En moins de trois ans, l’IA est devenue un game changer absolu, bouleversant l’ensemble des métiers, accélérant les transformations et ouvrant des perspectives d’usages inédites d’une technologie de rupture. Cette accélération donne lieu d’une part à l’explosion des usages fortement consommateurs en eau et en énergie avec un impact environnemental difficile à cerner avec précision (cf paragraphe en fin d’article) et d’autre part, à des gains d’efficacité et d’efficience qui peuvent atteindre 40 %.
Un débat émerge de ces deux tendances opposées : comment concilier l’essor massif de l’IA avec les impératifs de développement durable ?
Nous vous proposons deux approches :
- utiliser tout le potentiel de l’IA pour réduire la consommation de ressources,
- mettre en œuvre une IA vertueuse par des pratiques concrètes qui permettent de réduire l’impact défavorable de l’IA sur l’environnement et la biodiversité.
L’IA au service de la sobriété : trois usages qui réduisent déjà la consommation de ressources
l’IA peut être un formidable levier de maîtrise des ressources, capable d’accompagner des transitions critiques pour les entreprises et les territoires. Les échanges avec Marie Francolin, Présidente de Saur Services et Nicolas Ledoux, Président de Vertical SEA nous apportent des cas d’usage qui sont aisément transposables à nombre de secteurs d’activité et de typologies d’entreprises.
L’eau : prédire, prévenir, préserver :
Chez Saur, acteur majeur de l’eau, l’IA joue un rôle décisif dans la préservation d’une ressource critique : moins de 2 % de l’eau mondiale est potable. Les équipes s’appuient notamment sur Leakfinder, un outil prédictif permettant d’anticiper les fragilités du réseau et de réduire les fuites sur les 270 000 km de réseaux de canalisations opérés dans le monde. L’IA permet également d’analyser le risque hydrique chez les industriels grâce aux modèles développés par la filiale Imageo.
Il s’agit de sécuriser la ressource pour les collectivités comme pour les entreprises, dans un contexte où les épisodes de sécheresse provoquent de plus en plus de conflits d’usage, et d’arrêts de production.
Le bâtiment : rénover en préservant l’environnement plutôt que reconstruire
Pour Vertical SEA, l’IA transforme radicalement la rénovation des bâtiments existants. Les modèles permettent de reconstituer rapidement l’historique et la structure d’immeubles, d’identifier précisément les travaux prioritaires et d’optimiser les interventions pour limiter le volume de nouveaux matériaux et des émissions de carbone.
Résultat : des projets plus sobres, maîtrisés en coûts comme en impacts, avec des gains de temps significatifs.
L’électricité : maximiser l’usage des énergies renouvelables en gérant la flexibilité de systèmes de plus en plus complexes
Dans le secteur énergétique, l’IA devient indispensable pour piloter la flexibilité des réseaux électriques, de plus en plus alimentés par des énergies renouvelables intermittentes. L’IA permet d’orchestrer arrêts, redémarrages, stockage, signaux prix ou encore coordination entre équipements connectés. Autant de tâches impossibles à gérer manuellement à grande échelle. L’IA contribue ainsi directement à la transition énergétique.
Mettre en œuvre une IA vertueuse : des pratiques concrètes pour réduire l’impact
Nous avons identifié 6 leviers pour une utilisation de l’IA plus sobre et plus respectueuse de l’environnement :
- Faire de la gouvernance un levier d’engagement collectif
Chez Saur, la durabilité n’est pas qu’un sujet technique : elle est intégrée au financement même de l’entreprise depuis cinq ans via green bonds et blue bonds. Ce mécanisme engage toutes les directions — dont l’IT — à atteindre chaque année des objectifs de sobriété carbone, hydrique et de gouvernance. Cette gouvernance crée un cadre mobilisateur pour déployer une IA plus responsable. - Stocker moins, stocker mieux : la donnée au coeur de la sobriété
L’une des principales problématiques est la croissance exponentielle de la donnée. Plus de la moitié de la consommation énergétique des data centers provient du stockage, avant même l’entraînement des modèles. Les priorités deviennent donc :- conserver uniquement les données utiles,
- privilégier les modes de stockage les moins énergivores,
- améliorer la qualité des données pour éviter les volumes inutiles.
- Des modèles d’IA plus frugaux
Les derniers benchmarks montrent que des modèles plus petits, mieux optimisés ou mieux entraînés peuvent atteindre des performances comparables aux modèles géants, mais pour une consommation réduite. Cette tendance structurante appelle une nouvelle exigence de sobriété algorithmique (gestion mémoire, optimisation du code, entrées/sorties). - Encadrer les usages : éviter le shadow IT et sensibiliser massivement
Les entreprises doivent accompagner les collaborateurs :- rappel des ordres de grandeur (ex : une requête Google génère 10 fois moins d’émissions qu’une requête ChatGPT),
- clarification des usages autorisés,
- interdiction ou limitation de certains usages (ex : génération d’images hors équipes dédiées).
- Rationaliser les POCs : mesurer le ROI et faire des choix
Près de 80 % des POCs IA échouent. Les causes sont souvent liées à la qualité de la donnée, à un ROI mal évalué ou à l’absence d’industrialisation. D’où l’importance de :- prioriser les cas qui ont le meilleur potentiel de passer à l’échelle et les plus utiles,
- intégrer les coûts environnementaux dans le ROI,
- bâtir un référentiel de bonnes pratiques pour les DSI et CDO.
- Miser sur la transparence interne
Chez Vertical SEA, la transparence totale sur les prompts et usages a créé une autorégulation naturelle. Les collaborateurs expérimentent, partagent et ajustent, ce qui rend la maîtrise des usages plus fluide que des contrôles centralisés.
Conclusion : arbitrer, hybrider, accélérer
L’IA porte indéniablement une empreinte environnementale. Mais elle représente surtout une source infinie de progrès, capable d’accompagner les entreprises dans la gestion de systèmes de plus en plus complexes. La clé n’est pas de choisir entre IA et durabilité, mais d’arbitrer intelligemment les usages, d’adopter des modèles plus sobres et d’hybrider les approches entre métiers et technologies.
Chez Kéa, nous sommes convaincus que tous, experts métiers, data scientists, spécialistes de la durabilité, experts de la transformation et dirigeants, doivent travailler ensemble pour mettre l’IA au service du business et d’un futur réellement responsable.
L’impact environnemental de l’IA reste difficile à cerner :
- l’IA est l’adoption technologique la plus rapide des 20 dernières années ;
- une incertitude sur le développement des usages et de ce fait, sur l’augmentation des émissions et de la consommation d’eau ;
- le manque de transparence des GAFAM, principale source d’informations sur le sujet des impacts négatifs de l’IA et des infrastructures associées sur l’environnement ;
- selon l’Agence internationale de l’énergie, la consommation électrique des datacenters pourrait passer de 2 % à 4 % de la consommation mondiale en dix ans : un domaine de consommation qui reste modéré par rapport à d’autres tels que l’exploitation des bâtiments ou la mobilité ;
- les analyses de cycle de vie, comme celle menée par Mistral et Carbone 4, montrent que l’essentiel des émissions provient de l’entraînement des modèles, montrant une piste majeure de sobriété et posant la question de modèles et de codes plus sobres ;
- les impacts locaux — accès à l’eau, capacités électriques, arbitrages territoriaux — seront déterminants dans les années à venir.
Pour en savoir plus, regarder ou écouter le webinaire qui a inspiré cet article.