units et produits ou services) et votre stratégie à court et moyen termes. 

Ce constat posé, il faudra identifier où vous en êtes en termes de circularité sur votre propre chaîne de valeur et les évolutions à envisager pour votre modèle d’organisation, vos fonctions, compétences et modes de fonctionnement internes et externes, et votre prise de conscience collective sur le sujet.  

Il faudra initier une transformation systémique au sein de l’entreprise, étape par étape et fonction par fonction. 

L’impact de la circularité par fonction :

Marketing & DéveloppementOffre et positionnement, servicisation, éco-conception produit et packaging (modularité, recyclage…), life cycle management
FinanceComptabilité extra-financière et externalités négatives, mesure et pilotage de la performance (ACV, impact…), attractivité des investisseurs…
OpérationsApprovisionnements durables, empreinte carbone, nouveaux flux logistiques et traçabilité (réparation, pièces détachées…), footprint industriel et EIT…
DigitalDonnées, traçabilité des matières et des produits…
Ressources humaines et transformationCulture de la circularité, nouvelles compétences, organisation et nouveaux processus
Innovation, développement et M&AVeille et prospective (notamment sur la réglementation), nouveaux business models, nouvelles activités, partenariats et écosystème…

De plus en plus d’entreprises positionnent la circularité comme un axe prioritaire de leur développement (et parfois de leur singularité), venant impacter chaque fonction et questionnant le degré d’ouverture et la capacité à collaborer de ces équipes. 

Au-delà de ce cadre méthodologique, plusieurs stratégies se dessinent :

  • les entreprises qui transforment leur modèle pour répondre à une opportunité, comme Renault qui adapte l’une de ses usines historiques à Flins pour la spécialiser dans le revamping ;
  • les entreprises qui placent l’économie circulaire au centre de leur nouveau modèle, tel que Manutan…. ;
  • les entreprises qui opèrent leur transition par touches.

En conclusion

L’économie circulaire est une nouvelle donne à intégrer pour les dirigeants, un impératif pour l’opinion publique et les marchés financiers. Résoudre l’équation financière de ce nouveau modèle donnera évidemment un avantage concurrentiel majeur à ceux qui y parviendront, un supplément d’attractivité pour les talents et d’âme pour les collaborateurs et plus largement l’écosystème de l’organisation.  

Chez Kéa, nous croyons au potentiel de croissance de ce nouveau modèle. Donnons-nous les moyens d’y parvenir ! 

Dans le contexte actuel où la pression réglementaire et sociétale en faveur de la protection de l’environnement devient de plus en plus forte et où l’épuisement des ressources naturelles s’accélère, la transition vers le modèle de l’économie circulaire s’impose de plus en plus largement. L’objectif de ce modèle de limiter l’extraction, la consommation et le gaspillage des ressources naturelles et ainsi l’impact sur l’environnement.

Nous proposons notre éclairage sur trois questions clé :

  • pourquoi ce modèle est-il particulièrement pertinent pour le secteur de la construction ?
  • quels leviers actionner pour faciliter le passage à l’économie circulaire ?
  • quels sont les défis qui se posent aux acteurs du secteur pour opérer la transition tout en préservant leur performance économique ? 

1. Pourquoi l’économie circulaire est-elle un modèle particulièrement pertinent pour le secteur de la construction ? 

La transition vers l’économie circulaire s’impose dans quasiment tous les secteurs de l’économie, et celui de la construction doit en être un des principaux vecteurs tant il est concerné par les enjeux environnementaux et l’épuisement des ressources :

  • la construction est le 2ème secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France avec 23 % des émissions. Elle est donc au cœur de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France qui vise à 2030 une réduction de 45% des GES (par rapport à 2020) puis la neutralité carbone d’ici à 2050 ;
  • le secteur est aussi le plus gros émetteur de déchets en volume ;
  • l’accélération de l’épuisement des ressources naturelles, dont la construction est un très gros consommateur (du sable de rivière utilisé dans les bétons et les mortiers par exemple) menace à moyen terme la capacité du secteur à produire ;
  • l’émergence de filières de recyclage / réutilisation / réemploi dans ce secteur a montré la faisabilité et l’intérêt de développer ce modèle (ex. plâtre, verre, …) ;
  • les investisseurs sont de plus en plus exigeants en matière d’engagement sociétal et environnemental vis-à-vis de leurs participations et intègrent des critères non financiers en lien avec la taxonomie et la CSRD dans leurs choix d’investissement ;
  • le cadre réglementaire est plus contraignant, qu’il s’agisse de la mise en place de filières REP (Responsabilités Elargies des Producteurs) et des objectifs de réduction, de recyclage, de réintégration matière et de réemploi associés ; ou encore de l’augmentation de la TGAP qui a doublé entre 2020 et 2025 en ce qui concerne l’incinération et augmenté de 61 % pour l’enfouissement.

