4 leviers pour conjuguer soutenabilité, résilience et performance

Auteur :

Emmanuel Cibla

Emmanuel Cibla

Directeur Nuova Vista

10 ans après les Accords de Paris, l’écologie a gagné la bataille de l’attention, mais pas celle de l’adhésion. Si elle est partout, dans les discours politiques, les stratégies d’entreprise, les attentes des consommateurs, elle peine à s’imposer comme une priorité durable. Les ressorts d’hier des entreprises -esprit pionnier, exemplarité ou leadership — montrent leurs limites. En cause ? Le rétropédalage politique et réglementaire certes, mais aussi une approche trop cloisonnée du sujet environnemental traité souvent de manière spécifique, pas assez connectée aux enjeux sociaux, économiques et territoriaux.

Et pourtant nous savons tous que la soutenabilité n’est plus une option. Il ne s’agit pas d’être “pour ou contre” la préservation de l’environnement, mais de l’intégrer comme une nouvelle donne dans le projet de pérennité et de création de valeur plurielle de l’entreprise. Pour poursuivre le mouvement de transition vital pour les entreprises, un changement de logiciel s’impose.

Comment intégrer l’écologie dans le modèle opérationnel et économique de l’entreprise pour en faire un moteur de robustesse et d’innovation ?
Nous vous invitons à découvrir :

  • les enjeux d’une intégration systémique de la soutenabilité environnementale,
  • 4 leviers pour réussir cette intégration et conjuguer résilience et performance.
Les enjeux d’une intégration systémique de la soutenabilité environnementale

La cause environnementale bute sur des clivages politiques, une polarisation médiatique, et un effet de bulle, avec trois écueils majeurs :

  • la radicalité contre-productive : plus une action est radicale, plus elle risque de braquer une partie de l’opinion et des décideurs ;
  • l’absence d’articulation avec les enjeux socio-économiques : l’écologie a trop longtemps été traitée comme un « single issue », un sujet isolé, pas assez connecté avec les réalités industrielles, territoriales ou sociales ;
  • l’ambition sans mise en œuvre : il existe un fossé entre les objectifs ambitieux (ex. : neutralité carbone) et leur traduction concrète dans les modèles économiques.

Au-delà d’une posture défensive qui verrait dans l’intégration systémique de l’écologie un souci d’auto-préservation, nous repositionnons la soutenabilité comme un facteur de robustesse et de création de valeur. La 1ère préoccupation d’une entreprise est sa rentabilité économique car elle détermine sa survie. Dans un contexte stable et non contraint en ressources, la rentabilité est corrélée à la performance, c’est à dire à son efficacité et son efficience. Dans un monde fluctuant et contraint en ressources, la rentabilité de l’entreprise dépend également de sa robustesse : la capacité de son modèle opérationnel et économique à rester viable et stable malgré les chocs.

La démonstration de notre bascule dans une ère d’instabilité n’est plus à faire : nous sommes déjà dans le « monde des conséquences » :

