Le Retail Media, un modèle gagnant à inventer par les distributeurs traditionnels

Auteurs :

François Marical

Directeur

Mélody Guignier

Directrice

Le Retail Media s’impose comme un levier stratégique majeur pour les distributeurs, leur permettant de valoriser leur empreinte commerciale et dégager des revenus additionnels, si précieux dans un contexte de croissance atone du commerce de détail. Il recouvre tous les dispositifs (produits sponsorisés, bannières, etc.) qui permettent à un annonceur de valoriser sa marque ou son produit directement au sein du parcours d’achat. Nous y sommes tous exposés, en tant que consommateurs.

Il induit un changement de paradigme : passer d’un modèle ou l’on vend des objets, à un modèle ou l’on vend de l’espace media. Grâce à la technologie, il se différencie du Trade Marketing par une double promesse de performance, grâce à un usage intensif de la data distributeur, et d’autonomie des annonceurs, via la plateformisation des solutions.

Il représente 11 % de la publicité digitale en France en 2024, avec 1,22 Mds d’euros, soit 3 fois plus qu’en 2019. Le marché français suit en cela les tendances internationales et en particulier les dynamiques observées outre atlantique où l’activité Retail Media a atteint près de 54 Mds $ en 2024 (+23% VS 2023).

Aujourd’hui, principalement digital, son extension au magasin nécessite de trouver des clés pour créer un modèle adapté.
Nous vous proposons notre éclairage sur :

  • les spécificités des enseignes qui ont déployé avec succès une activité Retail Media ;l
  • Les difficultés rencontrées par les distributeurs majoritairement traditionnels et les clés de succès.
Un marché capté par les e-commerçants et en particulier par les marketplaces

La dynamique fulgurante du Retail Media cache une très forte disparité de l’activité qui est très majoritairement captée par « les pure players » digitaux. Amazon, qui a créé le standard du Retail Media online, enregistre à lui seul plus de 50 Mds $ sur Retail Media à l’échelle mondiale en 2024, et capterait 60 à 75% de l’activité Retail Media en France.
Derrière le géant de Seattle, on retrouve d’autres « pure players » comme Cdiscount, et des acteurs omnicanaux à forte empreinte digitale, comme Fnac Darty, qui ont développé leurs propres plateformes de Retail Media. La part résiduelle des budgets Retail Media captée par les autres distributeurs est marginale.
Les acteurs qui réussissent à développer une activité de Retail Media forte se distinguent par deux caractéristiques structurelles :

  • une activité exclusivement ou largement online, le digital permettant une grande souplesse dans l’insertion de publicités tout le long du parcours d’achat et permettant une exploitation intensive des données client (données de navigation en particulier) ;
  • Une marketplace forte, le Retail Media offrant aux vendeurs une possibilité nouvelle de mettre en avant leurs offres, alors que pour les fournisseurs des produits vendus en propre par les distributeurs, le Retail Media vient s’ajouter aux dispositifs déjà intégrés dans le Trade Marketing.
Un modèle à repenser pour les distributeurs majoritairement physiques

Pour capter la croissance de cette nouvelle activité publicitaire, les grands noms de la distribution se sont positionnés sur le terrain du Retail Media ces dernières années. En témoignent les lancements de Unlimitail par Carrefour et Publicis, Valiuz par la galaxie AFM, Infinity par Intermarché et Casino ou encore Retailium par But et Conforama.
Mais cette activité née du digital et des marketplaces n’est pas aisée à retranscrire chez ces distributeurs à vocation majoritairement physique, au-delà de leur activité e-commerce souvent minoritaire :

  • l’intégration dans un parcours d’achat physique de publicités supplémentaires, idéalement digitales, n’est pas simple et l’exploitation à la volée de la donnée client pendant les parcours est une gageure ;
  • le Retail Media vient s’ajouter pour leurs fournisseurs aux dispositifs de Trade Marketing déjà en place sur des formats parfois proches. Cela complexifie la communication auprès des fournisseurs et génère de la cannibalisation entre les deux dispositifs.

Pourtant, le Retail Media, adossé à une plateformisation et une autonomisation des annonceurs, et à un usage intensif de la data et donc une promesse de performance accrue, apporte une réelle plus-value dans tous les secteurs de la distribution par rapport aux dispositifs traditionnels du Trade Marketing par nature plus figés.
Walmart, a en particulier réussi à faire de Walmart Connect, son entité dédiée au Retail Media, un pilier de sa rentabilité. Walmart Connect pesait pour un quart du résultat d’exploitation du groupe au quatrième trimestre 2024 (4,4 Mds $ de revenus publicitaires en 2024, en croissance de 27% par rapport à 2023). Ce succès n’a été possible que grâce à des investissements majeurs : déploiement de 150 000 écrans en magasin, développements informatiques pour faciliter l’interconnexion avec les annonceurs et les agences, rachat d’une marque de télévisions connectées etc.

Comment inventer un modèle Retail Media adapté à la réalité des distributeurs majoritairement physiques ?

Pour un distributeur majoritairement physique dont les fournisseurs ont déjà des pratiques ancrées de mise en avant de leurs produits, le modèle du Retail Media reste à ré-inventer sous peine de se limiter à une activité Retail Media adossé à la seule activité e-commerce. Faut-il digitaliser le magasin à outrance pour dupliquer le Retail Media online au risque de se brûler les ailes à grands coups de CAPEX ? Faut-il au contraire exploiter au maximum les dispositifs déjà intégrés au parcours (caisses, applications…) ? Faut-il sortir du magasin en étendant le media distributeur comme semble vouloir le faire Walmart avec le rachat de Vizio, fabriquant de télévisions connectées ? La réponse ne sera pas unique, et les distributeurs qui sortiront leur épingle du jeu sont ceux qui arriveront à retranscrire les promesses du Retail Media pour les annonceurs, performance et autonomie, dans le cadre de leur parcours d’achat et de la réalité des pratiques de leurs clients.
Pour avancer de manière maîtrisée, une phase d’expérimentation est nécessaire pour faire émerger le modèle gagnant. Les facteurs clefs de réussite de cette approche sont selon nous les suivants :

  • intégrer dès la conception de la proposition de valeur une sélection de fournisseurs pour garantir l’émergence d’une offre Retail Media magasin adaptée aux besoins des annonceurs ;
  • s’associer avec un partenaire technologique pour porter les enjeux techniques et tester des solutions innovantes​ ;
  • mettre en place un système de co-financement clair et équilibré entre le distributeur, les fournisseurs et le partenaire technologique ;
  • caler les modalités de partage de la valeur entre les parties prenantes dans le cadre des expérimentations, et réfléchir au mode de gouvernance .
Participer à l’émergence d’un modèle Retail Media physique de référence : une opportunité à saisir

Sous bien des aspects, le développement du Retail Media n’est pas sans rappeler les évolutions tractées par l’émergence du modèle Marketplace. Comme le Retail Media, les Marketplaces sont nées dans l’univers digital, avant que les distributeurs majoritairement traditionnels ne s’en saisissent. Parmi ces derniers, ce sont ceux qui se sont le plus tôt saisi du sujet qui aujourd’hui ont la plus forte activité marketplace.
Le Retail Media, vecteur de performance publicitaire et levier de valorisation des enseignes de distribution, va continuer de se développer. Il y a fort à parier que les distributeurs qui se positionneront au plus tôt sur cette activité contribueront à créer le modèle de référence au-delà de la seule sphère du e-commerce. Ils prendront alors un coup d’avance vis-à-vis de leurs mais aussi, et c’est peut-être le plus important, dans les habitudes des annonceurs.  

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