2. Quels leviers actionner pour faciliter le passage à l’économie circulaire ?

Pour l’entreprise, l’enjeu du passage à l’économie circulaire est d’installer la notion de préservation des ressources naturelles au cœur de son activité, sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Pour cela, elle dispose d’un ensemble de leviers, comme le montre le schéma ci-dessous.


Certains leviers sont particulièrement adaptés au secteur de la construction et devraient être activés en priorité :

  • l’éco-conception : concevoir des ouvrages plus économes en matières premières naturelles, plus faciles à entretenir, à rénover et à déconstruire est un point de départ essentiel. Sans cela, il sera plus difficile de maximiser la durée de vie des ouvrages (la rénovation plutôt que la démolition / reconstruction) et de valoriser les matériaux et composants qui y sont incorporés (en recyclage ou en réemploi). Dans le secteur de la construction, il existe aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies (BIM), la possibilité de considérer les bâtiments comme des « banques de matériaux » ou des sources de matériaux précieux pouvant être récupérés et réutilisés. Dès le premier jour de la conception, toutes les options de réutilisation et de recyclage des matériaux de construction peuvent être envisagées et intégrées ainsi que la possibilité de démonter le bâtiment à la fin de son cycle de vie. Tous les composants doivent pouvoir être séparés les uns des autres afin de pouvoir être démontés et réutilisés de manière économique ;
  • l’approvisionnement durable qui vise à limiter l’utilisation de matières premières vierges au profit de matières recyclées issues de l’économie circulaire dans un secteur qui devra faire face à l’avenir à des pénuries de certaines filières (sable, granulats…) et encourager l’approvisionnement de proximité. Par exemple, des grands groupes tels que Vinci Construction investissent fortement dans le développement de solutions innovantes visant à substituer le plus possible de granulats naturels par des granulats de qualité à base de recyclés via la mise en place d’un grand nombre de plateformes d’accueil et de revalorisation des déchets minéraux du BTP à proximité des chantiers ;
  • la collecte, le tri et le recyclage par le biais de filières organisées, qui doivent être massifiées pour être économiquement pertinentes et répondre à un large champ de contraintes (normes de construction ; standards de qualité technique et environnemental ; attentes des clients et des donneurs d’ordres). Dans un contexte inflationniste (sur les matières premières comme sur le coût de l’énergie), la réintégration dans les process de production de déchets et de matières recyclées pourra constituer un avantage économique, voire un différenciateur vis-à-vis de la concurrence. Saint Gobain, au travers des dispositifs Isover Recycling et Placo Recycling, a mis en place des filières de récupération et préparation de déchets de laine de verre et de placo à proximité de ses usines afin de les réintégrer dans son processus et de réaliser des économies d’énergie ;
  • enfin, le réemploi, déjà fortement développé sur le gros œuvre et les inertes mais encore au stade embryonnaire sur le 2nd œuvre et qui pourrait jouer un rôle plus important à l’échelle d’un territoire.

  

3. Quels sont les défis qui se posent aux acteurs du secteur pour opérer la transition tout en préservant leur performance économique ?

 Le défi majeur est de parvenir à rendre désirables, en termes d’image, de performance technique et environnementale et de coût, les produits, matériaux et ouvrages issus de l’économie circulaire pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur : du fabricant au donneur d’ordre final, en passant par les intermédiaires (artisans, prescripteurs, …).

Pour y parvenir, l’un des principaux enjeux sera de les rendre économiquement accessibles, c’est-à-dire à un coût similaire ou inférieur à leurs équivalents issus de l’économie « linéaire ». Au-delà de penser très en amont l’éco-conception, il s’agira notamment de maîtriser les coûts de collecte, de tri, de recyclage et de réemploi. La création de la REP et la mise en place de plusieurs Eco-Organismes sur la filière PMCB devraient, entre autres, contribuer à doper le développement des filières de collecte, tri et recyclage. Ces dispositifs favorisant la massification des flux de déchets triés et valorisables sur les chantiers et à proximité permettront d’investir dans des unités industrielles de valorisation pérennes et rentables. Deux autres leviers contribuent également à l’accessibilité économique :

