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Retail : inventer l'enseigne responsable de demain



Enseigne responsable : de quoi parle-t-on ?


Raréfaction des ressources, changement climatique, affirmation de la consommation responsable, montée en puissance des contre-pouvoirs, pression des investisseurs et des contraintes réglementaires… les enseignes sont de plus en plus exposées aux bouleversements en cours à l’échelle mondiale. De profonds changements de modèle économique vont s’imposer : comment prendre de l’avance dès aujourd’hui ?


Le retail joue un rôle clé dans la société


En tant que prescripteur de consommation, en tant que producteur de biens et services, mais aussi en tant qu’employeur, le secteur a sa part de responsabilité à prendre. Assumer pleinement ce rôle, c’est engager une transformation responsable. C’est s’attaquer à des sujets qui dépassent la simple conformité réglementaire et innover pour construire les modèles en mesure de répondre aux nouvelles exigences.


Le retail assiste à une sorte d’injonction contradictoire


D’un côté, un mouvement vers la responsabilité. Politiques et gouvernements imposent de nouvelles normes réglementaires. De petits acteurs agiles bousculent le secteur soit en jouant le rôle de conseiller-consommation (Yuka, GoodOnYou, etc) soit en améliorant la qualité des produits ou leurs modèles d’affaires (C’est qui le patron ?!, La Louve, Vinted, etc). Citoyens et consommateurs attendent des actes concrets de la part des entreprises. En France, 81% attendent d’une marque qu’elle contribue à un projet pour une société meilleure et 43% se déclarent disposés à payer plus cher pour un produit similaire d’une entreprise qui s’engage (Baromètre Brand’gagement, Tilt Ideas & Epsy, 2018). Ainsi les enseignes se mettent en scène avec des promesses/missions assez proches : la transition alimentaire pour tous, l’alimentaire de confiance, les modes de vie bio, Producteur commerçant responsable, … Les engagements se multiplient sur la proximité, le local, la santé, le bien-être, l’occasion, la location.

De l’autre côté, la préférence des consommateurs pour les prix bas semble encore patente (le succès des chaînes de discount et de déstockage le démontre), le recours à la livraison de biens de consommation croît rapidement malgré l’impact environnemental connu, et dans les faits, il leur semble extrêmement difficile de changer les habitudes de consommation.

La transformation responsable représente un défi de taille pour les enseignes et les marques. Les voilà face à deux objectifs difficiles à tenir : réussir son changement de modèle dans un contexte en transition tout en conservant ou en gagnant la préférence client.

La situation est délicate. Ces entreprises du secteur rassemblent dans leurs rangs parmi les acteurs les plus polluants du monde (textile en particulier). La marche à gravir est donc extrêmement haute. Le spectre d’externalités sociales, sociétales, environnementales, économiques à considérer est incommensurable, tandis que la réglementation s’explicite. Traiter cette inflation d’enjeux devient un devoir/un prérequis.

Historiquement, c’est un secteur fondé sur le consumérisme (discount, fast fashion, soldes et black Friday, etc). Stratégie, business models, modèles opérationnels, raison d’être sont donc à remettre en question


Comment y aller ?


D'abord, choisir ses combats et en rendre compte. La responsabilité est avant tout affaire de bon sens. Il existe une multitude d’engagements responsables possibles, or l’entreprise ne peut pas être sur tous les fronts à la fois. Au contraire, elle doit faire des choix clairs, 2 ou 3 « combats » responsables décidés en fonction de l’histoire et de la personnalité singulière de l’entreprise. Puis accorder le dire au faire en rendant compte de ses engagements de manière tangible (faits et chiffres à l’appui) et transparente (à ce sujet, même si tout n’est pas parfait, il vaut mieux jouer la carte de l’authenticité).

4 sujets clés sont à travailler en priorité pour assurer la pérennité des activités dans le monde de demain et construire un modèle d’enseigne responsable : l’offre responsable (l’enseigne est prescriptrice de produits de consommation engagée et doit définir ce que sont les produits bons pour la santé et la société, et pourquoi pas la biodiversité), l’approvisionnement (la mise en place de filières durables), l’économie circulaire (un terrain de jeu pour innover et réinventer la raison d’être de l’enseigne), et l’employabilité (la préparation des collaborateurs aux ruptures technologiques à venir).


Deuxièmement, aller au-delà de l’objectif. Il ne s’agit pas seulement d’une liste d’objectifs chiffrés répondant à des normes réglementaires et sociales évolutives (aujourd’hui les pesticides, demain le bien-être animal, après-demain les conditions de travail en entrepôt…). Une transformation responsable réussie sera celle qui conduira à un nouveau mode de pensée de ses équipes (quelle société voulons-nous et pourquoi, et par conséquent quel modèle d’entreprise construire pour y contribuer) et un nouveau mode d’action (quels business models circulaires mettre en place, quelle chaîne d’approvisionnement, quelles formes de gouvernance et du partage de pouvoir, quels modes de management en interne, quel rôle jouer au sein de la filière, quelles relations promouvoir avec les parties prenantes, etc).


Troisièmement, créer les conditions. C’est le point le plus sensible, le plus difficile. Il ne s’agit pas seulement de se fixer des objectifs responsables, il faut se donner les moyens de les atteindre, et de les atteindre de manière responsable (pour le dire autrement, une transformation responsable à marche forcée n’est pas responsable). Si ces moyens doivent être conçus et décidés au cas par cas, il en est un qui s’applique à toutes les entreprises : la viabilité économique. Pas de responsabilité, en effet, sans viabilité économique préalable.

Tribune parue LSA en janvier 2020



Christophe Burtin

Partner






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