  • Un monde de volatilité : hausse des prix de l’énergie ou des matières premières, les entreprises subissent des chocs économiques directs. Elles doivent penser « écart-types » plutôt que « moyennes ».
  • Un long terme au présent : les +1,5°C de réchauffement climatique moyen, autrefois une projection pour 2100, sont déjà une réalité. Les événements extrêmes se multiplient avec des impacts concrets sur les chaînes de valeur des acteurs économiques.
4 leviers opérationnels pour une intégration systémique de la soutenabilité 
  1. Diversifier les incarnations – le leadership des sujets
    La transition écologique ne peut réussir dans l’entreprise si elle n’est incarnée que par sa direction du développement durable. Elle doit être portée par d’autres figures. À titre illustratif, EDF bénéficie d’un alignement naturel entre les impératifs de décarbonation de l’économie et le développement de l’électrification des usages : les directions commerciales sont donc très bien placées pour porter le discours de la nécessaire transition. Par ailleurs, 18 dirigeants, impliqués dans 9 parcours de la CEC, contribuent, au sein de l’organisation, à prise de conscience sur la nécessaire transition vers un modèle d’affaires soutenable.
  2. Travailler la robustesse – le pilotage de performance intégré
    Il s’agit ici de développer progressivement une « comptabilité environnementale » en intégrant des indicateurs extra financiers dans le système de remontée de données et de reporting. Bouygues Immobilier a mis en place un véritable contrôle de gestion extra-financier sur ces 2 dernières années, en lien notamment avec la taxonomie européenne. La prise en compte des risques physiques (ex. exposition et résilience des équipements face aux aléas extrêmes) et de transition (ex. sortie des combustibles fossiles) s’est également systématisée dans les critères de prise de décision du Groupe EDF (risques d’actifs échoués). Celui-ci a d’ailleurs fait le choix d’intégrer l’impact au sein de la Direction Performance, Impact, Investissement et Performance, pour connecter performance financière et extra-financière. La concomitance EUR et CO2 se matérialise dans l’ensemble de ses processus de pilotage de la performance : scénarios et stress tests, budgets, revues de performance, PMT, Tableau de bord COMEX…
  3. Innover pour répondre aux nouveaux besoins – les marchés et les offres 
    Initialement vue comme une contrainte, la transition écologique ouvre pourtant des marchés porteurs. Chez EDF des verticales Business se développent naturellement sur la mobilité électrique, les pompes à chaleur, la réduction du Scope 3 via l’électrification des clients. Le maintien des filières techniques bas carbone comme le nucléaire et l’hydraulique rejoint par ailleurs des enjeux de souveraineté énergétique. Bouygues Immobilier répond aux problématiques sociétales des territoires et des quartiers. Au-delà de la fonctionnalité du logement, l’entreprise traite la question du cadre et du confort de vie. La végétalisation des espaces, la gestion des températures (ex. rafraîchissement passif) et de la ressource en eau (ex. infiltration sur la parcelle, réutilisation des eaux grises) sont désormais des composantes intégrées de l’offre. Sans compter les cas de régénération urbaine de certains quartiers à la demande de collectivités locales.
  4. Rassembler autour des enjeux – capital humain et gouvernance 
    Le sujet du Capital humain est crucial. EDF compte embaucher 100 000 personnes sur les 10 ans à venir. Les engagements RSE et sa fonction d’utilité sociétale en tant que bâtisseur du système électrique de demain sont clés dans l’attractivité de sa marque employeur. Ils s’incarnent aussi fortement dans le dialogue de l’entreprise avec les instances de représentation du personnel qui jouent un rôle important dans la gouvernance de l’entreprise. Sur le sujet de la gouvernance, et en sortant des murs de l’entreprise, Bouygues Immobilier s’investit dans des approches par coalitions, en particulier sur les sujets du réemploi des matériaux de construction (ex. plateforme CYNEO). Ces initiatives peuvent être menées avec des entreprises concurrentes (ex. Booster du réemploi) car les solutions ne peuvent se développer qu’à l’échelle de la filière. De même sur le sujet de la Biodiversité qui nécessite une approche sectorielle pour accélérer son intégration dans les projets urbains (ex. BIG, CIBI).
Conclusion

Traiter le sujet de la transition environnementale comme un enjeu isolé mène à sa marginalisation (« couloir vert »), alors que l’intégrer au sein du moteur de l’entreprise permet de développer des offres, de piloter sa performance, d’anticiper les risques, de s’adapter aux changements, de mobiliser les collaborateurs et in fine, de créer de la valeur de manière durable. La soutenabilité doit plus que jamais intégrer le modèle opérationnel et économique de l’entreprise : voyez-la dorénavant comme un investissement stratégique qui renforce sa résilience et prépare son avenir.

Pour aller plus loin :
  • Regarder ou écouter le webinaire avec Carine de Boissezon (EDF), Olivia Conil-Lacoste (Bouygues Immobilier) et Mathieu Saujot (IDDRI) qui a inspiré cet article
  • Etude de l’IDDRI : Vers un pivot majoritaire

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