  • la création de collaborations entre les acteurs d’une même filière, afin de définir les standards et normes communs, d’harmoniser les pratiques, de créer des boucles locales performantes et éventuellement de mutualiser les investissements en R&D. Saint Gobain et Sequens ont ainsi fédéré quatre entreprises pour recycler en boucle fermée  l’ensemble des vitrages d’une résidence ;
  • le développement d’un modèle de réemploi directement sur les chantiers ou sur d’autres sites. La proximité géographique des différents acteurs étant clé pour l’efficience du modèle, l’essor de plateformes locales mettant en relation offreurs et acheteurs de matériaux peut représenter une solution. Telle est l’ambition de Cyneo, la nouvelle filiale créée par Bouygues Construction consacrée au réemploi des matériaux de construction, qui se veut être une solution globale et locale d’accompagnement complet au réemploi.

Deux outils contribuent à la viabilité économique de ce modèle :

  • la traçabilité des matériaux et des produits, depuis leur installation initiale (grâce au BIM) et tout au long de leurs cycles de vie successifs. La traçabilité aide à répondre à l’enjeu de qualité et de normes et facilite le pilotage de la performance financière ;
  • la sensibilisation des donneurs d’ordre publics et privés et tous les acteurs de la chaîne de valeur (prescripteurs, architectes, bureaux d’études, constructeurs, artisans ou opérateurs) à la notion d’économie circulaire pour augmenter la demande.

En conclusion

 La transition à l’économie circulaire est devenue un impératif pour l’ensemble des acteurs du secteur de la construction. Cette mutation implique de penser sa stratégie au-delà des bornes de son écosystème, de mobiliser tous les acteurs quel que soit leur rôle dans la chaîne de valeur et de sensibiliser les donneurs d’ordre et les clients finaux.

Chez Kéa, nous sommes convaincus qu’il est temps d’entrer dans cette nouvelle ère de collaboration et de la mettre en œuvre à l’échelle d’un secteur et des territoires.

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Comment faire de la stratégie et transformer son organisation dans un monde où anticiper semble relever de l’impossible et où les dirigeants sont sommés de voir loin tout en obtenant des résultats immédiats et où l’attachement au travail et à l’entreprise deviennent plus ténus ?

Dans ce numéro 25 de la Revue Kéa, nous vous proposons un regard innovant sur l’économie et l’entreprise, de ses aspects macro-économiques jusqu’au cœur des organisations en passant par le rôle du dirigeant.

(5 minutes de lecture)

Les opportunités liées à l’utilisation de l’IA sont indéniables et les organisations ne se posent plus vraiment la question d’y recourir ou non. Si les biais potentiels d’une IA semblent de plus en plus identifiés, trop de décisions en la matière sont prises sans connaître les facteurs préalables de succès ou d’échec. Cela pose la question de la gestion de ces activités : comment prendre la main sur ces projets ? et comment créer les conditions du bon passage à l’échelle ?

 

En effet, pour une entreprise, intégrer une IA revient à intégrer quelque chose qui a à la fois les traits d’un humain et ceux d’une machine. C’est totalement nouveau, cela n’a jamais été fait ni pensé. L’IA serait-elle un collaborateur pas comme les autres ?

Sans réelle démarche managériale, l’équilibre entre automate et humain est difficile à trouver, l’algorithme est souvent perçu comme une alternative rapide, docile et bon marché aux forces vives en place et l’utilisation de l’IA ne crée pas de valeur.

Ce qui est si particulier et surtout si nouveau dans les déploiements d’intelligences artificielles, c’est qu’ils nécessitent la combinaison de 2 compétences bien distinctes : savoir intégrer un nouvel humain dans l’organisation et savoir intégrer une application dans son operating system.

Le défi, pour intégrer ce collaborateur pas comme les autres et créer les conditions du passage à l’échelle, est triple :

  • atteindre le bon équilibre Machine / Humain en considérant l’IA comme un partenaire susceptible de générer de la productivité avec vos collaborateurs ;
  • intégrer efficacement l’IA dans son système d’informations ;
  • trouver le bon mix entre le modèle économique de l’IA généraliste et celui de l’IA plus verticalisée.

