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La Data Science est-elle soluble dans le French Flair ?



19 mars 2022, 23h, Stade de France : l’équipe de France de rugby exulte. Nous aussi. Nous l’avions désiré, rêvé. Ils l’ont fait ! Remporter le grand chelem, face aux Anglais, après 12 ans de disette. A ce moment, j’ai d’ailleurs une pensée pour cette génération qualifiée de « perdants et de perdue », qui malgré tous ses efforts, son engagement, n’a pas réussi à percer.


Ce succès, l’équipe le doit à un savant dosage

  • Une ambition assumée, redevenir une nation majeure du rugby mondial,

  • Une stratégie singulière : « Arrêtons de copier [les Anglo-Saxons], car on ne les rattrapera pas. On va couper à travers champs comme les Gaulois que nous sommes. »[1],

  • Une équipe dirigeante expérimentée et soudée, incarnée par le binôme Galthié – Ibanez, qui a réfléchi à son projet et qui l’a tenu, avec, sublime hérésie rugbystique, un Anglais dans le staff[2],

  • Un projet de jeu où les joueurs ont leur part de voix, un choix issu des stratégies gagnantes du handball et du rugby irlandais,

  • Un état d’esprit : la famille, l’amour du maillot,

  • Une coopération de l’ensemble de la filière rugby,

  • Le sens du projet avec une flèche du temps, conceptuelle et s’inscrivant dans le temps long donc décriée, raillée, incomprise, mais ô combien puissante[3].


Des joueurs boostés à la Data Science


Au-delà d’avoir su réunir ces ingrédients et d’en faire une recette du succès, la véritable innovation de Fabien Galthié réside dans le rôle central de la Data Science dans son projet.

Le rugby français, sport de puissance collective et de muscles individuels, mâtiné d’un indiscipliné esprit gaulois, utilise désormais pleinement la puissance de la Data. Le staff de l’équipe de France ne s’en cache pas :

  • Les capteurs sont omniprésents : les joueurs sont équipés de centrales inertielles ; des drones sont présents aux entraînements ; un simulateur de mêlée a été développé.

  • Tous les joueurs sont monitorés avant, pendant, après les matchs, en équipe de France et dans leurs clubs. Dans de nombreuses dimensions (physique, positionnement…)

  • Les matchs des équipes adverses sont décortiqués grâce à la Data Science. Les stratégies de jeu sont établies en mixant intuition, expérience, faits et modèles Data

  • Les modèles prédictifs et prescriptifs aident à la prise de décision pour composer l’équipe de départ et faire rentrer les finisseurs (que ce terme est magique).

  • Les données et analyses sont partagées avec tous, joueurs et clubs, en toute transparence.

Nos joueurs ont-ils pour autant été transformés en robots décérébrés ? En complément d’une dynamique d’entraînement et de préparation physique basées sur la Data, Didier Retière le constate comme nous sur le terrain : les joueurs sont restés libres. La Data Science n’est donc pas synonyme de la fin de l’individu lorsqu’elle est intelligemment mise au service d’un projet stratégique.

Fabien Galthié et toute son équipe, staff et joueurs, ont réussi à devenir des Centaures, au sens que donne la philosophe Gabrielle Halpern[4], dans un monde où tout s’hybride : une alliance inédite entre sport de haut niveau et Data Science, un rugby 2.0.

Nul doute que le staff de l’équipe sera fortement sollicité par les entreprises pour comprendre comment il a réussi à allier French Flair et Data Science. Pour nous, l’équipe Kea et Veltys, ils sont déjà une source d’inspiration.

[1] Le Figaro – interview de Fabien Galthié – automne 2021 [2] Depuis novembre 2019, Shaun Edwards est l’entraîneur de la défense de l'équipe de France de Rugby. [3] Didier Retière, dans son article « La révolution copernicienne qui replaça le xv de France au Centre de la planète rugby » évoque la nécessité de penser son projet comme un bâtisseur de cathédrale. Avouons que cela est plutôt osé dans le rugby et dans une société de licornes ! - Le journal de l'école de Paris du management » 2022/1 N° 153 | pages 8 à 14

[4] « Tous Centaures. Eloge de l’hybridation » - Gabrielle Halpern – Editions Le Pommier


Yves Pizay

Partner Kea & Partners

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