L’engagement des marques : un nouvel actif stratégique pour le « buycott » des entreprises

Auteur :

Antoine Mahy

Directeur Kéa Tilt

Dans le contexte actuel où les consommateurs subissent une très forte tension sur leur pouvoir d’achat, où les marques évoluent dans un environnement ultra-concurrentiel — arrivée de nouveaux entrants, généralisation du low cost — et avec un très haut degré d’incertitude, l’engagement des marques est devenu un actif immatériel stratégique à renforcer et défendre sur le long terme.
Le défi est de bien cerner ce qui fait que certaines marques arrivent à susciter du « buycott » chez les consommateurs : cette intention d’acheter à un prix supérieur des produits ou services à fonction d’usage similaire à ceux de leurs concurrents.
Les résultats de la 9è édition de notre baromètre BrandGagement1, réalisé avec QualiQuanti, montrent deux leviers pour renforcer le pouvoir d’attraction des marques :

  • la promotion d’une certaine idée d’un modèle français et européen,
  • une communication claire, constante et sincère.
La promotion d’une certaine idée d’un modèle français et européen

Dans un contexte de tensions croissantes entre l’Europe et les autres grands pôles économiques, les enjeux de souveraineté et de transparence deviennent prioritaires. Et par une mise en abîme inattendue, les reculades des entreprises américaines sur leurs valeurs RSE valorisent d’autant plus les entreprises françaises et européennes qui proposent de fait souvent un alter modèle.

Ainsi, 75 % des Français déclarent vouloir privilégier les marques incarnant un modèle alternatif américain : plus sobre, inclusif, coopératif, démocratique…  plus européen en somme. Une tendance nette se dégage : les consommateurs affichent une préférence significative pour les marques françaises (+48 % d’intention d’achat) et européennes (+24 %) plutôt que pour les produits américains (-58 %) et/ou chinois (-60 %). La chute des résultats financiers de Tesla montre comment un déficit de confiance en la réputation de l’entreprise peut avoir des impacts très forts sur les ventes d’un produit alors même que son marché (voitures électriques) est porteur. Dans l’étude BrandGagement, la marque est passée de la 7è à la 28è place entre 2023 et 2025 et ses voentes ont baissé en France de 40 %… Ce phénomène met en lumière une nouvelle exigence à l’ère de l’information instantanée : les pressions internationales, les controverses ou les renoncements sur des actions d’engagement sont désormais immédiatement visibles et sancitonnés par l’opinion publique.

Notre société de consommation vit un changement de paradigme. Longtemps plébiscitées, de nombreuses multinationales sont aujourd’hui pointées du doigt pour leur opacité, leurs pratiques de « greenwashing » ou encore leur indifférence face aux enjeux sociaux. Dans ce contexte, le modèle français et européen constitue désormais une valeur refuge et offre un avantage concurrentiel important.

Ce changement de paradigme représente une opportunité pour les marques françaises qui doivent toutefois aussi faire le pari d’un modèle économique plus local, juste et accessible en termes de prix et de disponibilité pour les consommateurs et tirer parti de ce regain d’attractivité — par ailleurs synonyme de souveraineté.

Une communication positive claire, constante et sincère

Notre étude BrandGagement met aussi en évidence que la qualité de la communication des marques sur leurs engagements devient le premier critère de valorisation, devant même l’excellence produit ou la notoriété, pour autant que ce ne soit pas du « purpose washing ». En effet, lorsqu’une marque communique clairement, avec constance et sincérité sur ses actes et son modèle économique, elle augmente sa cote de confiance et la propension des consommateurs à dépenser plus pour acquérir ses produits. Une marque perçue comme « porteuse » et positive pour la transition sociale ou environnementale réussit à mobiliser près d’une Français sur deux (45 %) prêt à payer plus pour le même produit ou service contre seulement 23 %pour une marque en retrait sur ces sujets. L’engagement paie donc, mais seulement lorsqu’il est incarné avec rigueur et lisibilité. En effet, les marques en décalage entre leur promesse et leur gouvernance ou silencieuses sur ces sujets sont sanctionnées.

Cette perception est conditionnée par trois valeurs : la transparence, la constance et la cohérence de l’engagement.
Près de 9 Français sur 10 attendent des marques qu’elles contribuent au bien commun aujourd’hui contre seulement 6 sur 10 en 2017. L’engagement sociétal et environnemental ne relève plus de la communication opportuniste mais répond à une attente client massive et devient un critère clé de différenciation et de valorisation. Les entreprises qui tirent leur épingle du jeu sont celles capables de lier cause, cohérence et qualité de communication. À l’image d’EDF, Aroma-Zone ou encore Grand Frais, les marques perçues comme crédibles dans leur discours et alignées dans leurs actions suscitent une plus forte propension à l’achat, y compris avec un surcoût, même sans innovation significative.

L’excellence métier ne suffit plus nécessairement : dans un marché saturé, au-delà du prix qui reste le premier critère d’achat, c’est la perception de l’utilité sociale qui permet de conquérir la préférence à court terme et de créer de la valeur durablement. L’engagement n’est plus un supplément d’âme : c’est une source de préférence, de valeur et de performance durable et un véritable actif stratégique. Dans ce contexte, les entreprises ont l’opportunité de transformer leurs engagements en avantage concurrentiel en adoptant une stratégie claire et mesurable. Cela implique de :

  • reconnecter son action et ses missions à des actes tangibles, visibles du public ;
  • mobiliser l’interne (salariés, gouvernance) autour de cette dynamique pour garantir de la transparence et de la cohérence ;
  • faire de la communication un véritable levier stratégique autour de marqueurs icôniques.
Conclusion

Pour renforcer l’attractivité de leur marque, les entreprises doivent choisir un combat à la fois universel et sociétal et s’en faire le héraut. Ce sera d’autant plus facile quand elles agissent sur une composante essentielle à la vie des Français : solidarité, souveraineté, ou accessibilité. Encore mieux si l’entreprise est porteuse de valeurs historiquement françaises ou européennes : idéal démocratique (a minima participatif), respect de la vie privée, réduction de l’empreinte carbone… En effet, si les Français sont désabusés sur les sujets environnementaux, ils croient néanmoins encore à un rôle sociétal de l’entreprise (production locale, justice dans les filières, inclusivité…). C’est en s’appuyant sur cette nouvelle cartographie des valeurs que les entreprises pourront susciter le « buycott » chez leurs clients : les rendre prêts à acheter un produit à un prix plus élevé car ils sont convaincus de sa qualité. Donnant ainsi raison au mot de Gandhi : « L’exemplarité n’est pas la meilleure solution, c’est la seule ».

1-Baromètre BrandGagement 2025 : étude menée par Kéa et QualiQuanti auprès de 1 600 Français représentatifs qui décrypte leurs attentes en matière d’engagement des entreprises et évalue, la capacité de 40 marques actives dans 8 secteurs à contribuer au bien commun selon cinq piliers : notoriété, engagement perçu, excellence métier, communication et capacité à créer du sens ou de la valeur.

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