1er défi : Atteindre le bon équilibre Machine / Humain, en considérant l’IA comme un partenaire susceptible de générer de la productivité avec vos collaborateurs

Les entreprises ont commencé à utiliser l’IA en réaction à sa diffusion massive dans le grand public. Une grande majorité d’entre elles ont recensé les cas d’usage pour leur organisation. Nombreuses sont celles qui sont allées un cran plus loin, en construisant leur Roadmap IA pour se projeter dans un futur augmenté. Beaucoup d’initiatives ont été mises en œuvre par les équipes elles-mêmes pour créer la dynamique, dans une logique agile et de test & learn. Ainsi 63 % des entreprises dans le monde prévoient d’adopter l’IA à l’échelle mondiale d’ici 2025[1] et 91 % des plus grandes entreprises prévoient d’investir dans ce type de solution au cours des cinq prochaines années[2].

Le revers de cette adoption rapide sans réelle démarche managériale structurée est que l’équilibre entre automatisation et humain a parfois été difficile à trouver et que l’IA n’a pas toujours créé de valeur. Certains dirigeants n’ont pas pris toute la mesure des enjeux et des risques liés à ces projets. Des dérapages ou des biais liés à l’IA sont souvent évoqués, que ce soit pour le grand public ou pour les entreprises.  Ils peuvent avoir de forts impacts réputationnels, opérationnels et financiers et déstabiliser l’activité d’une entreprise.

Deux exemples en témoignent :

  • Téléperformance a vu son action chuter de plus de 30 % en novembre 2022 à la Bourse de Paris suite à l’ouverture d’une enquête du Ministre du travail Colombien sur les conditions de travail des employés chargés de modérer les contenus choquants pour entraîner et améliorer l’IA ;
  • la crédibilité de la mission et des valeurs d’AMAS, l’équivalent autrichien de France Travail, a été mise à mal par l’utilisation de son chatbot « Berufsinfomat » qui refusait d’orienter les femmes vers les métiers de l’informatique.

A bien des égards, l’IA a des attributs qui la rapprochent du fonctionnement humain. Pour cadrer une IA, l’une des clés serait peut-être de la considérer comme un stagiaire, brillant mais jeune, qu’il faudra accompagner. Pour l’intégrer, il faut la former, la faire monter en compétences, l’encadrer, lui donner du feedback, écrire son plan de développement, créer les conditions de son accomplissement au sein de l’organisation, la faire progresser, lui transmettre des valeurs…. ce que l’on ne dirait pas pour une Machine. Il faut considérer l’IA comme un partenaire qui va générer de la productivité avec vos collaborateurs.

C’est cette articulation avec les équipes qui fera de l’intégration de l’IA une nouvelle force vive de l’entreprise et un avantage concurrentiel.

On peut détailler ainsi les principes directeurs de l’organisation à mettre en place :

  • Management – Analyser en profondeur le volet managérial avant tout lancement d’un cas d’usage.  Tant de questions se posent :
    • quelles sont les conséquences managériales de déployer tel cas d’usage sur une population d’utilisateurs donnée ?
    • quels sont les nouveaux enjeux, pour moi, en tant que manager ?
    • comment accompagner mes collaborateurs dans la transition ? Comment vont-ils s’appuyer sur l’IA et faire évoluer (au moins pour partie) leur travail vers plus de valeur ajoutée ?
    • quels nouveaux processus de vérification mettre en place ?
  • Encadrement – Nous recommandons de conserver des collaborateurs à des postes même « col bleu » car ils pourront contrôler les résultats de la machine et parfaire son apprentissage. Face à la tentation d’augmenter toujours plus la productivité et de supprimer des postes, il est nécessaire de prendre du recul et de conserver ces compétences au moins dans un premier temps et pourquoi pas dans la durée, pour en faire des garde-fous de la machine
  • Transmission  – Mettre en place des boucles de feedbacks entre l’IA et ses utilisateurs. Ces boucles organisées et systématisées amélioreront la performance de l’IA et optimiseront ses collaborations au sein de l’organisation, la confirmation ou l’invalidation des résultats de IA par l’utilisateur étant essentielle.

2è défi : Intégrer efficacement l’IA dans son système d’informations

L’enjeu d’intégration de software est sûrement le plus intuitif. Il convient de mettre en place un outil omnicanal, avec la bonne organisation compatible avec l’IA, d’avoir l’expertise liée à cet outil, d’être en mesure de l’opérer, de le faire évoluer et de maîtriser les risques qui y sont associés (régulation, complexité, culture et humain).

  • Définir la bonne organisation compatible avec l’IA

Pour co-construire, mettre en place et gérer cette IA, il faut mobiliser une équipe pluridisciplinaire (des profils tech, des prospectivistes, des collaborateurs au fait des enjeux business, règlementaires…). Avec les nouvelles organisations en mode produit, beaucoup d’entreprises ont expérimenté les bienfaits de la poly-disciplinarité. Ce principe d’organisation polycompétente est particulièrement pertinent pour les projets d’IA.

  • Considérer l’IA comme le nouvel avatar de l’operating system Bien définir la répartition des rôles entre les différents acteurs :
    • Qui connaît l’outil ? Qui sait l’opérer à sa guise ? Qui sait le modifier si besoin ?
    • Qui, au contraire, est simple utilisateur et ne maîtrise que l’interface utilisateur ?
    • Qui, enfin, sait y trouver des alternatives ou sait le challenger ?
  • Conserver la maîtrise des risques liés à ces projets d’IA
    • Risque de régulation : ne pas s’installer dans une dépendance excessive vis-à-vis de l’IA et garder de l’expertise en interne, dans un contexte où les exigences en termes de normes et de règlementation sur l’IA pourraient augmenter. Et surtout, rester en veille très active sur ces problématiques pour anticiper les évolutions et non les subir.
    • Risque de complexité : enrichir des architectures techniques dont la seule mise en place a été un défi pour bon nombre d’organisations.
    • Risque culturel et humain : gérer la résistance au changement des employés. Ces projets pourront susciter de la peur et une démotivation qu’il faut anticiper pour y apporter les réponses adaptées.

Cadre méthodologique, guide de bonnes pratiques, référentiel des compétences nécessaires, KPIs à piloter et modèles d’évaluation du succès… de multiples outils doivent être mis en place pour monitorer ces risques.

3è défi : Trouver le bon mix entre le modèle économique de l’IA généraliste et celui de l’IA plus verticalisée

Le modèle économique de l’IA appelle un cash-flow massif pour soutenir la recherche mais les usages grand public gagnent à être abordables pour favoriser leur démocratisation et la collecte massive de données. Même si, nous en sommes persuadés, le modèle économique va largement évoluer, il dépendra probablement de l’adoption massive (et du financement) par les entreprises.

On observe 2 modèles économiques d’IA pour les organisations : les IA généralistes et les IA ciblées :

  • la mise à disposition des IA généralistes et grand public dans les entreprises peut être onéreuse par rapport à leur valeur ajoutée. Le coût utilisateur mensuel d’IA telles que Copilot ou Bard freinent les passages à l’échelle dans de larges organisations. Il conviendra donc d’analyser finement les usages et les besoins pour sélectionner les populations à équiper dans un premier temps.
  • Tant que les modèles économiques de ces IA généralistes n’évolueront pas (ce qui se fera probablement), le passage à l’échelle semble plus réaliste pour des IA plus spécifiques, plus verticalisées par métier, mieux adaptées aux besoins de l’entreprise et donc, avec des ROI plus assurés. On voit déjà Google développer des IA verticalisées comme AMIE dans la santé.

Nous sommes persuadés que les entreprises devront se doter d’un mix réfléchi et équilibré entre les 2 modèles. Elles devront s’équiper d’un nombre restreint d’IA généralistes soigneusement sélectionnées et investir dans des IA ciblées par verticale métier.

En conclusion

Les technologies doivent être utilisées avec discernement et au service de l’Humain, nous en sommes convaincus depuis toujours et cela est plus évident que jamais sur ces sujets d’Intelligence Artificielle. Il nous faut, aux côtés des entreprises, adapter les modes d’actions pour intégrer cette transformation d’une manière inédite entre incorporation technologique et intégration humaine, car en effet, la valeur générée par cette transformation viendra de l’articulation de l’IA avec les équipes.

Nous le constatons auprès de nos partenaires et de nos clients, une telle transformation nécessite la mise en œuvre d’une stratégie construite dans la durée et basée sur une expérience directe et approfondie des outils.

Pour que cette “machine-humaine” se développe et s’accomplisse dans votre entreprise, il faut créer les conditions et mettre en place le bon parcours d’intégration. Il y a un certain nombre de questions incontournables à se poser que nous pourrons partager avec vous, autour de l’organisation, des compétences, des méthodes de gestion des risques, du modèle économique, … Mais comme tout bon parcours d’intégration, il devra être personnalisé pour être adapté à la culture, aux valeurs et aux enjeux de votre entreprise.

La transformation est en marche et l‘IA est sans conteste une source d’avantages majeurs pour l’entreprise… encore largement à inventer et à découvrir au cas par cas.

[1] McKinsey, 2022

[2] Gartner, 2023

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